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Episodes
#14
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Sarutobi et Kiohage arrivent à la porte ouest de Bakufu : Miya Sekawa réunit une troupe pour retrouver l'agresseur de Genichi. Des Bayushi sont déjà là, des Crabes et des Tortues, quelques Phénix, ainsi que des ashigarus. La poudre et les lames vont parler !
Mais la nuit est tombée, et en attendant le départ le lendemain, Sekawa demande un service à Sarutobi : l'enquête auprès des Lièvres ainsi que des moines a permis d'apprendre que les insurgés des Poings de Justice ont accumulé des armes et du matériel dans Bakufu. Il faut fouiller le quartier des entrepôts pour les retrouver. Sarutobi, qui connaît mal l'ouest de la ville, va demander conseil à Daigotsu Kappon : l'honorable responsable des achats de l'ambassade Araignée, et par ailleurs chef du trafic de poudre et d'opium, se fera un plaisir de renseigner la magistrature. En effet, celui-ci reçoit sans difficulté les deux magistrats. On se doute que Kappon est le genre de personnage qui travaille la nuit. Il indique l'entrepôt où Lièvres et Poings de Justice ont mis leur matériel. Mais il ajoute, en riant nerveusement :
- Si vous allez là-bas, vous allez déclencher une guerre.
Ce qui tombe bien, c'est l'intention de Sarutobi !

Accompagnés de volontaires du Crabe, ils se rendent aux entrepôts. Ils voient des gens s'enfuir sur le toit : Sarutobi en arrête un d'une flèche, puis ordonne aux Crabes d'enfoncer la porte. Un bon coup de marteau de guerre et les samouraïs se ruent à l'intérieur. Les Lièvres sont en train de détaler, mais plusieurs s'attaquent quand même aux samouraïs et Sarutobi en combat qui, armé d'un wakisashi et particulièrement agile, va lui donner du fil à retordre ! Sarutobi parvient à le blesser, tandis que les Crabes finissent d'investir les lieux.
Des ashigarus arrivent pour garder l'entrepôt. Sarutobi et Kiohage retournent voir Miya Sekawa, et s'apprêtent à passer la nuit dans le fort de surveillance, rapidement aménagé pour accueillir tous ces magistrats. Avant de dormir, Sarutobi écrit une lettre à Feiyan :

[Image: jK5UPZf.png]

Feiyan la trouve le lendemain à son réveil, après une nuit passée au palais de la magistrature. Elle note le nom de ce Goku. Dans la matinée, elle est occupée à diriger l'enquête sur l'agression de Genichi : elle signe ordres et papiers pour poursuivre les complices. Et sans surprise, cela commencera par des descentes sur le port des brumes ! Et d'abord chez les contrebandiers du ruban bleu !

