07-05-2013, 10:58 PM
(This post was last modified: 21-07-2013, 07:28 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Sasuke attendit trois jours une réponse de Takéo. Il savait que les Phénix avaient des messagers à cheval rapide. Les nouvelles pouvaient circuler rapidement jusqu'à la frontière puis être transmises par les relais de messagers disséminés le long des grandes routes du Lion. Qui plus est, tout message adressé au général Kokatsu était désormais si important qu'on pouvait tuer montures et messagers à la tâche pour les faire arriver le plus vite possible !
Le shugenja avait un mauvais pressentiment. Le quatrième jour, comme il ne recevait pas de réponse et que Kokatsu le relançait toujours pour savoir où on étaient les négociations, il prit sur lui de se rendre à la frontière Phénix. Là on lui fit comprendre que pour le moment son laisser-passer n'était plus valable. Etonné, Sasuke préféra ne pas protester. Comme Noname avait voyagé à ses côtés, il lui ordonna le soir même, dans l'auberge du village frontalier, de s'infiltrer de nouveau chez Shiba Takéo.
Inquiet, Sasuke revint à la Cité des Apparences et dit à Kokatsu que les Phénix faisaient traîner en longueur.
No Yatsume ni Yojiro n'avaient donné signe de vie. Le lendemain, un évènement sanglant mit la Cité des Apparences en émoi : un village proche avait été incendié, son temple rasé, les moines égorgés ou pendus, les habitants décimés. Des réserves de grains avaient été pillés.
On crut à des bandits de grand chemin. Une troupe fut dépêchée pour poursuivre ces pillards. Le temps qu'elle se mette en route, et trois autres villages étaient attaqués par une troupe peu nombreuse mais bien organisée. Les survivants parlaient d'une bande qui opérait à la lisière des bois, qui jaillissaient à la nuit tombée et perpétrait le maximum de dégâts dans les villages. Leur but semblait moins le pillage des ressources que de répandre la peur : ils ne s'attaquaient en effet qu'à des villages relativement pauvres, mais passer par contre beaucoup de temps à faire subir tous les sévices possibles à la population, surtout les femmes et les enfants.
Au bout de quatre jours, les villages voisins commencèrent à se vider, la population accourant à la Cité pour y demander protection. Si cela continuait, on allait connaître un exode comparable aux périodes de famine.
Sasuke avait bien envie d'aller se défouler contre ces écorcheurs. Seulement, il attendait le retour de Noname. Ce dernier revint au moment où les campagnes étaient à feu et à sang ; les pillards étaient insaisissables.
- Quelles nouvelles ? demanda le shugenja, impatient.
- Mitsurugi n'est plus chez Takéo depuis une dizaine de jours ! Il a été emmené par le shinsen-gumi !
- J'aurais dû m'en douter ! Il va falloir accélérer le mouvement. Toi, Noname, tu vas partir sur l'heure avec ta bande de mercenaires à la poursuite des pillards. Je te charge de nous ramener la tête de ces brigands. Et moi, je vais avertir Kokatsu...
Ce fut la dernière fois que Sasuke vit son ignoble serviteur. Ce dernier partit en campagne avec une dizaine d'hommes. Hélas, parmi eux se trouvait trois agents au service de Saphir, de mêche avec les pillards qui étaient, eux aussi, la plupart sans le savoir, au service du maître des assassins de la conspiration. A peine Noname comprit-il cette traîtrise qu'il fut proprement lardé de coups et pendu à un arbre. Il avait trouvé pires crapules que lui.
Depuis la salle du temple secret, les maîtres, assis en cercle, surveillaient par l'Oeil de l'Oni, la progression des pillards. Kokatsu devait envoyer de plus en plus de patrouilles et il bouillait lui-même d'y aller.
La goutte d'eau qui fit déborder le vase fut mise par Cristal, lorsqu'en sa qualité de gouverneur de la Cité des Mensonges, il réquisitionna plusieurs assassins de l'école Shosuro pour se mêler aux pillards. Ceux-ci partirent de gaieté de coeur dans cette mission-suicide, sans comprendre le pourquoi du comment, mais sans bien évidemment le demander.
L'effet ne se fit pas attendre : les Shosuro brûlèrent des villages à la frontière des Lions avec les Phénix. Et cette fois-ci, on trouva des indices incriminant les Scorpions. Tout avait été monté comme une pièce de théâtre dont Bayushi Tangen avait le secret.
Cette fois, Kokatsu, déjà enragé de savoir Mitsurugi aux mains du capitaine Jukeï, bondit de son trône et ordonna le départ de sa garde personnelle, les plus féroces qui avaient survécu à la dernière bataille, avec des renforts sortis des dojo. Cette fois-ci, le général comptait bien avoir recours aux pouvoirs de son shugenja du feu !
Hida Yasashiro, remis de ses blessures, fut également de la partie. Il lui tardait d'étrenner le nouveau tetsubo qu'il s'était fabriqué pendant sa convalescence !

