29-11-2020, 12:18 PM
(This post was last modified: 22-12-2020, 06:40 PM by Darth Nico.)
![[Image: NYLyRpA.png]](https://i.imgur.com/NYLyRpA.png)
La troupe dirigée par Sarutobi revient du temple des Cloches de la Mort et passe la nuit à Kyuden Suzume. Puis ils se rendent à Kyuden Kitsune, la capitale des Renards, où ils retrouvent l'armée de Miya Sekawa et du général de la Tortue. Ceux-ci sont en train de mettre au point l'approche du château des Lièvres.
Sarutobi et Daigotsu Yori sont volontaires pour partir avec les éclaireurs. Les Renards les guident sur la frontière ouest de Kitsune Mori. Ils remontent vers le nord pour observer les défenses des Usagi. Ceux-ci ont disposé des pièges et mis des troupes en embuscade : les Lièvres sont en effet connus pour leurs tactiques de guerilla. De nombreux pièges peuvent arrêter une charge de cavalerie ou faire chuter le lourd Bunraku qui sert de porte-étendard à l'armée. Des troupes des Poings de Justice font aussi route vers Kyuden Usagi : les paysans armés et fanatisés vont prêter main-forte aux Lièvres.
En arrivant au nord de la forêt, les éclaireurs aperçoivent des mouvements de troupes des Doji : que viennent faire les troupes de l'Emeraude ? Conseiller les Lièvres ?
A Bakufu, Genichi continue de se remettre de ses blessures, grâce aux bons soins du docteur Rijin. Genichi est convoqué par le ministre de l'Harmonie intérieure. Il ne peut s'y rendre, c'est donc Feiyan qui doit le représenter. Le ministre demande des nouvelles du Magistrat, puis fait comprendre à Feiyan qu'il est du devoir de Genichi de se rendre auprès de l'armée de Sekawa pour soutenir les troupes :
- Nous connaissons le sens de la justice de Genichi, qui va toujours dans le sens de la compassion quand cela est possible. Mais rien ne peut atténuer la culpabilité du clan du Lièvre. Son agresseur a été à deux doigts de le tuer. Il devra servir d'exemple à tous. Dans le cas présent, aucune négociation n'est de mise. Ne pas les poursuivre sans relâche serait vu comme une faiblesse, et comme un désaveu de l'héroïsme de Sekawa et ses hommes, qui se battent pour l'Harmonie, mais aussi en pensant à Genichi.
"Il doit donc mettre un terme définitif au conflit qui nous oppose à la famille Usagi. En sa qualité de magistrat supérieur, il lui appartiendra de rétablir la justice dans ces terres. Nous savons combien le Guide y attache d'importance.
Feiyan, dans ses petits souliers, transmet le message à son supérieur, qui comprend ce qu'a voulu dire le ministre. Genichi va donc se trouver obligé d'aller contre ses convictions, dans l'intérêt supérieur de l'Harmonie. Et le Guide suivra personnellement l'issue du conflit.
*
Les éclaireurs étant de retour, l'armée de Sekawa se met en marche : le bunraku porte l'étendard. En première ligne, les fantassins de la Tortue. Les archers sont dirigés par Sarutobi. Sur les ailes, les troupes rapides des Araignées. La cavalerie Utaku est là aussi, venue de l'ambassade Licorne. Une petite armée disparate, mais bien dirigée par le général Hida Otondo, un vieux de la vieille qui a plus que son compte de batailles sur la Muraille. Ce ne sont pas quelques Lièvres qui vont inquiéter ce soldat qui a eu face à lui des oni à trois têtes et huit gueules !
Ils avancent dans la plaine, en repérant les pièges laissés par les Lièvres. Ils les désamorcent, tandis que les archers et la cavalerie mettent en fuite les troupes embusquées ; celles-ci refluent bientôt et vont rejoindre le gros de l'armée qui se prépare devant Kyuden Usagi.
Après une journée assez harassante, où il faut avancer au ralenti pour ne pas être surpris par l'ennemi, l'armée de Sekawa arrive en vue de Kyuden Usagi. Un château peu impressionnant, mais tout de même perché sur une colline. Les Usagi sont là, en ordre de bataille, avec les Poings de Justice dans leurs armures rudimentaires, armés de lances.
