22-06-2004, 10:30 PM
V : Où il est décidé du sort de Sumiteru
- Très bien, Traoundé, dit Massoud Nebeb rouge de colère, viens avec moi, nous avons deux mots à nous dire, tous les deux !
- Je ne bougerai pas d'ici, maître de l'oasis, répliqua effrontément le grand noir.
Les autres esclavagistes s'alignèrent derrière leur maître, tout comme les soldats derrière Nebeb. Zenzabûro-san et ses fils reculèrent d'un pas.
- Tu vas venir avec moi, chef Traoundé, répéta Nebeb, qui contenait sa colère, car tu es dans mon oasis et que j'en suis le maître indiscuté. Nous allons discuter à l'écart, entre hommes.
- Tu veux te battre avec moi ? grogna Traoundé, en serrant la mâchoire et en faisant jouer ses muscles puissants.
Arrivèrent alors d'autres soldats de Nebeb.
- Maintenez les Noirs à l'écart, ordonna le chef de l'oasis.
Aussitôt, une dizaine de soldat avancé en rang serré, les lances pointées vers les Noirs, pendant que ceux-ci reculaient, la haine au coeur, la main sur leur sabre. Traoundé était resté fermement devant Nebeb, mais deux autres soldats s'interposèrent.
- Nous allons discuter à l'écart, Traoundé. Je te conseille de ne pas refuser une fois de plus, il pourrait t'en cuire sévèrement. Passe devant.
Le Noir lança un crachat vers l'eau, et se mit en marche, suivit de deux soldats et de Nebeb.
- Tu as besoin de nous ? demande Shinjo Zenzaburo.
- Non, je te remercie, mon ami, mais je vais parler à cet homme seul. Attends-moi avec tes fils à ton campement. Je te ferai appeler avant de rendre ma décision. Mes hommes vont emmener ton soldat à l'écart des curieux. Je te donne ma parole qu'il sera bien traité.
Les Licornes s'inclinèrent devant la décision de Massoud Nebeb. Des soldats se saisirent du pitoyable Sumiteru. Ils l'emmenèrent manu militari vers l'arrière de la caserne, et Zenzaburo-san put lire une grande détresse dans le regard du soldat. Il ne lui donnait que peu de chances de survivre...
:x
De loin, les Licornes assistèrent à une entrevue des plus orageuses entre le maître de l'oasis et le chef des esclavagistes. Ils étaient de l'autre côté du petit lac, assez loin pour n'être entendus de personne.
Kohei laissait couler du sable entre ses doigts, las.
- Père, croyez-vous que le pauvre Sumiteru échappera au courroux du grand Noir ?
- Nous sommes sur les terres de Massoud Nebeb. C'est un ami des Licornes depuis toujours. Mais la justice de son peuple prévaudra dans tous les cas. Il m'avait parlé des esclavagistes. Ils payent de fortes taxes partout où ils passent et leurs hommes sont indispensables aux lourds travaux dans tout ce pays. Nebeb ne peut pas prendre le risque de fâcher Traoundé...
- Autant dire, ajoute Iwazuni, avec une palpable hostilité envers le Noir, que la vie de Sumiteru ne vaudra pas cher, comparé aux revenus du commerce d'esclave.
Ils virent Nebeb et Traoundé se séparer, s'en retourner chacun de son côté, qui près du campement, qui à la capitainerie. Le temps fut long à passer.
- Père, allons-nous rester ici sans demander au maître Nebeb ce qu'il a décidé ?
- Du calme, Iwazuni, nous avons promis de patienter.
On vint les chercher plus tard, quand la nuit commençait à tomber sur l'oasis. Les yorikis ramassèrent du bois et firent un feu, puis tous s'assirent autour. Un froid mordant pouvait succéder à une chaleur bouillante, créant un climat encore plus extrême que dans les grandes plaines de la Licorne.
L'attente mettait à rude épreuve les nerfs des Shinjo, d'autant plus qu'il n'entrait pas dans leurs habitudes de patienter. Les Licornes aiment agir promptement.
- Mon maître vous prie de le rejoindre, vint annoncer un soldat de l'oasis.
- Nous allons enfin savoir, se dirent les Licornes, se levant brusquement. Ils se rendirent à la capitainerie, où la foule des marchands, des curieux, s'amassait une fois de plus : on espérait voir la tête d'un homme rouler à terre avant peu !
