02-04-2004, 11:20 AM
UNE FAVEUR DU PRINCE
Les deux Caïnites restèrent interdits. Devant leur hésitation, Elisabeth reprit espoir. Elle se releva.
- Ridicule ! Nous ne devons rien à cette petite sotte. Gwydion hocha la tête et partit rejoindre Bathory.
- Oh je vous en prie, disait Elisabeth, en s’accrochant à la veste de Tropovitch. Rien qu’un peu de votre sang ! quelques gouttes pour le sauver ! qu’est-ce que cela fait pour vous !...
- Hum, voyons, se rengorgea le chef d’orchestre en tirant sur sa veste. D’abord, ne m’agrippez pas comme ça ! Nous ne sommes pas à votre disposition. Nous étions juste venus là pour assister à votre étreinte… nous ne sommes pas censés créer d’Infant ce soir…
- Sire Tropovitch ! je vous en prie !…
- Et pourquoi moi d’abord, hum ?
- Mais parce que… parce que…
Elisabeth ne put se contenir :
- Je vous en prie ! je sais que le Prince vous en a donné la permission !
- Quoi !
Tropovitch fut stupéfait par cette révélation.
- Cette petite est au courant, murmura Lucien en regardant Tropovitch d’un air amusé.
- Comment vous savez ça d’abord ?! Vous ne manquez pas d’air, Lisbeth ! vous êtes vraiment une garce ! alors ça oui ! Je vais finir par être d’accord avec ce Gwydion !...
- Le portrait craché de sa future Sire, murmura Lucien.
- Je suis outré ! Sire Lucien ! Vous vous rendez compte ? Ah oui, vraiment outré !... Elisabeth, qui vous a dit ça ?
Tropovitch prenait des postures scandalisées :
- Ca c’est la meilleure ! ah oui la meilleure !… Qui aurait pu imaginer ?
- Que se passe t-il ici ? rugit la Comtesse.
Elle revenait, tapant des talons à chaque pas, suivit de Gwydion qui lui avait tout raconté. Dans la pièce du fond, elle était en train de se mettre en tenue, et elle détestait qu'on la dérange pendant qu'elle s'apprêtait.
- Elisabeth ! debout à présent !... vous vous comportez comme une souillon ! je vais finir par donner raison à Gwydion. Vous insultez Sire Tropovitch ! Venez maintenant ! Les enfantillages, ça suffit pour ce soir !... A-t-on idée ! non mais a-t-on idée d’importuner aussi scandaleusement Sire Tropovitch ! Veuillez l’excuser, Sire... Je saurai bien lui redonner des manières !... Ce n'est quand même pas ce Frédéric qui vous met dans des états pareils, non ?
- Je vous en prie, dit Elisabeth, agitée à nouveau de sanglots, à genoux. Je vous en prie… je sais que Sire Tropovitch a reçu du Prince l’autorisation de créer un Infant !… pourquoi pas Frédéric !
- Mais je n’ai pas envie de prendre n’importe qui ! protesta le musicien.
- Ce n’est pas n’importe qui ! s’insurgea la jeune danseuse. Il est jeune, plein d’énergie, il est passionné, il aime l’art ! un vrai Toréador !
- Quel panégyrique… dit Lucien.
- Ah mais vous commencez à me courir sur le système à la fin, Elisabeth ! Sire Tropovitch n'a pas à négocier avec vous. Point à la ligne.
- Sire, c’est l’Infant idéal ! je vous en prie ! pleurait Elisabeth, tandis que Gwydion l’attrapait par les épaules et la relevait
Tropovitch resta muet. Lui et Lucien regardèrent Gwydion et les deux femmes partirent vers la chambre du sacrifice.
Gwydion fit entrer Elisabeth dans cette pièce, un petit salon décoré de portraits d’ancêtres de la comtesse. Elle avait tout décoré comme un boudoir, réservé pour ses soirées de stupre, qui lui rappelaient sa vie mortelle, dans le 18e siècle de la décadence des nobles français. Des bougeoirs noirs aux flammèches rougeâtres brûlaient, des vapeurs soufrées s'échappaient de brûloirs.
Aidée de Gwydion, Elisabeth revêtit une simple robe noire, marqua le contour de ses yeux de feutre bleu, mit un collier de perles grises autour du cou. Elle se regarda dans le miroir, tourna sur elle-même.
- N’est-il pas vrai qu’ainsi, prononça t-elle, très digne et solennelle, je ressemble à la Reine de la Nuit, Gwydion ?
Il semblait que ses chaudes larmes s'étaient brusquement glacées en elle, quand elle avait enfilé son habit cérémonial. Elle adoptait maintenant une posture raide, impassible.
Le Tzymisce, fasciné soudain par Elisabeth, la regardait fixement, comme un petit animal plein d’un respect où entrait une dose de désir lubrique.
