13-03-2013, 03:51 PM
(This post was last modified: 13-03-2013, 04:52 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Porteur de l'ordre de mission de Mitsurugi, Yasashiro passa à la Cité du Levant. Il y retrouva Yatsume et lui dit qu'elle devait partir avec lui. La rônin fit sa mauvaise tête tout le voyage. Moins parce qu'il était mortellement dangereux pour elle de retourner à la Cité des Mensonges (elle se disait qu'elle s'en sortirait toujours) que parce qu'elle était fâchée de ne pas partir immédiatement délivrer Ikue.
A l'approche des grands murs verts de la capitale des Scorpions, elle avait retrouvé un peu de bonne humeur. Contre cette mauvaise fortune, elle avait trouvé une ruse : se refaire des faux papiers dans la Cité (ce serait bien plus facile qu'à la Cité du Levant !), et, pourquoi pas, enrôler Yasashiro dans son expédition chez les Grues !
Pour un peu, elle aurait remercié les dieux de lui avoir imposé ce contretemps. Elle ne dit rien sur le moment et fit tout pour se montrer docile :
- Je vais t'aider à te repérer dans cette Cité, la plus dangereuse de l'Empire !
- J'y suis déjà passé, dit Yasashiro, mais c'est vrai qu'on s'y perd facilement.
- Ne crains rien, je la connais comme ma poche.
D'autant mieux que lorsqu'elle y venait, c'était en cachette et que, lorsqu'elle en sortait, c'était avec toute une soldatesque aux trousses !
Ils traversèrent la baie de l'honneur noyé et le quartier des marchands.
- Je vais te laisser là, dit Yatsume, le front bas, nous approchons des quartiers nobles.
- Je te remercie pour ton aide.
- A bientôt...
Elle disparut dans les ruelles et se rendit auprès d'une bande de yakuzas qu'elle connaissait bien et qui ne pourraient pas refuser de l'héberger. Évidemment, ils étaient aussi heureux de la voir arriver que le collecteur d'impôts, mais ils se laissèrent amadouer par les grosses pièces que Yatsume mit sur la table. Elle se payait le séjour en pension complète, le temps que Yasashiro revienne de sa mission diplomatique.
- Et pour commencer, se dit-elle, allons nous refaire fabriquer un ordre de mission...
Yasashiro présenta son ordre de mission à l'entrée du palais des Lions.
- Va, entre... J'espère que tu portes de bonnes nouvelles, lui dit l'officier.
- Je n'ai pas lu le message que je porte.
- Oui, c'est mieux.
Le Crabe fut reçu en fin de journée par le daimyo Kitsu, le maître des shugenjas du clan des Lions. C'était un vieillard sans doute très respectable, très érudit, mais il était évident qu'il n'était pas fait pour commander le plus puissant clan de l'Empire. Lui-même devait regretter d'avoir été tiré de ses parchemins pour entrer dans le monde impitoyable des négociations diplomatiques. Cela, Yasashiro le sentit confusément lorsqu'il tendit des deux mains son parchemin au vieillard. Celui-ci le prit comme s'il s'agissait d'un quelconque traité à déchiffrer et pas d'un courrier signé du plus prestigieux général du clan.
- Je suis content de recevoir ce message du général Kokatsu. Les propos d'un homme de son envergure sont toujours précieux.
Ce que Yasashiro ignorait, c'est que Kokatsu, en termes diplomatiques choisis -choisis par Mitsurugi en l'occurrence ! -suppliait la famille Kitsu de quitter sur-le-champ la Cité des Mensonges ! Mitsurugi avait inventé une légende sur un sage et vieux Lion, si bon, si généreux envers les hommes que le jour où il tombe dans un nid de vipères, il veut discuter avec elles au lieu de s'enfuir -ou de les tuer !
Le vieux Kitsu lut et ne manifesta aucune émotion apparente.
- Le général Kokatsu est toujours un homme avisé.
- Il attend une réponse de ta part, seigneur, dit Yasashiro.
