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23e Episode : Les fantômes
#8
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE


L'Empereur prenait un verre en compagnie du Bouffon, tout en admirant les quelques étoiles que les gros nuages ne cachaient pas. La porte s'ouvrit :
- Matsu Sasuke ? dit Yoriku, très sérieux.
Surpris, l'Empereur dit aux quatre gardes Seppun de ne pas bouger. Sasuke descendit les trois marches de la terrasse. Nobuyoshi entra avec fracas. Les Seppun du jardin coururent sur lui ; il bondit dans les Airs et atterrit juste devant Sasuke. Il le repoussa d'une bourrasque. Sasuke tomba, se releva, mécontent et reprit sa marche :
- N'approchez pas, je vous en conjure !
Comme les Seppun couraient vers eux, un mur de flammes s'éleva tout autour du jardin. Sasuke écarta Nobuyoshi, invoqua son katana de feux. Le Bouffon se jeta en hurlant au travers du rideau flamboyant. Les oreilles sifflaient à Sasuke en permanence. Il entendait la voix de Nuage lui dire quoi faire à tout instant.
- Avance... N'aie crainte. Brandit ton sabre et frappe l'Empereur, n'aie crainte... Tout sera bientôt terminé.
L'Empereur ne pouvait reculer. Les flammes lui léchaient déjà le dos :
- Que faites-vous ?
Sasuke prit son sabre bien en main et frappa : il transperça de sa lame de feu le coeur de l'Empereur. Il le regarda, sans émotion, tomber à genoux devant lui.
Le mur de flammes se dissipa, le sabre de Sasuke aussi. Le tensaï avait frappé et c'était comme s'il avait pu se voir en train de le faire.
Il recula, hébété, pris de vertige. L'homme devant lui agonisait.

Mitsurugi entrait avec Yasashiro. Les deux Seppun du couloir et les quatre du jardin se précipitèrent sur Sasuke et le plaquèrent à terre. Quatre autres surgirent et s'interposèrent devant Mitsurugi et Yasashiro.
L'Empereur se relevait, indemne et Nobuyoshi agonisait en tenant son coeur brûlé.
Sasuke, maintenu à terre, se réveillait du sort tout-puissant de Rêve. Il vit Nobuyoshi devant lui, Nobuyoshi qui avait jeté un sort d'illusion sur lui pour prendre l'apparence de l'Empereur et recevoir le coup à sa place !
- Non, non !
Dans un suprême et dernier effort, le tensaï de l'Air articula, prenant son rictus le plus sinistre :
- Tu as... réussi à m'arrêter, Sasuke... Mais un jour, un autre... viendra... et lui pourra...
Il cracha du sang.
- Lui réussira à tuer l'Empereur...
Il cracha encore abondamment, s'étrangla et tomba inerte sur le sol.
Les Seppun, à ces mots, avaient pointé leurs lames sur Nobuyoshi. Ils libérèrent Sasuke, ahuri, terrifié, qui se précipita sur Nobuyoshi. Il voulut le soutenir, le relever : il était mort.
- Mon ami...
- Laisse-le ! cracha un Seppun. Ce traître !

Sasuke recula. Il vit Mitsurugi et Yasashiro qui avaient assisté, impuissants, à la tragédie qui venait de se conclure.
- C'était un assassin, un assassin... murmura l'Empereur.
- Félicitation pour votre courage ! dit un Seppun à Sasuke.
- C'était votre ami, n'est-ce-pas ? dit un autre.
- C'était un assassin, dit un troisième.
Le Bouffon revenait, secoué. Il avait perdu toute envie de grimacer :
- Oh oh oh, misère...

Muet d'horreur devant ce qui venait d'arriver, Sasuke recula.
Nobuyoshi venait de faire le sacrifice ultime, un sacrifice héroïque, presque inhumain. Il avait donné sans hésiter sa vie pour sauver l'Empereur, et son honneur pour sauver Sasuke.