- Oh oui, Elisabeth… oh oui…
La comtesse s'était habillée de manière semblable. Elle avait appuyée plus sur le fond de teint, avait mis plus de colliers brillants. Elle voulait resplendir du feu des pierres précieuses, puisque c'était sa fête à elle que l'on préparait ce soir-là. Elle regardait elle aussi le monde, à présent, d'un regard très distant, absorbée de plus en plus par le désir glacé qui montait en elle.
- Hé bien, Gwydion, murmura t-elle avec une juiblation contenue, n'est-il pas vrai que c'est moi qui de nous deux brille des flammes de la nuit ? Des larmes brillantes et un tissu d'encre sont ma tenue.
- Oh oui, comtesse, oh oui...
Gwydion bavait presque devant elle. Il s’affairait autour d’elle, il l'aidait à enfiler une bague, un collier, à rectifier sa coiffure. Il surveillait Elisabeth. Celle-ci s’était résignée : à genoux, elle penchait la tête. Sa longue chevelure touchait presque terre. Elle s'enroulait sur elle-même, dessinant une courbe élégante.
Gwydion préparait maintenant les flacons de sang, les disposant minutieusement sur la table. En se réveillant dans la non-vie, Elisabeth serait prise d'une soif frénétique. Il fallait prévoir suffisamment pour éviter un malheur.
La comtesse dit :
- Je suis prête.
Le Tzymisce alla chercher ouvrir le tiroir d’une commode. Il en sortit un poignard qu’il tendit à Bathory en baissant la tête. Elisabeth tremblait, pleurait doucement.
La Comtesse prit le poignard, le soupesa, regarda le profil de la lame, esquissa quelques gestes. Le tenant fermement, elle exécuta quelques gestes qui fendirent l'air.
- Oui, il est très bien, Gwydion. Tu as fait un bon choix. Je crois l’avoir déjà utilisé, n’est-ce pas ?
- Oh oui, certainement, minauda son serviteur, transi.
- Oui, il a beaucoup servi durant l’affaire des poisons… du sang noble a coulé sur cette lame. Elle se régalait à l’avance, elle léchait délicatement la lame.
- Et ce soir encore, vous avez choisi une chair fraîche, du premier choix, maitresse… une belle créature à ajouter à vos Infants… le Prince sera ravi.
- J’y compte bien, fit-elle, froide comme une lune. Maintenant, laisse-moi, Tzymisce. Il est d’usage que je sois seule en ce moment crucial.
- Oui, certainement, comtesse.
Gwydion sortit sur la pointe des pieds et referma la porte sans bruit.
A suivre...

Les deux Caïnites restèrent interdits. Devant leur hésitation, Elisabeth reprit espoir. Elle se releva.
- Ridicule ! Nous ne devons rien à cette petite sotte. Gwydion hocha la tête et partit rejoindre Bathory.
- Oh je vous en prie, disait Elisabeth, en s’accrochant à la veste de Tropovitch. Rien qu’un peu de votre sang ! quelques gouttes pour le sauver ! qu’est-ce que cela fait pour vous !...
- Hum, voyons, se rengorgea le chef d’orchestre en tirant sur sa veste. D’abord, ne m’agrippez pas comme ça ! Nous ne sommes pas à votre disposition. Nous étions juste venus là pour assister à votre étreinte… nous ne sommes pas censés créer d’Infant ce soir…
- Sire Tropovitch ! je vous en prie !…
- Et pourquoi moi d’abord, hum ?
- Mais parce que… parce que…
Elisabeth ne put se contenir :
- Je vous en prie ! je sais que le Prince vous en a donné la permission !
- Quoi !
Tropovitch fut stupéfait par cette révélation.
- Cette petite est au courant, murmura Lucien en regardant Tropovitch d’un air amusé.
- Comment vous savez ça d’abord ?! Vous ne manquez pas d’air, Lisbeth ! vous êtes vraiment une garce ! alors ça oui ! Je vais finir par être d’accord avec ce Gwydion !...
- Le portrait craché de sa future Sire, murmura Lucien.
- Je suis outré ! Sire Lucien ! Vous vous rendez compte ? Ah oui, vraiment outré !... Elisabeth, qui vous a dit ça ?
Tropovitch prenait des postures scandalisées :
- Ca c’est la meilleure ! ah oui la meilleure !… Qui aurait pu imaginer ?
- Que se passe t-il ici ? rugit la Comtesse.
Elle revenait, tapant des talons à chaque pas, suivit de Gwydion qui lui avait tout raconté. Dans la pièce du fond, elle était en train de se mettre en tenue, et elle détestait qu'on la dérange pendant qu'elle s'apprêtait.
- Elisabeth ! debout à présent !... vous vous comportez comme une souillon ! je vais finir par donner raison à Gwydion. Vous insultez Sire Tropovitch ! Venez maintenant ! Les enfantillages, ça suffit pour ce soir !... A-t-on idée ! non mais a-t-on idée d’importuner aussi scandaleusement Sire Tropovitch ! Veuillez l’excuser, Sire... Je saurai bien lui redonner des manières !... Ce n'est quand même pas ce Frédéric qui vous met dans des états pareils, non ?