- Ah oui, bien, bien...
Il y avait peut-être un espoir d'accélérer le départ des Kitsu, et de régler le problème de la succession du clan ailleurs que chez les Scorpions.
Hélas, la porte s'ouvrit en grand, et, dans un grand courant d'air, le gouverneur de la Cité, Bayushi Tangen deuxième du nom, fit une entrée théâtrale, entouré de quatre gardes du corps qui allèrent se disposer dans les coins de la pièce.
- Mes salutations les plus respectueuses, dit-il avec de grands effets de manche.
Il ne prenait même pas la peine de se faire annoncer, alors qu'il entrait dans une ambassade d'un autre clan. Il était vraiment comme à la maison partout dans sa Cité !
Il avait mis son plus beau masque, le plus écarlate et le plus effrayant et un kimono dont les motifs projetaient des éclats agressifs.
- Je venais vous inviter ce soir sur l'île de la Larme pour un grand dîner avec tous les prétendants !
- C'est ce que ce soir...
Il y eut bien un conseiller, un peu moins pleutre, qui essaya de dire que le maître Kitsu allait rédiger un courrier et que la venue de Bayushi Tangen était inopportune, mais le maître des Secrets ne l'écouta même pas. La vérité est que tout le monde était paralysé de peur face à lui ; sa grande taille, sa stature imposante, sa voix de stentor, tout cela était bien fait pour stupéfier l'assistance.
Tandis que Yasashiro découvrait les dessous peu reluisants de la diplomatie, Yatsume se faisait accompagner chez le meilleur faussaire de la ville, Hun l'édenté.
- Il t'en coûtera cher pour un tel papier, ma chérie !
- Dis toujours ton prix.
- Deux kokus.
- Quoi ! C'est du vol ! A la Cité du Levant, Hou le chauve en demandait la moitié.
- Hou n'est qu'un manchot à côté de moi. Paye d'avance la moitié ou va-t'en !
- Tiens, voilà ton argent !
- Des pièces du clan du Lion ? Pour qui me prends-tu ! Je veux de la monnaie à l'effigie de la famille Bayushi !
- Mais au taux de change, je vais perdre un tiers de mon argent !
- Ce n'est pas mon problème ! Je veux de l'argent d'ici ! Pourquoi pas des pièces de chez les Dragons tant qu'on y est !
- Tu es une crapule.
- Tu en es une autre, ma fille, sinon tu ne serais pas ici.
- Oublie-moi, je reprends mon argent, je n'ai pas assez pour tes services.
- Dommage, je t'aimais bien.
- C'est ça, cause toujours...
- Je peux consentir un rabais.
- Ah oui ? Et en échange de quoi ?
- Un service.
- Ne compte pas mettre les mains sur moi.
- Il ne s'agit pas de cela.
- Alors dis ce que tu veux. Nous ne sommes pas à la cour impériale, pas besoin de simagrée.
- Si tu veux ton ordre de mission pour te rendre dans les terres Grues, je veux en échange la tête d'un homme.
- Pardon ?
- Tu veux des paroles directes, tu en as eu.
- Quel homme ? Tout dépend de qui il s'agit !
- Est-ce que je te demande ce que tu feras de cet ordre de mission ?
Yatsume se serait sentie ridicule de dire qu'elle allait tirer une belle jeune femme des griffes de sa famille.
- Non, soupira notre ronin.
- A la bonne heure. Rassure-toi, je ne te demande pas la tête d'un dirigeant Bayushi. Juste d'un imbécile qui vit à quelques rues d'ici. Un marchand.
- D'accord. J'irai cette nuit.
- Prends ton temps, je ne bougerai pas mon échoppe. J'ai attendu longtemps, donc maintenant, je peux patienter encore un peu.
- Moi je suis pressée, dit Yatsume, amère.
