18-01-2011, 11:51 AM
(This post was last modified: 18-01-2011, 04:47 PM by Darth Nico.)
Vampire 2006 - #8
Graziella se laissa emmener. Elle dut monter dans une camionnette, qui partit vers un quartier excentré, et entra dans un vieux garage abandonné.
Depuis l'ambassade Ventrue, Loren et Sire Garmand avaient tout suivi :
- Elle a du cran, cette petite, dit l'ambassadeur.
- Elle est assez effrontée, oui, dit Loren, même si je trouve qu'elle n'a pas toujours mis ce courage au service des bonnes causes.
- Sinon, dit Sire Garmand avec un large sourire, elle n'aurait pas été envoyée loin de Paris !
- Comme vous dites...
Loren décrocha son téléphone :
- Haqim, où en êtes-vous ?
- Je m'envois en l'air, mon cher ami, et de là-haut, la vue est superbe !
Haqim avait pris place à bord d'un hélicoptère qui survolait en ce moment une banlieue monotone de Beijing. La puce qu'on avait mis dans l'oreille interne de Graziella envoyait son signal régulièrement.
Loren et Garmand montaient dans une petite voiture banale, tandis que Haqim se posait sur un toit et que trois soldats de la Porte Azurée le rejoignaient. Trois autres voitures de Cathéens étaient en route pour le garage.
On amenait Graziella au centre de la grande pièce poussiéreuse, sur une chaise en acier de torture réglementaire. Dans son oreillette, Graziella entendit Haqim lui dire de tenir bon jusqu'à leur arrivée. Si tout se passait bien, les cinq Soeurs seraient là les premières. C'est elles qui avaient eu l'idée de ce plan : aller faire du shopping au beau milieu du territoire de la Fraternité Pourpre, là où Latréaumont et Anatole sévissaient depuis des jours.
Les deux compères entraient. Anatole, une trousse d'outils à la main, se pourléchait les babines. Latréaumont marchait, tournait sur lui-même, regardait au plafond, ahuri par la présence d'une mouche, ou bien regardait le sol avec intérêt.
- Concentre-toi donc un peu, mon Nanard ! Tonton Lapinou va bien rigoler avec la vilaine Ritale...
Anatole agrippa Graziella par les cheveux :
- Je vais prendre mon temps. Je n'ai pas de question à te poser, rien à te faire avouer... Donc tu peux me dire tout ce que tu veux, je ne m'arrêterai pas. Si tu veux me supplier, tu pourras... On verra si ça m'attendrit !
Il ricana.
Quelques Cathéens étaient là, assis sur des canapés.
- Il y en a qui veulent s'amuser avec moi ? dit Anatole en mettant son chalumeau à chauffer.
Latréaumont se vautrait sur un canapé, s'allongeait n'importe comment, piquait une bière à un des Cathéens.
- Nanard, concentre-toi un peu, tu vas tout rater !
- Non, je sors prendre l'air, je n'ai pas envie de voir ça...
- Chochotte ! Regarde, les Cathéens, je suis sûr qu'ils vont adorer !
Latréaumont alla dans l'arrière-cour. Il observa le ciel, comme s'il était en communion avec les esprits du vent, ou de la métropole. Il vit l'hélicoptère, se concentra sur la rue et entendit les voitures de la Porte Azurée qui approchaient.
A l'intérieur, Anatole était presque prêt :
- Je prends mon temps, tu ne m'en voudras pas.
Graziella trouvait que la farce avait trop duré. Que faisait donc Loren ! Elle ne disait pas non d'habitude aux plans tordus, mais là, ce n'était plus assez tordu à son goût ! Elle allait être torturée à plaisir par ce sadique d'Anatole, ça manquait de subtilité !
Latréaumont vit trois Cathéens qui buvaient une bière près d'un pick-up. Il leur dit, dans un mandarin impeccable, que leur chef voulait les voir à l'intérieur. Ils écrasèrent leurs canettes et y allèrent. Le Malkavien se dirigea vers sa propre voiture, une petite deux-portes de mère de famille. Il caressa amoureusement le capot et l'ouvrit. Il prit avec attendrissement le lance-roquette qu'il gardait là en pièces détachées. Il le monta en vitesse.
Il entendit un hurlement quand il introduisait la roquette. C'était Graziella, à qui, pour s'échauffer, Anatole avait enfoncé un clou dans le coude.
Les Cathéens ricanaient. Certains préféraient regarder le sport à la télévision, d'autres jetaient un oeil distrait. Anatole prit son chalumeau, regarda la jolie flamme bleue.
- Maintenant, ça va chauffer...
Graziella écarquilla grand les yeux, quand elle vit une explosion de lumière du dehors qui entrait à la vitesse d'un missile. Elle fut projetée en arrière avec sa chaise, dans une chaleur qui la priva un instant de tous ses sens. Elle atterrit sous sa chaise, s'en libéra et se jeta par une verrière, tandis que les flammes proprement infernales dévoraient d'un coup le bâtiment. Tout s'écroula en quelques secondes. Graziella avait les habits qui brûlaient. Elle courut droit devant elle, évita une poutre projetée dans les airs.
