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23e Episode : Les fantômes
#1
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE

Les 5 Rônins : 23ème Episode
Tigre 402



Les fantômes





C'était les nuits les plus longues de l'année. Le soleil apparaissait brièvement, frêle et pâle, pour repasser bientôt derrière la crête des immenses montagnes de l'ouest. La capitale des Crabes vivait ainsi dans une pénombre accablante pour tous. Les murs, déjà gris et humides, prenaient une teinte blafarde. Les pas étouffés dans la neige, les gens qui se pressent, qui grelottent, les claquements de dents : un étranger qui serait arrivé dans Kyuden Hida aurait pu se croire au pays des revenants.

Des serviteurs venaient régulièrement avec du bois dans le bureau de l'ambassadeur Mitsurugi. Ce dernier avait réuni autour de lui ses trois meilleurs hommes : son allié Hida Yasashiro, son compagnon de route Yojiro et la dangereuse Yatsume.
- L'incendie du théâtre n'arrange pas nos affaires, disait-il. D'abord, cela repousse de quelques jours la pièce, donc l'attaque supposée contre le Fils du Ciel. Nous devons mettre ce temps à profit. Ensuite, parce que la pièce sera présentée à l'intérieur du palais Hida, ce qui complique nos affaires. Inutile d'ajouter que ni Togashi Ojoshi ni Ikoma Noyuki ne sont au courant de ce qui se trame et il ne faut pas qu'ils l'apprennent. Vous allez vous répartir pour surveiller la ville. Nous devons voir arriver ces conspirateurs d'où qu'ils arrivent.
Mitsurugi déplia un plan devant lui :
- Yojiro, tu contacteras le clan du Loup. Certains logent dans les bas-quartiers, comme tu me l'as appris. Tu leur promettras une belle récompense, de quoi passer la fin de l'hiver à boire et à manger à s'en faire éclater la panse. En échange, ils nous serviront de milice...
"Yasashiro fera le tour des murailles, au prétexte d'observer le travail des ingénieurs qui les fortifient en ce moment.
"Et toi, Yatsume, tu surveilleras spécialement les entrées autour des logements de la cour. Tu te tiendras prête à entrer et sortir. Quelqu'un comme toi doit être capable de circuler à son aise. Au moins aussi à l'aise que nos ennemis...

Les trois samuraï s'inclinèrent et partirent chacun de leur côté. Le conseiller Sasuke, qui avait tout entendu depuis la pièce d'à côté, séparée seulement par un panneau de bois, demanda à Mitsurugi si cela serait suffisant.
- J'aurai la tête de ces conspirateurs, dit l'ambassadeur. Nous avons eu la Grue Noire. Ce n'est qu'un début. Les dieux sont avec nous. Les dieux... les lames de mes meilleurs hommes et tes pouvoirs les plus destructeurs.
- Nous n'aurons pas trop de tout cet arsenal pour venir à bout de ces conspirateurs.
- Pour les combattre, nous sommes en train de devenir nous-mêmes des conspirateurs, soupira Mitsurugi. Cela doit vouloir dire que nous sommes sur la bonne voie...
- Ils ont perdu l'Oeil de l'Oni avec lequel ils pouvaient nous surveiller en permanence. Ils sont aveugles. Ils ne sont plus que des hommes. Des hommes sans Dieu, reniés par leurs Ancêtres, abandonnés par les esprits...
- En somme, des bêtes féroces, acculées et prêtes à tout pour se défendre.
- Nous allons trouver ce Nuage, dit Sasuke. C'est lui qui dirige ces conspirateurs.
- Et son bras droit Cristal.
- Une fois que nous les aurons, les autres ne seront pas de taille. Lotus n'est qu'un collecteurs de kokus. Rêve est mort. Chrysanthème et Acier ne sont peut être pas en ville.
- Il y a aussi Saphir, le chef des assassins.
- Il ne peut pas être plus dangereux que la Grue Noire.
- Avec ceux que nous avons énumérés, dit Mitsurugi, cela fait sept.
- Ils ne peuvent pas être plus dangereux que ceux que nous connaissons. Pas plus dangereux que Cristal qui combat les ombres, que Nuage qui a fait détruire le clan du Serpent ou que Rêve qui gardait l'Oeil de l'Oni.
- Seulement, ces conspirateurs peuvent être n'importe qui. Certains sont sûrement des seigneurs bien au-dessus de nous, peut-être même des proches de l'Empereur...
- Qui soupçonnes-tu ? demanda Sasuke.
- Je ne soupçonne pas. D'après le Bouffon, Cristal est Shosuro Jotaro, le grand acteur qui aura le premier rôle dans la pièce de théâtre. Et le soir de la représentation, l'Empereur sera au premier rang.
- Je t'assure que Jotaro sera mort avant d'avoir pu ne serait-ce que frôler le Fils du Ciel.