La formidable troupe de Kokatsu se mit en branle, grossie des renforts de la famille Akodo et par plusieurs seigneurs qui prièrent ardemment leur maître de l'accompagner dans sa campagne. Si bien qu'au lieu d'une garde rapprochée, ce fut une véritable armée qui sortit de la Cité des Apparences et s'élança sur la grande plaine, tous étendards, hampes, lances et bannières dehors, comme une mer houleuse de drapeaux, d'armures et de chevaux, une mer qui monte à grande vitesse et menace d'engloutir tout sur son passage. Le résonnement terrible des sabots se faisait entendre à près d'une journée de marche à la ronde. Le nuage de poussière soulevé ressemblait à la fumée sortit des naseaux d'un grand dragon et la puissance qui se dégageait de cet ensemble ne se comparait qu'au roulement des nuages chargés d'éclairs. Kokatsu avait ordonné d'aller plein est, car c'est dans cette direction que se trouvaient les plus grandes bandes aperçues ces derniers jours.
- La meute féroce est sortie, dit Cristal depuis le temple. Jetons-leur de la viande fraîche pour les exciter encore plus.
Le lendemain de son départ, l'armée fut en vue de la petite Cité de la frontière respectée, au moment où celle-ci était assaillie par les pillards. L'avant-garde de l'armée piqua des deux pour foncer sus aux bandits. Elle traversa une rivière en faisant jaillir tellement d'eau qu'elle la vida à moitié ! Et, autant les chevaux avaient eu l'air pendant quelques pas maladroits quand ils étaient dans l'eau jusqu'aux genoux, autant leur élan nouveau quand ils furent de l'autre évoquait le vent lui-même quand il souffle en tempête. Les pillards passèrent littéralement sous les sabots, leurs crânes éclatant comme des noix sous ce martèlement monstrueux. Les montures ressortirent avec les pattes rouges ; menée par Yasashiro, une troupe contourna la cité et rattrapa plusieurs écorcheurs qui s'enfuyaient maladroitement. Le tetsubo du Crabe s'abattit sur eux comme la foudre.
La Cité sauvée, l'armée repartit de plus belle, comme prise d'un unique souffle surhumain qui l'entraînait follement, comme une monture affolée, le mors aux dents, qui crèvera dans sa course plutôt que de s'arrêter. Tous sabres et lances en avant, ils gravèrent la plaine de leurs milliers de pas de fer et ne s'arrêtèrent brusquement, que lorsqu'ils atteignirent, à la tombée de la nuit, la frontière avec les Phénix.
Ce n'était qu'un alignement de bornes à moitié dissimulées par les hautes herbes. C'en n'était pas moins une limite bien réelle, qu'un daimyo de clan ne peut jamais franchir que pour une guerre réglée ou une invitation officielle.
D'un coup, le silence se fit dans les rangs. Tout le monde tournait ses regards vers ce général dont émanait une impression de toute-puissance majestueuse mais qui, à ce moment-là, connaissait pour la première fois de sa vie, un doute immense. Un geste de lui et le destin de l'Empire basculait.
On n'aurait pas hésité plus avant de se jeter la tête la première dans une mer déchaînée. L'armée se figea comme un assemblage de pantins sur une table ; même Kokatsu cessa un temps de respirer. On n'entendit plus que le souffle de la plaine dans les grandes herbes ondulantes.
Puis Kokatsu enleva son casque, souffla, essuya son front trempé, relâcha ses rênes et descendit de monture. Il avait fait un geste à ses aides de camp que ceux-ci avaient compris : une armée ne peut plus faire de mouvement après le coucher du soleil. On camperait donc ici pour la nuit.
Et comme cela n'était pas prévu, on n'avait presque emporté aucun matériel pour une campagne de longue durée. Alors, on vit ce spectacle étonnant que tous ces cavaliers descendirent de monture, firent asseoir celles-ci et, s'étant deshabillés, se contentèrent de se coucher contre leurs flancs ; puis ils s'endormirent tous en même temps, comme un seul homme. Ce fut bientôt un concert de ronflement énorme, à l'heure où les chouettes du bois voisin commençaient d'hululer sous la lune.

L'humide brume du matin rendit le réveil pénible. Kokatsu, d'humeur particulièrement massacrante, se leva le premier. Plusieurs soldats furent surpris de voir que celui qui les secouait pour les réveiller n'était autre que le maître de leur clan.
- Debout, debout...
Le général ne supportait pas qu'on ne fasse pas tout comme lui. Il aurait fallu que tous s'éveillent au même moment que lui. Or, la superbe armée du Lion ressemblait encore, à l'heure où le soleil pointait timidement, à une bande de maraudeurs en campagne, semblables à ces écorcheurs qu'ils venaient de pourchasser. Des groupes revenaient du bois et faisaient du feu. Kokatsu consentit à avaler un bol de riz.
Un messager était parti à la Cité du Levant, pour qu'on amène les chariots de l'intendance qui nourrirrait tout ce régiment. Le général se grattait sa barbe neuve. Il se sentait sale, fatigué, comme tout le monde. Un éclaireur dit qu'il y avait une rivière. Les hommes s'y rendirent par groupes pour s'y décrasser. Ce fut là encore un spectacle étonnant, pour les paysans des environs, de voir ces dizaines d'hommes descendre à l'eau en même temps.
A suivre...
