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Dossier #18 : Les prisonniers
#9
DOSSIER #18

Nombreux furent ceux qui défilèrent dans la cellule de Phonos avant le procès Mélian. Le docteur Heims l'examina, trouva son cas très intéressant, et en toucha deux mots à Morand, qui travaillait sur la science de l'esprit.
- Un spécimen exceptionnel. Un mélange de pathologie et de génie, comme on n'en voit qu'une fois par siècle. Quelle perte pour la science !

Jonson passa, mais ne dit rien. Maréchal vint lui demander ce qui s'était passé sur la terrasse des ballons-taxis :
- Qui étaient ces Scientistes morts ?
- Ils voulaient partir, dit Phonos, qui était prostré sur sa couche, mais acceptait de parler. Les Stalytes venaient les chercher. Comme vous êtes arrivés, ils ont pris peur. Ils sont repartis à bord de leur vaisseau volant.
- Et les Scientistes ?
- Les Stalytes ont capturé leurs esprits... Les corps sont restés, mais les esprits ont été emmenés sur la navette.
Maréchal soupira, et n'insista pas. Il n'était pas chargé d'enquêter sur les Scientistes. Officiellement, du moins. Il savait qu'il y avait une quatrième branche, secrète. Une branche dont l'objet d'étude n'était pas clair.
- Je vous dis que la tempête a amené les temporites en masse, gémit Phonos. Et les Stalytes voyagent sur la temporite...
- Comme les marins sur l'eau ?
- Oui...
L'inspecteur remit son chapeau, et laissa sa place à Faivre. L'inspecteur avait juré de se contenir. Il resta sans rien dire un long moment, puis articula, en faisant les derniers efforts pour rester calme :
- Tu sais pourquoi je n'ai pas tiré ?
Phonos ne répondit pas. Il se recroquevilla encore plus. Il tremblait.
- Ce n'était pas pour toi. C'était pour Mélian...

Le juge parla à Phonos. En sortant, il dit que ce dernier n'avait pu fournir d'explications rationnelles concernant Mélian.
- Les individus sauvages comme lui se comportent en bêtes de proie. Ils soumettent les plus faibles. Voilà ce qui est arrivé à ce pauvre Mélian. Une souris entre les pattes du chat.

Le docteur Pouchkine, de la Recouvrance, fit une petite conférence pour expliquer les origines de la folie de Phonos. Il montra ses livres d'enfants, les contes où il avait pris ses visions. Les volumes passèrent entre les mains de l'assistance, qui les considéra avec circonspection.
- Vous prêterez en particulier attention à la page 12 des Contes de la cité cachée, où se trouve mentionnée cette créature mirifique, le Stalyte, dont le reflet peut vivre indépendamment de lui. Belle invention, à vrai dire, hélas prise un peu trop au sérieux par Phonos. Dans le même livre, vous pourrez voir les belles illustrations du prince des paons, d'où il a tiré son personnage fantasque.

Maréchal parcourut le livre, qu'il avait déjà feuilleté chez les parents Phonos. Il lut cette phrase : Quand la réalité est illusoire, cherche la vérité dans le reflet.
Elle lui trotta dans la tête tout au long du procès.

Les parents Phonos n'assistèrent pas aux débats. On les aperçut brièvement, le troisième jour, à la dernière reprise d'audience. Mélian eut un bon avocat et fut acquitté. Le juge estimait qu'il n'était pas responsable de ses actes au moment des deux meurtres.
- L'accusé devra malgré tout suivre un traitement de trois semaines, afin d'éliminer tout risque de rechute.
Mélian remercia humblement son juge et les jurés pour leur clémence.

La Brigade Spéciale se retrouva autour d'un verre. Le serveur amena un plateau de bières.
- A l'heure qu'il est, dit Maréchal, on remmène Phonos à la Recouvrance...
Maréchal avait eu l'information par Jonson, juste à la sortie du palais de justice :
- Phonos ira au neuvième étage. Isolation en cuve pour un temps indéterminé. Il sera maintenu en vie comme une plante dans un pot, mais pas plus. La privation sensorielle prolongée devrait permettre de repartir de zéro dans sa psyché. En faire un homme neuf.
Maréchal frissonna, fit semblant que c'était le vent. Il imaginait Phonos enfermé dans une combinaison intégrale, avec les autres filles, lentement plongé par le treuil dans la cuve. Son esprit intact, capable de penser, rêver, regretter, gémir, mais incapable de crier.