Sasuke avaient hésité à revenir dans la Cité. Il avait passé deux jours à méditer avec Nobuyoshi au temple. Il lui avait raconté la malédiction cachée dans les montagnes de l'ouest. Les deux tensaï étaient partis là-bas, dans l'espoir de retrouver et détruire l'Oeil de l'Oni. Ils étaient montés vers la grotte qui s'était effondrée, et s'étaient assurés qu'Akuma ne s'y trouvait plus. Ils avaient aussi cherché le conspirateur Chrysanthème, dont on avait appris, grâce à Geki, qu'il devait chercher l'Oeil.
Ils n'avaient pourtant rien trouvé. Ils étaient alors revenus au temple et Nobuyoshi avait terminé le rituel de purification de l'esprit de Sasuke. Confiant dans son ami, le tensaï du feu avait accepté de revenir en ville. Il avait brièvement raconté son expédition à Mitsurugi, sans lui dire pourquoi il n'avait pas voulu rentrer tout de suite.
- Je trouverai Chrysanthème, dit Sasuke, et les autres.

Les deux hommes s'interrompirent quand ils entendirent la cloche d'alarme qui retentissait à toute volée. Mitsurugi attrapa son katana et ils sortirent en courant, montèrent sur la terrasse du palais, où de nombreux courtisans étaient déjà assemblés, curieux et inquiets. Un officier Hida leur demandait en vain de rentrer. Mitsurugi prit des renseignements auprès de l'ambassadeur Yasuki, qu'il fréquentait depuis le début de l'hiver.
- Grande armée arrivant par le nord, murmura celui-ci, qui écoutait attentivement le battement de la cloche. Des démons...
Sasuke et Mitsurugi eurent à peine besoin de se regarder. Ils dévalèrent les escaliers et prirent des montures. Ils partirent au galop au travers des rues gelées.
- Akuma a de la suite dans les idées, dit Sasuke. On dirait que la dernière fois ne lui a pas suffit...
- Les démons ont la vie dure, c'est bien connu.

Yasashiro, qui inspectait les murailles nord comme demandé, monta aux créneaux et vit une fumée violacée, surnaturelle, sortir peu à peu des bois : des silhouettes avançant comme des pantins, portant de lourdes armures et marmonnant des borborygmes monotones. Le Crabe eut tôt fait de reconnaître l'armée des barbares des Limbes, avec à leur tête, un guerrier une fois et demi plus grand qu'un homme ordinaire, aux cheveux flamboyants, aux yeux rouge vif, aux poings incandescents : Akuma.

