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Dossier #19 : Les truands
#6
DOSSIER #19

C’était Vico et Pinelli, des Mœurs.
Faivre vit rouge. Il envoya son poing dans la figure de Pinelli, Vico se jeta sur lui et l’envoya en arrière. Faivre s’étala sur le mauvais canapé éventré par ses propres ressorts. Turov se jeta dans la mêlée. Pinelli, le visage en sang sauta sur Faivre. Vico le ceintura. Faivre se releva, sauta sur Pinelli, Vico s’interposa. Turov n’eut pas le temps de retenir Faivre. Les filles arrivaient comme des furies, griffaient, mordaient ; l'une maniait le rouleau à pâtisserie ; Turov en rejeta trois dans le couloir, qui s’étalèrent jambes en l’air ; les voisins accouraient, Turov voulut les empêcher d’entrer ; dehors, des bagarreurs en profitaient pour régler de vieilles affaires et se mettaient de la partie. Faivre ne voyait plus rien, il prenait des coups, des morsures, suait comme un buffle, rejetait une fille qui allait lui arracher le col de chemise. La troupe endiablée roulait dans la rue. Une grosse femme hurlait qu’elle allait étriper tout le monde. Turov se mit en travers de son chemin, la souleva et la jeta sur un gros canapé. Elle y atterrit et fracassa le siège, resta coincé, les fesses bien enfoncées.

Un coup de feu retentit. Un cri, puis le silence.
Deux autres hommes en gabardines noires, les godillots de cuir, étaient arrivés. Ils braquaient la troupe :
- Tout le monde debout, allez…
C’était Lehors et Petitdieu, de la Crim’. Ils aidèrent leurs deux collègues des Mœurs à se relever et alignèrent tout le monde, mains sur le mur.
- Elle est belle la police…
Faivre n’avait pas la force de protester. Il avait le souffle court ; il voyait trouble, ses oreilles sifflaient. Il sentit qu’on lui prenait ses papiers. Lehors ouvrit le portefeuille et siffla d’admiration :
- Brigade Spéciale…
- C’est quoi ça ? demanda Pinelli.
- C’est comme les clowns, dit Vico, mais en moins drôle.
- Je le reconnais, dit Petitdieu, c’est Faivre. Je le croyais à l’Urbaine…
- Alors, Faivre, qu’est-ce qui t’arrive ? ricana Pinelli. Lanvin ne voulait plus de toi ?
- Il a dû le mettre dehors à coups de pompes dans le cul, dit Vico.
- Tiens, lui aussi, dit Lehors. Andréï Turov…
- C’est le fort des halles, lui… On recrute des hommes forts à la Spéciale ?
- Je suis des chantiers, moi…
Lehors feuilleta les papiers :
- Tiens, c’est vrai. Chantiers navals… Tu as coulé un navire pour te retrouver chez nous ?
Des Pandores arrivaient, menottaient les plus dangereux et dispersaient le reste de la faune du quartier.

Les hommes de SÛRETÉ s’installèrent au café. On commanda un grog pour les vaillants bagarreurs.
- Elle est belle la police, répéta Petitdieu.
Faivre cracha du sang. Vico et Pinelli se tamponnaient leurs visages endoloris. Turov se sentait las, apathique.
- On nous a prévenus de la présence des Vicari, expliqua Vico, alors on a accouru ici. En arrivant, il y avait deux mortes. Sélène et Judith, qui travaillent en face. Ensuite, lui est arrivé.
Lehors et Petitdieu se tournèrent vers lui :
- A vous, Faivre, dites-nous ce qui vous a pris…
- J’ai été prévenu moi aussi…
- Deux victimes, cinq policiers sur l’affaire, ça fait beaucoup, messieurs, dit Lehors. Si le contribuable apprend que nous gaspillons son argent…
- Allez tous vous faire foutre, grogna Faivre.
L’apothicaire arrivait, bien serviable, pour soigner ces messieurs.
- Laissez-moi saigner, dit Faivre. J’en ai rien à foutre de rien…
Lehors et Petitdieu se regardèrent et partirent d’un grand rire. Vico et Pinelli se demandaient s’ils n’allaient pas emmener ce dingue au poste.
- Ils font quoi à la Brigade Spéciale ?
- Vous voyez bien, Vico : ils sont sur les enquêtes des autres, et quand ils arrivent en retard, ils se mettent en colère.
- N’empêche qu’on n’a pas apprécié comment il a fait. Il a fait le méchant avec nous, et ça, nous on pardonne pas. Pinelli a derrouillé et ça, Pinelli il n’aime pas. Et quand il est colère Pinelli, il est vengeance…
- On verra ça, dit Lehors. En attendant, ce sont deux meurtres, donc c’est pour nous les gars…
- Vous ne connaissez pas ce quartier.
- Il n’a pas l’air trop grand. On vous appellera pour venir consulter les fiches des voisins…
- Il y a de quoi faire par ici. On en a des dossiers longs comme ça…
- Allez vous soigner, vous ne faites pas présentable. Faivre, vous restez avec nous.
Les deux hommes des Mœurs partirent en essayant de rester dignes, avec leurs cocards et leurs cravates défaites. Le patron offrit un gros remontant à Faivre.
- Alors, on va pouvoir parler tranquillement, entre amis…
- Allez vous faire foutre…
- Oh, faut pas le prendre comme ça, hein ! dit Petitdieu.
- C’est qui sa hiérarchie ?
- Maréchal, maugréa Faivre.
- Ah, il sait parler autrement que par insultes !
- Pour moi, Maréchal, c’est presque une insulte…