- L'affaire est close, ajouta Jonson. Les Phonos, et bien sûr les Obre-Ignisses dans leur ensemble, n'ont rien à voir dans tout cela. Donc vous pouvez les oublier.
L'inspecteur opina au minimum du chef.
Il transmit l'ordre à Faivre, qui eut du mal à l'accepter, même s'il s'y attendait.
- Allez, trinquons quand même !
Le coeur n'y était pas trop pour la première tournée, mais après quelques chopes, la bonne humeur était de retour.
- Allez, je suis quand même content pour Mélian, dit Faivre.
- Il est innocenté, c'est l'essentiel, dit Maréchal.
Morand accepta de boire un verre, puis prétexta une réunion à sa "Fondation" pour s'éclipser.
- On ne le changera pas lui, maugréa Turov.
- Il a meilleure mine, dit Faivre. A croire que le séjour à la Recouvrance lui a réussi !
- Ça ne m'étonnerait pas d'un Scientiste, dit Maréchal.

Les policiers partirent tard de la brasserie. Comme ils sortaient, ils virent le couple Mélian qui sortait d'un restaurant à côté. Maréchal remit sa cravate droite et tâcha de prendre un air digne pour les saluer.
- Allez, inspecteur, on ne vous en veut pas de vous amuser, dit madame Mélian. Nous savons que vous avez eu une longue et dure enquête ! Comment vous remercier pour ce travail exceptionnel ?
- Pas exceptionnel, madame. Le travail ordinaire d'un agent de SÛRETÉ !
- A l'occasion, dit Mélian, passez prendre un verre à la maison. Je vous dois tant...
- Nous n'y manquerons pas ! dit tout haut Maréchal.
Il salua comme un militaire, rejoignit Faivre et Turov qui étaient hilares.
- Qu'est-ce que vous tenez !... Vous n'avez pas honte !

Maréchal chercha son briquet dans sa poche, tâta son pantalon, le trouva et le fit tomber. La pluie se mettait à tomber. Des centaines de parapluies s'ouvraient dans la rue. Les Mélian avaient le leur. Maréchal trébucha, frappa dans son briquet qui fut jeté au milieu de la rue. Enfin, il l'attrapa, le prit fermement en main. Il salua les Mélian, penaud mais amusé -et quand le couple eut tourné au coin de la rue, Maréchal vit nettement, dans une flaque qui venait de se former, le reflet de Mélian perdurer pendant quelques longues secondes, puis se dissoudre sous les grosses gouttes de pluie.





FIN DU DOSSIER






Il est un air, pour qui je donnerais,
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber.
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets !

Or, chaque fois que je viens à l'entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit...
C'est sous Louis treize; et je crois voir s'étendre
Un coteau vert, que le couchant jaunit ;

Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre les fleurs ;

Puis une dame à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que dans une autre existence peut-être,
J'ai déjà vue...et dont je me souviens !

Gérard de Nerval



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Dossier #18 : Les prisonniers - by Darth Nico - 15-01-2011, 11:17 AM
RE: Dossier #18 : Les prisonniers - by Darth Nico - 04-09-2011, 04:14 PM
RE: Dossier #18 : Les prisonniers - by Darth Nico - 05-09-2011, 10:52 AM
RE: Dossier #18 : Les prisonniers - by sdm - 08-09-2011, 08:40 PM
RE: Dossier #18 : Les prisonniers - by Darth Nico - 09-09-2011, 06:25 PM
RE: Dossier #18 : Les prisonniers - by Darth Nico - 10-09-2011, 03:36 PM
RE: Dossier #18 : Les prisonniers - by vengeur77 - 15-10-2011, 12:45 AM
RE: Dossier #18 : Les prisonniers - by sdm - 20-10-2011, 10:58 PM
RE: Dossier #18 : Les prisonniers - by Darth Nico - 21-10-2011, 02:03 PM
Dossier #18 : Les prisonniers - by Darth Nico - 15-01-2011, 11:18 AM
Dossier #18 : Les prisonniers - by Darth Nico - 15-01-2011, 12:10 PM
Dossier #18 : Les prisonniers - by Darth Nico - 21-04-2011, 09:43 PM

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