Elle sortit. Il lui revint à l'esprit les cours de morale professés dans son dojo :
- Peut-on attendre une fin bonne par des moyens immoraux ?... La plupart des clans diraient, sans hésiter : non. Nous, nous disons : tout dépend si tu le fais pour le clan.
Yatsume se demandait si ces sages conseils étaient applicables en l'état. Elle ne voulait pas trop y penser, elle voulait garder les yeux fixés sur le bonheur qu'elle ferait à Mitsurugi et Ikue. Le reste disparaîtrait bien vite dans les limbes du souvenir. Qui se soucierait de Hun l'édenté, Hou le chauve, Han l'éclopé ou Hin le borgne ?... Personne !
Yatsume se reposa toute la fin d'après-midi. A la nuit tombée, elle revêtit une combinaison intégralement noire, se couvrit le visage jusqu'aux yeux et mit un sabre dans son dos, des poignards à sa ceinture, puis partit en courant sur ses semelles de crêpe. Cela aussi, elle l'avait appris, d'abord à l'école, mais surtout dans la vie !
Il en fallait du courage pour faire ce que je fais, se dit-elle, et personne ne le reconnaîtra ! Humble servante, vouée à se salir les mains pour le bonheur des autres, elle expiait ses fautes passées !
Le marchand habitait à l'étage au-dessus de sa boutique. Yatsume monta sur un tonneau et atteignit le toit en face. Il n'y avait presque pas de lune. Elle monta, prit son élan et bondit, comme une panthère, sur le toit du marchand. Elle fit craquer les poutres. Comme du monde passait dans la rue, elle se plaqua sur le ventre et ne remua plus un cil. Quand la rue fut déserte, elle descendit sur la terrasse de l'étage, se mit à genoux et sortit une lame. Elle glissa sa lame derrière le panneau qui ouvrait sur la chambre réussissant à faire coulisser la plaque en silence. Elle l'ouvrit juste de quelques pouces, jeta un oeil à l'intérieur, puis tira doucement son sabre. L'arme bien en main, elle ouvrit en grand le panneau et se précipita à l'intérieur. Un bref cri, étouffé, un geyser de sang et ce fut tout. Éclaboussée du sang de sa victime, elle referma le panneau. Elle mit la tête du marchand dans le sac. Avec sa lame bien effilée, elle avait sauté toute seule !
Yatsume descendit dans la rue, haletante et courut chez le faussaire. A cette heure avancée, il ne dormait toujours pas :
- Les travailleurs nocturnes sont les plus efficaces, dit-il.
Yatsume, qui étouffait, retirait les bandes qui lui cachaient le visage.
L'édenté ouvrit le sac, contempla avec satisfaction la tête encore fraîche et ensanglantée.
- Vieux salopard, c'est moi qui ai fini par t'avoir.
Il referma le sac et ordonna à Yatsume de l'en débarrasser.
- Va la jeter dans le fleuve. Très loin d'ici en tous les cas ! Et laisse-moi un peu de temps. C'est de l’orfèvrerie ce que tu me demandes !
Yatsume alla jeter le sac à plusieurs rues de là. Elle finit la nuit à se saouler dans un tripot presque désert, où des prostituées fumaient au comptoir.

Yasashiro resta trois jours à la Cité des Mensonges pour attendre la réponse du daimyo Kitsu. Patiemment, il observa les débats. On l'avait autorisé à rester, car il était un messager officiel et, ma foi, qui se soucie vraiment d'un Crabe ?
Ce qu'il vit le dégoûta de la politique et lui montra l'ampleur de la corruption qui régnait chez les Scorpions. Bayushi Tangen n'était à l'évidence là que pour envenimer la discussion entre les trois prétendants. Cela crevait les yeux à tous, sauf à la famille Kitsu manifestement, qui espérait encore une issue pacifique... C'était désespérant. Les Scorpions devaient boire du petit lait. Ou bien se lasser d'avoir affaire à des adversaires si vulnérables. Le scorpion tenait le lion entre ses pinces et le faisait sauter de l'une à l'autre, comme ça, pour le plaisir. Il aurait été dommage de l'achever immédiatement.
