15-02-2021, 07:23 PM
(This post was last modified: 19-02-2021, 09:55 PM by Darth Nico.)
![[Image: CbwtTEq.png]](https://i.imgur.com/CbwtTEq.png)
Feiyan a retrouvé une vieille amie : Toritaka Rin, une chasseuse d'esprit qu'elle a connue quand elle était encore chez les Licornes. Feiyan s'était aventurée dans la forêt Shinomen, malgré les conseils de prudence de Rin, et y avait chassé un terrible barbare Ujik-Hai.
C'était il y a deux ans à peine, et cela paraît une éternité à Feiyan. C'était un autre monde, une autre vie semble-t-il, et pourtant la forêt n'a pas changé depuis. Ou peut-être change-t-elle tous les jours... Feiyan était entrée par le nord, aujourd'hui, elle se trouve au sud.
La mystérieuse brume qui n'a pas disparu depuis six mois est le sujet d'inquiétude principal à Hokufuu, encore plus que les raids de pillards Ujik-Hai. Car rien n'inquiète plus que le surnaturel. Les esprits sont-ils en colère parce que les Sangliers ont commencé à exploiter le bois ? Est-ce que Shinomen est comme un monstre blessé qui se défend contre ses agresseurs ?
Les Toritaka arpentent la forêt depuis des siècles mais, de mémoire de chasseur d'esprits, on n'a jamais vu un tel changement. Cette brume comme une haleine enchantée qui stagne à l'orée de Shinomen accompagne les bouleversements de l'Harmonie.
Miya Genichi veut comprendre ce qui se passe. Il a donc chargé Feiyan de monter une expédition pour s'aventurer jusqu'où il faudra dans Shinomen. D'après les chasseurs d'esprit, il faudra traverser les territoires des farceurs (ou fripon), ces créatures mi-renardes mi-humaines qui essaient de perdre les visiteurs. Puis il faudra passer près de ruines Naga, et ensuite, traverser une rivière au-delà de laquelle la brume devient vraiment impénétrable et inquiétante.
Feiyan a donc demandé à Rin de l'aider. Les Faucons n'ont pas d'hésitations. Leurs amis du Renard seront aussi là. Plus surprenant, Feiyan reçoit une lettre du clan du Sanglier : ils veulent aussi se joindre à l'expédition. Ils veulent savoir s'il y a un danger à continuer de couper la forêt. Pour eux, la question est vitale, car le bois sert à alimenter les énormes chaudières de leurs forges, d'où sortent les plaques de métal qui serviront aux chars et aux bunrakus de l'armée de la Tortue.
Feiyan hésite, car les Sangliers ne sont pas connus pour leur expérience de Shinomen. Elle finit toutefois par accepter, afin de ne pas se mettre le clan à dos. Elle leur répond toutefois que l'expédition sera sous ses ordres à elle et qu'il faudra scrupuleusement obéir aux ordres des Faucons -les grands rivaux des Sangliers.
Feiyan sent déjà que quelque chose l'attire dans la forêt. Elle n'en a pas fini avec elle. La veille du départ, elle se trouve chez les Renards, au château du voyageur intrépide. Comme à son habitude, elle s'est levée bien avant l'aube et va prendre son bain dans les sources d'eau chaude naturelles, dans le parc du château Miya. Les servantes se sont assurées qu'elle avait tout ce qu'il lui fallait bien elles se sont retirées. Feiyan les entend de loin qui discutent à voix basse.
On distingue la brume qui émane des profondeurs de cette forteresse végétale, et qui se confond avec la rosée en évaporation, et les nuages qui migrent lentement sur les sommets des arbres. Les premiers rayons du soleil percent enfin dans l'air frais. Tout est silencieux. Feiyan a dû fermer les yeux un instant, mais une sorte d'appel la fait sursauter. Pourtant, il n'y a aucun bruit. Les moineaux qui picorent dans l'herbe n'ont même pas tressailli. Elle retient son souffle : le cerf blanc est là.
Son visage, presque humain, dont on ne sait s'il est amical ou moqueur, ses yeux rouges perçants, ses bois cristallins et son pelage blanc au menton comme une longue barbe.
Feiyan n'ose pas remuer. La créature la fixe intensément et elle se sent tressaillir. Pas un bruit, pas un son ne sort de la bête. Elle est sur une flaque mais ses sabots ne font aucun cercle dans l'eau.
Rin s'était presque moquée d'elle la dernière fois :
- Il n'y a pas de cerf blanc dans la forêt de Shinomen, Feiyan-san.
- Mais, je vous dis que je l'ai vu comme je vous vois.
- Et je vous crois, mais cet animal n'existe pas.
Le vieux shugenja, Gintoki, lui avait dit que c'était un présage rare.
Mais de quoi ?
