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24ème Episode : La Cité hors du temps
#4
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE


Matsu Kokatsu avait juré de repartir le lendemain de son arrivée à la Cité des Mensonges. Cinq jours plus tard, il y était toujours. Il n'avait pu échapper aux cérémonies protocolaires avec les Bayushi, aux longues réunions avec les Kitsu et les Akodo, durant lesquelles les discussions sur la succession piétinaient. Il avait fait renvoyer des éclaireurs, qui allèrent encore moins loin que les trois "Y". Les tempêtes de neige rendaient impraticables l'accès au chemin du col.
Ce qui devait arriver arriva : Bayushi Tangen se mêla des affaires de succession. Il proposa bien humblement ses conseils, en toute indépendance d'esprit, et sans aucun esprit partisan. Comme il était l'hôte, il n'était pas possible de le tenir à l'écart.
- Il les tient par les deux pinces, et il va porter le coup fatidique sous peu, disait Kokatsu, qui assistait, impuissant, à ce spectacle désolant : le vieillard dirigeant le clan qui était tout sucre et tout miel avec les Scorpions qui le dorlotaient. Et les Akodo, incapables de s'entendre, qui se disputaient comme des gamins capricieux.

Bayushi Tangen avait bien monté son coup. Dès le premier soir, l'île de la Larme. De l'alcool, des filles, des plaisirs à volonté, tellement plaisants après cette affreuse cour d'hiver. Yasashiro s'était laissé entraîner dans un concours de boisson. Avec des paroles diplomatiques mais fermes, Mitsurugi avait mis fin aux libations. Tout le monde était rentré au campement en pleine nuit.
Shingon et ses moines étaient logés dans le quartier religieux, dans un sanctuaire débordant de richesses, avec ses temples surchargés de décorations, d'idoles et d'une magnificence tape-à-l'oeil. On était bien loin de l'austérité prêchée par l'église de Shinsei. Les Scorpions avaient dû dépenser des milliers de kokus pour tout cet apparat !
Le quatrième jour, une dispute avait éclaté entre les trois prétendants, le lendemain de la première réunion au sommet avec Bayushi Tangen comme par hasard ! Les Akodo avaient failli en venir au duel. Matsu Kokatsu devait prendre sur lui pour supporter ces chamailleries. Si on lui avait demandé conseil, il aurait crié qu'il fallait faire se battre les trois Akodo en duel, et le survivant prendrait la tête du clan !
Bayushi Tangen était aux petits soins avec le vieux Kitsu Itsoji.
- Vieillard sénile, disait Kokatsu entre ses dents.
Ikoma Noyuki notait ce qu'il voyait avec circonspection. Il se doutait que les dessous de cette piteuse dispute ne passeraient pas à la postérité !
Déjà la mort de l'ancien daimyo était à elle seule signe de malheur. Mort dans une escarmouche contre des morts-vivants, d'une flèche perdue !

Un qui ne perdait pas de temps, c'était Sasuke !
Dès son arrivée, il avait cherché le moyen d'accéder à la prestigieuse bibliothèque du palais du gouverneur, la plus réputée de tout l'Empire, d'immenses rayonnages composant un véritable enfer de la littérature de Rokugan ! Il avait cherché un cadeau original pour se payer le droit d'entrée. Il avait trouvé en ville une petite boutique proposant des articles venus des Sables Brûlants. C'était original et audacieux. Mitsurugi le voyait s'agiter mais n'avait pas le temps de s'occuper de lui. Il était sollicité en permanence par Kokatsu et par ses homologues Scorpions.
- J'ai appris une chose, dit le général à un dîner, morose. Savais-tu que la mère scorpion porte ses petits sur son dos et que si elle ne leur trouve pas rapidement à manger, ceux-ci finissent par la dévorer ?...
Le général regardait sa soupe, sans appétit.
- J'ai demandé à Shingon, il m'a dit que c'était vrai...
- J'ignorais qu'il connaissait si bien la vie des bêtes, dit Mitsurugi, qui voulait être poli.
Cette réponse fit réagit Kokatsu. Voilà où il en était rendu ! Il fut effrayé de sa situation misérable ! Il s'était laissé endormir par les Scorpions !
- Ils nous ont inoculé un poison qui paralyse !
- Que voulez-vous dire ?
- Que nous partons demain, Mitsurugi !
- Par où ?
- Pas par Benten !... Je me suis renseigné, mon cher porte-parole. Il existe un autre passage, bien plus à l'ouest, en passant par les terres des Soshi.
- On dit cette famille versée dans l'art des illusions, si je ne me trompe...
Mitsurugi se souvenait que, jadis, Yojiro, Mamoru et Maya s'étaient perdus dans ces terres trompeuses.
- Ils ne refuseront pas le passage à mon armée.
Mitsurugi irait déposer une offrande au temple de la Fortune du voyage !
- Ce matin, j'ai rendu mon avis, dit Kokatsu.
C'était lors d'un repas à huis-clos, avec uniquement les plus hauts seigneurs du clan :
- Je leur ai dit que la seule façon de trancher le différend était par l'épreuve d'honneur ! Tant pis s'ils veulent déroger aux traditions ! Ils finiront par fâcher les Ancêtres et alors, gare ! Shingon lui-même est de cet avis.
- Il vaut mieux vous tenir éloigné de ces négociations, dit Mitsurugi, circonspect.
- Et comment ! C'est pourquoi nous montons en selle au lever du soleil ! Qui m'aime me suive ! Si Benten est impraticable, nous passerons ailleurs...
Mitsurugi se demanda si Sasuke pourrait vraiment ouvrir un passage dans les montagnes éternelles...


