20-10-2004, 11:42 PM
9e Episode : Cour d'hiver
2e journée
Pour le lendemain, Masanaga-sama avait souhaité que je fîs découvrir le palais à nos jeunes invités. Ils participaient tous à leur première cour d'hiver, il convenait donc de les initier aux rituels de ce monde à part.
Et pour commencer, nous avions pensé les divertir en leur faisant visiter le labyrinthe de haies, l'un des chefs d'oeuvre des jardiniers de notre clan. Construit sur une petite butte en surplomb du lac, on y accédait en montant l'escalier de vieilles pierres vénérables. L'air vivifiant de l'après-midi prenait la place de la froidure brumeuse du matin, pendant lequel les invités avaient pu profiter de la maison de bain au bord du lac. Ce privilège ne leur était accessible que pendant les premiers jours, avant l'arrivée de plus nobles samuraï.
J'accompagnais donc Yugoki, Ryu, Sakurako, Ikky, Kogin et Ayame, à l'entrée des massifs végétaux, et je les mettais au défi de ressortir le plus rapidement possible du labyrinthe, par l'unique chemin menant à la sortie.
Les Fortunes de la Terre, dit-on, favorisent ceux qui savent tracer leur chemin de manière avisée, en accord avec le chemin que ces Fortunes ont tracé. Je fis donc rentrer un par un les jeunes samouraï, certain de ne pas les voir à l'autre bout avant un moment.
Quelle ne fut pas ma surprise d'apercevoir, alors que j'arrivais de l'autre côté de la butte, Mirumoto Ryu déjà sortie ! Quelque kami l'avait sans doute prise par la main.
Peu de temps après, Ayame-san sortait à son tour, surprise la première d'être seconde de la compétition. Elle était entrée avec l'intention visible de ne pas se presser. Ainsi les voies des Fortunes sont assez impénétrables pour favoriser celui qui chemine lentement... et retarder celui qui est trop pressé, à l'image d'Isawa Kogin, que j'avais vu chercher fébrilement le chemin dès son entrée. Stupéfaite, elle retint une expression de dépit colérique en constatant qu'elle était troisième. Et par dessus-tout : derrière Ryu-san et Ayame-san.
Vinrent ensuite Kuni Sakurako, Suzume Yugoki et enfin Shiba Ikky.
Dans la fin d'après-midi, chacun retournait à ses appartements, en attendant le dîner en commun. Dès ce premier jour, je n'avais pu manquer de surprendre des regards qui ne trompent pas entre Yugoki le Moineau et Isawa Ayame. Ils ne sont pas les premiers jeunes samuraï à se "découvrir" pendant une cour d'hiver, même contre ce que leur famille a pu prévoir pour eux.
Il était difficile de s'y tromper. Pendant toute la cour, ils ont parlé entre eux, sous le couvert de la politique ou de leurs inquiétudes sur l'Empire, mais un observateur attentif percevait que déjà, ils regardaient dans la même direction, et savaient quand se retrouvait, par hasard, dans les allées du jardin, ou à la bibliothèque.
Je devinais également que Kogin-san trouvait cette relation parfaitement ridicule. Comme beaucoup d'entre nous, elle n'aimait pas trop laisser l'amour infléchir sa conduite, et elle manifestait sa fidélité au clan par ses ambitions en tant que shugenja. Fait aggravant, Yugoki-san était l'héritier du clan le plus pauvre de l'Empire. Jamais Isawa Akitoki, daimyo d'Ayame, n'accepterait une alliance avec un samuraï-paysan. D'autant que la réputation des shugenja Suzume n'était plus à faire : le seul d'entre eux s'était brouillé à jamais avec les kamis de l'Eau...
Cette flamme vive de passion entre deux jeunes gens ne trouve guère à s'alimenter dans le jeu des alliances politiques. Mais où irions-nous si les samuraï écoutaient leur "coeur" et leurs "préférences" ?...
Le soir-même, notre palais accueillait ses nouveaux invités.