Un petit homme entre deux âges entrait dans le café, sa sacoche à la main :
- Docteur Grandiot, légiste. On y va, messieurs ?
Lehors sortit avec lui.
Petitdieu offrit une cigarette à Faivre.
- Vous vous êtes mis dans cet état pour ces deux filles ?
Faivre ne dit rien, Turov fit signe que oui.
- On a passé la soirée avec elles…
L’agent de la Criminelle écouta, en hommes que rien ne peut surprendre. Turov raconta succinctement la nuit, leur départ au petit matin et leur retour.
Lehors revint et demanda à son collègue de venir. Les deux hommes de Maréchal restèrent dans le café silencieux. Le patron faisait mine de nettoyer sa vaisselle.
- Il faudrait appeler le chef, dit Faivre, en regardant son grog d’un air haineux.
- Il y a un appareil à l’arrière, dit le patron.
Turov prit un jeton au comptoir et appela Névise. Il bredouilla une histoire maladroite, raconta l'arrivée des Moeurs et de la Crim'.
- Elle est belle la police, s’exclama Maréchal. Vous vous tiendrez à la disposition de ces messieurs ! Que voulez-vous que je vous dise moi !
Maréchal raccrocha violemment. Des emmerdes avec le Quai ! Il les voyait venir grosses comme un cuirassé ! Alors qu'il s'était toujours efforcé de faire de Névise un nid douillet, à l'écart de la grosse machine du Quai... Il allait sérieusement se faire sonner les cloches ! On allait se souvenir de la Brigade Spéciale, pour un peu, ils auraient droit à une inspection des services.
- Un camouflage mis en place durant des années, murmura Maréchal, agacé mais aussi amusé d'avoir tenu si longtemps.

Turov revint à la table, penaud.
- Il a dit quoi ?
- Il n’était pas content.
Faivre fit la moue.
Les deux hommes de la Crim’ revenaient avec le médecin.
- On vous offre un verre, docteur ?
- Rapidement, alors, je suis attendu dans une heure à l’Institut…
Lehors griffonna sur son carnet, le rangea et déclara à Faivre et Turov :
- On a deux nouvelles pour vous.
- Commencez par la mauvaise, dit Faivre.
- Je n’ai pas dit qu’il y en avait une bonne !
- Vous faites chier…
Le patron posa son plateau et distribua les consommations. Le médecin préféra se mettre au comptoir avec son journal, qu’il parcourut d’un air important.
- Il y a quand même une bonne nouvelle, dit Lehors. Ce n’est pas vous les assassins…
- Merci...
- Plusieurs témoins ont parlé. Ou plutôt n’ont pas parlé, donc on a compris...
- Vous êtes trop forts, dit Faivre. Nous, on a encore besoin que les gens nous parlent pour comprendre... Vous, vous pigez quand les gens se taisent...
- Quand il y a un coup de couteau dans le coin, et que les gens n’ont rien vu du tout, on sait à quoi s’en tenir… Les amis Vico et Pinelli pourraient vous le dire. C’est un règlement de compte orchestré par le clan Vicari… Vous ne les connaissez pas, Faivre ?
- Peut-être bien… Les clans ne manquent pas dans les bas-fonds de la Cité.
- Les Vicari sont des petits qui montent. Qui montent vite. Ils ne se contentent plus de faire travailler les filles, ils investissent plus gros. Ils ont au moins un quartier à eux…
- Ah oui ? dit Faivre.
Il trouvait un regain d’énergie. L’énergie de la vengeance. Il avait un nom, les Vicari. Il allait entendre une adresse. Cela lui suffirait.
- Avant que vous ne vous précipitiez chez eux, il faut que je vous mette en garde…
- Gardez votre mise en garde ! dit Faivre. Je vais m’occuper d’eux avec Turov. Vite fait, bien fait, pas vrai Andréï ?
- Sûr…
- Vous n’avez rien à voir dans cette affaire, Faivre. C'est notre dossier. Les Vicari, c’est un poisson à ferrer avant qu’il ne grossisse trop. On est sur eux depuis des mois. Donc tout passe par le patron, en ce qui le concerne…
Faivre retomba dans son accablement de mauvais garçon qui n’a pas dit son dernier mot. Voilà que le "patron", autrement dit le commissaire Ménard, entrait en scène !
- Vous allez me dire que ça fait beaucoup de ramdam pour deux prostituées, dit Lehors, mais c’est comme ça… Ce serait pas les Vicari, on laisserait ça à Vico et Pinelli. Mais là, c'est autre chose.
- Pour le moment, vous allez retourner chez vous, dit Petitdieu, et vous lavez un peu. A moins que votre Maréchal ne vous accepte comme ça au bureau.

