28-01-2021, 11:26 AM
(This post was last modified: 11-02-2021, 06:15 PM by Darth Nico.)
![[Image: QJAxhkE.png]](https://i.imgur.com/QJAxhkE.png)
Nos héros préparent leur départ pour le lointain district de Hokufuu.
Feiyan passe dire au revoir à Korimi dans sa nouvelle boutique chic de tatouages. Korimi a pris les choses en main pendant que les ouvriers sont en train de travailler : elle les dirige comme une vraie patronne, elle est sur leur dos toute la journée pour vérifier qu'ils ne font pas de bêtises.
- La tapisserie, vous me la clouez mieux ! Et là, les meubles, vous déplacez, on ne peut pas passer...
Elle soupire en tirant nerveusement sur son fume-cigarettes, mais on la sent très fière de cette promotion sociale. Finie la brume du port, elle est désormais dans le quartier des jeunes samouraïs huppés, il s'agit de faire bonne impression. Elle a tiré des rideaux mais elle sait que derrière la fenêtre, il y a toujours cinquante voyeurs, la joue collée à la vitre, qui essaient d'apercevoir les geishas qui vont venir se faire tatouer ici.
Feiyan la félicite et lui apprend sa nomination à Hokufuu.
- Hokufuu ? Mais c'est où ça ?... Après être allée dans les mers de l'est, vous voilà partie pour le désert de l'ouest !
Feiyan est contente de retrouver les plaines sauvages où elle galopait, il y a encore un an. Elle les aime autant sous le soleil cuisant de l'été que sous un manteau de neige l'hiver.
- Bon, dit Korimi, si cela vous plaît...
Elle commande alors à Feiyan des dessins pour illustrer sa boutique. Modeste, Feiyan répond qu'elle n'a certainement pas un talent d'artiste.
- Allons, allons, vous vous débrouillez très bien. J'ai vu vos dessins de la baie d'Along, des îles Nanbiwa et d'ailleurs, et ma clientèle adore l'exotisme. Je sais bien que ce ne sont que des esquisses pour le moment, mais je suis certaine que vous aurez le temps de les améliorer quand vous serez à Hokufuu, et d'en faire de vraies oeuvres. Je serai fière de les mettre aux murs. Je vous les payerai bien sûr.
- Il n'est pas question de cela ! Je vous en ferai cadeau !
Les deux femmes échangent encore quelques politesses, puis Feiyan passe à l'ambassade Licorne.
- Ah, dit poliment Moto Kohei, Hokufuu c'est loin... Du moins vous serez proche de nos terres ancestrales. Vous allez enfin pouvoir galoper tout votre content là-bas. Ah tenez, puisque vous me parliez de mon ancêtre Shinjo Kohei l'autre jour, j'ai cherché si nous avions des archives sur lui... En fait, ce sont les Daigotsu qui possèdent la majorité de ces documents un peu sensibles liés à la création de leur famille. Mais j'ai retrouvé cette lettre du magistrat Kohei, elle pourra vous intéresser.
Feiyan ne veut pas emmener un document aussi vénérable, aussi elle la lit attentivement et la mémorise pour plus tard.
« De : Shinjo Kohei, Cité Interdite
A : Hida Shigeru, retraite de la Persévérance
Cher ami,
Voici donc venu le moment de déchaîner notre colère ! Dans quelques jours, Kakita Hiruya sera vengé !
L'Empereur a réuni des hommes qui ont prêté serment de ne rien dire sur ce que nous allons faire. Moi-même, je peux que te parler par allusions. Je ne peux même pas te dire où nous allons. Mais je peux t'affirmer que les derniers conspirateurs seront châtiés !
Le samouraï que Bokkaï nous a recommandé dirigera notre troupe. C'est quelqu'un de brillant et ambitieux : nous en entendrons certainement parler dans les années à venir.