En début d'après-midi, elle se rend au Nid : Korimi semble rétablie. Feiyan lui présente à nouveau ses excuses en lui rappelant qu'elle a dû regarder son dossier à la magistrature. Korimi ne s'en offusque pas, d'autant qu'après avoir dit cela, Feiyan lui assure que cela n'entache en rien leur amitié, malgré les petits déboires de la Togashi ces dernières années. Elle lui assure aussi que si elle l'a fait, c'est pour les besoins de l'enquête de la magistrature. La vérité est que Feiyan voudrait aussi en apprendre plus sur sa soeur, par la même occasion. Mais les deux sont liés !
Korimi raconte son enfance, comment elle était promise à passer une vie à prier et à brosser le parquet du temple Togashi. Comment ensuite on a voulu la marier à ce Kitsu, chez qui elle aurait passé sa vie à s'occuper des enfants, à prier et à brosser le parquet !
La turbulente Korimi a alors dit non à ce destin et elle est partie. Elle est en veine de sarcasmes contre les Kitsu et les Togashi, ces vieilles familles engoncées dans leurs traditions, puritaines et hypocrites, détestant l'Harmonie parce qu'elles en sont en vérité jalouses. Elles voient bien que le contact avec les gaijins est devenu inévitable. Et ce qu'elles appellent décadence, Korimi appelle cela le progrès, la promesse d'une vie meilleure, un peu plus heureuse et un peu plus libre !
En réalité, pendant des siècles, les Togashi étaient fiers d'être à l'abri du monde, au sommet de leur montagne éternelle. Mais ils ont compris que l'époque de cette supériorité était finie : les samouraïs se détournent des traditions, ils ne veulent plus se soumettre aveuglément aux volontés des ancêtres et des esprits, donc en réalité au bon vouloir des religieux. Ils ne veulent plus vivre comme il y a deux siècles. Voyant leur pouvoir sur les esprits s'éroder, les Togashi ont compris qu'ils seraient bientôt des reliques. Même les Mirumoto se détournent de la vie ascétique et veulent découvrir le monde. Les Agasha sont partis chez les Phénix et veulent mettre au point une poudre explosive, progresser dans l'alchimie, et la chimie tout court.
Le chef de la famille Togashi a prétendu, ces dernières années, avoir été visité par l'esprit d'un Dragon venu du royaume des esprits. Il y a quelques décennies encore, on l'aurait écouté, plein de stupeur, transmettre les paroles sacrées de cette créature. Mais aujourd'hui, cela fait plutôt ricaner les jeunes générations, qui ne se laissent plus prendre à ce genre d'éloquence pompeuse.

Les Kitsu sont dans une situation similaire : leurs terres sont enclavées entre celles des Akodo et des Matsu. Ils sont coupés du monde extérieur. Cela a fait leur force pendant longtemps, mais tout comme les Togashi, cela les prive aujourd'hui des apports de la modernité. Même les Akodo et les Matsu, sous l'influence des Ikoma, commencent à moderniser leurs armées, car ils savent bien sinon que les gaijins finiront par les détruire. Or, si ce n'est plus la force spirituelle qui donne la victoire, mais les armes à feu, alors il n'y a plus de raison d'écouter les Kitsu. Ils ont donc prétendu que les esprits de mille ancêtres les ont visités, furieux que les samouraïs se détournent d'eux !
Le daimyo de la famille Kitsu a donc lancé de grandes exhortations à entendre à nouveau l'appel des Ancêtres. Ils considèrent qu'eux seuls sont purs alors que tous les samouraïs vivants sont menacés de corruption spirituelle. Ils ont alors lancé de grandes recherches pour trouver quelques femmes pures, qui auraient l'honneur de s'unir à des Kitsu pour faire des descendants capables d'affronter cette corruption généralisée. Parmi ces femmes "élues", il y a donc eu Korimi et Utaku Xulian. Mais quand Korimi a refusé ce mariage, elle a tout de suite été traitée de chienne impure et de toutes sortes d'autres noms sortis de l'imagination enfiévrée des Kitsu. Il ne fait pas bon blesser l'orgueil de ces fanatiques !

Quant aux Iuchi, Korimi les connaît moins. Elle sait juste qu'ils invoquent, de leur côté, l'influence de divinités des Sables Brûlants, qui leur commanderaient de revenir aussi aux traditions. Feiyan voit de quoi il s'agit : bien que jeune, elle a appartenu à la Horde et elle a entendu parler des cultes venus du peuple Ujik-Hai. Ceux-ci vénèrent les Shin-Tien-Yen-Wang, dix esprits à l'apparence de vieillards décharnés qui servent Emma-O, la déesse qui juge les morts. Il y a ici un syncrétisme entre le panthéon des Ujik-Hai et celui de Rokugan. Emma-O préside au royaume de l'attente, où les âmes des défunts passent avant de savoir dans quel monde elles passeront avant d'être réincarnées. Les Shin-Tien-Yen-Wang sont des divinités sombres et colériques, qui ont appelé plusieurs fois les Ujik-Hai à des expéditions meurtrières pour punir les mécréants.