Tout d'abord, Mirumoto Onitsugu, un brillant duelliste (ou kensaï comme ils se nomment), adepte éprouvé de l'art du Nitten. Ce jeune homme faisait l'admiration tant de ses maîtres au dojo que des shugenja auprès de qui il méditait. On disait qu'il avait tenté le difficile chemin qui mène aux plus hauts sommets, vers le territoire des mystérieux hommes tatoués, sur les plateaux au-dessus des nuages, où règne un soleil éternel. Mais Onitsugu-san avait été refusé par le destin, et depuis, il avait accepté sa condition de bushi avec honneur. En souvenir de sa tentative, il portait sur ses avant-bras des tatouages très raffinés.
Vint ensuite Shiba Nobuyori, de l'école de yojimbo comme Shiba Ikky. Il avait été attaché à la personne du vénérable senseï Isawa Kanera, et s'acquittait de son devoir avec constance.
Je n'ai pas noté qu'il fût un courtisan bien plaisant. Il ne cherchait pas du tout à se mêler des discussions autour de lui. Il savait écouter poliment ce qu’on lui disait, mais il ne cherchait pas à nourrir la conversation. Mais je dois reconnaître à ce propos la hauteur d'âme de Masanaga-sama, qui s'adressait à tous avec bienveillance, et savait dire un mot de bienvenue à chacun, s'enquérissant de sa famille ou de ses affaires courantes.
Le troisième invité de ce soir était Doji Kafu.
- Je suis heureux d'accueillir le premier Grue de cette cour d'hiver, dit Masanaga-sama, car votre clan est reputé à juste titre pour former les meilleurs courtisans, et aucun hiver ne saurait se concevoir sans vous dans nos réceptions.
Doji Kafu était cousin d'Isawa Kogin. Déjà à l'époque, leur alliance était bien scellée. Ils s'épaulaient mutuellement, savait se communiquer les bons renseignements pour se montrer là où il faut et contrer leurs adversaires. Tous les deux étaient déjà habiles en parole. En face d'eux, ils avaient Isawa Ayame et Suzume Yugoki, plus discrets et timides en apparence. En apparence seulement...
Il y eut ce soir encore quelques paroles venimeuses d'Isawa Kogin à l'encontre des Dragons. Ils étaient deux contre elle, et cela semblait la mettre en appétit. Kuni Sakurako se tenait à l'écart de ces discussions mouchetées, pleines d'attaques subtiles.
Elle trouva un interlocuteur sympathique en la personne de Shinjo Kohei, le quatrième invité de la soirée. Fils du daimyo du Village aux Rives Blanches, dans les lointaines plaines de l'Ouest, Kohei-san avait beaucoup voyagé, avant même de passer son gempukku. Il avait visité le clan de la Grue, où il s'était fait un précieux ami, le clan du Dragon, et avait voyagé plus loin encore...
Il ne paraissait ni plus ni moins à l'aise que Kuni Sakurako dans une cour d'hiver, ce pourquoi ils s'entendirent bien. Kohei-san eut l'occasion le lendemain de nous éblouir de ses talents d'archer lors de la compétition de tir à 80 pas. Il remporta haut la main l'épreuve, en fichant une première flèche dans le noir de la cible, et en envoyant deux autres successivement prendre la place de la précédente !
Mais n'anticipons pas trop, car il me reste à parler du dernier invité de ce soir, celui qui déclencha un premier coup de tonnerre sur cette cour d'hiver. Et encore, aurions-nous eu connaissance de la suite, nous aurions été peu affectés ce qu'il nous raconta...
Kuni Ketedore, célèbre chasseur d'oni, père de Kuni Sakurako, avait dépassé l'âge moyen auquel les samuraï commencent généralement à préparer leur prochaine vie. A bientôt cinquante ans, il suivait l'exemple de son daimyo le Grand Ours et menait toujours de front la bataille contre l'Outremonde. Il avait visité souvent les bibliothèques de notre clan, et il jouissait maintenant d'une réputation ambiguë parmi nous. Certains disaient que derrière son air ombre, ses manières rustres, c'était un dévoué serviteur de son clan ; d'autres murmuraient (mais loin de lui) qu'il entretenait toutes sortes de commerces ignobles avec des homme-rats et d'autres créatures souillées vivant au-delà la grande muraille Kaiu.
Isawa Masanaga ne l'avait certes pas invité pour ses talents de courtisan.
Depuis l'attaque des barbares yobanjin, il y a de cela moins d'un mois, Masanaga-sama avait envoyé auprès du clan du Blaireau, ceux qui auraient dû nous protéger contre ces gaijins bestiaux, une lettre demandant des explications au daimyo de la famille Ichiro.