Pour ma part, je serai en première ligne face aux conspirateurs et ensuite, si les Fortunes me prêtent vie, je retournerai sur mes terres ancestrales avec ma femme. Je ne veux plus me mêler de ces intrigues. Je voudrais même que le souvenir de ces conspirateurs disparaisse avec nous.
Mon ami, si tu n'as pas honte de me connaître, je serai heureux de t'accueillir chez nous, quand tu voudras sortir quelques jours de ta retraite, que je sais être paisible. Tu salueras Bayushi Bokkaï, et qui sera aussi le bienvenu chez nous.
Meilleurs souvenirs,
Shinjo Kohei
Lune 1132, 2ème mois »
Le lendemain, nos héros partent, escortant le magistrat Miya Genichi qui voyage en palanquin. Avec leur collègue Daigotsu Yori, ils passent la porte ouest de la ville et partent sur la route qui passe par les anciens marécages de Uebi, puis au sud du château des Renards, où ils font une étape. Le lendemain, ils traversent le nord de la plaine du soleil d'or, aperçoivent loin au sud le château des Moineaux. Ils suivent un tronçon du chemin du fer, qui bifurque ensuite vers le nord, en direction du château des Lièvres. Puis, dans l'après-midi de ce premier jour, ce sont les immenses plaines agricoles du clan du Crabe. La chaleur est écrasante et les champs semblent figés sous le soleil blanc. Les grillons crissent dans les herbes, tandis que les paysans peinent, courbés et boivent à grandes gorgées.
Le lendemain, ils font étape au village de Kura Mura, perdu parmi les champs à pertes de vue. Ils sont invités par les notables à visiter une manufacture qui fait la fierté de la région, où les ingénieurs chimistes de la famille Kaiu mettent au point des engrais plus performants qui, un jour, permettront de mettre fin aux ravages des parasites.
Ensuite, ils prennent la route nord à travers la province de Kuda et traversent en une journée la plaine du vent paisible. Au loin, on aperçoit déjà l'immense forêt Shinomen, sorte de forteresse végétale imprenable. Face à eux, la tour de garde de l'ouest, seul bâtiment que l'on voit à des lieux de loin dans ces étendues agricoles.
En fin de journée, ils arrivent à la frontière de Hokufuu. Une averse de fin de journée, maussade, semble tomber point pour les accueillir au château du Singe. Sarutobi rumine de sombres pensées. Il a dû quitter sa ville adorée, sa fille non moins adorée, et son Nid tout autant adoré, pour venir dans cette région perdue, désespérante et monotone !
Le juge Toku Kengo est un vieil ami de Miya Genichi. Ils ont fait leur droit ensemble, alors que l'Harmonie n'existait pas encore. Cela remonte !
Kengo est un petit homme replet, qui arbore l'air jovial propre à son clan, connu pour être souriant même face aux épreuves. Il accueille les nouveaux magistrats dans ce château du Singe qui ne paye pas de mine.
Le lendemain, ils se rendent à Maisuna Shiro, château d'une famille vassale des Kaiu qui est chargée d'entretenir le mur ouest.
- Une famille vassale des Kaiu, maugrée Sarutobi, vraiment c'est trop d'honneur qu'on nous fait...
Yori se retient de pouffer de rire. Mais même Genichi n'a pas son moral des beaux jours, nos héros le sentent, même si le magistrat se doit de rester impassible et digne, étant le nouveau gouverneur de la région.
Le château Maisuna est une bâtisse puissante, bien plus grande qu'on ne l'attendrait d'une famille vassale. Le daimyo vante la solidité de ses fortifications et le présente comme un chef-d'oeuvre du savoir-faire de sa famille. Sarutobi se retient de baîller. Normalement, c'est l'heure où il va boire un premier verre au Nid !
Que fait le patron à cette heure-ci ? Il doit recevoir les livreurs et faire transporter les grosses caisses de saké. Sa femme doit déjà être en cuisine et la bonne odeur de la soupe à l'oignon doit égayer la fin de matinée. Les hommes qui ont fait la nuit prennent un dernier verre avant d'aller dormir. Ceux qui ont patrouillé dans le Monde Flottant racontent les incidents de la nuit. Une équipe se prépare pour une descente sur le port des brumes, une autre revient avec quelques canailles qui tentaient de passer des marchandises.