La bête à présent lui parle mais elle ne remue pas les lèvres. Elle communique directement à l'esprit de Feiyan, qui n'entend rien dans sa tête mais a une intuition très claire de ce que dit cette bête : quand elle va entrer dans Shinomen, elle va retrouver des esprits du passé. Elle sera alors confrontée à un choix qui décidera de son avenir.
Feiyan n'y tient plus de rester immobile : elle remue dans l'eau, elle serait prête à supplier le cerf blanc de lui en dire plus, n'importe quoi, un indice, un conseil. Mais elle a brisé le charme : le cerf a disparu. Les oiseaux sont toujours là à picorer dans l'herbe.
- Tout va bien ? dit une servante avec un grand sourire.
Feiyan reprend son souffle. Il semble qu'elle était en apnée depuis de longues minutes.
- Tout va bien oui, tout va très bien.
Mais elle a la gorgée nouée.
*
Il y a trois jours, en apprenant ce que contenait le début du Codex de l'aurore, elle a déjà passé une nuit à veiller, alors que Sarutobi restait dans l'auberge pour une nuit blanche, lui aussi, à se demander à chaque minute s'il devait brûler le livre impie de ce Miya Toshiro.
Un maître Kolat, un réprouvé de la société, ayant compilé son plan délirant d'une cité "parfaite", indépendante de l'ordre céleste ! La cité de l'aurore qui ressemble en tous points à l'Harmonie ! Alors que le Kolat a été détruit il y a plus de deux siècles.
Pour le moment, Sarutobi et Feiyan ont choisi de ne rien dire à Genichi - une tâche sur leur honneur. Mais ils doivent aller au bout de la lecture. Or, certains passages ont été habilement codés par Miya Toshiro. Comme il est inenvisageable de s'adresser à un Rokugani pour casser ce code, il ne reste qu'à trouver un érudit dans les Sables Brûlants. Sarutobi a donc décidé d'y partir avec Dastan pour lui servir de guide. Aurpès de Genichi, le prétexte était tout trouvé, et cela fait un deuxième mensonge par omission, et ce ne sera peut-être pas le dernier. Officiellement, Tsuruchi Sarutobi part dans les contrées sauvages pour se renseigner sur les troupes Ujik-Hai, afin d'anticiper une éventuelle attaque.
Dastan va donc laissé à Hokufuu sa belle Arana, qui va continuer à déchiffrer ce qu'elle peut du manuscrit : plutôt un jeu pour elle, qui n'a aucune idée de l'implication de ce qui est écrit. Et quand bien même, les complots et les sociétés secrètes sont nombreuses dans les Sables Brûlants. L'histoire ne semble même faite que de révoltes montées par des seigneurs pour prendre la place des dirigeants. A combien d'attentats chaque calife de Medinat-Al-Salaam échappe-t-il dans sa vie ?... A autant qu'il peut jusqu'à celui qui lui sera fatal...
Ce matin-là, Dastan est donc de retour sur la piste qui mène à Karoulstan. Il a passé le col de l'ouest avec Sarutobi et devant eux, le vent souffle sur les grandes dunes qui semblent chanter dans l'immensité de sable.
Puisque c'est Sarutobi qui paye, pas de raison de se priver ! Dastan l'emmène au grand casino réservé à la noblesse. Un palais de marbre sur une île artificielle au milieu d'un étang, auquel on accède par un pont qu'il faut payer pour passer. A l'intérieur, de grandes cours avec des marchands qui alpaguent les nobles qui déambulent, attirés par les produits exotiques en tous genres, des bijoux aux porte-bonheur, des poudres miraculeuses aux fruits séchés. Des fumoirs, des salles de jeux, tout un luxe qu'on ne soupçonnerait pas de l'extérieur. Tout cela sous une grande coupole de verre à l'armature en argent sertie de pierres précieuses.
C'est dans un recoin de ce palais du confort et de la décadence que Dastan emmène Sarutobi. Dans une petite salle où se traitent discrètement des affaires qu'on devine importantes, au son d'un orchestre d'ouds et de flûtes.
L'homme qui les reçoit doit être du même peuple que Dastan. Il rappelle aussi à Sarutobi l'air d'élégance et de beauté ténébreuse que les gens comme Jamal Al'Fasidî aiment se donner. Il parle dans un rokugani très correct.
Et il énonce ses phrases très calmement, alors même qu'il commence à révéler à Sarutobi des choses terribles : oui, les Licornes sont bien venus ici il y a deux ans. Ils poursuivaient des conspirateurs qui fuyaient Rokugan pour se réfugier auprès de seigneurs des maisons de Dahab. Les marchands de Dahab sont connus depuis des siècles dans les Sables Brûlants pour lutter contre l'influence des souverains de droits divins. Ils ont tout fait pour saper l'autorité du califat à Medinat-Al-Salaam. Ils ont ourdi dans l'ombre déjà sous la Calife Immortelle qui régnait il y a sept siècles -à l'époque du Gozoku, de Miya Toshiro et de Matsu Mitsurugi. Quand celle-ci est morte, bien des siècles après, ils ont continué à oeuvrer pour réduire l'influence des nobles. Il y a de cela trois cent ans, une révolution importante a eu lieu dans Medinat : le nouveau Calife a dû accepter un conseil de représentants. Formant une oligarchie, ils ont acquis des droits de décisions importants pour toutes les affaires commerciales et juridiques de la ville, le Calife restant pour sa part le maître incontesté des armées.