Le général Otondo lance l'attaque en ordonnant à ses hommes de foncer sur l'ennemi, pour briser ses rangs. Le combat s'engage, dur et sanglant, entre les premières lignes, pendant que les archers de Sarutobi font pleuvoir leurs flèches sur les Poings de Justice. Ceux-ci tentent d'attaquer les archers mais Sarutobi et les autres savent les recevoir le katana à la main.
Une manoeuvre de diversion réussit à prendre de court les hommes d'Otondo, et les Lièvres, mobiles et imprévisibles, parviennent à percer les rangs. Mais la cavalerie Utaku arrive en renfort et disperse les attaquants Usagi, peu défendus. Le combat est tout de même plus difficile que prévu : les Usagi se battent vaillamment, peut-être avec l'énergie du désespoir, en donnant tout ce qu'ils ont. Mais il devient vite évident qu'ils n'ont pas l'entraînement pour une bataille rangée : Otondo parvient à resserrer les rangs. Il a essuyé de nombreuses pertes mais les Usagi finissent en déroute après une dernière charge des fantassins.
Bientôt, les vaincus replient vers le château.
La victoire était prévisible, mais elle a coûté plus cher que prévu. Après la bataille, Sekawa réunit les chefs d'escadres dans sa tente. C'est à lui de décider de la suite des opérations mais il veut entendre l'avis de tout le monde : faut-il ou non donner l'assaut sur le château Usagi ou tenter d'obtenir leur reddition ?
Le général Otondo dit que ce serait difficile mais faisable : que Sekawa donne l'ordre, et Kyuden Usagi tombera.
Les Utaku disent qu'ils pourront soutenir l'avancée des troupes, mais la prise d'une place n'est évidemment pas leur fort, encore moins des combats dans les rues. De même pour les archers.
Sekawa se tourne alors vers les Araignées : leur officier en chef dit qu'il est bien sûr tout à fait apte à mener ses hommes à travers les ruelles tortueuses du château. La bataille serait âpre mais les Araignées en viendraient à bout. Il ajoute alors :
- Cependant, quoi que nous soyons prêts dès maintenant, je tiens à dire que, si nous attaquons les Lièvres, d'aucuns pourraient nous reprocher d'être, comment dire ? Trop zélés, et trop acharnés. Trop cruels... On nous dirait encore que l'Harmonie repose aussi sur la justice et la compassion, vous voyez ce que je veux dire...
C'en est presque drôle : les pauvres Araignées sont encore chagrinés d'avoir été grondés par Genichi ! Ils en ont assez de passer pour les méchants, et maintenant, ils prennent les devants pour que le magistrat ne leur fasse pas de reproches !
Sekawa sourit, mais ne s'y trompe pas :
- Nous sommes à la guerre, honorables soldats, et il est important, en la circonstance de nous parler avec honnêteté. Or, je crois, Daigotsu-san, que votre compassion soudain n'est pas sans arrière-pensée : il est notoire que les Lièvres sont des alliés de longue date des Araignées. Est-ce que je me trompe ?
L'officier Daigotsu ne se laisse pas désarçonner :
- Reprochez aux Lièvres tout ce que vous voudrez, Sekawa-sama, mais vous devez admettre que ce sont des chasseurs de maho hors-pair. Ils accomplissent une tâche rude et ingrate, pour laquelle ils bénéficient en effet de notre soutien, ainsi que de celui des inquisiteurs de la famille Kuni. Cela doit compter dans la décision que vous prendrez...
A la limite, Sekawa aime mieux cela : car des Araignées qui voudraient jouer les grands coeurs, cela serait presque... surnaturel !
- Entendu, dit le magistrat. Dans ce cas, nous allons proposer aux Lièvres le marché que voici : ils nous livrent le coupable et en échange, nous nous en tenons là.
- Cela me semble tout à fait raisonnable, répond le Daigotsu.
Tout le monde approuve également.
- Bien, dit Sekawa, nous pourrions évidemment leur envoyer des diplomates pour exposer nos conditions, mais ne je leur ferai pas cet honneur.