La belle vie, la vraie vie !
- Les fortifications ont jusqu'à cinq pouces d'épaisseur à cet endroit et les tours sont espacées de...
Sarutobi n'arrive pas à écouter. Vivement l'heure de la collation ! Est-ce qu'ils connaissent seulement le saké dans ce coin ?...
Oui heureusement ! Et il n'est pas mauvais. Un petit goût pierreux. On sent déjà le vent du désert qui passe par-dessus les montagnes du crépuscule. Des choucas hurlent depuis les sommets.
Le lendemain, c'est la traversée du district et l'arrivée au château du dernier rayon. Il pleut plus fort que la veille. Une pluie grise comme des vieux cheveux filasses. Une tuile se détache du toit. Le soleil descend en silence derrière les montagnes.
Le gouverneur Miya Genichi prend son poste dans le district le plus à l'ouest de l'Harmonie.
*
Dastan est originaire des Sables Brûlants. Quel passé a été le sien là-bas ? On peut deviner une vie aventureuse, qui l'a obligé à quitter les provinces de Oudhin, Mehdin et Mahudin, et à venir travailler dans Rokugan. Il vit toujours sur les frontières, au service de l'Ambre, un groupe de contrebandiers qui passent des marchandises à travers les montagnes du crépuscule. La base d'opération de l'Ambre est dans une boutique discrète, dans la ville qui entoure le château des Emissaires de l'Est. Les trafics vont bon train dans cette grande ville au nord du district de Hokufuu. Les Yasuki la dirigent et ont depuis longtemps établi un commerce régulier avec les clans voisins du Sanglier et du Faucon, ainsi qu'avec les gaijins. Ils sont en concurrence, mais aussi en partenariat avec les caravanes marchandes de la Licorne qui viennent parfois d'aussi loin que Medinat Al-Salaam et qui se rendent jusqu'à Bakufu.
Dastan évolue dans ce monde interlope depuis des années, où la frontière symbolique entre samuraïs et marchands est déjà ténue le jour et s'abolit parfois la nuit, quand les uns et les autres se retrouvent dans des maisons pour discuter et passer des commandes auprès de rônins qui n'ont peur de rien pour transporter tout ce que veulent leurs clients.
Le chef de l'Ambre est un ventripotent personnage, Amir Ben Moussa, qui entretient les meilleures relations avec les Yasuki. Il sait trafiquer jusque comme il faut pour que ce soit profitable, pas assez pour que ce soit visible et que les Yasuki soient obligés de sévir. En revanche, un groupe concurrent, la maison de l'Onyx, se montre nettement plus violente dans ses opérations et n'hésite pas à se livrer au trafic d'esclaves. Il y a forcément une clientèle pour ces gens-là, mais il vaut mieux ne pas poser de questions, si on ne veut pas finir les pieds au fond de l'ancien marécage de l'Outremonde.
Ce petit monde ronronnait tranquillement sous l'ancien gouverneur, mais depuis que celui-ci a été envoyé ailleurs, tout le monde craint pour son confort. Car le nouveau gouverneur, Miya Genichi, a la réputation d'être tout sauf souple sur les lois. Il est connu déjà pour sa rigueur sous son apparente bonhomie. Il a la réputation d'être juste et clairvoyant, mais aussi d'être intransigeant quand on ne s'y attend pas. Bref, un idéaliste, donc l'ennemi juré du contrebandier !
Or, cela ne peut pas rater, Genichi-sama va forcément faire une tournée d'inspection de tout le district.
Le gros Ben Moussa en transpire déjà, alors que Dastan, allongé négligemment en train de picorer des dattes, le rassure : tout va très bien se passer.
- Tu dis ça, tu dis ça...
La chaleur de cette fin de journée d'été est encore lourde.