Les soldats durent dégager le passage une fois de plus devant Zenzaburo et ses fils.
Massoud Nebeb les accueillit d'un air distant et sévère. Le grand Traoundé se tenait là, un léger sourire sur la bouche. Stoïques, les Licornes saluèrent ensemble le maître de l'oasis, comme s'ils étaient devant leur daymio.
- Tu nous a fait venir, dit le père, et nous venons écouter ta décision.
- J'ai beaucoup d'amitié pour ton clan, sois-en sûr, Zenzaburo-san, dit posément Nebeb. Cependant, la faute qu'a commise cet homme m'apparaît très grave, maintenant que j'ai entendu le témoignage de plusieurs gens de la caravane de chef Traoundé. Tous leurs propos concordent avec ce qu'ont vu d'autres voyageurs présents dans l'oasis, et qui ne connaissent pas chef Traoundé.
- Il y avait malheureusement beaucoup de monde, si je comprends bien, pour observer vos femmes au bain, fit Iwazuni.
- Je n'ai que faire de tes sarcasmes, répondit aussitôt Traoundé, qui cachait son triomphe.
- Crois-bien que j'en suis désolé, Zenzabûro-san, mais je ne peux refuser à Traoundé et à ses femmes la tête de ton soldat.
Après avoir pris une inspiration, et essayait d'avaler cette décision, le chef des Licornes dit :
- Très bien, Massoud Nebeb. Tes décisions sont souveraines dans cet oasis.
Les trois fils regardèrent ensemble Traoundé et lui vouèrent dès lors une solide rancune. Comment ce parfait gaijin pouvait-il obtenir ainsi la tête d'un membre du clan de la Licorne, un fils lointain du divin empereur ?
- J'entends que ma décision soit respectée sans discussion, cela va de soi, dit Nebeb en fixant les Licornes, et sans triomphe indécent, ajouta t-il à l'adresse de Traoundé. Comme il n'est pas question que cette affaire traîne en longueur, la décollation du soldat Sumiteru se fera demain à la première heure.
- Nous respectons ta décision, dit avec peine Zenzabûro-san. Nous sommes prêts à croire avec toi à la culpabilité de Sumiteru.
Sans s'attarder, les Licornes saluèrent et tournèrent les talons. Ils repassèrent à travers la foule, mais cette fois, ils écartèrent eux mêmes, avec une poigne coléreuse, les impudents qui se mettaient en travers de leur chemin. Ils marchèrent vers leur campement sans se retourner. Derrière eux, la nouvelle de l'exécution du yoriki se répandait. Des clameurs de joie montaient de la foule, et on entendit le rire grave et puissant de Traoundé et ses associés.
:x
- Yorikis, dit solennellement Zenzabûro-san aux autres soldats, Massoud Nebeb a estimé que Sumiteru était coupable d'avoir souillé l'honneur des femmes de Traoundé. Il sera donc décapité dès demain.
Les yorikis baissèrent la tête. Le Licorne attendit que l'amère nouvelle passe.
- Il est de mon devoir de tout faire pour maintenir de bonnes relations avec le maître de cet oasis, car la route commerciale qui passe ici est essentielle à notre clan. Songez qu'ainsi, Sumiteru pourra expier ses fautes. Nous raménerons ses cendres dans l'Empire, car il ne se peut qu'on le disperse aux vents des Sables Brûlants. Ce seront les fortunes du Vent qui l'emporteront, pas les djinns du désert, j'en fais serment.
Les yorikis s'agenouillèrent devant Zenzabûro-san :
- Tes paroles sont sages. Nous sommes des fous et des imbéciles à vouloir préserver à tout prix la vie de Sumiteru. Mais pour la Gloire de la Ki-Rin, nous sommes heureux qu'il meurt s'il revit plus tard sous la lumière du divin Hanteï.
- Soyons forts, yorikis, et songeons à la détresse de Sumiteru. Que les kami-kaze lui insufflent demain matin le courage de mourir.
Les Licornes restèrent assis en silence, tandis que le feu mourait près d'eux. Puis ils s'enveloppèrent dans leurs couvertures en peaux de bête, pendant qu'un yoriki s'asseyait auprès des braises tièdes, un des derniers hommes éveillés dans la grande oasis, parmi le murmure des insectes nocturnes, qui observait le grand reflet trouble de la lune sur l'étang.