Les troupes des différents clans affluaient dans le désordre à la porte nord, tous réclamant le privilège de se battre en première ligne. Les sous-officiers Crabes ne savaient pas comment s'y prendre pour refuser d'envoyer ces hommes au massacre. Ils avaient normalement le droit de commander à leurs invités de rester dans la Cité mais ils avaient face à eux des seigneurs bien plus élevés dans la hiérarchie céleste.
- Nous passerons ces démons au fil de nos lames, clamait un seigneur Kakita.
- Pas aussi bien que nous, grondait en retour un officier Matsu.
C'était presque l'empoigne entre les deux clans traditionnellement ennemis. Isawa Masaakira, le puissant shugenja de l'école du Vide, arrivait avec ses élèves tensaï, Nobuyoshi, Mizu et Ichibei. Lui-même ne parviendrait pas à calmer Lions et Grues. Il leur proposa d'attaquer en commun les démons. Cela ne calma pas tellement les deux clans ennemis, qui jurèrent chacun qu'ils n'avaient pas besoin de l'autre. Les Crabes, surpris de cette attaque venue du nord, s'organisaient tant bien que mal, gênés par tous ces samuraï zélés qui ne demandaient qu'à se défouler après de longues semaines d'inactivités.
- Il y en aura pour tout le monde ! Il y en aura pour tout le monde !
Les Matsu, bouillants de rage, n'écoutèrent plus et passèrent d'autorité la porte nord. Les Kakita, pour ne pas être en reste, passèrent à leur suite et se mirent en avant d'eux sur la plaine.
- Ah les fanatiques ! cria, désespéré, un capitaine Hida, au moment où Mitsurugi et Sasuke arrivaient.
Les Crabes se mettaient en ordre de bataille, dérangés dans leur positionnement par l'arrivée des Scorpions ("il ne manquait plus qu'eux !") qui entamaient visiblement une manoeuvre de contournement -comme si c'était chez eux une seconde nature de prendre l'ennemi à revers !
- Revenez ! Revenez !... Ah, les fous, s'imaginent-ils donc pouvoir frapper un démon dans le dos !
Le capitaine Hida ne savait plus où donner de la tête. Les Dragons, en maigres effectifs, attendaient sagement qu'on leur dise où se placer, et ils énervaient encore plus les Crabes par leur immobilité insistante. Comme si un officier de la Muraille savait comment diriger ces samuraï dont la plupart des paroles sont incompréhensibles !
Un sifflement partit des bois d'où émergeait l'armée démoniaque et ce fut comme une brève éclipse dans le ciel malade. Une ombre passa au-dessus de la Cité et soudain, un des donjons du château trembla et s'effondra dans un bruit terrifiant. Un boulet venait de s'écraser dessus !
Un autre météore partit et fracassa la tour des Inquisiteurs Kuni. Trois catapultes, poussées par des créateurs inférieures aux traits grotesques ! Ces homoncules difformes raccrochaient déjà une épaisse corde et moulinaient de toutes leurs forces, pendant que des guerriers nordiques roulaient une pierre et la mettaient en place. Un officier entouré d'une aura verdâtre trancha la corde et la catapulte se détendit violemment.

- Attention !
Le hurlement collectif eut à peine retentit qu'un troisième boulet s'écrasait sur des maisons marchandes, à quelques rues du palais Hida. L'Inquisiteur Tadao et ses disciples, qui étaient sortis de leur tour avant qu'elle ne soit touchée, se mettaient en rang pour la bataille. Isawa Masaakira et ses tensaï arrivaient pour leur prêter main forte.

Le désordre régnait sur le champ de bataille, et les combats n'avaient pas encore commencé ! Le vieil Hanteï Norio arrivait sur les remparts, soutenu par son assistant Hanteï Tokan, qui lui tenait un gros manteau de fourrure sur les épaules.
- Seigneur, il faut rentrer...
- Un membre de la famille impériale... ne peut pas rester... comme un vieillard...
Il toussait, crachait. Les autres membres de la famille Hanteï, ainsi que le maître du clan du Crabe, accouraient vers lui.
- Je viens... pour que les clans s'unissent... au nom du Fils du Ciel...
Le vieil homme essayait d'avoir l'air robuste mais il faisait penser à un vieil arbre que le gel et le vent vont briser.
- Senseï, je vous supplie de rentrer...
Le jour tombait déjà et se dégraderait avec une lenteur d'agonie en une nuit noire.