Aucune réponse n'étant parvenu, et sachant que Kuni Ketedore, en voyage sur nos terres, était un cousin de la famille Ichiro, Masanaga-sama l'avait prié d'accompagner une délégation de bushis Shiba, pour demander des explications plus franches aux Blaireaux...
Ketedore-san revenait de ce voyage vers les montagnes inhospitalières, à la frontière des pays gaijins connus sous le nom de Sables Brûlants.
Il fit son entrée dans le palais, comme accompagné d'un halo sinistre. C'était un homme de grande taille, mais très maigre, inquiétant comme un arbre mort tourmenté par le vent d'une morne campagne.
Voici retranscrit aussi exactement qu'il m'a été possible son récit. Avec ce récit, je concluerai le récit de cette seconde journée, car je crois qu'il se passe de commentaire. Ketedore-san parla d'une voix terrible, portée par son récit, et seules les circonstances exceptionnelles l'ont tacitement autorisé à exprimer autant d'émotions dramatiques.
2e journée
Pour le lendemain, Masanaga-sama avait souhaité que je fîs découvrir le palais à nos jeunes invités. Ils participaient tous à leur première cour d'hiver, il convenait donc de les initier aux rituels de ce monde à part.
Et pour commencer, nous avions pensé les divertir en leur faisant visiter le labyrinthe de haies, l'un des chefs d'oeuvre des jardiniers de notre clan. Construit sur une petite butte en surplomb du lac, on y accédait en montant l'escalier de vieilles pierres vénérables. L'air vivifiant de l'après-midi prenait la place de la froidure brumeuse du matin, pendant lequel les invités avaient pu profiter de la maison de bain au bord du lac. Ce privilège ne leur était accessible que pendant les premiers jours, avant l'arrivée de plus nobles samuraï.
J'accompagnais donc Yugoki, Ryu, Sakurako, Ikky, Kogin et Ayame, à l'entrée des massifs végétaux, et je les mettais au défi de ressortir le plus rapidement possible du labyrinthe, par l'unique chemin menant à la sortie.
Les Fortunes de la Terre, dit-on, favorisent ceux qui savent tracer leur chemin de manière avisée, en accord avec le chemin que ces Fortunes ont tracé. Je fis donc rentrer un par un les jeunes samouraï, certain de ne pas les voir à l'autre bout avant un moment.
Quelle ne fut pas ma surprise d'apercevoir, alors que j'arrivais de l'autre côté de la butte, Mirumoto Ryu déjà sortie ! Quelque kami l'avait sans doute prise par la main.
Peu de temps après, Ayame-san sortait à son tour, surprise la première d'être seconde de la compétition. Elle était entrée avec l'intention visible de ne pas se presser. Ainsi les voies des Fortunes sont assez impénétrables pour favoriser celui qui chemine lentement... et retarder celui qui est trop pressé, à l'image d'Isawa Kogin, que j'avais vu chercher fébrilement le chemin dès son entrée. Stupéfaite, elle retint une expression de dépit colérique en constatant qu'elle était troisième. Et par dessus-tout : derrière Ryu-san et Ayame-san.
Vinrent ensuite Kuni Sakurako, Suzume Yugoki et enfin Shiba Ikky.
Dans la fin d'après-midi, chacun retournait à ses appartements, en attendant le dîner en commun. Dès ce premier jour, je n'avais pu manquer de surprendre des regards qui ne trompent pas entre Yugoki le Moineau et Isawa Ayame. Ils ne sont pas les premiers jeunes samuraï à se "découvrir" pendant une cour d'hiver, même contre ce que leur famille a pu prévoir pour eux.
Il était difficile de s'y tromper. Pendant toute la cour, ils ont parlé entre eux, sous le couvert de la politique ou de leurs inquiétudes sur l'Empire, mais un observateur attentif percevait que déjà, ils regardaient dans la même direction, et savaient quand se retrouvait, par hasard, dans les allées du jardin, ou à la bibliothèque.