Korimi est persuadée que ces trois familles veulent soit détruire l'Harmonie, soit, en fait, s'emparer de ses richesses. Feiyan admet que ces religieux ont un honneur corrompu. Servir les esprits est louable mais le faire par peur et par cupidité est parfaitement méprisable. Feiyan reste toutefois convaincue que, même si les Togashi et les Kitsu sont corrompus dans leur ensemble, il ne doit y avoir que quelques Iuchi isolés qui se sont abaissés. Malgré tout, cela ne promet rien de bon, car on ne peut pas raisonner des gens qui sont persuadés d'accomplir la volonté des esprits. Qu'ils servent un Dragon élémentaire, les Ancêtres ou les esprits du désert, leur foi est devenue aveugle et contraire à l'honneur.

Quand elle ressort de la chambre de Korimi, Feiyan reçoit un message d'un samouraï Miya.La suite de l'enquête dans le port des brumes et les entrepôts a permis de trouver une base d'opération des insurgés : le temple des cloches de la mort, au sud de Kyuden Suzume.
Feiyan envoie sur l'heure une requête à l'ambassade Licorne pour qu'ils envoient un messager à Miya Sekawa.

*

La troupe de Miya Sekawa part vers l'ouest et, en milieu d'après-midi, sont assaillis par les brigades des Poings de Justice. Ces paysans armés ont une véritable organisation militaire ; ils se ruent à l'assaut en criant : "Emma-O !", la déesse de la mort dont Feiyan vient d'entendre parler. Les cavalières Utaku parviennent à briser leur organisation, mais ils reforment rapidement des pelotons qui se serrent les coudes.
Leur assaut est rapide, bien mené. Sarutobi se retrouve au prise avec deux combattants armés de naginata. Il parvient avec difficulté à les abattre, après un combat féroce : les Poings de Justice ne sont pas à sous-estimer.
Les Crabes enfoncent finalement les rangs des Poings, tandis que les Scorpions, dont plusieurs élèves du dojo de Yugure, abattent au fusil et au pistolet plusieurs paysans isolés. Les derniers combattants s'enfuient et plusieurs sont abattus par les archers Shinjo.
Le message de Feiyan arrive à ce moment, porté par Shinjo Monaï, le messager le plus rapide de l'ambassade. Sekawa ne peut pas détourner toute sa troupe vers le sud, car ils doivent se rapprocher rapidement des terres du Lièvre au plus vite. Mais il donne plusieurs hommes à Sarutobi et Kiohage, qui vont aller voir cette base des insurgés.

En chemin, Sarutobi recrute plusieurs samouraïs du Moineau, dont un shugenja qui connaît le sanctuaire des Cloches de la Mort. Un endroit assez sinistre et isolé, bien choisi en fait pour cacher du matériel. Il y a plusieurs siècles de cela, un esprits enragé, le Shimushigaki, a été vaincu et banni à cet endroit. Depuis, des cloches ont été installés aux branches d'un grand sakaki. Tant qu'elles sonnent, le shimushigaki ne peut approcher, mais si elles devenaient silencieuses...

La nuit tombe, et la brume monte. En arrivant au temple, Sarutobi aperçoit trois silhouettes aux allures fantomatiques qui gardent les lieux. Le shugenja est inquiet : que des esprits rôdent aux alentours d'un sanctuaire n'est pas surprenant, mais celles-ci semblent hostiles. Et en effet, alors que nos héros avancent, les esprits poussent un cri guttural et avancent. Le shugenja sort alors un parchemin d'incantation et tente de les bannir. Les esprits reculent en sifflant, comme se tordant de douleur. Leur aura surnaturelle disparaît : ils sont maintenant présent en chair et en os. Mais plutôt en os, au vu de leur aspect déchargé. Des squelettes sur lesquelles des morceaux d'armures tiennent à peine. Mais ces revenants sont décidés à en découdre comme si le sang leur brûlait dans les veines. Sarutobi engage l'un d'eux en combat, qui est absolument enragé. Il a le temps de le percer d'une flèche mais cela n'arrêtera pas sa charge. Au temps d'un combat éprouvant, le Guêpe le tranche d'un coup de sabre ; le guerrier reprend son aspect fantomatique et, avant qu'il ne tombe en poussière, Sarutobi a le temps d'apercevoir sur son armure un mon représentant les Quêteurs de Mort de la famille Matsu !