A suivre...
- Très bien, Traoundé, dit Massoud Nebeb rouge de colère, viens avec moi, nous avons deux mots à nous dire, tous les deux !
- Je ne bougerai pas d'ici, maître de l'oasis, répliqua effrontément le grand noir.
Les autres esclavagistes s'alignèrent derrière leur maître, tout comme les soldats derrière Nebeb. Zenzabûro-san et ses fils reculèrent d'un pas.
- Tu vas venir avec moi, chef Traoundé, répéta Nebeb, qui contenait sa colère, car tu es dans mon oasis et que j'en suis le maître indiscuté. Nous allons discuter à l'écart, entre hommes.
- Tu veux te battre avec moi ? grogna Traoundé, en serrant la mâchoire et en faisant jouer ses muscles puissants.
Arrivèrent alors d'autres soldats de Nebeb.
- Maintenez les Noirs à l'écart, ordonna le chef de l'oasis.
Aussitôt, une dizaine de soldat avancé en rang serré, les lances pointées vers les Noirs, pendant que ceux-ci reculaient, la haine au coeur, la main sur leur sabre. Traoundé était resté fermement devant Nebeb, mais deux autres soldats s'interposèrent.
- Nous allons discuter à l'écart, Traoundé. Je te conseille de ne pas refuser une fois de plus, il pourrait t'en cuire sévèrement. Passe devant.
Le Noir lança un crachat vers l'eau, et se mit en marche, suivit de deux soldats et de Nebeb.
- Tu as besoin de nous ? demande Shinjo Zenzaburo.
- Non, je te remercie, mon ami, mais je vais parler à cet homme seul. Attends-moi avec tes fils à ton campement. Je te ferai appeler avant de rendre ma décision. Mes hommes vont emmener ton soldat à l'écart des curieux. Je te donne ma parole qu'il sera bien traité.
Les Licornes s'inclinèrent devant la décision de Massoud Nebeb. Des soldats se saisirent du pitoyable Sumiteru. Ils l'emmenèrent manu militari vers l'arrière de la caserne, et Zenzaburo-san put lire une grande détresse dans le regard du soldat. Il ne lui donnait que peu de chances de survivre...
:x
De loin, les Licornes assistèrent à une entrevue des plus orageuses entre le maître de l'oasis et le chef des esclavagistes. Ils étaient de l'autre côté du petit lac, assez loin pour n'être entendus de personne.
Kohei laissait couler du sable entre ses doigts, las.
- Père, croyez-vous que le pauvre Sumiteru échappera au courroux du grand Noir ?
- Nous sommes sur les terres de Massoud Nebeb. C'est un ami des Licornes depuis toujours. Mais la justice de son peuple prévaudra dans tous les cas. Il m'avait parlé des esclavagistes. Ils payent de fortes taxes partout où ils passent et leurs hommes sont indispensables aux lourds travaux dans tout ce pays. Nebeb ne peut pas prendre le risque de fâcher Traoundé...
- Autant dire, ajoute Iwazuni, avec une palpable hostilité envers le Noir, que la vie de Sumiteru ne vaudra pas cher, comparé aux revenus du commerce d'esclave.
Ils virent Nebeb et Traoundé se séparer, s'en retourner chacun de son côté, qui près du campement, qui à la capitainerie. Le temps fut long à passer.
- Père, allons-nous rester ici sans demander au maître Nebeb ce qu'il a décidé ?
- Du calme, Iwazuni, nous avons promis de patienter.
On vint les chercher plus tard, quand la nuit commençait à tomber sur l'oasis. Les yorikis ramassèrent du bois et firent un feu, puis tous s'assirent autour. Un froid mordant pouvait succéder à une chaleur bouillante, créant un climat encore plus extrême que dans les grandes plaines de la Licorne.
L'attente mettait à rude épreuve les nerfs des Shinjo, d'autant plus qu'il n'entrait pas dans leurs habitudes de patienter. Les Licornes aiment agir promptement.
- Mon maître vous prie de le rejoindre, vint annoncer un soldat de l'oasis.
- Nous allons enfin savoir, se dirent les Licornes, se levant brusquement. Ils se rendirent à la capitainerie, où la foule des marchands, des curieux, s'amassait une fois de plus : on espérait voir la tête d'un homme rouler à terre avant peu !