Faivre et Turov partirent les mains dans les poches. Le détective ne disait rien, Faivre répétait : « tu vas voir, tu vas voir… » Il échafaudait mille vengeances ! Imaginait mille tourments ! Il ne prendrait même pas la peine de se fabriquer un alibi valable.
- Qu’ils aillent tous se faire mettre…

Quand ils entrèrent dans les bureaux silencieux de Névis, Clarine leur dit de ne pas faire de bruit.
- Il est au parlophone depuis une heure avec…
Elle leva le doigt vers le ciel.
- Je suis dans mon bureau si on a besoin de moi, lança Faivre.
Il claqua la porte et s’enferma à clef. Turov se laissa tomber lourdement sur le canapé du bureau des détectives. Morand était à sa table. Il regarda son collègue du coin de l’œil, comme on examine un spécimen. Il hocha la tête d’un air entendu, comme le praticien qui a déterminé le mal, puis reprit son rapport : « Influences comparées du cerveau reptilien et des aires de décision supérieure sur la mentalité du fonctionnaire moyen. »

Au parlophone, Maréchal n'arrivait pas à se défaire du commissaire Ménard !


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Dossier #19 : Les truands - by Darth Nico - 14-10-2011, 05:34 PM
RE: Dossier #19 : Les truands - by Darth Nico - 14-10-2011, 06:53 PM
RE: Dossier #19 : Les truands - by vengeur77 - 15-10-2011, 12:41 AM
RE: Dossier #19 : Les truands - by Darth Nico - 16-10-2011, 01:57 PM
RE: Dossier #19 : Les truands - by vengeur77 - 16-10-2011, 10:34 PM
RE: Dossier #19 : Les truands - by Darth Nico - 26-10-2011, 10:03 PM
RE: Dossier #19 : Les truands - by Darth Nico - 29-10-2011, 05:10 PM
RE: Dossier #19 : Les truands - by Darth Nico - 30-10-2011, 09:00 AM
RE: Dossier #19 : Les truands - by sdm - 31-10-2011, 02:56 PM
RE: Dossier #19 : Les truands - by Darth Nico - 01-11-2011, 12:58 PM
RE: Dossier #19 : Les truands - by sdm - 01-11-2011, 09:50 PM
RE: Dossier #19 : Les truands - by vengeur77 - 03-11-2011, 10:26 PM
RE: Dossier #19 : Les truands - by Darth Nico - 04-11-2011, 01:10 PM
RE: Dossier #19 : Les truands - by sdm - 05-11-2011, 12:34 AM
RE: Dossier #19 : Les truands - by Darth Nico - 08-11-2011, 12:07 PM
RE: Dossier #19 : Les truands - by Darth Nico - 15-11-2011, 05:03 PM
RE: Dossier #19 : Les truands - by Darth Nico - 16-11-2011, 02:05 PM
RE: Dossier #19 : Les truands - by Darth Nico - 16-11-2011, 04:42 PM
RE: Dossier #19 : Les truands - by sdm - 18-11-2011, 11:27 PM

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