Sasuke ne dit plus rien, recula, terrassé. Il dut s'appuyer contre le mur et se retint de vomir. Quand il releva la tête, une lueur infernale brillait dans ses yeux, semblable à celle d'Akuma :
- Je vais chercher Nuage.
Mitsurugi et les Seppun entendirent des cris et se précipitèrent vers une chambre éclairée : ils trouvèrent là Norio assassiné, et Suzume, recroquevillé, secoué de spasmes, tenue en respect par les lames de quatre gardes.
- Mitsurugi ! Ils l'ont tué ! Je jure que ce n'est pas moi !
Les Seppun saisirent le jeune homme et le ligotèrent.
- Ne lui faites pas de mal ! gronda Mitsurugi. Le véritable assassin n'est pas loin !
Lui, Sasuke et Yasashiro ouvrirent sans ménagement toutes les portes des chambres proches. Ils réveillèrent plusieurs seigneurs, en trouvèrent deux au lit avec des geishas, un autre en train de se faire fouetter... Ils ouvraient, entraient. Une fille vint à eux, avec une voix étouffée :
- Je sais moi...
Ils l'éclairèrent : elle était hideuse, défigurée. Ils reconnurent la fille sans visage qui avait été la compagne de Sazen.
- J'ai vu partir l'assassin... J'étais là car...
- Peu importe ! dit Sasuke. Où est-il passé !
- Par là !
Sasuke partit en courant. Mitsurugi appela des gardes Seppun, dit qu'il tenait une poste.
Sasuke traversa deux couloirs, une porte, une autre porte, puis la cour, la neige, le vent glacée. Il trébucha, fit quelques pas pour se rattraper et se retourna : il avait buté contre la jambe d'un des rônins du clan du Loup, mort, frappé d'une boule de feu dans la poitrine.
Des pas dans la neige, Sasuke les suivit, passa la porte du palais, continua dans la rue. Deux hommes surgirent devant lui, armés. Quelqu'un tomba du toit derrière eux et les empala sur son yari. C'était des tueurs du Saphir, et c'était Yatsume.
- Merci, dit Sasuke.
Il reprit sa course, suivait les pas. Les esprits du feu se réunissaient autour de lui. Les pas entraient dans une cabane du quartier des etas. Mitsurugi arrivait :
- Allons-y ensemble !
Sasuke invoqua son sabre de feu et défonça la porte. Un homme en robe intégrale se leva. Il porta un masque au motif stylisé : Nuage.
Sasuke, mû par la haine, lança un coup de sabre rageur. Nuage l'arrêta entre ses deux doigts et l'éteignit, puis il renvoya les deux samuraï dans la rue par une vague d'énergie crépitante.
Mitsurugi, suffoqué, crépitant de serpents bleutés, était paralysé. Sasuke se releva. Il titubait mais put invoquer encore son sabre :
- Je vais te détruire ! Te détruire ! Pour Nobuyoshi !
Il courut, et envoya plusieurs coups de sabre, animé d'une colère véritablement démoniaque. Nuage recula, évita plusieurs coups ; mais Sasuke le frappa à la jambe, Nuage partit en arrière et tomba dans la neige, son masque tranché en deux. Il rejeta Sasuke en arrière d'une autre vague d'énergie et le frappa deux fois de l'index dans la gorge. Sasuke fut aussitôt paralysé de tous ses muscles. Nuage l'attrapa par les cheveux et le souleva :
- Tu t'es laissé berner par un misérable sort d'illusion !
Sasuke ne pouvait plus articuler. Il était en train d'étouffer. Il eut un hoquet quand il reconnu l'homme qui venait de perdre son masque. Il voulut formuler une injure. Il ne put parler mais il réussit à lui cracher au visage. Le visage de son ancien maître, Isawa Masaakira, crispé par la colère et la haine.