Comment ces esprits peuvent-ils se trouver si loin de leurs terres ancestrales !
Pour le shugenja Suzume, il apparaît que les insurgés des Poings de Justice se sont servis de rituels pour faire venir ces guerriers ! On ne pouvait imaginer que c'est un tel soutien qu'ils recevaient du clan du Lion !
Sarutobi harangue alors les Suzume, un peu trop prudents à son goût, et lance une charge sur le temple. Les samouraïs investissent les lieux ; plusieurs Lièvres tentent de s'enfuir et finissent criblés de flèches. Des paysans armés finissent au bout des lances des Moineaux. Pendant que ce combat se déroule, un vent surnaturel souffle dans les branches de l'arbre, et les cloches résonnent de plus en plus fort. Sarutobi a juste le temps d'apercevoir la silhouette d'un ancêtre Kakita, qui se bat au sabre contre deux autres personnages, à peine des ombres.
La brume monte toujours. La nuit est maintenant tombée, et dans le clair de lune, tandis que les cloches sonnent à toute volée, on voit de grandes grues blanches s'envoler. 
Une vision d'un autre monde saisit alors Sarutobi et Kiohage : deux esprits malfaisants s'adressent à eux dans un langage cryptique.


Quand la vision s'arrête, que la brume reflue et que les cloches reprennent un tintement rassurant, Sarutobi et Kiohage sont abasourdis.
- Peut-on imaginer des esprits plus malfaisants ? s'exclame le magistrat Moineau. Leur aspect effrayant dit déjà tout d'eux ! Et leurs paroles sont folles ! Comme s'il appartenait à un samouraï de se poser ce genre de questions ! Rien qu'une seule serait déshonorante, alors quatre !

Sarutobi, accablé lui aussi, demande au shugenja ce qu'il en pense :
- Les esprits malfaisants comme les gaki ont été rendus fous par la douleur. En harcelant les hommes, ils cherchent à les entraîner dans leur folie. Ils tiennent un langage destiné à perturber l'esprit, à abattre nos certitudes. Ils ont l'air de dire des choses sensées, mais ils délirent ! Malheur à ceux qui se laissent prendre à ce bavardage ! Je pense que ces deux que nous avons vus sont des échappés du monde des Déshonorés ! Et peut-être même qu'ils ont séjourné dans je ne sais quel enfer pour être aussi repoussants !

La journée a été assez éprouvante. Il fait maintenant nuit noire sur le temple. Aux flambeaux, sous la lune ronde, la troupe quitte cet endroit, sûr que plus personne ne va y revenir, et ils se dirigent vers Kyuden Suzume.

*

Plus tôt dans la journée à Bakufu, Feiyan se rend au débarcadère des navettes et consulte le registre des arrivées de Porto Maravila : elle y voit plusieurs noms thranois, dont celui de Jacob Wilderbrandt. Le corsaire a donc bien débarqué en ville. En revanche, il n'y a pas celui de Meikudo. Mais elle a très bien pu voyager sous une fausse identité.
Feiyan va voir Tsuruchi Goku, l'ami de Sarutobi. Celui-ci la reçoit aimablement :
- Je ne peux rien refuser à une amie de ce vieux Saru ! Si vous saviez, on en a vécu des aventures ensemble ! J'ai pour vous un endroit à l'écart où vous serez bien pour recevoir. Et je ne pose aucune question, rassurez-vous. La seule personne sur qui j'exercerais un chantage, ce serait Sarutobi ! Si les Araignées savaient ce que je sais sur lui, ils pourraient le déshonorer cinq fois ! Mais entre nous, Sarutobi en sait autant sur moi ! Ça équilibre.