- Senseï...
Les Lions, qui voyaient que les Grues allaient avoir l'honneur du premier coup porté à l'ennemi, chargèrent avec les Matsu en tête et enfoncèrent un rang ennemi. Le choc fut massif. Ils brisèrent les rangs des les troupes démoniaques, piétinèrent les adversaires tombés et, avec une fureur décuplée par la victoire, arrivèrent à la première catapulte, qu'ils détruisirent promptement.
Les Crabes n'avaient pas d'autre choix que de se porter à leur secours, et les Kakita ne pouvaient qu'accomplir un exploit plus grand encore ! Seulement, en chargeant les démons, les Grues ne purent créer le même effet de surprise et virent les troupes de barbares se refermer autour d'eux. C'était la panique. Des Crabes durent venir à leur secours, divisant ainsi leurs forces.
Les Scorpions, qui avaient engagé leur attaque par derrière, tombèrent face à fort parti : les démons se moquaient bien d'être frappés dans le dos ! Leurs lourdes armures leur permirent de résister et nombre de Scorpions furent massacrés sur place. Les Kakita ne faisaient pas meilleure figure.
Les Dragons avançaient lentement, épaulés par leurs alliés naturels du Phénix, qui firent un cercle de protection devant la Cité.

C'était le grand désordre sur la plaine morne. Le vent qui hurlait, la neige épaisse, étouffaient les sons. Un observateur extérieur aurait crue à une chorégraphie très lente, presque muette, dans ce pays étouffé dans les ombres.
Le vieux Norio avait obtenu de réunir les maîtres des différents clans.
- Nous devons nous unir, lança-t-il du ton le plus solennel possible, malgré sa voix que la maladie brisait.
- Ne perdons pas trop de temps à discuter, dit le Champion d'Emeraude.
Le vieil homme fut pris d'une quinte de toux. Tokan ne soutint comme il put. Les autres attendaient poliment, très raides.
- Vos paroles sont sages, senseï, dit le Champion d'Emeraude. Mais je vous assure que nous devons partir au combat dès maintenant. L'union sacrée se fera au coeur du combat.
- C'est l'Empereur, c'est l'Empereur, toussa Norio, qui doit mener les troupes... Comme son père l'a fait avant lui, il y a trente de cela, depuis cette même ville...
- L'Empereur ? ricana alors Bayushi Atsuki, mais où est l'Empereur à cette heure-ci ? Dort-il encore ?...
- Allons, calmons-nous, dit le Scribe Shiba Gaijushiko de sa voix posée et ennuyeuse, c'est au Champion d'Emeraude de mener les troupes impériales.
- C'est un affront, éructa Norio, avant de s'étrangler à nouveau.
- Senseï, vous devez les écouter, dit Tokan.
- Alors que nous parlons, dit le Champion d'Emeraude, les troupes du shinsen-gumi sont partis à l'assaut, et vont unir les clans derrière elles.
- Non, pas eux, gémit Norio.
- Le fougueux capitaine Jukeï, dit le maître des Scorpions, attendait une occasion exceptionnelle comme celle-ci de se distinguer... Ses troupes bien entraînées et dévouées jusqu'à la mort feront merveille...