- En attendant, on a un chargement ce soir.
- Aucun problème, laisse tomber Dastan, je m'en occupe comme toujours. Tu peux me faire confiance. Par contre, je vais encore avoir des frais pour les porteurs...
Ben Moussa n'a jamais réussi à savoir si Dastan est un fainéant, un beau parleur, un entourloupeur, comme tous ceux qui viennent de la région d'Oudhin, ou si c'est quelqu'un d'intelligent et dévoué. Sans doute un peu les deux, il faut bien tout cela dans ce métier !
- Il va falloir faire vite, dit Ben Moussa en s'essuyant le front.
- Oui, oui... Le gouverneur ne va pas arriver d'une minute à l'autre, tout va bien.
- Il ne va pas forcément se faire annoncer !
Le soir, Dastan part dans les montagnes silencieuses avec deux porteurs et à un col en haut d'un chemin escarpé, ils retrouvent les passeurs qui sortent du désert, de gros ballots sur le dos. On se connaît, pas trop de nécessité de négocier.
- Allez, on repart, dit Dastan, pendant que ses hommes se chargent à leur tour.
Tout juste s'il ne siffloterait pas au retour ! Mais non, pour la forme les Yasuki font des patrouilles, et si on les croisait, cela ferait encore des frais !
- Tu vois, tout s'est bien passé ! dit-il tranquillement à son patron, tandis qu'il se rallonge et se sert à boire.
Ben Moussa ne montre pas trop sa satisfaction. Ce Dastan est vraiment un sans-gêne. Il boit et mange dès que l'envie lui prend, il prend son travail presque à la rigolade et il va finir la nuit avec des filles, sans s'occuper du lendemain !
- Allez, bonne nuit ! Ne t'amuse pas trop, j'ai besoin de toi en forme, grogne Ben Moussa.
- Mais ne t'en fais pas ! Est-ce que je t'ai déjà lâché ?...
N'empêche que Dastan lui a encore rapporté un beau paquet d'argent avec cette livraison. On ne peut pas lui enlever cela. Mais le patron de l'Ambre est content de se retrouver tout seul chez lui !
*
Le lendemain, une fille endormie sur chaque épaule, Dastan se réveille alors qu'on frappe violemment à sa porte.
- Oui, oui, j'arrive.
Il s'habille un minimum en vitesse. Il entrouvre juste la porte fermée avec une chaîne. Ce sont deux soudards de Ben Moussa :
- Le patron veut te voir.
Il claque la porte et grogne qu'il vient dès qu'il peut. Il met les filles dehors et se présente deux heures plus tard au patron de l'Ambre, alors que l'agitation matinale de la ville monte doucement. On sent de la nervosité dans l'air car la nouvelle est arrivée pendant la nuit et a circulé dans tous les établissements : le nouveau gouverneur ne vient pas mais ce sont ses assistants qui viennent se présenter !
- C'est la catastrophe !
Ben Moussa tourne en rond, d'autant plus nerveux que Dastan ne l'est pas, déjà allongé à picorer des friandises.
- Et toi, ça ne te fait rien ? Ils vont pendre quelques-uns de nous pour l'exemple !
- Il suffit que ce ne soit pas toi ou moi...
- Comme si on allait choisir !
Dastan part en ville faire la tournée des points d'information. Au marché de la Carpe Dorée, il passe dire bonjour aux uns et aux autres, pour sentir l'ambiance. Les gens ont le regard fuyant. Chacun espère que c'est le voisin qui prendra. Dastan a déjà soif et va prendre un verre à la Maison des Mille Vérités, le lieu de rencontre des trafiquants de la région.
- Salut les gars !
Il est le seul à avoir l'air dégagé. A croire qu'il n'est au courant de rien ! Il paye des verres à quelques habitués et écoute ce qu'ils ont à dire. Un yoriki, qui entame déjà son soshu, lui raconte ce qui se dit :
- Il y en a un qui est un Guêpe. Il a fait pas mal parler de lui à Bakufu. Il connaît bien les milieux comme le nôtre. Tu connais les gens du ruban bleu ?... Ils travaillent sur le port là-bas. Ils le connaissent bien.