Feiyan remercie le volubile Goku et part dans le quartier Thranois : Sarutobi lui avait parlé de Markus, le maître d'armes, et ancien amant de Korimi, qui se trouve être le frère du corsaire Jacob Wilderbrandt.
Quand elle arrive, elle se rend compte qu'il y a eu du grabuge : on l'informe de coups de feux, et de pirates en fuite. On a reconstitué ce qui s'est passé : Jacob est arrivé, déjà aviné, pour voir son frère Markus. Il voulait en fait l'enrôler dans une croisade contre les Merenae. Markus a refusé, le ton est monté, Jacob a continué à boire. Il est devenu mauvais, injurieux, et à la fin, sans qu'on sache qui a tiré le premier, il y a eu des balles échangées. Markus a été blessé, Jacob s'est enfui.

Feiyan trouve le maître d'armes en train de se faire mettre un bandage. Il s'excuse de recevoir la magistrature dans un bazar pareil. Des bouteilles brisées, des chaises cassées, du sang par terre... Markus s'excuse surtout que son frère ait causé un tel désordre en ville, alors que le quartier thranois est toujours calme. Bien que Thranois, Markus se considère comme un citoyen de Bakufu. Il pense la même chose que monsieur Jan par exemple. Ils n'ont pas à se plier aux demandes d'un pirate comme Jacob, même s'il a un titre de corsaire (donc officiellement employé par une maison thranoise).
Feiyan lui demande de raconter plus en détails ce qui s'est passé... et surtout qui composait l'équipage. Y avait-il des non-thranois dedans, au hasard ?
Markus se souvient qu'une Rokuganie était dans l'équipage, avec le titre de quartier-maître, ou quelque chose comme cela. Quand le ton a monté, que Jacob s'est mis à postillonner presque sous le nez de son frère, elle s'est interposée, en proposant au corsaire de sortir se calmer. Celui-ci a alors voulu la frapper, mais avec les quatre ou cinq verres d'eau-de-vie qu'il avait avalés, il a tapé à côté. Jacob a ordonné à cette femme de sortir et la traitant de tous les noms. Elle a obéi et a été suivie de plusieurs membres de l'équipage. Quand la magistrature est arrivée pour courir après les fuyards, elle n'était plus là.

Feiyan remercie Markus pour ses informations et pour ses efforts en faveur de l'ordre de l'Harmonie.
Quand elle ressort, elle s'informe auprès des Guêpes : Wilderbrandt et son équipage n'ont pas dix endroits où aller en ville. Ils sont forcément vers le sud, du côté du quartier Merenae, où les patrouilles ont été renforcées. C'est là qu'ils iront, sinon ce sera sur le port, ou encore du côté des entrepôts, eux aussi bien surveillés. La Mort Rouge est aussi gardée, les portes de la ville ont son signalement.. Donc il n'y a pas à s'inquiéter : l'arrestation du corsaire n'est qu'une question d'heures.

Feiyan veut retourner au palais, réfléchir à tout ce qu'elle a appris, parler à Genichi de la candidature de Daigotsu Yori. Comme elle traverse des rues peuplées, dans l'agitation de fin de journée, elle entend soudain un air qu'elle n'a pas entendu depuis son enfance, la mélodie d'une comptine que sa nourrice lui chantait pour l'endormir, une vieille comptine du désert... Elle voit alors un grand gaillard Thranois, bien rougeaud, l'air réjoui, qui sifflote tranquillement. Il s'éloigne en reprenant les mêmes notes. Feiyan le rattrape plus loin, et il ne se laisse pas démonter. Elle va pour lui poser des questions, quand elle entend un autre Thranois qui reprend le même sifflotement. Elle lui colle aux talons, et le petit jeu se poursuit avec un troisième. Feiyan accepte de se laisser attirer là où ils veulent, vers une petite rue derrière le grand marché cosmopolite. Là, une maison de thé discrète est tenue aussi par un Thranois. Devant, deux gaillard en tenue de marins, qui se curent les ongles au couteau. L'un d'eux l'avertit, avec un accent qui râpe la gorge et vous écorche les oreilles :
- Votre soeur être là, magistraat.