Tokan dut emmener Norio dans la pièce à côté, plus au chaud. Il fit accourir des médecins et des femmes soignantes. Le vieil homme consentit à s'allonger.
- Mes jambes ne me portent plus... Mon souffle, il est glacial... C'est la mort qui est sur moi...
- Senseï, je vous en supplie, ménagez-vous.
- Ce Jukeï ne mène pas des samuraï mais des mercenaires sans honneur...
- Tout bras est bon à prendre contre ces démons.
Norio prit de grandes inspirations.
- Tokan, regarde par la fenêtre... Dis-moi comment se déroule la bataille...
On lui mettait des couvertures, on gavait la cheminée de bois, on lui posait des linges brûlants sur le front, on lui préparait une infusion bien épaisse. Tokan sortit et regarda les troupes de Rokugan avancer en désordre contre la masse monolithique des démons.
- La bataille continue, senseï... Nos troupes avancent...
Elles avançaient, oui, mais lentement, à gauche et à droite, en une danse pataude, une vulgaire bousculade de rue marchande.
Longtemps, Tokan se souviendrait de ce jour -le jour où il vit, de ses yeux, l'effet de la décadence qui gangrénait l'Empire depuis plusieurs années. Oui, c'était à compter de ce jour que Tokan vit réellement que ce n'était plus l'homme sur le trône d'Emeraude qui dirigeait l'Empire, que la sédition, l'anarchie, tenaient lieu de règle de conduite, que les charpentes de l'ordre céleste étaient vermoulues. C'était un spectacle effrayant, car les troupes unies, comme elles l'avaient été sous feu Hanteï V, auraient déjà écrasé depuis longtemps l'armée d'Akuma. Mais aujourd'hui, ces démons trouvaient face à eux des guerriers malhabiles, désordonnés, braillards, vaniteux... Rien ne fonctionnait. Trop d'hommes tombaient pour chaque démon abattu. La victoire était malgré tout acquise mais son prix serait presque pire que celui d'une défaite.

- Que vois-tu, Tokan ?
- Je vois que la victoire est pour bientôt, senseï... Pour très bientôt...
Tokan regarda encore, blêmit en découvrant que les armées de Rokugan ressemblaient de plus en plus à des spectres hurlants. Il rentra, dit au senseï qu'il pouvait se reposer. Les troupes d'Akuma étaient enfoncées. Il n'y en aurait plus pour longtemps, mais avec cette bataille, Tokan le voyait, affligé, l'Empire s'enfonçait dans d'épaisses ténèbres...
- Les guerriers les plus braves accomplissent des prouesses, senseï. Je ne sais pas s'ils à la hauteur des hommes qui accompagnèrent le vieil Empereur mais je sais que nous pouvons être fier d'eux...
- Des âmes nobles oui, murmura Norio, mais noyés parmi des décadents, des courtisans gras, des soldats paresseux...
- Senseï, il n'y en a plus pour longtemps...
- Non, plus pour longtemps... Je crois, dit Norio pour lui-même, que la vue du pays des morts sera plus douce que celle d'un Empire qui n'est plus que le souvenir de lui-même...

Mitsurugi et Sasuke s'étaient lancés au milieu de la cohue. Ils avaient atteint une catapulte, qu'ils détruisirent rageusement avec les troupes Matsu de l'ambassade et les Inquisiteurs menés par Tadao. Yatsume envoyait de grands coups vengeurs de yaris sur les troupes des Limbes, avec Yasashiro et Yojiro, plus batailleurs que jamais. La neige glacée craquelait sous le piétinement des centaines d'hommes englués. Les nuages d'hivers passaient en se déchirant et les arbres de la forêt morte ployaient sous le vent. Le vent propageait les cris d'agonies et les râles, les lourds nuages s'accumulaient, menaçants, comme pour écraser les combattants.