On se souvint de Yasashiro le quatrième jour après son arrivée. Les Kitsu étaient fatigués de ces débats interminables. Le chef de famille se refusait à prendre une décision, ce qui le rendait de plus en plus odieux aux membres de la famille Akodo. Et les Scorpions pouvaient ricaner dans leur coin !
On pouvait dire que, pour chaque jour qui passait, c'était peut-être derrière des mois en plus de discordes à prévoir dans le clan du Lion pour oublier les paroles impitoyables échangées entre les prétendants.
Yasashiro entendit même deux Scorpions se dire, en se cachant à peine :
- Encore un peu et le clan du Lion éclatera en trois...
C'était proprement ahurissant. Et sa parole à lui n'avait bien sûr aucun poids ! Qui allait écouter un messager Crabe !
Le daimyo Kitsu le convoqua. Il était encore plus fatigué. Il parlait d'une voix douce, aimable, mais on sentait qu'il avait très envie de dormir. Or, les Scorpions s'arrangeaient pour le solliciter en permanence.
- N'allons pas non plus le crever trop vite, ricanaient les Bayushi.
Les Scorpions avaient formidablement réussi leurs manoeuvres d'intimidation contre ceux qui osaient suggérer que, peut-être, il faudrait départager les trois prétendants en organisant une bataille réglée, ou simplement un duel. Ceux-là recevaient des menaces plus ou moins directes et cessaient rapidement de donner leur avis.
- Tiens, cher messager, voici ma réponse pour le général Kokatsu. Remercie-le encore de ma part de sa gentille attention.
- Je n'y manquerai pas, répondit machinalement Yasashiro.
Il était content de sortir de l'atmosphère irrespirable du palais !
Il retrouva Yatsume dans le quartier des marchands :
- Ah, Yasashiro ! Heureusement que je te trouve maintenant ! Figure-toi que je ne peux rentrer avec toi ! Mitsurugi m'envoie à la capitale !
- Ah, entendu, dit le Crabe. Tu sais pour quelle raison !
- Oh, je pense que c'est secret ! Je pourrais te le dire, mais je me ferais encore gronder ! Tu sais comment ça va !
- Oui, tu as raison. Ne m'en dis pas plus.
- Très bien, à bientôt Yasashiro ! Bon retour chez nous !
Yatsume s'en alla avant de devoir répondre à plus de questions.
Dès son arrivée à Otosan Uchi, elle retrouverait le bouffon. Il ne pourrait pas lui refuser l'aide de quelques-uns de ses malandrins pour monter une expédition chez les Grues !

Après sa rencontre avec Hanteï Tokan, Sasuke était revenu dans son auberge. Il avait alors envoyé Yojiro lui chercher le Bouffon. Le rônin n'eut pas de mal à entrer dans la cour des miracles et à se faire introduire devant son Empereur, vautré au milieu de ses amis.
- Quoi ? Qui me dérange encore ?...
Le gros Yoriku lut le message du shugenja :
- Décidément, on ne peut jamais être tranquille ! Allons, debout là-dedans ! Que les moins malpropres d'entre vous se lèvent, mettent leurs plus beaux habits et m'accompagnent ! Nous partons voir un hôte de marque !
- Où ça, ô suprême guide ?
- En banlieue !
- En banlieue, quelle horreur !
- Cela nous changera d'air ! Allez, en route, mauvaise troupe !
Yojiro amena Yoriku et ses hommes à l'endroit où Sasuke attendait : l'auberge d'un petit village entre la capitale et la cité stratégique ouest.
- C'est très charmant ici ! J'ai vu qu'il y a une belle rivière mes enfants ! Allez donc batifoler par là-bas ! Et si d'aventure, vous rencontrez quelque bergère folâtre, faites-lui découvrir vos prouesse viriles ! Allons, ouste, du balai !
La clique de gueux partit s'ébattre dans la campagne.