Je devinais également que Kogin-san trouvait cette relation parfaitement ridicule. Comme beaucoup d'entre nous, elle n'aimait pas trop laisser l'amour infléchir sa conduite, et elle manifestait sa fidélité au clan par ses ambitions en tant que shugenja. Fait aggravant, Yugoki-san était l'héritier du clan le plus pauvre de l'Empire. Jamais Isawa Akitoki, daimyo d'Ayame, n'accepterait une alliance avec un samuraï-paysan. D'autant que la réputation des shugenja Suzume n'était plus à faire : le seul d'entre eux s'était brouillé à jamais avec les kamis de l'Eau...
Cette flamme vive de passion entre deux jeunes gens ne trouve guère à s'alimenter dans le jeu des alliances politiques. Mais où irions-nous si les samuraï écoutaient leur "coeur" et leurs "préférences" ?...

Le soir-même, notre palais accueillait ses nouveaux invités.
Tout d'abord, Mirumoto Onitsugu, un brillant duelliste (ou kensaï comme ils se nomment), adepte éprouvé de l'art du Nitten. Ce jeune homme faisait l'admiration tant de ses maîtres au dojo que des shugenja auprès de qui il méditait. On disait qu'il avait tenté le difficile chemin qui mène aux plus hauts sommets, vers le territoire des mystérieux hommes tatoués, sur les plateaux au-dessus des nuages, où règne un soleil éternel. Mais Onitsugu-san avait été refusé par le destin, et depuis, il avait accepté sa condition de bushi avec honneur. En souvenir de sa tentative, il portait sur ses avant-bras des tatouages très raffinés.
Vint ensuite Shiba Nobuyori, de l'école de yojimbo comme Shiba Ikky. Il avait été attaché à la personne du vénérable senseï Isawa Kanera, et s'acquittait de son devoir avec constance.
Je n'ai pas noté qu'il fût un courtisan bien plaisant. Il ne cherchait pas du tout à se mêler des discussions autour de lui. Il savait écouter poliment ce qu’on lui disait, mais il ne cherchait pas à nourrir la conversation. Mais je dois reconnaître à ce propos la hauteur d'âme de Masanaga-sama, qui s'adressait à tous avec bienveillance, et savait dire un mot de bienvenue à chacun, s'enquérissant de sa famille ou de ses affaires courantes.
Le troisième invité de ce soir était Doji Kafu.
- Je suis heureux d'accueillir le premier Grue de cette cour d'hiver, dit Masanaga-sama, car votre clan est reputé à juste titre pour former les meilleurs courtisans, et aucun hiver ne saurait se concevoir sans vous dans nos réceptions.
Doji Kafu était cousin d'Isawa Kogin. Déjà à l'époque, leur alliance était bien scellée. Ils s'épaulaient mutuellement, savait se communiquer les bons renseignements pour se montrer là où il faut et contrer leurs adversaires. Tous les deux étaient déjà habiles en parole. En face d'eux, ils avaient Isawa Ayame et Suzume Yugoki, plus discrets et timides en apparence. En apparence seulement...
Il y eut ce soir encore quelques paroles venimeuses d'Isawa Kogin à l'encontre des Dragons. Ils étaient deux contre elle, et cela semblait la mettre en appétit. Kuni Sakurako se tenait à l'écart de ces discussions mouchetées, pleines d'attaques subtiles.
Elle trouva un interlocuteur sympathique en la personne de Shinjo Kohei, le quatrième invité de la soirée. Fils du daimyo du Village aux Rives Blanches, dans les lointaines plaines de l'Ouest, Kohei-san avait beaucoup voyagé, avant même de passer son gempukku. Il avait visité le clan de la Grue, où il s'était fait un précieux ami, le clan du Dragon, et avait voyagé plus loin encore...
Il ne paraissait ni plus ni moins à l'aise que Kuni Sakurako dans une cour d'hiver, ce pourquoi ils s'entendirent bien. Kohei-san eut l'occasion le lendemain de nous éblouir de ses talents d'archer lors de la compétition de tir à 80 pas. Il remporta haut la main l'épreuve, en fichant une première flèche dans le noir de la cible, et en envoyant deux autres successivement prendre la place de la précédente !
Mais n'anticipons pas trop, car il me reste à parler du dernier invité de ce soir, celui qui déclencha un premier coup de tonnerre sur cette cour d'hiver. Et encore, aurions-nous eu connaissance de la suite, nous aurions été peu affectés ce qu'il nous raconta...

