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24ème Episode : La Cité hors du temps
#6
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE

L'armée de Kokatsu prit le chemin de l'ouest, en direction de la Cité des Apparences ; Sasuke et Yojiro prirent le chemin du nord, vers les hauts plateaux des Dragons. Le shugenja et le rônin avaient accompli en peu de jours un très long trajet. Sasuke ne s'arrêterait pas avant d'être arrivé à son but. Depuis qu'il avait quitté la Cité des Mensonges, le feu de la curiosité le dévorait. Yojiro suivait, résigné, inquiet des conséquences de cette quête sinistre...

Sasuke n'avait pas voulu quitter la Cité des Mensonges en même temps que le général.
- Trop de choses me retiennent ici, avait-il dit à Mitsurugi.
- Trop de choses ? J'en vois surtout une, que tu ne cesses d'observer jour et nuit... La bibliothèque de la famille Bayushi !
- Je compte bien rentrer dedans.
- Ne me demande pas d'écrire une demande pour toi. Ne pense même pas à en demande une au général.
- Non, je vais m'y prendre seul, sois sans crainte.
Le lendemain du départ de Kokatsu, Sasuke assistait à une réunion des trois prétendants au siège de daimyo. Il dut rester enfermé des heures, à les écouter parler pour ne rien dire. C'était interminable, Sasuke avait des fourmis dans les jambes. Il s'était mis dans un coin et remuait dans sa tête mille idées pour rentrer dans la bibliothèque. Il s'éclipsa dès qu'il put de la pièce surchauffée. L'air frais lui apporta une idée qui pourrait certainement marcher. Il retrouva Yojiro à l'ambassade. Le rônin polissait sa lame sur une meule.
- Comment c'était ?
- Minable, dit le shugenja. Les trois prétendants sont incapables de s'entendre. Leur orgueil les aveugle. J'ai peur que cela tourne mal entre eux...
- Qu'ils règlent cela sur le champ d'honneur, ce sera incontestable.
- C'est bien ce que je voudrais leur dire mais dans cette affaire, je n'ai pas voix au chapitre.
- Ils pourraient au moins en discuter ailleurs que chez les Scorpions...
Le rônin nettoya la lame et la rangea.
- Tiens, tu vas me rendre un service, lui dit Sasuke. Te renseigner sur un cadeau original à faire à un dignitaire de cette Cité.
- Je ne suis pas sûr de savoir ce qui plairait à un seigneur Bayushi...
- Quelque chose d'inattendu, d'audacieux...
- Cela risque de coûter cher.
- Si tu savais combien notre clan dépense par jour pour séjourner dans cette Cité... Les Kitsu donnent sans compter à qui le veut bien. Tu passeras les voir de ma part... Ils ne te refuseront rien. Ils te signeront une belle lettre de change, puisque c'est comme ça que ça se passe dans cette Cité.
De la monnaie en papier ! C'était bien encore une fourberie Scorpion, pour éviter de manipuler de beaux kokus, et rendre plus indolores les dépenses ! Yojiro passa voir le trésorier, qui lui apposa un beau cachet de cire sur un parchemin.
- Le commerçant Scorpion chez qui je ferai un achat apposera lui-même la somme ?
- Tu as compris, rônin.
Yojiro partit en se grattant la tête. Pour peu qu'il tombe sur une fripouille -et ce serait sûrement le cas, le commerçant n'aurait qu'à double ou décupler la somme : les Lions n'auraient rien à y redire. Notre rônin se promena en ville, passa par les habituelles maisons de thé et tavernes. Il évita les plus mal fréquentées cette fois. Un cadeau, un cadeau original... Un éventail serti d'émeraudes ? Un bokken en bois peint ?