Feiyan prend son souffle et passe les rideaux. A l'intérieur, une petite pièce mal éclairée, qui sent l'humidité. Sa soeur est là. Elle s'est levée en la voyant entrer. Les deux femmes restent un moment interdites, avant que la corsaire n'ordonne à ses hommes de sortir. Puis Feiyan rompt la glace :
- Je ne sais pas si je dois t'appeler Meikudo.
Elle s'assoit en face de sa soeur. Celle-ci s'attendait sans doute à toutes sortes de reproches, qui ne tardent pas à arriver. Feiyan les a sur le coeur depuis trop longtemps :
- Tu as déshonoré notre famille. Nos parents ne s'en sont pas remis. A cause de toi, ma vie aussi a été brisée, j'ai dû quitter les steppes de l'ouest pour venir à Bakufu. Ma vraie place n'est pas ici.
Un Thranois entre et lance quelques mots à Meikudo : les hommes de Wilderbrandt sont après elle.
- Je ne te retiens pas, dit Feiyan.
Elle se souvient alors de la proposition de Goku, l'ami de Sarutobi. Elle propose sa soeur de la suivre dans cet endroit discret.
Meikudo semble en forme, mais farouche comme un chat sauvage, toujours sur le qui-vive. Elle dit oui sans attendre. Feiyan l'emmène dans une ruelle entre le Nid et les entrepôts. L'aimable Goku les attend là, et les conduit au fond d'une impasse, sans une question. Il enlève le verrou et entrouvre la lourde porte :
- Voilà, vous êtes ici chez vous. Il y a à boire et à manger. Vous pouvez même y dormir. Quand vous avez fini, repoussez juste la porte et prévenez-moi.
Et il s'éloigne, l'heure pour lui d'aller boire un verre au Nid !

