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Les Contes de la Canine #6 : Histoire de P.Y. de Saint-Huant
#2
Mars 1998

Objectif et mise en scène

Ce soir-là à Paris, devant le grand hôtel Lutecia, deux importants Caïnites discutaient. La première était la comtesse Constance Bathory. Le second était le cinéaste Pierre-Yvon de Saint-Huant, Toréador, connu pour se tenir éloigné des fastes de l’Elysium, qui préférait la fréquentation des Artistes en opposition à la politique du Prince de Paris.
Le fait est qu’il jouait sur les deux tableaux, grâce à son charme naturel et à sa prudence dans le choix de ses alliés. Il gagnait sur les deux registres, les mondanités et les activités interlopes, et beaucoup le jalousaient d’arriver ainsi à se maintenir sur la corde raide.
Quant à la comtesse Bathory, à l’époque où nous parlons, elle jouissait de glorieuses faveurs du Prince. Son seul ennemi véritable, le seul à sa taille, était déjà Hiéronymus Lucien. L’opéra de Paris constituait leur terrain d’affrontement privilégié. On prévoyait qu’ils finiraient par s’étriper en ce lieu. Tropovitch, le musicien attitré de Villon, jouait le médiateur entre les deux. Il passait évidemment pour un nigaud sans force de caractère. On admirait et on aimait craindre en revanche les deux protagonistes, dont la rivalité haineuse suscitaient toutes les passions au Louvre. On trouvait là un merveilleux terrain pour les querelles, les secrets, les rumeurs et les affrontements partisans.

diablotin

- Alors c’est entendu, Saint-Huant, disait la Comtesse Bathory, je vous cède mon loft et en échange, vous acceptez d’aider la personne que je vous ai indiquée ?
- J’accepte votre proposition. Je serais fou de refuser une telle offre, surtout venant de vous ! Il faut d’ailleurs que ce Gangrel vous tienne à cœur, pour que vous échangiez sa sécurité contre un loft.
- Oh, vous savez, Saint-Huant, je vous cède surtout une grande bâtisse, que vous aurez largement à refaire. Il y aura des travaux, comme on dit. C’est près de ces friches industrielles, en banlieue, qui prennent de plus en plus de valeurs, à mesure qu’on les transforme en nouveaux quartiers résidentiels. Vous vous régalerez de la valeur que cela prendra dans les prochaines années.
- Certainement, certainement. J’avais justement besoin d’un endroit pour tourner, à l’écart des curieux de la capitale.
- Hé bien vous l’avez trouvé ! Vous pourrez vous consacrer à votre art tant que vous voudrez !
- Je l’espère. Je ne manquerai pas de vous inviter, une fois les travaux terminés. Si toutefois les fréquentations louches ne vous rebutent pas.
- Voyons, Saint-Huant ! Ce n’est pas vous qui me dévergonderez ! Vous ne croyez tout de même pas que je suis comme ces jeunes Ventrues qui ne jurent que par la loi et l’ordre. Allons, ce n’est pas sérieux. Même le Prince n’est pas loin de reconnaître des qualités à ces anti-tribus… tant qu’ils ne menacent pas de prendre le dessus, naturellement ! Vous voyez quels efforts Villon a fait ces derniers temps ! Efforts encore impensables il n’y a pas cinq ans.
- Sans doute sous l’effet de votre influence bénéfique…
- J’aime à le croire, oui.
- Et ce Gangrel que je dois protéger ? Qui est-ce ? Où est-il actuellement ?
- Qui il est, vous le découvrirez bien assez tôt. Il est au courant qu’il a changé de protecteur. Et quant au lieu où il se trouve…
- Oui ?
- Sous vos pieds.
- Comment cela ?
Saint-Huant leva une jambe, puis l’autre, comme s’il venait de marcher dans une de ces crottes qui semblent semées dans la capitale. Le cinéaste avait outré son attitude, et la comtesse, habituée du monde du théâtre, partit d’un grand rire de diva. Elle imitait volontiers Montserrat Caballé.
- Sous mes pieds ? Expliquez-moi ? Il s’est enfoncé dans le sol, comme savent faire les Gangrels ?
- Mon Dieu non, fit dans un grand élan rieur la Comtesse –Saint-Huant se demandait si elle n’en rajoutait pas pour la galerie (preuve qu’il était homme de cinéma, et non de théâtre !) – ce Gangrel est simplement dans les couloirs du métro qui doit passent sous nos pieds !
- Il dort dans le métro ?
- Hé bien quoi ? C’est un Gangrel : je n’allais pas lui payer une chambre au… au Georges V ! (elle avait des piquées de colère que Saint-Huant n’avait connu que chez la Castafiore !)
- Non non bien sûr, s’excusa t-il.
- Bien, je vous demande d’aller le retrouver. Je lui ai parlé de vous, il vous attend. Il vous expliquera lui-même ses problèmes, vous vous arrangerez pour l’y aider, dans la mesure de vos moyens.
- C’est tout ?
- Parfaitement.
- Il faut qu’il vous soit précieux pour qu’il s’échange contre votre loft.
- Vous vous répétez, Saint-Huant. Puisque vous êtes méfiant et dur en affaires (en quoi vous êtes quand même plus proche du cinéma que du théâtre !), sachez que ce Gangrel est un pion essentiel dans ma rivalité avec le Sire Lucien.
Elle avait prononcé cette phrase en appuyant sur les mots, de manière à ce que Saint-Huant regrette à la fois de lui occasionné cet effort et de l’avoir obligée à dévoiler son jeu.