"Et le deuxième assistant, c'est une femme. Une Licorne. Une idéaliste paraît-il. Et la dernière, c'est encore pire : une Araignée !
Dastan tique : trois incorruptibles !
Il va falloir s'y prendre différemment pour se mettre à l'abri de ces gêneurs. Employer les grands moyens...
- Ils arrivent ce soir. Ils vont rencontrer le gouverneur. D'après leur réputation, ils vont se mettre tout de suite au travail et faire la tournée de la ville.
Dastan est au pied du mur. Il va vraiment falloir faire vite !
*
Le lendemain matin, Dastan est à pied d'oeuvre. Il apprend que les assistants sont bien arrivés la veille au soir. La Licorne, Utaku Feiyan fait une première tournée en ville, l'air de rien. Elle s'est rendue à la maison des Mille Vérités. Dastan y arrive, frais comme un gardon, et aborde sans ambages la magistrate. Il se montre le plus flagorneur possible, ce qui ne manque pas d'agacer aussitôt Feiyan. Dastan fait servir des boissons et se comporte dans l'auberge comme s'il était le patron. Il déploie tout son baratin pour s'attirer les bonnes grâces de la Licorne, qui ne se laisse pas tellement prendre à ses salamalecs.
Mais il a déjà établi un premier contact : il veut passer pour le guide et l'informateur indispensable dans la ville des Emissaires de l'Est !
Seulement, Dastan a plus d'un tour dans sa poche percée. Et il va fomenter pour le soir une ruse des plus sombres... Il connaît quelques mauvais garçons qui travaillent pour les trafiquants de l'Onyx. Sans rien dire au patron de l'Ambre, Dastan s'arrange pour les rencontrer, déguisé, et leur fait croire que le patron de l'Onyx a mis à prix la tête des magistrats. Dans cette ruelle à l'écart, il leur glisse la pièce. Il sait qu'il en faut peu pour décider certains gredins de l'Onyx à se lancer dans les pires entreprises.
Le soir, ce sont les trois magistrats qui sont de sortie pour découvrir la vie nocturne de la Cité. Dastan est en embuscade. Il voit s'approcher cinq soudards de l'Onyx : ils sont venus en nombre ! Dastan n'en avait payé que deux. Il se demande s'il n'y est pas allé trop fort...
L'un d'eux allume la mèche d'une grenade et la lance sans hésiter sur la Licorne, l'Araignée et la Guêpe. Les trois samuraïs ont le temps de se jeter sur le côté, mais ils sont étourdis par le souffle de l'explosion !
En pleine rue !
Dastan reste caché, tandis qu'un combat s'engage, bref et violent : les hommes de l'Onyx sont vite mis à terre, deux sont tués, un blessé se vide de son sang, un troisième est assommé. Et le dernier s'enfuit. C'est la Licorne qui se lance à sa poursuite. Dastan surgit alors à ce moment et offre son aide -désintéressée bien sûr !
- Vous ici, Dastan ? Tiens donc...
- J'avais promis de vous aider de mon mieux, répond-il, obséquieux.
Mais ils ne pourront pas retrouver le dernier membre de l'Onyx, qui connaît trop bien les recoins de la ville. Quand ils reviennent, les deux autres magistrats ont achevé leur prisonnier. Feiyan tique devant cette justice expéditive.
- Ne mettez pas votre compassion là où cela ne vaut pas la peine, lui dit la Daigotsu.
- Ce n'est pas une question de compassion, proteste Feiyan, c'est une question de respecter la loi.
Sarutobi hausse les épaules.
Pour se remettre, ils vont boire un verre dans une maison réputée, tandis que la cité entre en ébullition ! On a tenté de faire exploser les trois assistants du nouveau gouverneur !