- Tu te crois très malin ! Très fort, Sasuke !
Mitsurugi, qui voyait mille étoiles, se remettait sur pied. Il ramassa son sabre, le serra fort. Il chancela, pas après pas, pour venir en aide à Sasuke.
- Tu te crois invincible, Matsu Sasuke, mais tu ne peux rien contre moi ! Je suis le Vide, tu entends ! Tes flammes ne peuvent rien sur moi... Et au printemps, je serai nommé maître du Vide, maître du conseil élémentaire ! Inutile d'essayer de m'attaquer publiquement, tu n'es pas de taille ! Tu n'es rien face à moi !
Sasuke invoqua les flammes, qui jaillirent de la cabane et attaquèrent Masaakira. Il lâcha Sasuke, ramassa son masque et s'enfuit.

Arrivent alors une dizaine de gardes Seppun et autant du shinsen-gumi, menés par le capitaine Otomo Jukeï :
- Arrêtez-les !
Mitsurugi reçoit un coup de crosse, retombe dans la neige, est ligoté, tout comme Sasuke. Yasashiro a aussi été pris.
- Il va falloir vous expliquer, monsieur l'ambassadeur, dit Jukeï, qui exulte.

Hanteï Tokan était tombé à genoux devant le lit où gisait son maître. On venait de le couvrir d'un drap blanc. Il priait et pleurait en silence. On le laissa seul un long moment dans la pièce. Il releva la tête, se remit debout et dit à un serviteur :
- Où est Doji Suzume ?
- Il a été par les soldats du shinsen-gumi.
Tokan alla se passer de l'eau sur le visage et changea de vêtements. Il se regarda dans le miroir, se sentit vieillir de dix ans. Il s'aspergea encore d'eau, réprima de nouveaux sanglots.
Un soldat Seppun entra et s'agenouilla :
- Seigneur, ils vont les juger tout de suite. Ils veulent que vous veniez.
- Les juger tout de suite ? Mais pour qui se prennent-ils ?
Tokan passa ses habits de cérémonie les plus officiels et se rendit dans la grande salle de réception, d'où l'on avait fait sortir les invités, et qu'on avait transformé en salle de tribunal.
Les accusés étaient à genoux, les mains ligotées dans le dos : Doji Suzume, Matsu Mitsurugi, Matsu Sasuke, Hida Yasashiro. Autour d'eux, les féroces samuraï du shinsen-gumi et devant, le triumvirat du Gozoku avec les principaux conseillers, dont le redoutable Bayushi Tangen, qui menait l'interrogatoire :
- Que faisiez-vous dans l'aile interdite du palais ?
- J'ai fait ce que tout samuraï aurait dû faire, hurlait Mitsurugi, secourir l'Empereur !
Hanteï Tokan entra et resta dans le fond de la salle.
- Comment avez-vous pu accourir au secours de l'Empereur alors que l'assassin n'avait pas encore frappé ? Seriez-vous devin ?
- J'ai été prévenu qu'une attaque se préparait !
- C'est moi qui ai envoyé le messager ! hurlait Sasuke.
- Quand vous sortiez de la chambre du vieux Norio avec Doji Suzume ?
- Je ne l'ai pas tué ! cria le jeune homme.
- Ils n'ont pu agir seul, lança Tangen à l'assistance. J'y vois à coup sûr une cabale, très bien montée. Je suis certain qu'ils ne sont que le bras armé de conspirateurs bien plus puissants !
"Dites qui sont vos complices !
- Nous n'avons tué personne !
Mitsurugi se débattait : quelques coups de crosse le firent tenir tranquille.
- Vous avez pénétré par effraction dans le jardin de l'Empereur, expliqua Tangen, juste après avoir frappé à mort le vieux Norio. Qui de vous a frappé ?
Suzume sanglotait :
- Nous vivons une époque si corrompue que des innocents passent pour coupables !
- Alors désigne les vrais coupables, Suzume-san. Désigne ceux qui ont armé ton bras !
- Ce n'est qu'une mascarade, cria le jeune homme, c'est un piège ! Vous tous qui êtes là participez à une mascarade !
- C'est toi qui es démasqué, répliqua Tangen.