Kuni Ketedore, célèbre chasseur d'oni, père de Kuni Sakurako, avait dépassé l'âge moyen auquel les samuraï commencent généralement à préparer leur prochaine vie. A bientôt cinquante ans, il suivait l'exemple de son daimyo le Grand Ours et menait toujours de front la bataille contre l'Outremonde. Il avait visité souvent les bibliothèques de notre clan, et il jouissait maintenant d'une réputation ambiguë parmi nous. Certains disaient que derrière son air ombre, ses manières rustres, c'était un dévoué serviteur de son clan ; d'autres murmuraient (mais loin de lui) qu'il entretenait toutes sortes de commerces ignobles avec des homme-rats et d'autres créatures souillées vivant au-delà la grande muraille Kaiu.
Isawa Masanaga ne l'avait certes pas invité pour ses talents de courtisan.
Depuis l'attaque des barbares yobanjin, il y a de cela moins d'un mois, Masanaga-sama avait envoyé auprès du clan du Blaireau, ceux qui auraient dû nous protéger contre ces gaijins bestiaux, une lettre demandant des explications au daimyo de la famille Ichiro.
Aucune réponse n'étant parvenu, et sachant que Kuni Ketedore, en voyage sur nos terres, était un cousin de la famille Ichiro, Masanaga-sama l'avait prié d'accompagner une délégation de bushis Shiba, pour demander des explications plus franches aux Blaireaux...
Ketedore-san revenait de ce voyage vers les montagnes inhospitalières, à la frontière des pays gaijins connus sous le nom de Sables Brûlants.
Il fit son entrée dans le palais, comme accompagné d'un halo sinistre. C'était un homme de grande taille, mais très maigre, inquiétant comme un arbre mort tourmenté par le vent d'une morne campagne.
Voici retranscrit aussi exactement qu'il m'a été possible son récit. Avec ce récit, je concluerai le récit de cette seconde journée, car je crois qu'il se passe de commentaire. Ketedore-san parla d'une voix terrible, portée par son récit, et seules les circonstances exceptionnelles l'ont tacitement autorisé à exprimer autant d'émotions dramatiques.
Quote:Honorable Isawa Masanaga, honorables invités de la cour d'hiver,
je viens parmi vous avec des nouvelles qui, je le regrette, vont jeter la tristesse et la confusion. Je regrette de venir en porteur de mauvaises nouvelles, mais j'accomplis ainsi mon devoir.
A la suite de ta demande, Masanaga-sama, j'ai accompagné l'expédition qui partit pour les territoires hostiles gardés par la famille Ichiro. Nous n'avons croisé aucun samuraï de cette famille jusqu'à notre arrivée à leur palais. Toutes les montagnes étaient désertes, habitées seulement par les fortunes de la Terre et du Vent.
En arrivant à Kyuden Ichiro, nous eûmes le sang glacé par le spectacle qui s'offrait à nous.
Tous ceux qui habitaient le palais avaient été sauvagement massacrés. De nombreux bushi gisaient à terre, éventrés, décapités, et partout leur sang était répandu. Dans la grande salle du palais, nous avons découvert le daimyo du clan, empalé, et autour de lui, d'autres bushis massacrés. Partout alentour, misère et désolation, comme après une bataille impitoyable - et croyez-moi, Masanaga-sama et vous honorables invités, je sais de quoi je parle pour avoir combattu sur la muraille Kaiu.
Car je suis un Crabe, et un Kuni qui plus est. Et je peux te dire que jamais cette peuplade barbare, désorganisée, ces yobanjin, jamais ils n'auraient pu venir à bout du puissant clan du Blaireau, qui les a tenus en respect jusque là.
Non, ce qui attaqué les Blaireaux était bien plus puissant que cela...
Crois-en mon intuition, Masanaga-sama, c'est un kansen, ou même un oni qui s'est attaqué à la famille Ichiro. Un démon de l'Outremonde, invoqué j'ignore par quel moyen, mais qui seul a pu perpétrer ce carnage.
Car aujourd'hui, je puis l'affirmer : le clan du Blaireau n'existe plus, et s'il reste de ses membres, ce sont de pauvres samuraï éparpillés, qui doivent fuir la colère de celui qui a anéanti leur famille.