Des négociations ont abouti à une paix durable avec les sinistres voisins de l'Empire Senpet, les adorateurs du Serpent. Depuis, Medinat, la Perle du Désert, s'est modernisée et a développé notamment les aéronefs, qui filent à travers le désert et dont certains peuvent voler assez haut pour passer au-dessus des mortelles tempêtes de sable. Plus haut que les djinns !
- Vous voyez, tout cela n'a pas que du mauvais, note Dastan.
Avec l'oligarchie, le bas peuple vit toujours dans la misère, mais il a une chance -une petite chance- de sortir de la misère et d'accéder aux rangs inférieurs de la caste privilégiée. Ce qui est toujours mieux que de passer sa vie comme portefaix ou nettoyeur de latrines.
Mais les maisons de Dahab allaient aussi trop loin, en fomentant des attentats pour abattre la royauté pour de bon. Une guerre s'en est suivie contre les autres maisons marchandes plus modérées. Le califat a été sauvé, l'influence de Dahab a été grandement réduite. Quand les derniers Kolat ont fui Rokugan, des pontes de Dahab les ont accueillis ici, à Karoulstan. C'était sans compter sur les Rokuganis vengeurs, qui sont venus exiger leur tête, et l'ont obtenue.
- Ils fuyaient après la destruction de leur temple secret, qui n'était pas ici, seigneur, mais quelque part très loin d'ici, dans ton Empire.
Rien que cette nouvelle fait mal à Sarutobi, qui ne pensait pas une chose pareille.
- Et tu dois savoir, continue le mystérieux informateur, que ces fuyards étaient emmenés par un maître Kolat qui se faisait appeler Tonnerre. Et il n'était autre que Shinjo Yokatsu, le daimyo de sa famille.
L'autre a lâché cela négligemment, mais Sarutobi est estomaqué. Une famille entière sous la coupe du Kolat !
Ces Licornes passent d'un extrême à l'autre ! Il y a deux cent ans, les Shinjo qui les dirigeaient, soutenaient des ennemis mortels de l'Empereur. Aujourd'hui, au contraire, ce sont leurs shugenjas, les Iuchi, qui sont membre de cette Sainte Triade qui a juré d'abattre la modernité !
Sarutobi, par estime pour Feiyan, se gardera bien de lui apprendre une information aussi accablante.
En somme, des faits qui sont tenus pour secrets et honteux au dernier degré, dans l'Empire d'Emeraude, sont monnaie courante à l'étranger, ou du moins pas si cachés. Il suffit d'aller chercher dans les recoins et les bas-fonds pour apprendre sans peine ce que des samouraïs préféreraient plutôt mourir que d'entendre !
- Je cherche quelqu'un qui puisse me traduire un codex ancien, rédigé par un de ces Kolat et qu'il a soigneusement crypté.
L'autre, affalé sur ses moelleux coussins, tirant sur son narguileh, répond, toujours tranquille :
- Alors tu dois t'adresser aux érudits du pic des Djinns.
Sarutobi se tourne vers Dastan, qui répond :
- J'en ai entendu parler. C'est plus loin, vers le nord-ouest. Un grand sanctuaire religieux, doté d'une bibliothèque dont ses gardiens se vante qu'elle est la plus grande du monde connu. Ils prétendent posséder tous les livres de sagesse des peuples du désert, et au-delà ! Ils disent qu'ils parlent toutes les langues, présentes et passées.
- Alors, c'est là que nous devons aller, dit Sarutobi. Mais je dois savoir une dernière chose avant... Est-ce que d'autres gens sont à la recherche du codex de l'aurore ?
L'informateur sourit, et lui apprend qu'un homme tatoué, avec un troisième oeil de lune au milieu du front, est venu il y a quelques années.
Sarutobi comprend : ce Hitomi cherche à accumuler des preuves pour accuser l'Harmonie d'hérésie et de rebellion. Cela semble cohérent.
Dastan paye l'informateur sans (trop) barguigner, juste pour la forme. Pour le soir, ce sera détente et amusement.
Le lendemain matin, les deux voyageurs se rendent au nord de la ville, où a été installé l'aéroport : les véhicules volants décollent et atterrissent déjà, de bon matin. C'est bien plus grand et mieux équipé que la piste de Bakufu ! Surtout, certains engins sont énormes, des barges de luxes qui transportent des seigneurs et tout leur équipage, d'esclaves, de musiciens, leurs suivants... Impensable à Rokugan, où l'on sait à peine comment faire décoller les petits aéronefs comme celui de Jamal !