Il se tourne vers Sarutobi :
- Je vais avoir besoin de vos services pour leur envoyer le message que je finis de rédiger.
- Avec plaisir, répond le Guêpe.
Sekawa termine d'écrire, puis enroule son parchemin autour d'une flèche. Sarutobi prend un grand arc et vise par-dessus les ramparts de Kyuden Usagi. Si en retombant, sa flèche pouvait tuer un Lièvre, ce serait encore mieux !
Elle part en sifflant et retombe alors qu'on n'entend plus son bruit.
Déjà, les Araignées se gargarisent entre eux :
- Cette fois, Genichi-sama ne pourra rien dire, il ne pourra pas nous reprocher d'avoir été cruels ! Je suis désolé, mais là, on a fait les choses bien !
*
La journée se termine, dans un crépuscule sur la plaine morose et brumeuse. La fatigue d'après le combat tombe sur les épaules des hommes, quand les portes de Kyuden Usagi s'ouvre. Des dignitaires sortent, en faisant passer devant eux un jeune homme, les mains attachés dans le dos. Ils le poussent presque. Il avance tête baissé, trébuchant. Et quand ils arrivent à quelques mètres de Sekawa, le jeune homme tombe à genou : c'est bien lui le coupable, celui qui a attenté à la vie de Genichi. Sarutobi voudrait l'abattre sur place. Sekawa regarde le Lièvre, stoïque : sa famille, répondant à sa demande, le livre sans discussion.
Le palanquin de Genichi arrive alors, escorté par Feiyan sur sa monture.
Sekawa se précipite et s'incline, alors que Genichi descend avec peine. Il a le côté gauche encore paralysé : le shuriken n'est pas passé loin du coeur.
Un grand silence se fait alors que le magistrat, affaibli mais tâchant de ne pas le laisser paraître, avance parmi les hommes, suivi par Feiyan. Les soldats s'inclinent respectueusement. Le soleil a déjà disparu et le jour bleuit. On n'entend plus que les bêtes nocturnes qui s'apprêtent à prendre leur place dans la nature environnante.
Le jeune Lièvre est à genoux. Il hoquète et pleure doucement. Sa famille s'est inclinée devant Sekawa, et maintenant, ils regardent, stoïques, impassibles, leur progéniture qui va payer pour ses crimes.
Genichi sent la douleur qui le lance. Mais il n'a pas le droit, ici et maintenant, de le montrer. Il prend sur lui, serre les dents, puis se tourne vers l'armée de Sekawa, et prononce ces quelques mots, d'une voix qui ne tremble pas :
- Soyez loués, samouraïs, pour votre courage et votre dévouement. Aujourd'hui, grâce à vous, l'Harmonie triomphe. Elle se prépare à répandresa lumière vers les terres de l'ouest, apportant enfin l'espoir dans un monde cruel et injuste.
"Je vois à nos pieds tous ceux qui sont tombés aujourd'hui, et c'est avec tristesse que je reconnais chacun de ces visages. Hier encore, ils marchaient à nos côtés, ils souffraient, ils riaient et sans relâche ils se battaient ; aujourd'hui, ils se sont tus à jamais.
« Leur mémoire sera honorée, car ils sont tombés sur le chemin que notre Guide a tracé. Ils se sont arrêtés à une étape ; c'est à nous de poursuivre la voie jusqu'au but. Alors, à présent que le fracas de la bataille a laissé place au silence, recueillons-nous pour nos frères disparus.
Tout le monde baisse la tête et prie à voix basse.
Puis Genichi s'avance vers les Lièvres et la qualité de l'air elle-même semble changer. Le vent du soir fait frissonner les hommes.
- C'est lui ? dit Genichi à Sekawa.
- C'est lui, répond Sekawa, d'une voix qui masque à peine son mépris pour l'agresseur.
Celui-ci est le visage de la pitié et de la désolation. Chaque homme de l'armée donnerait cher pour avoir l'honneur de l'abattre personnellement.
Un temps : Genichi contemple son agresseur :
- Comment te nommes-tu ?
Le Lièvre parvient à peine à parler.