Un lourd piétinement se fit entendre. On aurait cru que le palais allait s'effondrer. Les gardes Crabes se mirent à la porte. Celle-ci s'ouvrit avec fracas et les Crabes furent repoussés par un fort contingent de Matsu, qui les écartèrent et laissèrent le passage à une seconde cohorte, bien plus nombreuse, qui fit refluer les spectateurs vers les côtés de la salle. Les soldats du shinsen-gumi se mirent face à eux :
- Que faites-vous là, samuraï ?
C'était le général en chef des troupes du Gozoku, le supérieur du capitaine Otomo Jukeï qui parlait. Les Matsu faisaient face, compacts. Ils firent un pas de côté pour laisser entrer le général Matsu Kokatsu. Il était suivi d'Ikoma Noyuki, par qui il avait été prévenu.
- Général Kokatsu, dit Bayushi Tangen, vous interrompez une séance de tribunal.
- Je ne vois aucun tribunal, aucun juge ni aucun accusé, répliqua Kokatsu, qui fulminait. Je ne vois qu'une ridicule pièce de théâtre, même pas digne du Bouffon ! Je viens chercher mes hommes. Qu'ils soient libérés sur le champ, ou vous en souffrirez les conséquences.
- Retire tes paroles, général, cracha le capitaine Jukeï. Tu insultes des membres du Gozoku.
- Un Lion n'a pas à vous craindre, toi et tes mercenaires !
Otomo Jukeï allait tirer son sabre, quand d'autres Seppun firent leur entrée par une seconde porte :
- L'Empereur !
Le Fils du Ciel entrait dans une véritable cage aux fauves.
- Que tout le monde se calme, dit-il d'un ton ferme et posé, mais sans élever la voix.
Il balaya la salle du regard, vit les accusés, les accusateurs, le shinsen-gumi face aux Matsu.
- Vous vous comportez tous comme des bêtes enragées. Dois-je vous rappeler que notre cousin est mort ? Ne pouvez-vous donc respecter cela ?
Le silence se fit complètement dans la salle. L'Empereur attendit que chacun marque son respect pour le vieux Norio.
ll n'était plus jeune mais n'était pas encore un homme accompli. Il avait face à lui les plus redoutables courtisans de l'Empire et parvint malgré tout à leur imposer le respect.
- Quand à l'attaque dont j'ai été victime, il me paraît téméraire d'en juger en mon absence. Le tribunal qui vient de se constituer a-t-il pris en compte ce fait ?
Il fixa Bayushi Tangen et les membres du Gozoku, sans animosité mais avec fermeté.
- De plus, je dois vous apprendre qu'un rideau de flammes s'est levé autour de moi et des deux gardes du corps. Nul autre que moi n'a pu voir ce qui s'est passé.
"Et ce qui s'est passé, le voici : le démon qui assiégeait la ville a tenté de s'en prendre à moi. Je l'ai appris de façon sûre de l'honorable Isawa Masaakira, dont la parole sur ce point ne peut être mise en doute.
"Mes deux gardes du corps ont tenté de me protéger. L'un d'eux a trouvé la mort.

Kuni Tadao cilla en écoutant l'Empereur. Il sut que ce ne pouvait être vrai. Ce n'était pas Akuma. Isawa Masaakira l'avait banni. Mais cela, Tadao avait juré de ne pas en témoigner. Et il pouvait encore moins contredire l'Empereur. Il pensa donc que le Fils du Ciel avait arrangé la vérité pour le plus grand bien de l'Empire. A vrai dire, il ne tarda pas à se perdre en conjectures sur ce que l'Empereur avait dit.

