Vampire 2006 - #3
Dans l'avion qui le ramenait en France, Loren repensait à la conversation qu'il venait d'avoir. Face à lui, James n'osait rien dire, voyant son Sire bien trop absorbé dans ses pensées.
Le Danois avait conseillé à notre Ventrue de se renseigner sur des gens condamnés comme appartenant à la Main Noire. En fouillant soigneusement dans les annales judiciaires, il pouvait finir par trouver des informations dessus. Pour ce qui était des illusions du 158, rue de Tolbiac, il s'agissait soit de la ruse d'un Malkavien, soit des prouesses d'un Ravnos. En rentrant dans la capitale, Loren se jura d'en apprendre plus sur ce dernier clan, qu'il ne fréquentait pas du tout. Il devait bien y avoir quelques Gitans vivant à Paris !
James avait prévenu son maître, peu avant, que maître Octave, notaire à Lyon, était l'homme de confiance de Sire Roméo de Montaigu. C'est donc à Satolas, et non à Roissy, que l'avion privé du Ventrue atterrit. Le Rhône coulait lourdement dans le jour approchant. Il faisait gris sur la deuxième ville de France. Le brouillard allait couvrir l'aube de son épaisseur terne. La froidure n'en serait que plus dure. L'air était presque le même qu'au Danemark.
Loren et James passèrent donc la journée à dormir dans un hangar de l'aéroport, bien gardé par les goules.
En se réveillant le lendemain, ils burent rapidement une coupe de sang, puis se rendirent dans le centre-ville. Le Rhône faisait toujours le gros dos. Ils arrivèrent au pied d'un immeuble bourgeois au mur duquel luisait la plaque dorée de maître Octave, l'un des notables de la ville. Il était bien connu de la Camarilla lyonnaise et de nombreuses personnalités avaient déposé des valeurs chez lui.
Quand il avait été Etreint, c'était un humain bien en chair, avec une solide charpente osseuse, une manière d'être bien planté sur ses deux pieds, un bon bourgeois louis-philippard, enrichi par la Restauration. Son Sire était un maréchal d'Empire qui voulait l'éternité que Napoléon, déjà exilé, n'aurait jamais. La Commune n'avait pas affecté outre-mesure Sire Octave, non plus que les restrictions des deux guerres. Il avait trafiqué de la viande pendant la première et des tickets de rationnement pendant la deuxième. Il décorait son salon avec les cadeaux des nombreux Caïnites à qui il avait rendu service et qui le remerciaient avec des oeuvres d'art du monde entier : des vases de Chine et d'Amérique du sud, des instruments africains, japonais, australiens, des miroirs venitiens, des maquettes de navires anglais d'époque, des sabres algériens, des pièces de monnaie de Louis XIV... Un bric-à-brac digne d'une boutique d'antiquaire. Des Toreadors se pressaient pour venir admirer ses collections et tenter d'acquérir quelques pièces.
Lui-même n'avait pas un sens artistique développé, mais il connaissait le prix du marché. Il ne disait pas non à un Mondrian ou un Kandinsky, mais franchement, comme ça, il préferait un Cabanel ou un Bouguereau.
Il était assis dans son gros siège en cuir quand Loren et James firent leur entrée. Agréablement surpris, il les invita à s'asseoir. Il avait rencontré Loren à quelques occasions et de toute façon, il avait une familiarité un peu vulgaire avec tout le monde.
- Alors les Parisiens ! On se déplace en province maintenant ? Qu'est-ce qui peut bien vous amener à quitter les couloirs du Louvre pour venir vous égarer sur les bords du Rhône ? Comment va Paris ? Il fait du bon travail, notre Sire Ibn-Azul ?
- Pour vous parler franchement, fit Loren, les choses ne vont pas si bien que ça à Paris. Non pas à cause d'erreurs politiques, mais parce que nous avons sur les bras un terroriste très dangereux, qui menace le centre-ville.
- J'en ai entendu parler, oui ! Je ne savais pas qu'il représentait une telle menace !
- Si je suis venu vous voir, c'est parce que je sais que l'un de vos clients est un certain Sire Roméo de Montaigu, n'est-ce pas ?
En entendant ce nom, Octave tiqua et devint plus sérieux.
- C'est exact. J'ose dire que je suis son homme de confiance. Il m'a confié certains papiers importants.
- J'aimerais rencontrer ce Sire de Montaigu. Je suis persuadé qu'il pourrait nous venir en aide à Paris.
- Ca alors ? vous croyez ?...
- Effectivement.
Loren n'était pas dupe de la surprise feinte d'Octave.
- Très bien, très bien... Je vais le contacter et lui dire que vous désirez le rencontrer. Mais cela prendra sans doute du temps. Il voyage beaucoup. Il dort rarement deux fois dans le même hôtel. A l'heure où nous parlons, il peut être n'importe où dans le monde.
- Je comprends et j'espère que vous pourrez m'aider.
- Oui, tout à fait. Je vous recontacterai quand j'aurai obtenu une réponse de lui.
Ils discutèrent encore un peu de temps de la pluie, du beau temps, des occupations occultes des pontes de la Camarilla lyonnaise, des recherches en alchimie et en théosophie d'Octave, puis Loren dit qu'il était temps de partir.
Le Falcon fit un court saut aérien qui le mena de Satolas à Roissy et bientôt, les deux Ventrue retrouvaient leur grand repaire souterrain du 13e.
Derrière Montparnasse, au manoir Santi, les Lasombra s'étaient réunis. Camille venait de raccrocher le téléphone :
- Sire Octavio, de Lyon, nous avertit que François Loren vient de solliciter auprès de lui un rendez-vous auprès de Sire de Montaigu.
- C'est une bonne chose qu'il nous ait prévenu, fit Santi en hochant la tête.
Graziella repensait aux illusions lancées par Shrek dans les Tours et à celle de la rue de Tolbiac. Ses connaissances dans les domaines occultes l'amenait à penser qu'il pouvait s'agir d'un Malkavien comme d'un Ravnos. Elle voulait se renseigner sur ces derniers. Elle savait que le membre le plus éminent du clan des Gitans à Paris était un Caïnite appelé le Duc. Il était très ancien et on racontait de nombreuses légendes à son sujet, comme de ses combats contre les Séthites ou les Cathéens, dans l'Asie mystérieuse.
Elle n'avait aucun contact avec ce Duc, mais elle connaissait le moyen de s'en créer un. Elle alla au Louvre et demanda un rendez-vous avec le Sénéchal. Malgré la présence de cette vilaine perruche de Sophie-la-cantatrice, il ne l'avait peut-être pas complétement oubliée !
Quelle ne fut pas la surprise de Graziella quand, devant la porte du bureau du Sénéchal, elle croisa Loren qui venait lui aussi rencontrer Lucinius et plus encore, pour exactement la même raison !
Ils saluèrent Lucinius, qui était en bras de chemises dans son bureau. Surpris d'abord, le Sénéchal accepta de servir d'intermédiaire pour organiser un rendez-vous avec le Duc. Il fit une mine contrite en disant à ses deux amis que le Duc n'était quelqu'un de facile, d'une fréquentation sulfureuse et mal vue. Aussitôt, en réaction, Loren et de Valori n'hésitèrent pas à faire les gros yeux à Lucinius : il était bien placé, lui, avec son passé, pour leur reprocher d'avoir des fréquentations sulfureuses !...
FIN
A suivre dans le prochain épisode...