- Réponds ! lui crie Sekawa. Dis ce nom, que tu as souillé !
- Usagi... Usagi Kinbo.
- C'est toi qui m'as attaqué, alors que je sortais du palais ?
On sent à peine une moue de mépris dans la voix de Genichi.
Le Lièvre parvient à peine à parler, et fond en larmes.
- Réponds ! Hurle Sekawa. Fais face à ton juge, avoue tes crimes ! Ose regarder en face tes actes odieux, à l'heure de te présenter devant tes ancêtres.
- Oui, c'est moi, crie Kinbo, c'est moi ! J'ai voulu vous tuer ! J'ai voulu protéger ma famille que vous voulez détruire !
Genichi ferme un instant les yeux :
- Était-ce donc cela la seule façon de les défendre ?
- Je ne sais pas, je ne sais pas...
Sekawa tremble de colère. Qu'attends donc Genichi ? Pourquoi lui faire l'honneur de lui parler ? Ce n'est pas dans le genre du magistrat de faire durer le plaisir !
Les Araignées, sûrs d'eux, attendent avec satisfaction le juste châtiment qui doit tomber. Ils espèrent aussi (et surtout !) que Genichi a remarqué qu'ils se sont bien comportés !
Impassible, le magistrat continue :
- Que penses-tu de ce que tu as fait ?
- Je ne sais pas ! cri Usagi Kinbo. Je suis seul et j'ai peur. Je ne vois déjà plus rien, j'ai froid...
- Misérable lâche, crache Sekawa, qui n'ose pas dire un mot de reproche à Genichi mais voudrait lui faire signe d'en finir vite.
Genichi hoche la tête négativement, regarde solennellement son agresseur et, comprenant ce que ressentent Sekawa et ses hommes, décide d'écourter cette scène pathétique. Il fait signe à Feiyan de lui passer son sabre. Feiyan, qui portait l'arme du magistrat, lui présente respectueusement.
Genichi prend le temps de le soupeser puis tire lentement le sabre du fourreau. Il donne le fourreau à Feiyan, prend le katana avec une fermeté inattendue et le soulève. Un cri : la mère de Kinbo qui s'évanouit. Son père regarde intensément la scène.
Les hommes retiennent leur souffle, puis clignent des yeux et, stupéfaits, n'osent pas croire ce qu'ils voient.
Genichi n'a pas levé son sabre et a mis un genou à terre pour couper les liens de Kinbo.
Le Lièvre tremble, il se croit mort. Puis il rouvre les yeux et affolé, rampe dans la boue et se retourne vers Genichi, qui a abaissé le sabre. Sekawa ouvre la bouche pour dire quelque chose comme : « je vais le faire pour vous, ne vous salissez pas à etc. », mais Genichi le fait taire d'un geste discret. Puis il regarde Kinbo et, son sabre baissé, il lui dit :
- Usagi Kinbo, aujourd'hui que nous célébrons cette victoire, reçois mon pardon.
« Sache qu'aucune vengeance ne m'anime, et je sais le respect que nous devons aux morts. Ton clan s'est battu aussi, et je le dis devant tous, tes frères d'armes sont morts dans l'honneur.
« Alors en ce jour, reste en vie pour honorer leur mémoire, et ne pas refaire leurs erreurs.
« Maintenant, va et réfléchis à tes actes. Sois un autre homme la prochaine fois que nous nous verrons. Je n'ai qu'une seule parole, et qu'un seul pardon.
Genichi s'incline alors brièvement devant lui, reprend le fourreau et y range son arme.
Il se tourne vers les Lièvres, stupéfaits. Le père va venir pour le remercier mais Genichi l'arrête d'un geste plus ferme que celui qu'il a adressé à Sekawa :
- Non, reste où tu es, Usagi-san. N'approche pas plus.
Sa voix se fait alors cassante :
- Je ne souhaite pas parler au maître qui livre l'un des siens pour préserver son honneur ; encore moins au père qui sacrifie son fils pour sauver sa vie.
Il baisse la tête, regarde Kinbo et ajoute, comme pour lui-même :
- Tu n'as même pas cligné des yeux quand j'allais abattre mon sabre.