Dastan veille à ce que le nom de l'Onyx soit prononcé partout, et la nouvelle se répand comme une traînée de poudre !
Cela réussit bien et le lendemain, c'est le patron de l'Onyx, Al-Meznir, qui est amené de force devant le gouverneur Yasuki. Le pauvre Al-Meznir ! La vieille fripouille pleure toutes les larmes de son corps en jurant qu'il n'y est pour rien. Dastan, du dehors prend des renseignements auprès des serviteurs, et apprend que les magistrats croient à l'innocence d'Al-Meznir. Imaginer que des trafiquants connus de tous s'en prendraient aux hommes du gouverneur, ce serait du suicide !
L'enquête va piétiner par la suite : les Yasuki arrêteront du monde et en pendront plusieurs, pour la forme. Mais on ne retrouvera jamais le commanditaire de l'attentat.
Le soir, Dastan retrouve Ben Moussa et le tient au courant.
- Ah tiens, dit le patron de l'Ambre, en transpirant abondamment, je me demande bien qui a pu monter un coup pareil ! Tu n'as pas une idée, toi ?...
- Moi ? dit Dastan, en recrachant un noyau de datte, pas la moindre, chef...
Le lendemain, Dastan commence sa journée avec un bon gros spiff, pour se remettre des fatigues de la veille. Au palais, il a appris que les magistrats continuent leur tournée en direction des Faucons. Dastan les attend dans la grand'rue et se présente à eux comme ils en sortent. Il y va encore de toute sa politesse grasse et sucrée comme une pâtisserie des Sables Brûlants.
- Cessez ce petit jeu, lui réplique Feiyan, du haut de son immense monture.
Sarutobi rit de toutes ses dents devant le jeu de Dastan. Il trouve tordante sa façon de draguer ouvertement Feiyan. Ce qui le décide à accepter l'aide de Dastan comme guide !
Feiyan fait la tête, mais soit...
En fin d'après-midi, ils traversent l'impressionnante vallée aux esprits. Au sortir de la ville bruissante, c'est tout d'un coup un silence de tombeau, dans cette forêt qui semble vibrer dans le monde des esprits, de chaque branche ou chaque buisson.
Dastan connaît la région pour y avoir fait plusieurs passages de marchandise, dans un sens ou dans l'autre. Il passe le premier et a conseillé aux magistrats de ne surtout pas quitter la route.
Au crépuscule, on entend une vieille femme qui pleure. Ses sanglots ont quelque chose de déchirant : les magistrats tendent l'oreille : elle pleure que son enfant est mort, qu'elle est seule et qu'elle a peur.
La bonté de Feiyan lui commande d'aller lui porter secours. Mais Dastan, sinistre, l'arrête :
- Si vous quittez le chemin, vous ne reviendrez jamais, magistrate.
Il lui explique alors l'horrible vérité : cette vieille est un esprit-vampire ! Elle cherche à les attirer par cette ruse ignoble.
Feiyan est horrifiée : contrefaire à ce point la détresse et oser jouer sur la pitié des gens !
- Ces gakis n'ont pas d'âme, répond Dastan, c'est pour cela qu'ils ont besoin de se nourrir de la nôtre.
La marche reprend, et plus personne n'ose se moquer de Dastan.
Le soir, ils trouvent une patrouille Toritaka à la sortie de la vallée. Ceux-ci brandissent une lanterne pour guider les voyageurs. Ils s'excusent de ne pas être allés au-devant d'eux.
- Tiens, mais qui voilà ?
Dastan bombe le torse :
- C'est moi qui ai guidé ces honorables seigneurs jusqu'à vous !
- C'est ça... Tu as bien de la chance qu'ils aient fait confiance à un traîne-savate comme toi ! Allez, suis-nous, tu iras te faire nourrir aux cuisines. C'est déjà bien pour toi !
- Vous ne connaissez pas ma valeur, répond hautement Dastan.
- C'est ça, c'est ça, allez file ! Fais-toi discret pour une fois !