diablotin

- Entendu, comtesse. Je n’en demanderai pas plus.
- Bien trêve de mondanité. Je n’ai guère l’intention de vous accompagner dans le métropolitain. Je vais devoir vous quitter, ajouta t-elle d’un air important, car j’ai encore une soirée aux Invalides.
- Très bien. Je prends en charge votre protégé. Je vais d’ailleurs aller lui rendre visite.
- Comment ? maintenant !
Saint-Huant sourit :
- Hé oui, pourquoi attendre ? J’ai mes entrées dans le « métropolitain » (le point d’ironie serait ici nécessaire), c’est bien le moins pour quelqu’un comme moi…
- A votre guise, monsieur le cinéaste. Bonsoir.
- Bonne soirée à vous. Je vous tiens au courant…
Une limousine blanche, sortie d’une scène hollywoodienne d’arrivée d’une vedette à une réception de gala, s’arrêta aux pieds de la Comtesse. Celle-ci s’engouffra dans ce paquebot sur roues, à l’intérieur duquel l’attendaient tout une troupe de beaux et frais Toréadors qui égayaient ses soirées. Elle se rendait sans doute à l’une de ces soirées rocailles, dans un manoir orné de statues de Vénus aux joues roses et aux formes généreuses, une soirée remplie de petits Toréadors pomponnés. Elle savait décorer son monde la Pompadour !
- Une dernière chose, dit la Comtesse, par la vitre à moitié relevée de la portière, ceci reste entre nous, évidemment.
- Evidemment. Sauf cette entrevue, qui pouvait être vue de la moitié des Caïnites de la ville…
- J’avance en pleine lumière, mais j’avance masquée : larvata prodeo. Souvenez-vous en, Saint-Huant. Le théâtre. Toujours.
- Pour ma part, j’avance derrière mon objectif, mais à visage découvert. Camera prodeo !… Bonne soirée comtesse.
Celle-ci ne fit aucune remarque, et releva la vitre. Des rires fusaient à l’intérieur du véhicule, deux bouchons sautèrent.
Alors que la limousine démarrait, Saint-Huant repensa à sa dernière réplique, se sentit fier de sa répartie. Il traversa la rue en sifflotant, et descendit dans le métro Sèvres-Babylone. Il était une heure du matin, les transports souterrains étaient sur le point de fermer.

Diablo

[i]A suivre... Chicagoblues
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Les Contes de la Canine #6 : Histoire de P.Y. de Saint-Huant - by Darth Nico - 04-12-2003, 07:56 PM

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