Yojiro rentra tard le soir. Il alla se faire servir à manger à la cuisine.
- J'en ai plein les godasses !
Les cuisinières, compatissantes, lui servirent un beau morceau de poisson qui restait du dîner des prétendants.
- Allez, reprends du riz... Des légumes... Nous allions les jeter !
Elles étaient au petit soin pour lui. Au milieu de son repas, on vint lui dire que Sasuke l'attendait.
- Je termine au moins ma bouchée !
Yojiro s'essuya le menton, soupira et monta aux appartements du shugenja. Celui-ci était assis devant le feu, au milieu d'un cercle de craie, exécutant un de ses rituels mystiques.
- Je ne vous dérange pas ?
Le rônin avait encore l'estomac qui gargouillait.
- Entre donc... Dis moi ce que tu as trouvé.
Yojiro sortit un coffré en bois laqué de son sac.
- Vous avez voulu de l'originalité, j'ai fait original.
Intrigué, Sasuke demanda à voir. Yojiro lui présenta le coffret. Le shugenja l'ouvrit : à l'intérieur, une drôle de rose. Sasuke la prit délicatement et l'approcha du feu. Il constata aussitôt que c'était une papier, mais taillée comme si elle avait des pétales.
- Intriguant, dit-il en l'observant à la lumière de la flamme.
- C'est une rose des sables. Elle vient des pays barbares du nord-ouest, du grand désert...
- Où as-tu déniché cela ?
- Il y a un quartier de cette ville, au milieu des rues des etas les plus crasseux, où logent une famille de gaijins. Ils ont la peau très sombre. Ils viennent des Sables Brûlants. Ils ont consenti à me vendre cette rose. Quand ils ont vu la somme que je leur offrais, ils ont eu peur... Peur qu'on vienne la leur reprendre. Ils ne m'ont demandé que quelques pièces en échange, de quoi vivre quelques jours...
- Bien, bien, dit Sasuke, qui ne s'intéressait pas trop à cette histoire larmoyante. C'est très original.
Le shugenja détaillait la taille parfaite de la pierre, le trait élégant et fin.
- Je me demande quel artiste a réalisé ce chef d'oeuvre.
- Les gaijins prétendent qu'on les trouve comme ça chez eux. Que ce sont les démons qui les fabriquent dans des forges souterraines qu'ils ont sous le désert. Celle-ci est grosse comme le poing mais il paraît qu'on en trouve certaines de la taille d'un cheval !
Sasuke fit quelques gestes devant la pierre :
- Elle ne semble contenir aucun esprit malfaisant, aucun sort...
Il la remit dans le coffre, soudain indifférent à elle.
- Tu as bien travaillé. Cette rose va m'ouvrir des portes qui s'ouvrent pour peu de gens !
- Je n'aime mieux pas savoir où...
- Demain, tu m'accompagneras au quartier des temples. Je vais rencontrer plusieurs dignitaires.
- Je n'aime mieux pas savoir quels Ancêtres prient les Scorpions...
- Il n'était pas question que tu rentres dans les temples, évidemment.
- J'aime autant comme ça.
Yojiro salua et redescendit terminer son repas. Profiter de cette excellente nourriture avant qu'elles ne lui passent sous le nez ! Il finit plusieurs cruchons de vins et rentra se coucher. Il dormit comme une souche. Il s'étira, se gratta les cheveux et alla faire ses exercices matinaux. On devait être en train de poudrer et parfumer monsieur Sasuke pendant ce temps. Le shugenja sortit en milieu de mâtinée. Un palanquin l'attendait, porté par quatre serviteurs. Yojiro fit le trajet à côté, au travers des rues tortueuses et populeuses. Il faisait dégager les trop curieux, repoussait les marchands ambulants, surveillait les toits ensoleillés, les ruelles trop sombres. Il y avait mille couleurs qui éclataient dans la Cité, des échoppes de tous les tons, des spectacles de rue, des ponts engorgés. Yojiro dut attraper par le col un gamin qui venait gratter la feuille d'or à l'arrière du palanquin. D'autres s'y mettaient à l'avant pendant ce temps.
- Ah, la populace maudite ! Dégagez !
On riait du rônin, seul face aux filous qui grouillaient, sortaient par portes et fenêtres admirer le beau palanquin des Lions.
- Ce tumulte va t-il bientôt cesser ? dit Sasuke. Je suis secoué.
Il était évidemment hors de question que le si délicat shugenja se tanne le derrière. Yojiro prit un bâton en bois et avec des moulinets, chassa plusieurs impudents.
- Nous aurions dû prendre une escorte, grogna t-il.
- Hors de question, nous venons incognito.
Il y avait une trentaine de gamins qui suivaient, les gens à la fenêtre hilares, les soldats Bayushi qui laissaient faire, des marchands qui se bousculaient pour approcher. Yojiro s'épongeait le front :
- Saleté de marmaille ! Allez-vous en !
Les enfants reculaient, puis revenaient en riant.
- Ah les petits démons !...
- Fais leur tâter du bâton, Yojiro...
- Je vais les faucher comme les blés...
Le rônin n'avait en fait pas trop le coeur à cogner sur des enfants, même si l'envie ne lui en manquait pas.
- La prochaine fois, dit-il, on ouvrira la route en rasant tous les bâtiments la veille ! On avancera plus facilement ! Ces grandes villes, franchement, c'est insupportable... Et tous ces problèmes de circulation !
En fin de matinée, le palanquin franchit la porte monumentale du mur d'enceinte du quartier religieux. Une fois la lourde porte en bois rouge refermée, ce fut soudain le silence. La clameur vulgaire n'était déjà plus qu'une rumeur, un souvenir. Il faisait bien plus frais. Les allées de gravier étaient soigneusement ratissées. Des bosquets coupés au cordeau. Des fontaines en pierre. Il n'y avait pas dix personnes dehors.
- Nom d'un chien !
Yojiro prit une grosse gorgée à sa gourde. Les porteurs se reposaient un peu, massant leurs épaules endolories.
- Pas trop dur les gars ?
- On a déjà porté plus gros.
Sasuke sortit du palanquin :
- Nous allons finir à pied. Dans le quartier religieux, il sera mieux vu de faire preuve de modestie.
Le shugenja n'imaginait pas le plaisir qu'il faisait aux porteurs ! Ceux-ci allaient attendre, bien tranquillement sur un banc. Yojiro leur fit un clin d'oeil et suivit Sasuke.
- Tu n'as pas oublié la boîte au moins, Yojiro ?
- Oh non ! Je n'allais pas prendre le risque de refaire le trajet une deuxième fois !


