23-05-2012, 01:21 PM
(This post was last modified: 22-10-2012, 04:11 PM by Darth Nico.)
DOSSIER #21
- Ils ne sont pas allés manger chez Gronski ?
- Je les ai vus monter au quai, répondit Turov, qui finissait de remettre les cartons en place.
- Bon, j'espère qu'ils ne vont pas traîner, dit Maréchal.
Si Faivre espérait se confier à quelqu'un, il avait peut-être bien fait de choisir Clarine. Elle saurait l'écouter et faire preuve de discernement féminin... Tiens, la voilà qui revenait justement. Elle traversait le quai, pressée, martelant de ses talons le pavé humide.
- Bon, elle est seule, soupira Maréchal. On va savoir...
Elle entra comme un tourbillon et s'enferma dans son bureau. La porte claqua au nez de Maréchal. Ce dernier attendit, colla l'oreille. Turov et Morand regardaient depuis le coin du couloir. Maréchal entendit des sanglots étouffés. Il vit les deux détectives et, rageur, leur ordonna de retourner travailler. Puis il redressa la cravate et frappa :
- Clarine ?
- Entrez ! s'écria t-elle, en pleurs.
Maréchal ferma les yeux un instant puis ouvrit la porte. La secrétaire avait le visage dans ses mouchoirs.
L'inspecteur s'assit d'une jambe sur son bureau.
- Jamais !... Vous entendez ! Jamais ! On ne m'a parlé ainsi !
Maréchal alluma une cigarette et trouva poli de lui en proposer une.
- Non merci !
Elle avait crié.
- Pardon...
Maréchal rangea son paquet :
- Je vais faire un café...
Il mit l'eau à chauffer, posément, pendant qu'elle se tamponnait le visage et se regardait dans son miroir de poche. Il crut que c'était fini, mais elle replongea de plus belle.
- Hectandre...
C'était le nom de son mari. Maréchal comprit que c'était vraiment grave. Il n'aurait jamais imaginé qu'elle puisse se mettre dans un état pareil, elle d'habitude si froide.
- Il s'est montré insultant, hein, dit-il en lui versant du café.
- Le salaud ! L'ignoble !... Oh, je lui arracherais les yeux !...
- Où est-il en ce moment ?
- La grande brasserie ! Il a fait un scandale ! Jamais de ma vie je n'ai eu honte à ce point ! J'en aurais crevé sur place !...
Elle trempa les lèvres dans son café. Puis elle prit un rouleau de papier d'impression et le mit dans la machine à écrire.
- Non, non, pas question, dit gentiment mais fermement Maréchal. Vous prenez votre après-midi.
Elle ouvrit la bouche pour protester.
- C'est un ordre.
Maréchal enfila son manteau :
- La grande brasserie en face du quai, vous m'avez dit ?
- Oui...
- Je vous appelle un ballon-taxi pour rentrer chez vous... Turov !
- D'accord, chef.
Les deux petits malins avaient tout écouté.
- Elle en a gros sur la patate, dit Turov.
- Je ne saurais mieux dire, avoua Morand.
Maréchal partit en courant. Il attrapa le funiculaire qui partait juste.
Il s'assit, morose. Faivre avait fini par craquer. Il devait être à bout, prêt à en arriver à toutes les extrémités. Et c'était Clarine qui avait essuyé les pots cassés. Il n'allait pas s'en sortir comme ça. D'abord, comprendre ce qui déraillait chez lui... Puis exiger ses excuses... Lui ordonner de prendre un arrêt conséquent. Le diriger vers un spécialiste, le docteur Heims par exemple... Maréchal entra dans la brasserie presque vide. Il était à fleur de peau. Si quelqu'un se permettait une remarque déplacée sur son inspecteur... Il ne faisait pas le poids face aux gaillards de l'Urbaine ou des Moeurs, mais sur Forge, il s'était endurci. Du regard, il mordit quelques détectives qui traînaient. Ils n'avaient pas vu l'heure qu'il était ? Au boulot !
Il alla au comptoir. Le serveur savait qui il était :
- Il est parti il y a longtemps ?
- Il y a une demi-heure.
- Il a beaucoup bu ?
- Une bouteille entière et puis il a sifflé deux digestifs.
- Et vous l'avez servi ?
Le serveur ne sut que répondre.
- Bon, il est parti par où ?
- A gauche, en sortant.
- Il n'est pas allé au quai ?
- Non, un de vos collègues lui a proposé mais il a refusé. Il est parti tout seul. J'en sais pas plus.
Maréchal sortit aussitôt. Il allait prendre en filature un de ses hommes ! Il savait qu'il aurait les regards du quai braqué sur lui.
- Tiens, Maréchal...
Lanvin.
- Tu ne dois pas être tellement surpris de me voir ici, non ? Tu as vu partir Faivre ?
Ce Lanvin... Il avait parfaitement l'air dégagé, un peu débraillé, de la brigade urbaine. Les voleurs de sac à main, les braquages, les interrogatoires à la papa avec les truands les plus stupides de la Cité...
- J'ai vu passer Gustave, oui. Il a fait semblant de ne pas me voir. Il a pris le tramway.
Maréchal partit, pressé.
- Attends...
Lanvin lui filait le train.
- Quoi ?
- Je t'accompagne. Vu l'état dans lequel il est, on ne sera pas trop de deux pour le ramener à la raison.
Maréchal ne lui demandait rien. Il monta dans le tram sans rien répondre à son collègue.
Lanvin s'assit en face de lui.
Maréchal enleva son chapeau et s'éventa :
- Bon, il a dit quoi, le père Faivre dans le restaurant ?
- Pour faire vite, il a insulté ta secrétaire, sa famille et le Règlement.
- Parfait...
L'alarme retentissait, le tram démarrait. Lanvin en rabattit sur son habituel air goguenard.
- Il a déconné à pleins tubes, c'est sûr...
Maréchal n'aurait pas mieux dit !