- Je me demande bien ce qu'il me veut, le père Sasuke. Pour qu'il se déplace lui-même, ce doit être important.
Yojiro ne dit rien du tout, alors même que Yoriku faisait tout pour lui tirer les vers du nez.
- Entre, je t'attendais, dit Sasuke, qui attendait, seul dans la grande auberge qu'il avait réservée.
- L'ambiance est froide par ici, dit le Bouffon en s'asseyant de tout son poids.
- Peut-être, mais nous serons bien pour parler.
On disposa des panneaux autour d'eux et Yojiro alla se poster à l'entrée, en féroce chien de garde.
Sur le chemin du retour, Yasashiro rencontra une forte troupe de Lions, qui cernait un grand palanquin. Le drapeau qu'il arborait ne laissait pas de doute : c'était la garde rapprochée d'un des trois prétendants Akodo.
Yasashiro montra ses ordres de mission et fut autorisé à se joindre à la troupe.
- Notre maître, expliqua un officier à notre messager, est furieux de voir le clan à la merci des Scorpions. Il se rend donc chez le daimyo du clan du Lion pour le mettre au courant.
- J'ai moi aussi un message à porter, au général Kokatsu.
- Il serait bon que ton maître nous reçoive à mon avis. Notre maitre a besoin de tous les soutiens possibles.
- Je ne peux pas parler pour le général.
- Non, mais tu peux transmettre notre demande d'être reçus dans les murs de la Cité des Apparences.
- Bien sûr.
Yasashiro partit rapidement sur le chemin, traversa les montagnes au plus court et arriva en vue de la grande cité du général. Il fut convoqué aussitôt chez Mitsurugi.
- Quelles nouvelles, Yasashiro ?
- Il y en a beaucoup.
- Alors expose-les brièvement.
Le Crabe dit ce qu'il avait appris.
- Oui, c'est inquiétant. C'est même tout à fait affolant, dit Mitsurugi, songeur. Viens, nous allons voir le général.
Yasashiro put transmettre la demande du prétendant.
- Je le recevrai, dit le général, méfiant.
- En voilà au moins un qui ne se laisse pas faire, dit Mitsurugi.
- Ce n'est pas celui des trois que je préfère... Akodo Gencho est le plus jeune des trois, il n'a jamais connu la guerre. Mais enfin, soit !
- Il ne peut que nous aider face à la coalition qui va marcher sur nous, dit Mitsurugi.
- Oui, le vent de terre qui vient de l'est est mauvais, grogna Kokatsu.
- Comment allons-nous faire face à une armée de Phénix, de Grues et de Scorpions si nous n'avons pas le soutien des Matsu ?
- C'est juste, c'est juste, je le recevrai.
Akodo Gencho arriva trois jours après. Matsu Kokatsu le reçut au plus vite.
- Je te remercie pour ton hospitalité, général ! Elle me change de celle des Scorpions !
- Nous n'avons pas autant de luxe, mais nous sommes sincères, dit Kokatsu.
- Et c'est en connaissant ta droiture et ta bravoure que je m'adresse à toi ! J'ai des projets pour ce clan, des projets plus nobles que les manigances de couloir qui se trament à la Cité des Mensonges !
Kokatsu écoutait, bras croisés.
- Général, je te demande, au nom de l'unité de notre clan, ton aide. Je sais que tu as combattu dans tes jeunes années avec mon père. Aujourd'hui, je me présente à toi. Chacun sait que la bravoure du père ne préjuge pas de celle du fils, car on a vu plus d'un grand capitaine d'armée engendrer un couard, hélas. Moi, tu ne m'as jamais vu sur un champ de bataille, car je n'en ai jamais vu un. Mais je suis impatient d'en découdre face à nos ennemis. Et aujourd'hui, j'ai remporté une première victoire en quittant le palais de mensonges de Bayushi Tangen. Je ne peux t'apporter d'autres preuves de ma détermination. En revanche, je te demande ton soutien et moi, en échange, je ferai de toi mon bras droit.