- Explosion, explosion ! hurlait Haqim dans son téléphone.
Lui et ses hommes venaient d'être jetés à terre par le souffle de l'explosion.
De l'autre côté du brasier par rapport à eux, Graziella se précipita vers une borne de pompiers qu'elle trancha d'un coup de lame d'ombre. L'eau jaillit, notre héroïne s'offrit une douche rapide.
Elle vit alors la silhouette difforme, carbonisée, d'Anatole, qui sortait des flammes. Il titubait, grognait et commençait à courir vers elle. Une petite auto arriva en crissant des pneus et une rafale d'arme d'automatique lacéra le Nosfératu. Latréaumont sortit de la voiture et finit de vider son chargeur sur son complice. Celui-ci, stupéfait, fut rejeté vers les flammes. Graziella, marcha sur lui et le projeta d'un dernier coup de pied dans le brasier.
- Venez ! dit Latréaumont d'un ton impérieux.
Graziella s'attrapa le crâne. Le Malkavien devait user d'hypnose, car elle ne put résister.
Latréaumont démarra dans les ruelles et eut tôt fait de rejoindre les boulevards.
- Permettez, dit-il en tenant le volant d'une main. Il mit son doigt dans l'oreille de Graziella et lui arracha l'émetteur. La Lasombra, groggy par l'hypnose, ne tenait pas bien droite sur son siège.
Loren et Garmand avaient rejoint Haqim et ses hommes. Ils rejetèrent dans les flammes les hommes de la Fraternité qui voulaient s'échapper. Ils en attrapèrent un, qui jura ses mille dieux qu'il ne savait pas ce qui s'était passé. Agacé, Loren le jeta lui aussi au feu.
Les pompiers arrivaient. Le groupe de la Porte Azurée les laissa travailler.
Quand le feu fut un peu réduit, Tuang-Loc leur montra son insigne de la Porte et leur dit qu'ils en avaient assez fait. Les soldats du feu repartirent sans poser de questions.
Loren et les autres arpentèrent les décombres. En soulevant une poutre, Tuang-Loc poussa un cri de surprise. Loren approcha : ils reconnurent nettement le corps de Quasimodo de l'ignoble Anatole, carbonisé.
- En voilà un de moins, dit Loren, mais pas de trace de Latréaumont.
- Nous ne captons plus le signal de Graziella, dit Haqim, il n'émet plus.
Loren regarda, impuissant, le brasier, le bâtiment effondré, les ruelles, les étoiles. Si la Vénitienne était tombée entre les mains de Shrek, il n'y avait plus rien à faire. Comment chercher, dans toute la mégalopole chinoise, un homme au comportement parfaitement imprévisible ?

Latréaumont conduisait tranquillement sur les grandes artères de la ville. Il sifflotait sur la musique :
- Sweet Home Alabama... Vous aimez ? Moi j'adore !
Graziella sortait du "coltard".
- C'est pas franchement nouveau...
- Les jeunes écoutent de la merde aujourd'hui. Vous croyez que j'ai envie de supporter Kylie Minogue, Justin Timberlake et autres chanteurs pré-pubères...
- Franchement, Bernard, dit Graziella... Je peux vous appeler Bernard ?
- Mais bien sûr !
- Je voulais juste vous dire, quand on enlève une demoiselle de bonne famille, on évite de le faire avec ce genre de caisse à savons...
- Au contraire, nous allons passer inaperçu avec cette voiture ! Tout le monde a la même !
- Pas une raison...
- Avec une Roll's, on aurait un peu repérable, vous ne croyez pas...
- Qui vous parle de ces prétentieuses voitures d'Anglais ?...
Latréaumont se fondait dans le trafic.
- Je dois vous parler sérieusement, mademoiselle de Valori...
- Vous avez des remords ? Vous vous constituez prisonnier ?...
- Attendez, ce n'est pas si simple...
- Vous avez peur qu'on vous fasse passer de trop longues heures au soleil à votre retour ?
- Oui, pour commencer, mais il n'y a pas que ça.
"Ecoutez, Graziella, en un mot, il ne faut pas que vous rentriez en Europe...
- D'accord, à condition qu'on déplace Paris et Venise en Chine.
- Ces Cités sont décadentes, mademoiselle.
- Oui mais la décadence est moins vulgaire que l'arrivisme d'un pays en plein "boom" comme la Chine.
- Il ne s'agit pas de cela. Il y a, il y a que j'ai vu une malédiction planer sur nous tous...
Latréaumont s'arrêta à une station-service.
- Autre chose, Bernard, quand on annonce une malédiction, on évite de le faire devant la pompe à essence...
- Je sais, je suis ridicule... Mais la chose n'en est pas moins grave.
Un pompiste arrivait. Latréaumont lui parla dans dans son mandarin impeccable.
- Je lui ai dit que je veux le plein.