Apeurés, les Lièvres se lèvent et s'en vont, d'abord lentement, en se retournant, puis en courant. Kinbo reste seul, sous la nuit qui tombe, et se jette aux pieds de Genichi en se griffant le visage :
- Pardon ! Pardon seigneur ! Que la terre s'ouvre mes pieds ! Que tous les ancêtres me foudroient ! Pardon !
Genichi ne l'écoute plus, et repart à son palanquin, suivi par Sekawa et Feiyan. Là, on s'aperçoit que sa blessure s'est rouverte. Il repart, escorté par Feiyan.
Sarutobi a du mal à comprendre le geste de Genichi, mais il l'accepte comme tel, de même que les hommes, qui ont du mal à réaliser ce qui s'est passé.
*
Genichi revient au palais de la magistrature : Rijin lui recoud sa plaie qui s'est rouverte. Il insiste pour que cette fois, le magistrat ne quitte plus sa chambre pendant une semaine. L'armée de Sekawa revient, et on apprend qu'un conseil exceptionnel de l'Harmonie va se tenir pour honorer les soldats qui ont vaincu les Lièvres.
Feiyan et Sarutobi retrouvent leurs amis au Nid : Meikudo est là, avec Korimi et Mamballa. Ils racontent leur bataille à Kyuden Usagi. Feiyan prend des nouvelles de sa soeur, qui ne sait pas encore quoi faire : elle pourrait travailler un peu à Bakufu, mais il lui tarde de rentrer chez elle, dans les îles. Elle a refait sa vie sur l'île du grillon.
- C'est cet endroit que tu considères comme ta maison, lui fait remarquer Feiyan.
- J'ai le droit d'avoir un port d'attache quelque part, non ? Je ne suis plus une citoyenne de l'Empire...
Genichi étant alité, c'est Feiyan qui va devoir le représenter au conseil de l'Harmonie : une charge honorifique, mais lourde. De plus, la rumeur court que le pardon inattendu de Genichi fait grincer des dents : ce n'est pas tout à fait ce qu'avait demandé le ministre de l'Harmonie intérieure en parlant d'une solution juste au conflit avec les Usagi. On ignore pour le moment ce qu'en pense le Guide.
Sarutobi est content de savoir qu'il restera au fond de la salle et s'inclinera quand il le faut. Est-ce que Genichi ne s'est pas fait des ennemis en épargnant le jeune Kinbo ? L'essentiel est évidemment d'avoir mis au pas les Lièvres, et d'avoir repoussé les Poings de Justice. Le chemin de fer va pouvoir démarrer, les Usagi ne seront plus un obstacle. Mais ce pardon semble incompréhensible à beaucoup de gens...
Quelques jours plus tard, Miya Sekawa, Hida Otondo et leurs hommes entrent dans la grande salle du conseil de l'Harmonie. Le rideau s'ouvre et les neuf conseillers apparaissent à leur large bureau, inclinés devant leurs invités. Puis le maître de cérémonie annonce l'arrivée du Guide, qui entre, l'air sec, son éventail fermé à la main. Il s'assied, s'incline brièvement, pendant que tout le monde met front à terre. Puis, en le désignat de son éventail, il dit simplement :
- La parole est au conseiller de l'Harmonie intérieure.
Ce dernier salue la salle et félicite les hommes de Sekawa. Tous les conseillers s'inclinent devant les vainqueurs. Le ministre s'adresse alors à Feiyan, qui a dû s'asseoir au premier rang, à la place de Genichi. Le ministre prend des nouvelles du magistrat, en soulignant que tous les conseillers se sont émus de l'attentat lâche dont il a été victime :
- En s'attaquant à lui, ce criminel s'en est pris au corps de la magistrature tout entier, et à l'Harmonie.
Feiyan remercie dans les formes mais elle sent que cela s'engage mal pour Genichi. Néanmoins, elle soutiendra sans faillir son supérieur, comme elle le doit de toute façon.