Les soldats durent dégager le passage une fois de plus devant Zenzaburo et ses fils.
Massoud Nebeb les accueillit d'un air distant et sévère. Le grand Traoundé se tenait là, un léger sourire sur la bouche. Stoïques, les Licornes saluèrent ensemble le maître de l'oasis, comme s'ils étaient devant leur daymio.
- Tu nous a fait venir, dit le père, et nous venons écouter ta décision.
- J'ai beaucoup d'amitié pour ton clan, sois-en sûr, Zenzaburo-san, dit posément Nebeb. Cependant, la faute qu'a commise cet homme m'apparaît très grave, maintenant que j'ai entendu le témoignage de plusieurs gens de la caravane de chef Traoundé. Tous leurs propos concordent avec ce qu'ont vu d'autres voyageurs présents dans l'oasis, et qui ne connaissent pas chef Traoundé.
- Il y avait malheureusement beaucoup de monde, si je comprends bien, pour observer vos femmes au bain, fit Iwazuni.
- Je n'ai que faire de tes sarcasmes, répondit aussitôt Traoundé, qui cachait son triomphe.
- Crois-bien que j'en suis désolé, Zenzabûro-san, mais je ne peux refuser à Traoundé et à ses femmes la tête de ton soldat.
Après avoir pris une inspiration, et essayait d'avaler cette décision, le chef des Licornes dit :
- Très bien, Massoud Nebeb. Tes décisions sont souveraines dans cet oasis.
Les trois fils regardèrent ensemble Traoundé et lui vouèrent dès lors une solide rancune. Comment ce parfait gaijin pouvait-il obtenir ainsi la tête d'un membre du clan de la Licorne, un fils lointain du divin empereur ?
- J'entends que ma décision soit respectée sans discussion, cela va de soi, dit Nebeb en fixant les Licornes, et sans triomphe indécent, ajouta t-il à l'adresse de Traoundé. Comme il n'est pas question que cette affaire traîne en longueur, la décollation du soldat Sumiteru se fera demain à la première heure.
- Nous respectons ta décision, dit avec peine Zenzabûro-san. Nous sommes prêts à croire avec toi à la culpabilité de Sumiteru.
Sans s'attarder, les Licornes saluèrent et tournèrent les talons. Ils repassèrent à travers la foule, mais cette fois, ils écartèrent eux mêmes, avec une poigne coléreuse, les impudents qui se mettaient en travers de leur chemin. Ils marchèrent vers leur campement sans se retourner. Derrière eux, la nouvelle de l'exécution du yoriki se répandait. Des clameurs de joie montaient de la foule, et on entendit le rire grave et puissant de Traoundé et ses associés.
:x
- Yorikis, dit solennellement Zenzabûro-san aux autres soldats, Massoud Nebeb a estimé que Sumiteru était coupable d'avoir souillé l'honneur des femmes de Traoundé. Il sera donc décapité dès demain.
Les yorikis baissèrent la tête. Le Licorne attendit que l'amère nouvelle passe.
- Il est de mon devoir de tout faire pour maintenir de bonnes relations avec le maître de cet oasis, car la route commerciale qui passe ici est essentielle à notre clan. Songez qu'ainsi, Sumiteru pourra expier ses fautes. Nous raménerons ses cendres dans l'Empire, car il ne se peut qu'on le disperse aux vents des Sables Brûlants. Ce seront les fortunes du Vent qui l'emporteront, pas les djinns du désert, j'en fais serment.
Les yorikis s'agenouillèrent devant Zenzabûro-san :
- Tes paroles sont sages. Nous sommes des fous et des imbéciles à vouloir préserver à tout prix la vie de Sumiteru. Mais pour la Gloire de la Ki-Rin, nous sommes heureux qu'il meurt s'il revit plus tard sous la lumière du divin Hanteï.
- Soyons forts, yorikis, et songeons à la détresse de Sumiteru. Que les kami-kaze lui insufflent demain matin le courage de mourir.
Les Licornes restèrent assis en silence, tandis que le feu mourait près d'eux. Puis ils s'enveloppèrent dans leurs couvertures en peaux de bête, pendant qu'un yoriki s'asseyait auprès des braises tièdes, un des derniers hommes éveillés dans la grande oasis, parmi le murmure des insectes nocturnes, qui observait le grand reflet trouble de la lune sur l'étang.
A suivre...