- Vous m'emmenez au bout du monde ?
- Partout où vous voudrez sauf en Europe... Prenons par exemple le Japon...
- Intéressant.
- Ou bien, je vous emmène voir les chutes d’Iguaçu ?
- Faites-moi rêver, Bernard.
Graziella s'amusait un peu à jouer la comédie. Elle espérait surtout que Loren les retrouverait vite. Latréaumont n'avait pas l'air trop mal luné, mais d'ici qu'il lui reprenne l'envie de jouer avec les explosifs...
Le plein était fait, ils repartirent.
- Vous ne m'achetez même pas un porte-clef souvenir ? Quel rustre...
- Je vous en offrirai une caisse entière, mais vous devez m'écouter.
Ils roulaient sur les boulevards.
- Qui est Shrek ? C'est vous ?
- Pas tout à fait... Shrek est une entité collective. Elle parle à tous les Malkaviens. Ce n'est pas qu'un réseau Internet, c'est un esprit immatériel...
- Pourquoi vous en êtes pris à Paris ?
- Shrek nous lance un avertissement... Un signal d'alarme pour nous réveiller de notre torpeur, avant que nous n'y tombions à jamais...
- C'est tout ce que vous avez trouvé comme justification ?
- C'est très sérieux... Je ne sais pas comment le dire, mais le sang des Caïnites est maudit. Les premiers symptômes vont bientôt apparaître et d'ici quatre ou cinq ans, nous serons peut-être rayés de la carte... C'est très sérieux.
- Rentrons à Paris, constituez-vous prisonnier, et nous vous obtiendrons une entrevue avec le Prince.
- Ils ne croiront jamais un fou. Et si c'est vous qui leur dites, ils vont croire que je vous ai rendu folle...
- Que proposez-vous alors ?
- Laisser les morts enterrer les morts.
- Mais encore ?
- Fuir, Graziella. Prévenons Loren si vous tenez à lui, et partons de notre côté.
- Si ce n'est pas Loren qui nous trouve, ce sera Lum Khan... Ce très haut dignitaire veut vous rencontrer, figurez-vous. Vu le personnage, je doute qu'il y ait quelque endroit du monde où l'on puisse se cacher de lui.
- Lum Khan, dit le Malkavien, un peu triste. Ma foi, pourquoi pas. Peut-être que lui pourrait ensuite prévenir Paris.
- On lui rira au nez, Bernard, et vous le savez bien.
La promenade dura jusqu'à l'aube. Latréaumont prit une chambre dans un grand hôtel. Graziella,se dit que le mieux était encore de dormir.
L'équipe de la Porte Azurée avait évacué les lieux avant l'arrivée de la police.
- Regardez, avait dit Tuang-Loc en désignant le corps d'Anatole. Il remue encore !
- Il remue encore ?
Loren s'était approché :
- Tu as raison... Bon, qu'on l'emmène, on va le ranimer avec une baignoire entière de vitae, s'il le faut ! Il a des choses à nous dire.
De retour à l'ambassade, Loren fit le point avec Garmand :
- Nous avons perdu Valori et Latréaumont. Impossible de savoir ce que le Malkav' a en tête.
- Il vous contactera bientôt, dit l'ambassadeur. Il a forcément une carte à jouer avec son otage.
- Ne croyez pas les Malkav' si rationnels. Avec l'avance qu'il a sur nous, il peut aussi bien égorger Graziella et disparaître dans la nature.
Loren descendit au sous-sol. On avait solidement attaché Anatole à une table, et on lui injectait du sang seringue par seringue.
- Il reprend des forces, dit Tuang-Loc.
- Ne lui en redonnez pas trop d'un coup.
Loren s'approcha du Nosfératu :
- Sale ordure, tu vas parler maintenant. Et si tu te tais, ou si tu n'as rien à me dire, je te fais passer dans la rôtissoire de la cuisine.
- C'est Latréaumont, murmura Anatole d'une voix sèche. Nous a trahis, a emmené Graziella.
- Ça ne me suffit pas, dit Loren. Je m'en doutais déjà. Alors il va falloir trouver autre chose.
- Je connais... une planque de Shrek.
- Tu m'intéresses.
Tuang-Loc s'approcha pour écouter l'adresse. Anatole dit quelques mots, d'une voix de plus en plus faible.
- Tu connais ? demanda Loren.
- Oui, répondit le Cathéen, c'est près du parc Beihai, au nord de la ville.
- Trop tard pour partir maintenant, dit le Ventrue. Nous devrons y aller demain, dès le coucher du soleil.
- Je ne sais pas si la Porte Azurée voudra encore t'aider, François Loren.
- Au pire, allons-y tous les deux. Tu es partant ?
- Bien sûr.
- Et on va l'emmener lui aussi. On va le ranimer juste ce qu'il faut. Le gros Lapin va nous servir d'appât.
- D'accord.
Anatole gémit.
- Ça me fait mal de le dire, dit Loren, mais tu peux encore me servir.
A suivre...