Le ministre interroge alors Sekawa sur le déroulement de la bataille, lui donnant toute latitude pour glorifier le courage de ses hommes. Puis le ministre en revient à Feiyan et lui demande de raconter comment s'est terminé le conflit avec les Lièvres. Feiyan raconte posément ce qui s'est passé, d'un air somme toute affable, avec une maîtrise qui impressionne de la part de cette jeune samouraï. Le ministre en vient à la confrontation avec Kinbo. Feiyan sait que cela va être le moment crucial. Mais elle sent que le ministre, qui lui pose des questions précises, la soutient : il donne un cadre à ses réponses, ce qui l'aide à répondre factuellement.
- Qu'a fait alors Miya Genichi ?
- Voyant que les Lièvres étaient vaincus, répond Feiyan, et qu'Usagi Kinbo était à terre, livré par sa famille, au lieu de l'exécuter sur place, Genichi-sama, dans sa grande bonté, a choisi d'accorder son pardon à son agresseur.
Un murmure parcourt l'assistance.
- Il l'a donc laissé en vie et libre de repartir chez les siens ? reprend le ministre.
- Oui, tout à fait.
- Qu'en est-il de la famille de ce criminel ?
- Genichi-sama n'a pas souhaité s'adresser à eux, considérant qu'ils ne méritaient pas de lui parler, pour avoir livré son propre fils. Tout un chacun ici pourra reconnaître la droiture et l'inflexibilité de Genichi-sama.
Nouveau murmure dans l'assistance. Le ministre plisse les yeux, intéressé et un peu surpris de l'assurance de cette jeune Utaku. Elle a dit les choses sans ambages mais avec une simplicité qui désarmerait les critiques, sans agressivité, comme une évidence en somme.
Feiyan fait bonne figure mais elle sent la pression monter. Elle a toute la salle dans son dos, et elle n'aimerait pas se retourner à ce moment-là. D'ailleurs, dans l'assistance, plusieurs personnes ont la gorge nouée, soit par inquiétude pour Feiyan, soit parce qu'ils se retiennent de protester. Pendant tout le temps où Feiyan parle, les ministres la regardent, alors que le Guide continue d'observer l'assistance, impassible.
Le ministre s'incline alors, pour dire qu'il en a fini.
L'assistance reprend son souffle et attend la suite. Le Guide se lève et d'un claquement, ouvre son éventail au motif d'aurore.
- Soyez loués, samouraïs, dit-il pour votre bravoure. Vous avez fait votre devoir jusqu'au bout en étant inflexibles, en poursuivant sans relâche des criminels infâmes, qui ne méritaient aucun pardon.
Feiyan s'incline et serre les dents : c'est comme si le sol s'ouvrait sous ses pieds. Encore un mot du Guide et le pire peut arriver.
Dans la salle, certains voient déjà Genichi prier de prendre sa retraite anticipée. Le Guide marque un temps, puis reprend posément, son éventail devant la poitrine :
- C'est le devoir des vainqueurs de rétablir la justice.
« C'est aussi leur privilège d'aller à ce moment au-delà de leur devoir. De manifester une bonté exceptionnelle, qui rend la victoire plus belle, tout en rendant les crimes des coupables encore plus grands. Alors soyez loués pour votre bravoure, samouraïs, qu'elle serve d'exemple aux habitants de l'Harmonie. Et que cette grandeur d'âme dont vous avez été témoins, et qui dépasse encore votre bravoure, vous serve d'exemple.
Feiyan se sent revivre, et on entend une détente dans une partie de l'assistance. Le Guide soutient Genichi ! Il ne pouvait pas le désavouer à ce moment !
On peut aussi penser qu'un chef ne peut pas être moins magnanime que ses subordonnés. Le Guide termine par sa formule rituelle :
- Allez samouraïs, car votre tâche ne fait que commencer.
« Pour l'aurore d'un monde nouveau,
« Dans l'ordre, et pour le progrès.
La salle se lève et répète :
- Dans l'ordre, et pour le progrès. Louanges à toi, Guide Radieux, pour ta grandeur d'âme que nul ne surpasse.
D'un claquement, le Guide referme son éventail et sort.
L'assistance reste front à terre, puis les ministres s'inclinent et sortent à leur tour.
Feiyan revit, mais elle note, une fois de plus, que le Guide n'a pas prononcé le mot "honneur".