Matsu Sasuke frémit quand il entendit que l'Empereur avait pris son conseil de Masaakira. Il sut que son ancien maître, en accusant commodément Akuma, ne voulait pas le faire accuser. Implicitement, il attendait que Sasuke ne le dénonce pas non plus. C'était une façon de remettre à plus tard leur affrontement, de garder cela entre eux. L'Empereur lui-même avait sans doute préféré croire que c'était Akuma le responsable. Mais avait-il cru Masaakira cette fois-ci seulement, ou bien prenait-il souvent conseil auprès de lui ? Quel était le degré d'influence du terrible Nuage sur le Fils du Ciel ?

Il fallut couper les liens des prisonniers. Ils se relevèrent, fièrement.
- Il ne convient pas de juger si vite des crimes si graves, dit l'Empereur. Pour l'heure, que tout le monde aille dormir. Des patrouilles vont circuler dans tout le palais. Le démon peut encore rôder.
Suzume s'essuya les yeux. Mitsurugi lui tapa sur l'épaule et lui dit de venir. Doji Onegano, épuisé, attendait de pouvoir serrer son fils dans ses bras.
- L'Empereur est bien bon, renifla Suzume.
- Chut, viens, dit Mitsurugi calmement.
- Non, laissez-moi !
Suzume se dégagea et se mit, seul, face au Gozoku :
- L'Empereur est bien bon, oui ! Bien bon de tolérer l'hypocrisie, la méchanceté et le vice qui règne ici ! Il doit être bien affligé par la bassesse de ses courtisans qui lui font de jolis sourires et complotent sans cesse dans son dos ! Accusant les meilleurs d'entre nous, Matsu Mitsurugi et Sasuke, qui ont tant fait pour nous protéger !
- Suzume, tais-toi ! cria Onegano. Et il alla se jeta aux pieds de l'Empereur : "Pardonne à mon fils !
- Non, père, il n'y a rien à me pardonner car je ne suis pas coupable, sinon de dire tout haut ce que tout le monde sait ! On a assassiné le grand Hanteï Norio, celui qui a voulu unir l'Empire, qui a voulu combattre la décadence de...
Le pauvre garçon, à bout de nerfs, ne trouvait plus ses mots.
- Tais-toi, insolent, cria Doji Raigu, le champion d’Émeraude et maître du clan de la Grue. Plus un mot !
- Oh pardon, père, pardon...
Suzume s'effondra comme un petit enfant dans les bras d'Onegano.
- Tu as la langue trop bien pendue, s'écria le Champion d’Émeraude. Tu oses accuser les plus hauts membres de l'Ordre Céleste de corruption, de vice ! Il faut que tu sois devenu fou, et que ce soit toi qui voies d'ignominie à la place de l'honneur !
"Pour cela, il n'existe pas de châtiments ! La mort serait trop douce pour réparer les accusations folles que tu viens de proférer !
"Aussi, moi, Doji, maître du clan de la Grue, je décide que toi, mon vassal, Doji Suzume, tu seras chassé du clan de la Grue. Chassé de l'Ordre Céleste, chassé de toutes les maisons honorables, chassé de toute terre où vit quelque samuraï respectant les Ancêtres et les Dieux. Oublié, renié de tous, interdit de lever les yeux vers quiconque porte un sabre, chassé de partout, c'est le sort que je te souhaite à présent !
Le Champion d’Émeraude se fit remettre un sabre et ordonna à Suzume d'approcher. Celui-ci, pâle comme un mort, dut quitter les bras de son père, qui tomba à son tour à genoux.
- Pitié pour mon pauvre fils, seigneur, supplia Onegano.
- Tais-toi, dit froidement Doji Raigu. Cet homme n'est plus ton fils.
L'assistant, pétrifiée par la peur, ne remuait plus un cil.
Le Champion d’Émeraude tira son sabre et frappa Suzume. Plusieurs personnes poussèrent un bref cri et fermèrent les yeux.
Le maître des Grues venait de trancher les insignes de clan de Suzume, lui lacérant les bras et les épaules. Suzume tomba en gémissant. Doji Raigu rangea son arme.
- Pars à présent, dit-il doucement. Nul ne te regardera t'en aller, et dès ce soir, tu dormiras hors de la Cité.
Il fallut longtemps à Suzume pour se relever. Les Lions regardaient, impuissants, le jeune homme subir les derniers outrages. La haine brillait dans les yeux de Mitsurugi et Sasuke.
-Un instant.
C'est l'Empereur qui venait de parler. Suzume se retourna et resta plié en deux, se tenant ses épaules douloureuses.
- J'approuve la décision de mon champion. Tes paroles ont prouvé que tu ne peux plus appartenir au clan de la Grue.
"Tu as plusieurs fois été remarqué pour ton insolence. Je veux croire que tu es moins un fou qu'un idéaliste. Raison pour laquelle le vénérable Hanteï Norio devait t'apprécier, car il a vu en toi une pureté de coeur qui fait bien défaut à beaucoup de mes samuraï.
Aussi, puisque tu es si intransigeant, si détaché des biens de ce monde, que l'hypocrisie te fait horreur, moi, Hanteï sixième du nom, ordonne que désormais tu vives selon tes préceptes : dans l'honneur et la pauvreté. Puisque tous ici ou presque te méprisent, et t'ont surnommé le "moineau", pour la pauvreté de tes apparences qui vont de pair avec ton mépris pour celles-ci, tu fonderas un clan au nom de cet animal. Suzume, je te nomme daimyo du clan du Moineau.
"Tu partiras dans les terres ingrates du sud du clan de la Grue, que tu cultiveras pour vivre, avec tous ceux qui voudront te rejoindre pour partager son idéal de pauvreté. J'ai dit.
"Et maintenant, ce tribunal est clos, cette cour d'hiver est terminée, je le proclame. Nous avons été honorés d'être accueillis par le clan du Crabe, dont chacun reconnaît le dévouement héroïque et les sacrifices qu'ils accomplissent chaque jour.
A présent, que chacun ici présent renouvelle son allégeance au trône d’Émeraude.