Dastan a loué un aéronef pour la journée. Et pour le lendemain, il a acheté des places dans un appareil qui fait une liaison régulière entre Karoulstan et Mahudin, avec une étape au pic des Djinns.
Dès le lendemain, nos héros décollent donc vers le désert qui, alors que le vent se lève, se met à trembler jusqu'à l'horizon.
*
Le brouillard monte comme une vapeur au-dessus de la forêt et des nuages semblent se frayer un chemin entre les cimes. Accueillis par l'humidité matinale des sous-bois, la troupe de Faucons, de Renards et de Sangliers dirigés par Feiyan pénètre dans le sanctuaire immémorial : Shinomen !
Des oiseaux s'ébrouent dans les branches, des lapins détalent, des singes crient. La brume mystérieuse est à peine perceptible. Au détour d'un fourré, un panda roux, en sécurité sur sa branche, observe la troupe. Feiyan devrait admirer cette nature qui s'éveille, tandis que le soleil perce au travers des frondaisons. Mais elle ne peut pas cacher son angoisse. Toritaka Rin la croit simplement mal à l'aise face à cette forêt inconnue. Elle ignore que le destin de la Licorne va se jouer en partie très bientôt.
Une heure plus tard, ils ont passé au travers de ruines nagas recouvertes de mousse. Ils ont passé au travers de clairière où des renards les observent. Pas de signes de Kitsune, effrayés sans doute par cette dizaine de samurais aux aguets et visiblement pas d'une humeur joueuse !
Les arbres aux branches tortueuses ressemblent à des milliers de toris qui s'ouvrent à la file, dévoilant des profondeurs qu'on croirait sans fin. En milieu de journée, la troupe arrive au bord d'une rivière où la brume se fait plus dense. Les Toritaka ont fait signe de s'arrêter. Il est évident que c'est de l'autre côté de l'eau que les dangers vont commencer.
- Deux hommes vont rester à vos côtés en permanence, annonce le maître chasseur d'esprits à Feiyan. Ils ont pour consigne de vous protéger, et si nécessaire, de vous faire repasser la rivière en sens inverse.
- Je vous remercie de craindre pour ma sécurité...
Le maître chasseur se permet de l'interrompre :
- Je ne crains pas pour vous physiquement. Je crains les esprits, qui pourraient vous posséder.
- Et vous ? rétorque Feiyan.
- Nous sommes plus habitués à leur résister. Mais nous ne sommes pas invulnérables, il est vrai.
Ils longent la rivière et sentent qu'ils sont observés depuis les brumes. Celles-ci ne forment-elles pas comme des mâchoires fantomatiques prêtes à se refermer sur les imprudents voyageurs ?
Plus loin, de gros rochers forment un début de pont naturel. Les Faucons sortent d'un buisson de grosses planches qu'ils disposent entre les rochers, et toute la troupe peut passer à pied sec.
De l'autre côté, on est d'abord aveuglé et pris par le froid. C'est comme si l'hiver ne s'était pas retiré.
Les Sangliers sont sans doute plus impressionnés qu'ils ne veulent le laisser paraître. Ils ne soupçonnaient pas à quel monde étrange ils s'attaquaient en commençant à défricher les abords de la forêt. Les Renards restent aux aguets, se parlant à voix basse et tenant en main des colifichets protecteurs. Ils se consultent du regard avec les Faucons et continuent leur avancée, lentement. Tout le monde a fait cercle autour de Feiyan. Les Faucons regardent dans les hauteurs, les Renards à l'arrière...
Les raies blafardes qui tombent dans la brume révèlent des branchages immenses envahis de lianes lourdes. Quelques feuilles colorées volent dans l'air et se déposent sans bruit sur des flaques. Les arbres sont plus minces et leurs silhouettes noires sont menaçantes. En passant près d'un marécage, on entend des ricanements : des kappas, sortes de grenouilles humanoïdes. La tradition voudrait qu'on les salue : en effet, le haut du crâne du kappa est creusé comme un bol. Cet affaissement est rempli d'un liquide d'où le kappa tire sa force. Mais quand il salue, le liquide se vide et il devient inoffensif.
Mais les Faucons n'ont pas la patience pour les traditions : ils se contentent de les toiser d'un air menaçant et les créatures disparaissent dans les joncs !
Enfin, après une colline glissante, où la brume se fait plus épaisse, on arrive en surplomb d'un petit vallon d'où émane une lumière cristalline.
- Nous y sommes, dit Toritaka Rin, mais pas comme un but atteint.
Plutôt comme quand on arrive au moment d'une épreuve décisive. Malgré elle, Feiyan a la gorge serrée.