Samurai


Ils ne furent pas nombreux, ceux qui suivirent Kokatsu, au risque de fâcher le futur daimyo des Lions.
- Ceux qui me suivent aujourd'hui, déclara le général, savent qu'il est plus important d'aller se battre contre les Grues que d'abuser de l'hospitalité des Scorpions.
- C'est bien parlé, murmurèrent les quelques seigneurs qui se joignaient à la troupe.
La forte armée longea les montagnes vers l'ouest pendant quatre jours.
Mitsurugi avait laissé Sasuke à la Cité. Il n'aimait guère le savoir là-bas. Seulement, comme il devait être en permanence aux côtés du général, il n'avait pas le temps de convaincre son conseiller têtu comme une mule -ce qui était de toute façon peine perdue.
Mitsurugi avait quand même demandé à Yojiro de rester avec le shugenja :
- Si jamais sa magie ne peut rien contre la fourberie des Scorpions, j'espère que ton sabre sera quand même utile.
- J'y veillerai, avait dit Yojiro.

Chaque jour, Kokatsu rageait, comme si les montagnes étaient une forteresse imprenables, qu'elles le défiaient de partir à leur assaut.
- Nous ne sommes plus loin de chez les Soshi, dit Yatsume.
- Je l'espère bien, dit Mitsurugi. Le général ne tient plus. Toi, Yasashiro, tu nous avertiras si tu reconnais la région et si tu te souviens de ses dangers...
- J'aime mieux ne pas y penser pour le moment.
Mitsurugi s'attendait à un pays démoniaque, en proie à toutes sortes de fantasmagories et de recoins périlleux. Les Lions découvrirent une région paisible, où le printemps frémissait déjà. Des fleurs tapissaient les champs, la neige avait presque disparu. De jeunes bonzes jouaient au cerf-volant sur les pentes.
Kokatsu avait pu convaincre Shingon et ses moines de le suivre. Ceux-ci étaient bien contents de quitter les religieux bien peu dévots de la Cité des Mensonges. Leur présence facilita grandement l'arrivée chez les Soshi. Mitsurugi s'attendait à une famille de félons, de traîtres : ils furent parfaitement hospitaliers, sans cet excès de politesse qui révèle l'hypocrite. Ils étaient sincèrement inquiets des périls de la montagne pour une si grosse armée. Ils étaient désolés de ne pouvoir retenir plus longtemps chez eux le noble Shingon, ils enviaient Kokatsu de s'être attaché la plus haute autorité religieuse du pays.
La chaleur était tendre, l'air pur, les chemins bien entretenus. Comme le glauque pays des Crabes paraissait loin ! C'était une renaissance, de plus en plus magnifique chaque jour, à chaque lever de soleil sur les sommets. Dame Amaterasu apparaissait toujours plus flamboyante, toujours plus généreuse de lumière.
Ikoma Noyuki : "Et le général était comme l'astre ardent impatient d'atteindre son zénith."
Le général grognait d'aise.

Mitsurugi se retournait de temps en temps, comme pour apercevoir la Cité des Bayushi, Sasuke perdu dans ce dédale de félons. Des jeunes bonzes accueillaient les visiteurs avec de grands cris de joie. Shingon descendait pour les bénir.
Il fallut observer une journée de prière complète. Le vieil homme usa de son autorité morale pour convaincre Matsu Kokatsu.
Les Lions passèrent la journée dans les temples parfumés d'encens, au sens des lourds gongs et des trompes monumentales. Mitsurugi surveillait du coin de l'oeil les Soshi. Ils dormirent dans un grand temple en bois, qui grinçait dans le vent, avec un grand pendule qui répandait de l'encens.
Le lendemain, ils atteignirent le point culminant de leur voyage : soudain, les terres des Lions apparaissaient. Elles s'étalaient là, comme agenouillées devant Kokatsu, dans la brume ensoleillée du matin.