Samurai


Ils mirent presque autant de temps à traverser le quartier des temples, alors qu'il était bien plus petit. Il fallait s'arrêter prier devant toutes les statues. Sasuke connaissait les rituels. Yojiro se contentait de se baisser et de s'incliner plusieurs fois, comme on lui avait appris petit. Avec ce minimum, il ne risquait pas de fâcher une divinité, qui devait sentir qu'il n'avait pas une éducation religieuse trop poussée ! Il avait juste la foi du charbonnier !

Pour arriver au centre du quartier, il fallait suivre un chemin en spirale à angle droits, passer sous dix portes successives, en priant à chaque fois devant l'autel. Saluer les moines, échanger des politesses, répéter le but de la visite. On dit au shugenja que le rônin ne pourrait franchir la septième porte. Il était trop impur pour aller au-delà. Le rônin maugréa et s'assit sur une pierre, pendant que Sasuke passait dans la huitième section.
- Sept portes sur dix, ce n'est déjà pas mal...
Il vit alors une famille de paysans qui franchissait l'enceinte sans problème. Vexé, il se cala sur le banc, bien assis, croisa les bras et attendit. Il prit le temps d'observer autour de lui. Les statues représentaient des monstres grotesques, obèses, la plupart bicéphales. Ils étaient armés de grands sabres et de haches. Les décorations étaient surchargées, les motifs très délicats. Même le dallage au sol était finement décoré.
- On se croirait dans le quartier interdit ici, ricana Yojiro.
Deux moines-soldats s'ennuyaient. Il faisait vraiment bon ici, à l'ombre d'un beau cerisier. Yojiro sentit une délicieuse envie de dormir l'envahir. Il lutta contre la fermeture de ses paupières en plomb. Quand il crut qu'il résistait, qu'il fermait juste les yeux un moment, le sommeil le prit par surprise. Il ronfla paisiblement pendant presque une heure.

Il se réveilla en sursaut. Rien n'avait changé. Les deux soldats avaient changé. Le soleil était plus bas dans le ciel. Yojiro réalisa qu'il avait dormi comme un roc, en pleine capitale des Scorpions ! Comment était-il encore vivant !
- Dites, le seigneur Sasuke n'est pas encore ressorti.
Les deux soldats se contentèrent de hausser les épaules.
Yojiro se dit que Sasuke n'aurait pas pu le planter là !
Il alla se dégourdir les jambes, en se promenant dans la septième section. Il n'y avait pas un temple qui lui semblait accueillant pour aller prier. Pas une petite divinité de la guerre, des samuraï... Que des Ancêtres Scorpions, inquiétants ou barbares... Quels genres de faux-décors et de doubles fonds pouvaient receler ces temples ? Quels rituels compliqués pouvaient s'y dérouler.

La nuit tombait. La porte de la huitième section se rouvrit : Sasuke marchait avec un grand bonze, âgé, l'air fermé. Il s'inclinait devant lui puis ressortait, affairé. Il partit d'un pas rapide. Yojiro dut lui emboîter le pas. Lorsqu'ils furent presque sortis, il osa enfin demander :
- Alors, cette visite a été fructueuse ?
- Et comment ! J'ai mon entrée ! Je savais que mes amis des familles Soshi et Yogo seraient compréhensifs !
Les deux familles de shugenja du clan du Scorpion. Unanimement craints, ils avaient la réputation de pratiquer toutes sortes de rituels noirs dont un sorcier de l'Outremonde oserait à peine rêver.
- Des gens charmants, j'en suis sûr.
- Exquis !
Les porteurs de palanquins se massaient les bras et se disposaient au départ. Après la cohue de jour, la cohue de nuit ! Cette fois, Yojiro n'y tenait plus. Il proposa une étape dans un restaurant pour Sasuke.
- Après tout, pourquoi pas ?
Le rônin savait qu'il était de bonne humeur, c'était le moment d'en profiter. Yojiro échangea un clin d'oeil avec les porteurs, qui iraient profiter de la taverne. Sasuke mangea avec appétit, sans mentionner du tout sa visite. Au moment de repartir, une troupe du clan du Lion était arrivée : Yojiro avait envoyé un porteur pour les faire venir. De retour du restaurant, le chemin fut donc dégagé par l'escorte diplomatique. Les gardes Bayushi ne pouvaient rien y redire ! Convoi officiel d'un conseiller du général Kokatsu !

Sasuke partit d'un trait à sa chambre, contempler au coin du feu la belle invitation, dûment signée, à se rendre à la bibliothèque des Scorpions !
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RE: 24ème épisode : La Cité hors du temps - by Darth Nico - 17-03-2012, 12:13 PM

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