Des centaines de morceaux de cristal en lévitation forment une sorte de miroir brisé, qui ondule et semble frissonner quand on s'approche de lui, comme s'il était sur la défensive.
- C'est une porte vers le monde des esprits, explique posément le maître-chasseur. C'est d'ici que viennent les créatures de la brume.
- Ainsi, vous êtes déjà venus jusqu'ici, en conclut Feiyan, qui essaie de se retenir de claquer des dents, car le froid est plus intense et semble passer à travers le miroir. Où mène cette porte ?
- Dans le monde des esprits, répète le maître-chasseur.
- Nous pouvons tout lui dire, intervient Rin. Ce monde est plus précisément le Meido, le royaume de l'attente. C'est là que les âmes attentent de partir pour leur voyage éternel à travers la porte de l'oubli. Ce royaume est sous le pouvoir du dixième kami, qui garde la porte, derrière laquelle Emma-O, la mort, assigne à chacun sa place.
"L'endroit n'est pas inhospitalier pour les vivants, mais il n'est cependant pas fait pour eux. Nous y sommes plus faibles et surveillés par des forces inconnues. Celles-ci ne sont pas hostiles, mais elles veillent à ce que l'endroit ne soit pas troublé.
"Si vous êtes prête, nous pouvons y entrer.
- Je dois vous prévenir, intervient le maître-chasseur, que mes deux hommes vont vous tenir par les bras désormais. Ils ne vous lâcheront pas tant que vous serez de l'autre côté du miroir et sur mon ordre, ils peuvent vous ramener à tout moment. Vous comprenez ?
- Entendu, dit Feiyan, qui a du mal à garder son calme.
Les Renards savent déjà que leur tâche est de rester dans Shinomen. Franchement impressionnés, les Sangliers sont trop contents de rester auprès d'eux.
Rin s'approche du miroir, la main tendu devant elle. Les cristaux tremblent et cherchent à partir en arrière, mais la tension qui les unit aux autres les empêche de fuir tout à fait. Le maître-chasseur surveille le comportement de la porte et fait signe à Rin qu'elle peut y aller. La Toritaka fait alors un pas en avant et disparaît à la vue de tous. Feiyan a le souffle coupé. Les deux Faucons regardent si elle est prête. Elle fait signe que oui et, presque malgré elle, elle fait les dix pas nécessaires pour passer les cristaux.
Elle est comme sourde et aveugle pendant un temps. Il lui semble que ses cils ont givré et que ses lèvres sont bleues. Le vent la fait pleurer et, tenue fermement par les deux Faucons, elle ne peut pas s'essuyer le visage. Elle est dans un désert grisâtre, au ciel violacé, parcouru d'éclairs blancs silencieux. Elle tient à peine sur ses jambes.
Les autres Faucons ont fait cercle autour d'elle à nouveau. Ils semblent moins souffrir du lieu.
On l'aide à faire quelques pas, comme une convalescente qui sort de son lit. Elle entend un appel plus loin, dit qu'elle veut encore avancer. Les Faucons hésitent puis l'aide. Les quelques mètres lui semblent interminables. Elle a le souffle court, la tête lui tourne.
Des samuraï apparaissent à quelques mètres : elle reconnaît des shugenjas Iuchi ! Elle bat des yeux pour essayer d'enlever la glace qui l'aveugle presque.
Les Iuchi s'approchent : ils sont cinq, et à leur tête, elle reconnaît le vieux senseï Gintoki !
- Feiyan-san, nous avons peu de temps.
- Que faites-vous là ? balbutie-t-elle.
- Ecoutez-moi, car nous ne pouvons pas rester longtemps. Vous servez l'Harmonie mais celle-ci est impie. Le chef de la famile Miya, celui que vous appelez le Guide, a juré de détruire l'Ordre Céleste. S'il continue ses méfaits, il entraînera tout Rokugan à sa ruine. Et si vous continuez à le servir, vous vous déshonorerez ! Il vous reste une chance, c'est de venir avec nous maintenant. Abandonnez le service de ce faussaire !
- Ce n'est pas possible, je sers Genichi, c'est un homme honorable, il n'est pas comme cela... Il sert l'honneur...
- Il y a des gens honorables dans l'Harmonie, oui mais ils sont manipulés par des fous qui ont juré de détruire la caste des samouraïs !... Venez avec nous tant qu'il est encore temps.
Après Genichi, Gintoki est sûrement l'homme pour qui Feiyan a le plus de respect.
- Vous pouvez encore faire machine-arrière. Votre affectation à Bakufu était une méprise tragique, à cause de votre soeur. Revenez dans votre clan, parmi les vôtres. Vous êtes une Licorne, vous ne méritez pas de finir avec les imposteurs de l'Harmonie !
- C'est un malentendu ! J'ai vu l'Harmonie à l'oeuvre ! Elle cherche à faire évoluer l'Empire dans le bon sens. Les progrès améliorent la vie des gens, les paysans souffrent moins des famines !