- Je vous en prie, dit Elisabeth, agitée à nouveau de sanglots, à genoux. Je vous en prie… je sais que Sire Tropovitch a reçu du Prince l’autorisation de créer un Infant !… pourquoi pas Frédéric !
- Mais je n’ai pas envie de prendre n’importe qui ! protesta le musicien.
- Ce n’est pas n’importe qui ! s’insurgea la jeune danseuse. Il est jeune, plein d’énergie, il est passionné, il aime l’art ! un vrai Toréador !
- Quel panégyrique… dit Lucien.
- Ah mais vous commencez à me courir sur le système à la fin, Elisabeth ! Sire Tropovitch n'a pas à négocier avec vous. Point à la ligne.
- Sire, c’est l’Infant idéal ! je vous en prie ! pleurait Elisabeth, tandis que Gwydion l’attrapait par les épaules et la relevait

Tropovitch resta muet. Lui et Lucien regardèrent Gwydion et les deux femmes partirent vers la chambre du sacrifice.
Gwydion fit entrer Elisabeth dans cette pièce, un petit salon décoré de portraits d’ancêtres de la comtesse. Elle avait tout décoré comme un boudoir, réservé pour ses soirées de stupre, qui lui rappelaient sa vie mortelle, dans le 18e siècle de la décadence des nobles français. Des bougeoirs noirs aux flammèches rougeâtres brûlaient, des vapeurs soufrées s'échappaient de brûloirs.
Aidée de Gwydion, Elisabeth revêtit une simple robe noire, marqua le contour de ses yeux de feutre bleu, mit un collier de perles grises autour du cou. Elle se regarda dans le miroir, tourna sur elle-même.
- N’est-il pas vrai qu’ainsi, prononça t-elle, très digne et solennelle, je ressemble à la Reine de la Nuit, Gwydion ?
Il semblait que ses chaudes larmes s'étaient brusquement glacées en elle, quand elle avait enfilé son habit cérémonial. Elle adoptait maintenant une posture raide, impassible.
Le Tzymisce, fasciné soudain par Elisabeth, la regardait fixement, comme un petit animal plein d’un respect où entrait une dose de désir lubrique.
- Oh oui, Elisabeth… oh oui…
La comtesse s'était habillée de manière semblable. Elle avait appuyée plus sur le fond de teint, avait mis plus de colliers brillants. Elle voulait resplendir du feu des pierres précieuses, puisque c'était sa fête à elle que l'on préparait ce soir-là. Elle regardait elle aussi le monde, à présent, d'un regard très distant, absorbée de plus en plus par le désir glacé qui montait en elle.
- Hé bien, Gwydion, murmura t-elle avec une juiblation contenue, n'est-il pas vrai que c'est moi qui de nous deux brille des flammes de la nuit ? Des larmes brillantes et un tissu d'encre sont ma tenue.
- Oh oui, comtesse, oh oui...
Gwydion bavait presque devant elle. Il s’affairait autour d’elle, il l'aidait à enfiler une bague, un collier, à rectifier sa coiffure. Il surveillait Elisabeth. Celle-ci s’était résignée : à genoux, elle penchait la tête. Sa longue chevelure touchait presque terre. Elle s'enroulait sur elle-même, dessinant une courbe élégante.
Gwydion préparait maintenant les flacons de sang, les disposant minutieusement sur la table. En se réveillant dans la non-vie, Elisabeth serait prise d'une soif frénétique. Il fallait prévoir suffisamment pour éviter un malheur.

La comtesse dit :
- Je suis prête.
Le Tzymisce alla chercher ouvrir le tiroir d’une commode. Il en sortit un poignard qu’il tendit à Bathory en baissant la tête. Elisabeth tremblait, pleurait doucement.
La Comtesse prit le poignard, le soupesa, regarda le profil de la lame, esquissa quelques gestes. Le tenant fermement, elle exécuta quelques gestes qui fendirent l'air.
- Oui, il est très bien, Gwydion. Tu as fait un bon choix. Je crois l’avoir déjà utilisé, n’est-ce pas ?
- Oh oui, certainement, minauda son serviteur, transi.
- Oui, il a beaucoup servi durant l’affaire des poisons… du sang noble a coulé sur cette lame. Elle se régalait à l’avance, elle léchait délicatement la lame.
- Et ce soir encore, vous avez choisi une chair fraîche, du premier choix, maitresse… une belle créature à ajouter à vos Infants… le Prince sera ravi.
- J’y compte bien, fit-elle, froide comme une lune. Maintenant, laisse-moi, Tzymisce. Il est d’usage que je sois seule en ce moment crucial.
- Oui, certainement, comtesse.
Gwydion sortit sur la pointe des pieds et referma la porte sans bruit.

A suivre...
