22-11-2011, 04:21 PM
(This post was last modified: 22-11-2011, 04:42 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Résumé : Les Lions sont embourbés au pied des montagnes du toit du monde. Mitsurugi est chargé d'annoncer aux Akodo que le général Kokatsu va quand même passer.

- Nous comprenons cette décision, dirent les Akodo.
Mitsurugi sentait bien qu'ils en voudraient au général, pour son arrogance, son indépendance. L'ambassadeur revint dans sa tente :
- Ils vont nous envier et nous jalouser, dit-il à Sasuke. Ils voient bien que Kokatsu ne veut pas mettre le pied dans leur panier de crabes.
- Pendant qu'ils se disputeront entre cousins, nous, nous irons défendre les terres des Lions contre les Grues. A eux de voir ce qui est le plus utile au clan.
- Reste une question, dit Mitsurugi. Par où allons-nous passer ?
- S'il le faut, je fendrai ces montagnes en deux !
- Je suggérerai en dernier recours cette solution fine et mesurée au général.
Mitsurugi partit donner la réponse au général.
- Ils ne s'y opposent pas...
- "Ils ne s'y opposent", ha, très bien, ricana Kokatsu. Heureusement que je t'ai choisi comme ambassadeur !...
- Ils ont senti que vous ne leur laissiez pas le choix.
- Un Matsu n'a pas voix au chapitre dans les délibérations des Akodo.
- C'est ce que j'ai fait valoir...
- ... et cela les a encore plus énervés, hein !... Ce sont bien des stratèges. Si on les attaque, on perd, si on recule, ils gagnent... Tiens, toi Noyuki, note cette phrase historique !
- Bien général...
- Reste à savoir par où passer, dit prudemment Mitsurugi.
- Où en sont tes éclaireurs ?
- Ils seront de retour demain ou après-demain. Impossible de savoir, avec le temps qu'il fait là-haut.
Après la sieste, les trois "Y" avaient été dérangés par quelques bandits qui avaient pris leurs quartiers d'hiver dans la montagne. Les trois samuraï avaient promptement envoyé leurs têtes rouler au bas du torrent.
Yojiro gratta un fond de riz de la casserole et suça un os de lapin. Il s'étira. Yatsume revenait d'un village, le dernier avant le col :
- Les gens sont formels, impossible de passer, surtout avec une armée. Nous finirions au fond d'une crevasse.
- Alors nous n'avons plus qu'à redescendre, soupira Yojiro.
Ils se mirent en marche et retrouvèrent au coucher du soleil un hameau abandonné où ils avaient dormi deux jours plus tôt. La montagne glacée brûlait tout entière dans le couchant. Des nuages s'étiraient sans fin, déchirés, dilacérés jusque par delà l'horizon. Quelques ruisseaux dégelaient et l'eau qui dévalait la pente en chantait était aussi glacée que la pierre.
L'armée de Kokatsu se préparait paresseusement au départ. Le général faisait le tour de son camp, voyait tout le monde las.
- L'oisiveté est la mère de tous les vices, maugréait le général. Il ordonnait aux sous-officiers d'occuper les hommes comme ils voulaient.
- Si seulement quelques Scorpions pouvaient nous attaquer, bâilla le général. Nous pourrions entretenir le moral des troupes.
Le général retourna dans sa tente.
- Le Bouffon impérial, voilà qui nous aurions dû emmener ! s'exclama Kokatsu, qui commençait à s'ennuyer de ses entretiens avec Shingon et ses moines.
C'était venu comme ça, pendant la cour d'hiver. Il avait été pris d'une passion pour la religion. Il avait eu quelques nuits d'angoisses, il avait pensé à son salut, sa prochaine vie. Il avait pensé à ce qu'il ferait au printemps, qu'il pourrait mourir de la première flèche venue. L'inanité du monde lui était apparue. Il avait eu besoin de parler à quelqu'un. Et qui pouvait parler à un général d'Empire du salut de son âme sinon le chef de l'église de Shinseï en personne !
Aujourd'hui, Shingon avait dû comprendre que Kokatsu était bien loin de l'Illumination. Il était patient avec lui, ne s'offusquait pas de ses remarques grossières, de sa balourdise dès qu'on parlait de spiritualité. Cela, le général le sentait bien. Il avait invité Shingon et ses moines comme ça, sur un coup de tête, comme on part d'un coup à la guerre régler une vieille querelle !
- Les Dieux n'auraient pas permis que nous te suivions sans raison, disait Shingon.
Est-ce qu'il le croyait vraiment, ou bien disait-il cela pour être poli ? Comme Kokatsu ruminait, qu'on entendait que le grattement de la plume de Noyuki sur le papier, le faible crépitement du feu, un sous-officier vint annoncer qu'une délégation de Scorpions approchait du clan :
- Ah ? Que veulent-ils donc ?
Kokatsu était prêt à manoeuvrer les troupes pour une bataille rangée. Si seulement...
- Ils veulent rencontrer notre daimyo ainsi que les Akodo...
Kokatsu se renfrogna :
- Entendu.
Il ne voulait pas en entendre parler dans ce cas ! Qu'ils règlent leurs histoires !
Mitsurugi entra :
- Les Scorpions ont à leur tête le conseiller Bayushi Tangen.
- Lui, ici ? Il n'a pas perdu de temps...
- Il ne peut nous apporter que des ennuis.