Feiyan sent alors que les Faucons la serre plus fort par les bras, si c'est possible, et commencent à la tirer en arrière vers le miroir. Elle ne peut pas résister. Elle croit suffoqué, comme noyée, alors qu'elle repasse les cristaux. Puis elle retrouve son souffle, et à côté du monde du Meido, Shinomen dans la brume semble reluisante de couleurs.
Elle tombe à genoux. Heureusement, les Sangliers ont préparé un bon feu, et les Renards ont mis du thé à chauffer. Elle tremble de tous ses membres et a du mal à porter la tasse à sa bouche.
Sa première parole, quand le claquement de ses mâchoires se calme, est pour Rin :
- Vous avez entendu ce qu'ils m'ont dit ?
Elle ignore si les Iuchi étaient visibles d'elle seule ou pas.
C'est le maître-chasseur qui répond, en s'inclinant :
- Nous sommes venus pour assurer votre protection. Le reste ne nous regarde pas.
"Vous pouvez considérer qu'il y a l'épaisseur d'un panneau de papier de riz entre vous et nous.
Feiyan finit de boire son thé. Elle se relève et pointe du doigt vers le sud : il est l'heure de rentrer.
Sans les Faucons, Feiyan serait-elle partie avec Gintoki ? Elle hésitait, mais au dernier moment, elle a cru percevoir une présence sombre derrière le vieux shugenja. Une simple silhouette avec un troisième oeil, couleur de lune, au milieu du front. Cette présence lunaire, cette présence d'Onnotangu qui figure toutes les forces nocturnes, sombres, lui donne le courage de refuser. Elle n'a alors pas résisté quand on l'a tirée en arrière.
Car elle sait que cette silhouette qui sert le dieu lune est le moine Hitomi ! Celui dont ils entendent parler depuis qu'ils ont visité la prêtresse des îles ! L'agent de la Sainte Triade qui œuvre pour détruire l'Harmonie. Le même qui a visité le temple des Cloches de la Mort et qui - Feiyan ne le sait pas encore - est allé jusqu'à Karoulstan pour trouver le codex de l'aurore, afin de réunir tous les preuves sur le danger de l'Harmonie pour l'Ordre Céleste !
*
A son retour chez les Renards, Feiyan s'accorde une journée de repos. Elle a échappé au pire, mais elle sait qu'une confrontation avec Genichi ne peut plus être évitée. Seulement, elle hésite à attendre le retour de Sarutobi. La chance veut qu'il soit rentré juste avant elle.
Lui et Dastan ont voyagé jusqu'au pic des Djinns à bord de l'aéronef. Pendant la traversée, Dastan, qui était sorti sur le pont pour fumer, a senti les esprits qui voulaient communiquer avec lui, dans leur langage parfois incohérent :
- Miya Toshiro... Un nom que nous n'avons plus entendu depuis longtemps... Un homme qui ne croyait ni aux dieux ni aux démons... qui s'est exilé dans le désert... et a fini par s'allier avec les dieux qu'il avait rejetés... pour disparaître dans un autre monde...
Sarutobi a retenu l'information, pour ce qu'elle vaut. Puis ils sont arrivés au pic des Djinns, où Dastan a convaincu les lettrés de décoder le texte. La discussion a été longue, car ils ont d'abord été peu convaincus par cet aventurier de Dastan. Ce dernier a tout de même réussi à trouver les mots pour leur parler, à les persuader qu'il venait là en quête de connaissance. Cela n'a donc pas été sans mal de se concilier ces rats de bibliothèques !
Mais ils sont repartis avec une nouvelle partie traduite, le dernier chapitre du codex, celle portant sur les menaces, ainsi qu'avec le code grâce auquel Anara pourra déchiffrer tout le reste.
Feiyan retrouve donc Sarutobi et Dastan dans leur taverne au pied du château.
- Lisez, lui dit Sarutobi. Quel homme intéressant, ce Miya Toshiro, dit-il, grinçant.
« Chapitre X : Liste des menaces
Je récapitule ici les menaces qui pèsent sur l'humanité et qui justifient la cité dont j'ai tracé le plan.
Les dieux
Les Kolat ont toujours lutté contre les dieux, qui ont asservi les hommes aux commencement des temps. Notre but reste d'abord de mettre fin à leur règne. Car ils nous demandent une soumission intégrale. Or, Kolat vient d'un vieux mot des Sables Brûlants qui veut dire : « questionner ».
Mais d'abord, nous ne devons pas être injustes envers nos ennemis, surtout quand nous avons appris à bien les connaître.
En effet, les dieux ont permis aux hommes de sortir de la sauvagerie. Peut-être était-il nécessaire d'en passer par là pour ne pas rester des animaux. L'Ordre Céleste nous a permis de nous organiser et d'avoir une première ébauche d'un Empire juste. Mais après plusieurs siècles, nous devons améliorer l'édifice, sinon il va s'écrouler car ses fondations ne sont pas solides.