L'Empereur fixa l'assemblée et regarda tout le monde sans exception mettre le genou à terre et baisser la tête.
- La protection des Dieux et des Ancêtres est sur nous, samuraï. Puissions-nous ne jamais l'oublier.




Samurai




Isawa Nobuyoshi fut brûlé au petit matin dans la grande cour du palais. Sasuke fut autorisé à jeter dans le bûcher ses derniers effets personnels. Il passa à côté d'Isawa Mizu et lui dit :
- Nobuyoshi-san était mon ami. Je jure de retrouver le coupable de sa mort.
Puis il passa à côté d'Isawa Masaakira, sans le saluer.

Mitsurugi fit ses adieux à Tadao :
- Ce fut un honneur de servir sous vos ordres, Inquisiteur.
- L'honneur fut encore plus grand pour moi de vous avoir connu. Votre nom restera gravé dans la mémoire du clan du Crabe. Rarement avons-nous connu un guerrier de votre trempe.
Mitsurugi et Sasuke n'avaient pas dormi de la nuit. Le shugenja avait expliqué à son ami ce qui lui était arrivé avec l'Oeil de l'Oni, Rêve, comment Nuage l'avait hypnotisé tout jeune pour faire de lui son assassin.
- Nuage est sûrement le grand maître de la conspiration. C'est lui qu'il faut abattre. Il sait que tôt ou tard, je reviendrai l'affronter.
- Nous aurons sa tête, dit Mitsurugi.