Sasuke n'arrivait toujours pas. Avec Yojiro pour le guider, il aurait déjà pu les rattraper. Yasashiro reconnut le pont que Maya avait rompu la dernière fois. Il avait été réparé et même agrandi. L'armée dut le contourner. Aucune malédiction ne s'abattit sur eux.
Mitsurugi se demandait parfois ce qu'était devenue Maya. Où était-elle aujourd'hui ? Logeait-elle toujours dans les bas-fonds de la Cité de la Pieuvre ? Avait-elle obtenu le pardon de son ordre ?... Tout cela était maintenant trop loin.
L'armée prit le chemin de la descente. Shingon remercia mille fois les Soshi pour leur accueil. Le lendemain, deux cavaliers arrivèrent des sommets : Sasuke et Yojiro. Ils avaient plus de trois jours de retard.
- Où étiez-vous passés ? dit Mitsurugi. Il va me falloir quelques explications !
- Pas tout de suite, dit Sasuke. Surtout que nos chemins vont se séparer de nouveau... Nous partons avec Yojiro dans les terres des Dragons.
- Quoi ? Tu plaisantes ?
- Pas du tout. Je t'expliquerai.

Les terres des Dragons, c'était la meilleure !
- Tenez-vous à carreau d'ici-là ! Le général est fou de joie de retrouver sa Cité, ce n'est pas le moment de tout gâcher.
- Sa Cité ? C'est un peu la nôtre, rétorqua Sasuke. Au fond, qui l'a conquise ?
- Nous avons déclenché l'attaque prématurément, c'est tout...
- Sans nous, le général camperait encore devant.
- Ta modestie te perdra, Sasuke.
- Je sais, c'est pour ça que je m'en méfie comme de la peste.
Pauvre Yojiro, se dit Mitsurugi (un très court instant), il avait eu à supporter le shugenja depuis une semaine. Il devait être à bout de nerfs. Il fut tenté de passer par le rônin pour en apprendre plus. Réflexion faite, il ne voulait pas trop savoir.
Le général l'appelait encore, pour qu'il donne son avis sur un petit poème lyrique que Noyuki avait rédigé.
- Dis-moi ce que tu en penses...
C'était outré, orgueilleux, parfait pour Kokatsu.

La Cité du Cri Perdu était en vue.
Kokatsu daigna y séjourner une nuit. Il rendait visite à l'un de ses bons vassaux. Nos héros ne manquèrent pas d'aller dîner au restaurant de Rintaro, alias Patron-san, leur premier employeur tout de même !
C'était comme au bon vieux temps, sauf que cette vieille fripouille avait encore agrandi ses établissements. Le gros Fujio, qui avant ne s'habillaient que d'un pantalon court, avait un beau costume, très soigné. La nourriture était raffinée, on n'acceptait plus les mauvais garçons, la clientèle était triée sur le volet.
C'est à peine si le vieux commerçant reconnut nos héros, trop occupé qu'il était à bichonner tous ses bons clients, obséquieux au possible, prêt à couper sa chemise pour faire plaisir, et empocher quelques belles pièces en plus. Il allait, venait, il était l'ami de tous, il était toujours d'accord, il renchérissait...
- Tu es bien toujours le même, Rintaro, dit Sasuke.
Le commerçant remercia, ne reconnut pas le shugenja. Il servit Mitsurugi sans oser lever les yeux sur lui, rien qu'à voir son costume avec le blason d'ambassadeur cousu dessus. Peut-être à un moment osa t-il le dévisager, mais alors il fit comme s'il n'avait rien vu, incapable de croire que ce superbe dignitaire Matsu était l'ancien rônin Manji.

Alors que l'armée des Lions repartait vers le nord-est, Sasuke et Yojiro prirent plein nord, vers les montagnes des Dragons.
- J'espère que vous savez ce que vous faites, dit Mitsurugi.
- J'espère aussi, dit Sasuke. Non, en fait, j'en suis sûr.
- Tu ne m'as même pas dit où en est le conflit de succession.
- Toujours pareil.
Mitsurugi soupira. Il se garda bien de transmettre l'information à Kokatsu.
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RE: 24ème épisode : La Cité hors du temtps - by Darth Nico - 22-11-2011, 05:51 PM

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