Nous ne devons pas attendre des réincarnations en nombre immense pour atteindre la perfection. Nous ne devons pas nous résigner à souffrir sous le joug des dieux pendant que la roue du kharma tourne, car cela ressemble à une roue de torture !
Nous avons déjà tous les moyens pour renouveler l'Empire et nous devons chasser les tyrans qui prétendent agir pour notre bien. Pour cela, il faut mettre fin à la lignée impériale, qui agit au nom d'eux. Les premiers Hanteï étaient encore proches des dieux, les suivants sont des hommes, ni plus ni moins.
C'est pourquoi la cité parfaite que j'ai décrite doit mettre fin à cette soumission.
La cité de l'aurore doit tolérer que les paysans ignorants aient de la religion, qu'ils vénèrent les fortunes, les dieux, les ancêtres. Il est bon que le peuple soit élevé dans le respect.
Mais les élites ne doivent pas s'encombrer trop de ces croyances. Un homme sensé peut respecter sa famille et ses ancêtres, il peut aimer les fortunes quand elles nous sont favorables, mais il ne doit pas vénérer les dieux, tous tyranniques.
Les autres mondes
Je ne suis pas beaucoup versé malheureusement dans la connaissance des autres mondes. Mais s'occuper de celui-ci est une tâche bien suffisante. Ces mondes me semblent au mieux sans intérêt, au pire dangereux.
Laissons-les donc où ils sont.
Les menaces mal connues : les ombres, les divinités sans nom etc.
Certaines puissances nous sont foncièrement hostiles. Je ne parle pas que de Fu-Leng, non je parle de choses restées imparfaites depuis la création du monde. J'ai entendu parler de ces choses et parfois, je tremble en me disant que des hommes sont prêts à se soumettre à elles. Quelque part, cela me semble pire que d'être soumis aux dieux. Car les dieux peuvent avoir certaines qualités qui ressemblent à celles des hommes. Les choses dont je parle n'en ont aucune.
Il est impératif d'empêcher les hommes de pactiser avec ces forces obscures : il vaudrait mieux maintenir l'Ordre Céleste que de s'allier avec les ténèbres. Je pense à certaines divinités de rang intermédiaire, comme des dragons célestes reniés par leurs frères supérieurs, des ancêtres vengeurs, des divinités inférieures qui gardent d'autres mondes. Ils ont tous parti lié avec les ombres où ils se réfugient.
Au fond, ce sont toujours ceux vers le bas de la hiérarchie qui sont les pires ! Ils jalousent ceux d'en-haut, et ils oppressent les malheureux qui sont juste en-dessous d'eux. Sur la terre comme au ciel, cela fonctionne de la même façon !
Un dirigeant éclairé doit se méfier tout particulièrement de ces menaces moins visibles, mais plus insidieuses. Au lieu de nous écraser d'en-haut, elles peuvent nous détruire de l'intérieur, car elles se nourrissent de nos faiblesses et de nos vices : la peur, le désir, le regret, pour ne nommer que les principaux.
Les gaijins
Ils ne sont pas tous aussi conservateurs que nous. Donc ils finiront par nous dépasser. Donc soit nous apprenons d'eux, soit ils finiront par nous conquérir. C'est aussi simple que cela. S'ils deviennent une menace, ce sera par notre faute. Au contraire, ils peuvent nous aider à bâtir un Empire prospère et ils en profiteront avec nous.
- C'est bien, il faut le reconnaître, dit Sarutobi, il dit que les dieux ne sont pas les pires ! Vraiment, un homme nuancé !
Il faut admettre que la description correspond là aussi parfaitement avec l'organisation de l'Harmonie.
Il ne faut plus traîner, décidément !
Le lendemain, nos héros, contrits viennent faire leur rapport. Sarutobi prend la parole en premier et commence par les bonnes nouvelles :
- A Karoulstan, nous avons pris un aéronef, qui nous a permis d'observer les mouvements des troupes Ujik-Hai. Il semble pour le moment qu'ils ne se réunissent pas pour nous attaquer. En revanche, il est possible qu'ils livrent bientôt bataille contre les Licornes. C'est ce que j'ai déduit en voyant plusieurs troupes en mouvement vers le campement du Baraunghar, au nord-ouest de chez les Faucons.
Feiyan raconte à son tour son expédition dans la forêt, et le danger représenté par ce portail vers le monde des morts. Elle évoque aussi ces gens au service de l'Emeraude qui invoquent manifestement ces esprits. Renseignement pris auprès des Kuni et des Faucons, ceux-ci sont incapables de refermer le portail. Ils savent que la maho est étrangère à cette magie pourtant sombre.