*

- Ils ont de bonnes réserves, constate Meikudo.
Elle trouve une bouteille de vieux rhum des îles de la Chauve-Souris. Si Goku est aussi porté sur la boisson que Sarutobi, ils ont dû se constituer à eux deux, pour ce repaire secret, une sacrée cave !
- Tu n'en veux pas ?
Feiyan décline poliment. Meikudo fait sauter le bouchon et avale un verre. Toujours ce comportement de félin sauvage. Elle décide vite, agite vite, n'hésite pas.
Feiyan en finit avec ses reproches. Meikudo ne s'en offusque pas, mais lui rétorque posément :
- A cause de moi, tu as perdu la vie dans les steppes, d'accord. Mais regarde-toi : magistrate de l'Harmonie. Il y a pire comme sort, tu ne crois pas ? En un sens, n'est-ce pas mieux qu'être dans la Horde ? Tu y as vécu quelques années, et cela te semble merveilleux avec le recul. Mais crois-moi, au bout de quelques années, à traquer toujours le même genre de Ujik-Hai puant et crasseux, tu t'en serais lassée. Toujours fréquenter les mêmes rustres, toujours le même désert, et récurer les chevaux... Ici à Bakufu, tu as la chance de pouvoir fréquenter tellement de gens différents ! Des Licornes si tu veux, mais aussi des Grues, des Merenae, des Thranes, d'autres encore... De quoi te plains-tu ?
"Tu m'en veux de faire partie des Frères de la Côte. Ce nom fait peur, mais en réalité, il ne veut rien dire. Dans les îles, tout le monde est un frère ou une sœur de la côte. C'est juste un titre d'honneur. Moi j'ai vendu de la viande boucanée, et j'en suis, tout comme Wilderbrandt ou comme un marchand d'esclaves nambiwas. Tu peux me reprocher d'être devenue une corsaire, mais que veux-tu que je fasse ? Quand on arrive à Porto Maravila, qu'on est une jeune femme comme moi, pas trop mal faite, il y a des métiers plus salissants, tu ne crois pas ?
Feiyan lui répond que Maravila est un endroit répugnant, plein de crapules sans honneur.
- Oui, c'est vrai, reconnaît Meikudo sans détour ; mais les îles de la Mante, ce n'est pas que Maravila. Les Sept Mers, ce ne sont pas que des bouges infâmes et des repaires de truands. Il y a tellement de choses différentes, tu n'imagines même pas !... Des palais, des petites villes, des cités aussi riches que Medinat Al'Salaam, des baies immenses, comme celle d'Along, avec des flottes dix fois plus nombreuses que celle de Rokugan... Pour le coup, votre Guide a été l'un des seuls lucides en ouvrant un peu votre Empire sur la mer. Il a compris à quel point vous étiez fossilisés dans vos traditions. Mais Bakufu ne suffit pas : c'est une toute petite ville, dans un Empire qui, comparé au reste du monde, est tout petit lui aussi. Mais qui se prend pour le centre du monde !
- L'honneur devient corrompu quand il est au service des bas instincts, comme chez ces Kitsu à qui on a voulu te marier. A ce sujet, je t'en ai voulu au début, mais je dois dire que depuis que j'ai appris la vérité sur eux, je révise un peu mon jugement. Je comprends mieux ton refus. Mais tu aurais dû en parler à nos parents...
- En quoi est-ce de l'honneur de me marier de force ? Et de toute façon, quand j'ai dit non, c'était trop tard, et nos parents ne pouvaient plus faire machine arrière. Alors j'ai fait comme Korimi : j'ai dit non.
"J'en veux au clan pour ce qu'il m'a fait. Mais par ailleurs, je n'en veux pas à Kohei : il m'a toujours bien traitée, même quand il a appris ce qui m'arrivait. Quand il a compris que j'allais partir, il n'a rien dit. J'ai juste su qu'il le regrettait, mais qu'il comprenait. Nos sœurs, au contraire, ont tenté de me dissuader, par mille tours, reproches, petites remarques... Elles ne comprenaient. Je ne pourrais plus supporter ce conformisme aujourd'hui. Quand on a goûté à la liberté... Et puisque tu me fais tous ces reproches, attends un peu qu'on aille te marier de force, tu verras... A un vieux Togashi libidineux...
Meikudo pouffe et finit son verre :
- Ah mais non, maintenant que tu es magistrate, cela ne risque plus de t'arriver. Tu vas pouvoir choisir seule ton mari.
- J'en reviens à ce que tu disais avant : quand tu dis que l'Empire est fossilisé, je ne suis pas d'accord.
- Il veut vivre comme il y a mille ans !
- C'est la tradition. L'honneur n'est pas qu'une façade hypocrite, explique posément Feiyan. L'honneur est l'échine de l'Empire, ce qui le fait tenir debout. Ce qui nous place au-dessus des autres nations qui, malgré tout leurs mérites, n'ont pas ce code de conduite, le bushido qui nous définit.
Meikudo hausse les épaules :
- Je ne connais pas tous les Rokuganis, et pas tous les gaijins, mais je ne suis pas sûr que les gaijins soient pire, dans leur ensemble, que les Rokuganis. Non vraiment, il y a de tout...
- Tu as passé trop de temps en mer, cela a altéré ton jugement.
- Tu as toute ta vie sur terre, cela biaise tes représentations.

Il devient évident que rien ne pourra les réconcilier. Et Meikudo, qui a oublié comment on cache ses réactions spontanées, se met à baîller : elle a sommeil, sincèrement ! Elle a passé une journée éreintante, elle ne sait même plus si elle doit se considérer comme une corsaire de Wilderbrandt.
- La vérité, dit-elle encore, c'est que Jacob est aux abois. Il a des comptes à rendre au prince-électeur qui le paye, mais il a perdu du monde depuis des mois. Donc il doit recruter ; c'est pour cela qu'il est venu ici, en profitant de l'idée que je lui ai donné -parce que moi, j'ai appris que tu me cherchais, et j'ai voulu te revoir.
- Tu peux rester ici, dit Feiyan, en essayant de ne pas se laisser troubler. Tu es quand même ma soeur. Tu peux rester ici autant que tu veux, personne ne pourra te trouver, pas même les Araignées.
- Merci, dit Meikudo en commençant à se déshabiller.
Dans quelques minutes, elle dormira à poings fermés. Feiyan la laisse pour ce soir et referme la porte derrière elle.
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