Hanteï Tokan vint saluer nos héros. Il avait changé. Il n'était plus un jeune insouciant, il arborait la mine d'un homme écrasé par le poids de ses responsabilités. Il était à présent l'un des proches conseillers de l'Empereur, seul face à d'innombrables courtisans hostiles.
- Je n'aurai qu'une chose à vous dire, lui souffla Sasuke, les vrais coupables de la mort de Norio-sama et de Nobuyoshi sont plus dangereux que des démons. Ce sont des hommes, prêts à tout. Ces gens-là, vous les aurez directement face à vous. Aussi, je dois vous le dire, Tokan-sama : méfiez-vous du prochain maître du Vide...
Le conseiller impérial hocha la tête, très grave et dit à nos héros qu'ils se reverraient sûrement très bientôt.
- Ne traînons pas, dit Mitsurugi, le général Kokatsu nous attend à la porte nord, et il est très impatient de quitter cette ville.
- Je le comprends, dit Sasuke.

Depuis un balcon, le conseiller Tangen observait nos héros. Il regardait Mitsurugi. Il tapa du poing sur la balustrade, brisant la neige qui s'était déposée dessus :
- On le tenait, ragea-t-il. On le tenait...
Comme le vent fraîchissait, il rentra dans ses appartements.

A la porte nord, les officiers du général Kokatsu manoeuvraient ses troupes.
- Allons, pressons, nous devons atteindre notre première étape à la nuit ! Pressons !
Doji Onegano était là avec son fils. Ils s'étaient tous les deux rasés la tête. Le père avait revêtu des habits de moine :
- Je ne suivrai pas mon fils, dit-il à nos héros. Il est temps pour moi de penser à ma prochaine vie. Aussi, je vous salue, car j'ai été honoré de vous avoir connu. J'ai compris plus de choses durant cette cour d'hiver que pendant le reste de ma vie.
Pendant la nuit, nos deux héros s'étaient dit que les terres du Moineau feraient sûrement, à l'occasion, une bonne base de repli !
Suzume salua Mitsurugi, en se courbant autant que ses épaules blessées le permettaient.
- Voici une nouvelle vie qui commence, lui dit l'ambassadeur. N'est-ce pas finalement celle dont tu as rêvée ?
- L'Empereur a su voir en moi mieux que moi-même. Je vous salue et espère vous voir un jour dans les misérables terres qui vont être les miennes.
- Cela se pourrait.
Suzume parlait déjà de cette voix sublime, lumineuse, qui est celle de certains saints.
- Je pars seul, espérant trouver en chemin des compagnons d'infortune, des samuraï qui préféreront l'honneur à la gloire.
- Tu en trouveras, j'en suis sûr.
Soudain, comme le jeune homme s'apprêtait à partir, il reprit sa voix de jeune Grue :
- Mitsurugi, vous irez chercher ma soeur ? Vous la sortirez des griffes du shinsen-gumi ?
- Oui, Suzume, j'irai chercher ta soeur et je couperai les griffes de tous ceux qui la retiendront.
Soulagé, Suzume ferma les yeux et fit une courte prière. Puis il se noua un bandeau de pénitent autour de la tête, ramassa son baluchon, resserra sa ceinture et prit la route de l'est. Il s'engagea dans une côte à l'heure où le soleil -le premier soleil de printemps - apparaissait, resplendissant. Suzume fit quelques pas, se retourna, les larmes aux yeux. Il regarda nos héros et dit :
- Sayonara.
Puis il reprit sa marche vers le haut d'une colline qui allait être noyée dans la lumière.













Samurai FORCE ET HONNEUR, SAMURAI !Samurai
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Messages In This Thread
23e Episode : Les fantômes - by Darth Nico - 28-07-2011, 02:51 PM
RE: 23e Episode : Théâtre d'ombres - by sdm - 31-07-2011, 03:46 PM
RE: 23e Episode : Le théâtre des fantômes - by Darth Nico - 05-08-2011, 03:17 PM
RE: 23e Episode : Les fantômes - by sdm - 06-08-2011, 03:23 PM
RE: 23e Episode : Les fantômes - by Darth Nico - 06-08-2011, 04:19 PM
RE: 23e Episode : Les fantômes - by sdm - 06-08-2011, 05:10 PM
RE: 23e Episode : Les fantômes - by Darth Nico - 06-08-2011, 05:26 PM

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