Genichi reçoit avec inquiétude cette nouvelle ; néanmoins, il sent que ses assistants en ont plus à lui dire.
Contrits, Feiyan et Sarutobi baissent la tête.
- Nous vous devons des excuses, dit Sarutobi, car nous ne vous avons pas tout...
Il raconte alors la vraie raison de son départ dans le désert : le codex de l'aurore et la recherche de ces érudits capables de le déchiffrer.
- Nous avons besoin de savoir, reprend Feiyan, si l'Harmonie a bien été bâtie avec le plan de ces Kolat en tête, ou si seuls certains extrémistes pensent comme cela, c'est-à-dire pensent qu'à terme l'Ordre Céleste doit être détruit.
Genichi se sent plus mal à l'aise, soudain, que lorsqu'il était confronté à Daigotsu Yugure : car ce dernier était un ennemi, au moins un adversaire, alors que ce soir, ce sont ses propres assistants qui doutent ! qui doutent de l'Harmonie, qui doutent d'eux-mêmes et qui doutent de leur supérieur... Trois doutes qu'un samouraï ne devrait jamais connaître, car il ne doit en connaître aucun.
- Je comprends votre trouble, samouraïs, répond humblement Genichi. A bien des égards, la connaissance est un poison, et la curiosité qui nous y pousse est souvent source de souffrances.
"Puisque je vous dois une réponse, je puis vous dire que certains dans l'Harmonie partagent ces vues. Je ne peux citer de noms, mais il existe en effet des extrémistes qui nourrissent une rancune tenace contre l'Emeraude, qui ne vouent un culte qu'au Guide et se sont détournés de la vénération du trône d'Emeraude.
"Je n'approuve pas ces gens, qui détournent l'Harmonie de son but premier, le seul légitime : aider l'Empire à affronter la modernité à laquelle nous ne pouvons plus échapper. C'est dans ce but que le Guide a bâti l'Harmonie, et c'est cela seul qui justifie que nous lui obéissions. Je me garderais cependant de juger les croyances personnelles du Guide, qui ne regardent que lui.
Cette dernière phrase, lourde de sens, n'échappe pas à nos héros, et Genichi n'a rien fait pour la faire passer discrètement, comme on met la poussière sous le tapis. Il continue :
- Je vous rappelle par ailleurs que la loi de l'Harmonie continue de s'appuyer sur la tripartition ancestrale entre les etas, les heimins et les samouraïs. Chaque caste se voit reconnue des devoirs qui lui sont propres, et qui mettent une hiérarchie très nette entre les trois.
"Mais comme vous le savez, bien que magistrat, je n'aime pas me réfugier derrière la loi. Celle-ci nous protège mais ne doit pas servir à nous dissimuler. Aussi, je vous répondrai, pour finir, que si l'honneur comme tel n'est pas mentionné dans la loi, et que le Guide ne s'y réfère pas durant ses discours, c'est parce que par le passé, et encore aujourd'hui, l'honneur sert facilement de masques à bien des personnages déshonorables. Mais surtout, les définitions de l'honneur varient tellement d'un clan à l'autre, parfois d'un individu à l'autre, qu'il est bien difficile de mettre tout le monde d'accord à ce sujet.
"Je trouve -mais cela n'engage que moi- du dernier ridicule, et de la dernière impudence, de se présenter soi-même comme quelqu'un d'honorable. Car nous sommes mauvais juges de nous-mêmes. J'estime que c'est autres de dire si nous sommes honorables. Avec toute notre intime conviction, nous ne pouvons jamais sûrs d'être sur le chemin droit. Nous ne pouvons que faire ce que nous estimons le plus juste dans chaque cas, faire ce qui est en notre pouvoir et espérer avoir faire le bon choix.
Ainsi, ajoute Genichi comme à part pour lui-même, peut-être que j'ai eu tort de gracier ce jeune idiot de Lièvre...
Sarutobi est tout à fait d'accord mais il ne le dira pas. Pour sa part, il aurait pendu le garçon et toute sa famille !
De son côté, Feiyan n'est pas si sceptique que son supérieur sur l'honneur : elle pense qu'on peut savoir quand on agit de façon droite. On ne peut pas se tromper si on se réfère au code de l'honneur, qui est objectif et qui est le même pour tous dans ses fondements, malgré les accents différents que chaque clan peut mettre sur tel ou tel principe : les Grues plus courtois, les Crabes plus courageux, les Phénix plus fidèles à leur parole etc.
Toutefois, les paroles franches de Genichi ont rassuré nos héros. Sarutobi n'en demandait même pas tant. De son côté, Feiyan continue à avoir des doutes sur l'Harmonie. Mais elle est certaine de pouvoir continuer à servir Genichi sans se mettre en contradiction avec elle-même.
Et nos héros espèrent que le jour où ils se heurteront à des extrémistes du progrès, ils pourront leur tenir tête avec l'aide de leur supérieur.