- Nous sommes sur les terres de son clan, dit le général. Je suis cependant d'accord avec toi. Sa venue est une raison de plus de partir très vite. Toi, Mitsurugi, tu iras chez les Akodo, tu me rapporteras ce que le conseiller vient nous dire.
Mitsurugi obéit. Il alla chercher Sasuke :
- Après ce qu'on lui a fait à la cour d'hiver, il va nous en vouloir mortellement, dit l'ambassadeur.
- Qu'il vienne nous le dire en face, dit Sasuke, qui claqua des doigts et fit apparaître des flammes.
- Le feu ne vient pas à bout des Scorpions... Ce serait trop facile.
- Tangen aurait la carrure pour faire partie de la même conspiration que Nuage, dit Sasuke.
Mitsurugi ne dit rien. Il ne voulait pas y penser. Il savait que Sasuke attendait l'heure de sa vengeance contre Nuage, son ancien maître. C'est pourquoi Mitsurugi ne voulait pas évoquer ce sujet. Le temps n'était pas venu et Sasuke était trop impatient.
Quand les trois "Y" revinrent au camp, la délégation des Scorpions en repartait.
- Nous avons bien fait de ne pas revenir plus tôt, dit Yojiro.
- Oui, dit Yatsume, renfrognée.
Les samuraï montrèrent leurs laisser-passer :
- Nous sommes les éclaireurs envoyés par le général Kokatsu.
On les laissa rejoindre la tente de Mitsurugi. Ce dernier les vit :
- Vous tombez bien vous trois. Venez... Vous allez me raconter ce que vous avez vu dans les montagnes.
Il les écouta, puis les fit attendre devant la tente de Kokatsu.
- Alors quelles nouvelles ?
- J'ai deux nouvelles, dit Mitsurugi. Deux mauvaises.
- Commence par la moins pire.
- Le col de Benten est bloqué.
- Ensuite ?
- Le conseiller Tangen venait nous offrir l'hospitalité dans sa Cité.
- A la Cité des Mensonges ? s'écria Kokatsu. Jamais de la vie !
- Le vénérable Kitsu Itsoji vient d'accepter au nom du clan.
Le général étouffa un juron contre le vieil homme.
- Impossible de refuser dans ce cas...
Faire affront aux Scorpions était un acte dangereux mais amusant. Faire affront à son daimyo était une atteinte mortelle.
- Alors à la Cité des Mensonges nous dormirons ! dit Kokatsu, fataliste. Du moins, attend... Qu'a dit exactement le conseiller Tangen ?
- Il nous a invités à séjourner sur ses terres.
- Bon, alors nous monterons un camp à l'extérieur de la Cité, dit Kokatsu, malicieux. Un général doit rester avec ses troupes !
- Il insistera pour vous recevoir dans son palais.
- J'irai, dit le général. Je respecterai le protocole, mais je dormirai dans le camp, voilà tout.
"Génial, pensa Sasuke. Ce camp pourra se transformer en poste de siège en un rien de temps !"
Mitsurugi devina sa pensée et hocha la tête, consterné.
- Va porter ma réponse au conseiller, dit Kokatsu.
"Il sera ravi de me revoir, soupira intérieurement l'ambassadeur."

Mitsurugi et Sasuke avaient découvert la capitale des Scorpions lors de l'affaire du pot de mille kokus. Ils en avaient suffisamment vu pour comprendre que c'était le repaire du vice et des corruptions en tous genres.
- Il faut tenir le général éloigné de l'Île de la Larme, dit Mitsurugi.
- C'est là que Tangen va emmener ses invités, dit Sasuke.
Nos héros ne pouvaient qu'admirer l'estocade que Tangen venait de leur porter. Il avait redoutablement bien joué. Il venait par surprise et attrapait entre ses pinces le daimyo et les trois prétendants. C'était une catastrophe. Les Dieux seuls savaient à quel point il allait s'immiscer dans le règlement de la succession !
- Il est très fort, il est très fort, répétait Mitsurugi.
- Il faut mettre le général au courant, dit Sasuke.
- Au courant de quoi ? De la fourberie des Scorpions ?...
Les Lions abandonnèrent leur campement. Ils mirent une demi-journée pour arriver au pied des murs trempés de pluie de la Cité.
- C'est dans ces champs, autour de la ville, murmura Noyuki, qu'ils cultivent le pavot qui sert à fabriquer l'opium...
- Beau commerce, dit Mitsurugi.
- Ces plantes servent de médication pour soulager la douleur. Les Crabes en sont de gros consommateurs. Mais préparées différemment, elles produisent une drogue terrifiante. Ceux qui en inhalent y deviennent vite dépendants. Au bout de quelques semaines, ils se mettent à ressembler à des revenants. Ils deviennent incapables de se lever, ne vivent qu'en attendant leur prochaine ingestion... Les Scorpions se sont assurés ainsi un grand nombre d'alliés, en leur fournissant leur plaisir maléfique.
- C'es monstrueux, dit Mitsurugi. Un jour, il faudra brûler ces plantes démoniaques ! Je ne pourrai pas tolérer que quelqu'un de mon entourage, ou de ma famille, consomme ces saloperies !
Noyuki ne dit rien. Il était évident qu'il y avait déjà goûté.
Les Lions entreprirent de monter un nouveau camp. Le général dut entrer en ville avec la délégation des Akodo et des Kitsu.
A suivre...