Mitsurugi vit que le général Kokatsu était parvenu à unir les troupes Matsu sous son commandement. Il reçut l'ordre d'attaquer un pont par lequel arrivaient des renforts pour les troupes d'Akuma. L'ambassadeur ordonna aux hommes autour de lui de le suivre : Tadao et ses hommes, des Phénix, beaucoup d'Akodo et de Matsu, des rônins. Cette troupe, galvanisée par le prestige de l'ambassadeur courut vers le pont et engagea un âpre combat contre les renforts d'Akuma. Les démons, tranchés les uns après les autres, chutèrent dans l'eau glacée. Mitsurugi hurlait des encouragements, et une nouvelle percée fut fatale aux renforts. Sasuke dit qu'on pouvait poursuivre en revenant par le flanc, vers la dernière catapulte. Mitsurugi vit alors que le général Kokatsu lui ordonnait, par éventail, le retrait.
- Retrait ? demanda Sasuke.
- Je ne sais pas pourquoi, mais il confirme l'ordre !
Mitsurugi mit ses troupes en défense et les samuraï, la mort dans l'âme, durent accepter de perdre leur précieux avantage, au moment où ils pouvaient redonner de l'espoir à toute l'armée. Ils revinrent au pied des remparts à reculons, sans fléchir face à la contre-percée des barbares. Mitsurugi étouffait sa colère avant de se présenter devant le général. Comment Kokatsu avait-il pu ordonner ?...
C'est Sasuke qui comprit alors ce qui venait de se passer : le daimyo du clan des Lions, maître de la famille Akodo, gisait dans la boue, l'oeil transpercé par une flèche ! Son corps était entouré des plus féroces quêteurs de mort Matsu, qui protégeaient sa dépouille.
- Retrait, retrait ! ordonnait de toutes parts les Lions.
Le bruit de la mort du daimyo fit le tour du champ de bataille. Bientôt, cette nouvelle désespérante accabla l'armée, et tout le monde se mit retrait désordonné, alors que les troupes d'Akuma se reformaient.
- Il est mort ! s'exclamèrent les samuraï qui passaient près de la dépouille.
Des Matsu se jetaient à terre, suppliant qu'on leur accorde le droit de s'ouvrir le ventre. Même les Kakita ne se réjouissaient pas. On fuyait devant ce corps étendu là, on n'osait pas le regarder.
- Que se passe-t-il, Tokan ?
- Nos troupes reviennent en ville. Akuma recule.
- Ce n'est donc pas fini...
- Pas encore, senseï... Mais il est sûrement plus prudent d'attendre...
Norio sentait que Tokan lui mentait mais il n'avait pas la force d'en demander plus. L'infusion qu'on lui avait servi faisait son effet, il glissa dans un pénible sommeil.

Avec l'énergie du désespoir, les samuraï rentraient dans la Cité. La dernière catapulte lança un dernier boulet, qui s'écrasa sur le quartier des etas. Pris de panique, les Lions furent les premiers rentrés, suivis de près par les autres clans. Les membres du shinsen-gumi fermèrent la marche.
Depuis le balcon du palais, Hanteï Tokan vit entrer la dépouille du maître des Akodo, portée par dix hommes, entourée d'une centaine, tous accablés par le vent gémissant.
- Que les dieux nous protègent, murmura Tokan.
Il se retourna et vit la silhouette obèse et difforme de Yoriku, le Bouffon impérial.
- Tu étais là, toi ? dit Tokan.
Le grotesque personnage était connu pour circuler partout où bon lui semblait. Aujourd'hui, il grimaçait et ce n'était pas un jeu : il était sincère dans son affliction.
Les troupes rokugani rentraient derrière le daimyo tué, en un long cortège funèbre chamarré.
Les portes nord se refermèrent lourdement, tandis que les démons refluaient dans la forêt et qu'Akuma lançait mille malédictions sur ses anciens frères humains. Ses cris se perdirent dans l'obscurité qui montait déjà du ciel et couvrit bientôt la fragile petite capitale, perdue au milieu des contrées enneigées, figées.
- Ce soir, dit le Bouffon, même les cieux s'affligent...
Une giboulée tomba, des grêlons mêlés de neige. Etait-ce déjà la dernière neige ? La première pluie de printemps ? Cette neige et cette pluie mauvaise rendrait le sol boueux, mou, froid et traître.
- Les démons sortent au solstice, c'est bien connu, dit Tokan.
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23e Episode : Les fantômes - by Darth Nico - 28-07-2011, 02:51 PM
RE: 23e Episode : Théâtre d'ombres - by sdm - 31-07-2011, 03:46 PM
RE: 23e Episode : Les fantômes - by sdm - 06-08-2011, 03:23 PM
RE: 23e Episode : Les fantômes - by Darth Nico - 06-08-2011, 04:19 PM
RE: 23e Episode : Les fantômes - by sdm - 06-08-2011, 05:10 PM
RE: 23e Episode : Les fantômes - by Darth Nico - 06-08-2011, 05:26 PM

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