- Allons, tes prétentions sont exorbitantes ! Surtout en ce qui me concerne ! Tu sais ce que cela implique que je sois ton second !
- Général, si tu diriges la bataille contre le Gozoku coalisé, que tu remportes la victoire, qui pourra te contester le titre de chef de la famille Matsu ! Ton vénérable maître actuel n'attend qu'une chose, pouvoir se raser la tête et se retirer pour penser à sa prochaine vie. Qui mieux que toi pourrait lui succéder ? Il ne te manque qu'un exploit pour fédérer toute ta famille, et moi pour fédérer tout le clan.
Kokatsu fit un signe de tête à Mitsurugi : celui-ci hocha la tête et dit qu'il avait compris. Il sortit de la salle et fit préparer ses affaires : il allait de nouveau plaider la cause du général auprès du chef de la famille Matsu.
Pendant qu'on préparait les bagages, Mitsurugi eut le temps de s'entretenir avec Yasashiro :
- J'ai juste aperçu Yatsume en partant, dit le Crabe. Elle était dans tous ses états de partir.
- Où est-elle au fait ? Elle n'est pas avec toi.
- Mais, enfin, non... Elle est à la capitale.
- A la capitale ? Qui lui a ordonné ?
- Mais toi, Mitsurugi. Elle a reçu ton ordre de...
- Mon ordre ! Mais je n'ai jamais !...
Les deux hommes se fixèrent en silence.
- Encore un coup des Scorpions ça !
Mitsurugi avait tapé sur la table.
- Pourquoi maintenant veulent-ils l'envoyer à Otosan Uchi ?
- Peut-être pour l'éloigner de la Cité des Mensonges, dit Yasashiro.
- Nous ne sommes pas dans la tête de ces manipulateurs de Scorpions et, en un sens, tant mieux ! En attendant, nous ne savons pas ce qu'ils manigancent. Ils ne veulent sûrement plus de témoins extérieurs.
- En plus, dit Yasashiro, il se murmure que les négociations pourraient continuer à Bakufu...
- A Bakufu !... Ils ne connaissent plus aucune limite ! Maintenant que Tangen n'a plus que deux prétendants entre les pinces, il va les emmener directement dans leur fausse capitale ! La situation est encore plus grave alors !
- Veux-tu que j'aille à Otosan Uchi ?
- Non, Yasashiro. J'ai besoin de toi à Bakufu pour être nos yeux et nos oreilles. On te connaît là-bas et on te fait confiance. Pars dans cette fausse ville et sois attentif. Ecris-moi tous les jours.
- Entendu.
- Pour ce qui est de Yatsume, il sera facile de la retrouver normalement. Yojiro est à la capitale avec Sasuke. Je vais lui écrire pour qu'il la retrouve !... Allons, je dois partir.
- Je me charge de faire prévenir Yojiro.
- Je veux bien, Yasashiro. Et tant que tu seras à Bakufu, observe bien les murs et les fortifications ! Si jamais un jour nous y allons... Tu m'as compris !
- Évidemment...
Mitsurugi était déjà impatient de voir Sasuke invoquer tous les esprits du feu sur cette cité du Gozoku !
Il partit dans l'heure qui suivit et fut de retour deux jours après.
- Parle, Mitsurugi, dit Kokatsu, qui avait fait asseoir le jeune Akodo à ses côtés.
- Le grand Matsu Torajo accepte que tu prennes sa succession si tu remportes la victoire.
Kokatsu et Akodo Gencho se regardèrent, complices.
- Nous voici au pied du mur.
En deux jours, ils étaient devenus les meilleurs copains du monde !
- Alors, dit Kokatsu, que nos armées se préparent plus qu'elles ne se sont jamais préparées ! Face à la plus formidable des armées ennemies, non seulement des ennemies mais des traîtres à la face de l'Empereur ! Pour eux, une mort rapide sera encore une fin trop belle que, généreusement, nous leur offrirons !
