Vampire 2006 - #6
Pigalle. C'était l'heure de ces dames et des messieurs qui viennent chercher de la compagnie pour une partie ou toute la nuit. En descendant de la voiture, Camille et Graziella soupirèrent puis se mirent à la recherche de Béatrice. Ils montrèrent sa photo à une bonne partie de la faune du coin.
A des patrons de bar.
- Béatrice, vous dites ? Non, jamais vu, pourtant il en passe des filles ici. Je loue quelques chambres d'ailleurs, mais elle, non, jamais vu. Dommage, elle marcherait bien ici. Les gens adorent les filles aux yeux bleus.
- Hé oui, lança Camille, en plus c'est une vraie tigresse !

En repartant, Graziella lui cria en murmurant :
- Vous êtes fou ma parole !
- Désolé, ça m'a échappé... :(
Au bout de quelques bars, l'enthousiasme de Camille n'était plus le même.
- Vous voulez la retrouver où vous essayeriez pas plutôt de la caser ici ? Je vous signale que le trottoir est déjà occupé par trois filles en moyenne, alors si vous voulez louer un emplacement, va falloir vous adresser à Marco, le type là-bas. C'est pas mon affaire ceci dit.
L'interrogatoire d'une professionnelle du coin, Amélia (alias Antonio) ne fut pas des plus concluants.
- Et pourtant, j'en ai vu passer ! dit-elle d'une voix cassée par la cigarette.
Pour gagner du temps, ils décidèrent de se séparer. Ce qui n'allait pas arranger les choses. Camille fut invité dans une dizaine de clubs échangistes, Graziella faillit égorger sur place la dizaine de petits employés qui lui demandèrent combien elle prenait de l'heure ; Camille tomba sur un acteur de boulevard qui déambulait, à moitié ivre :
- L'Angou, dites-vous, jeune homme ? Ma foi, non ! Et pourtant, si c'est une grande dame, de Paris, de Pigalle ou de Petaouchnok, je la connaitrais ! Moi dont le talent n'est pas reconnu. Savez-vous le nombre de rôles que Fabrice Luchini m'a usurpés ? C'est scandaleux !... Olivier Levieux, souvenez-vous de mon nom, jeune homme !... Comment s'appelle votre amie, déjà ?
- Béatrice l'Angou, je vous ai dit.
- L'Angou ? L'Angou ? mais à quoi bon chercher plus longtemps si elle ne suscite aucun engouement !
Et il était parti en riant comme un perdu. Camille arriva devant un grand bâtiment appelé
Sexodrome, sorte de grande surface sur plusieurs étages, à la façade rouge et noir rutilant. On promettait de la "chaudasse en colère" à tous les étages. Il soupira puis passa le rideau soyeux et commença à faire le tour des clients, des vendeurs et des prostituées du lieux...
Pendant ce temps, Graziella avait repéré quelques goules de la police Brujah. Renseignements pris auprès d'eux, on n'avait pas vu l'Angou récemment dans le coin. Graziella refit un tour du quartier. Elle vit Camille ressortir du Sexodrome, blasé.
- Alors, c'était bien ? :ahah: Vous avez bien visité les cabines une à une, j'espère ? :ahah:
- Elle n'était pas là.
Camille partait d'un pas pressé. Il prit par le bras une prostituée (il s'était déjà assuré que c'était bien une femme), l'emmena dans un coin sombre et lui mordit le cou avec appétit. Il ressortit de la ruelle, rassasié.
- Hé ben, t'es un rapide, mon pote, toi, lui dit le souteneur de la dame. Mais va falloir passer-
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase : Camille le foudroya du regard et le type tomba évanoui près de sa gagneuse.
Ils allèrent s'asseoir dans un bar gothique privé où plusieurs Caïnites avaient leurs habitudes. En sirotant une coupe, sur fond de musique vantant les mérites de la nécromancie, des scarifications et de la frénésie scandinave lors des chasses au loup pendant les aurores boréales, ils tâchèrent de trouver une autre idée. L'Angou n'était certainement pas à Pigalle.
- Il y a une possibilité, dit Graziella, c'est d'aller sonner chez le Duc. J'hésite un peu, car je ne veux pas déranger quelqu'un comme lui en vain.
- Pourquoi le Duc ?
- Il m'a avoué hier que Béatrice passait le voir quand elle venait sur Paris.
- Alors, il faut essayer je pense.
- Risquer de braver les foudres du Duc pour éviter celles de Santi... Allons-y. Il habite sur les grands boulevards. Ce n'est pas loin d'ici.
Ils furent reçus fraîchement par Ruis, puis par le Duc. Les Ravnos furent polis mais on sentait qu'ils n'avaient que peu de temps à consacrer aux deux importuns.
- Je n'ai pas vu Béatrice, hélas et je serais désolé qu'il lui soit arrivé malheur. En dehors de moi, elle fréquente La Rose, le chef du Protocole du Louvre, clan Malkav ou sinon Brigitte Cellier, que vous connaissez.
Les deux Lasombra remercièrent le Duc bien bas et s'éclipsèrent sans tarder. Puis Graziella s'empressa de dire à Camille :
- Allez au Louvre interroger cette Malkavienne. Moi je vais aller parler à ma bonne amie la Harpie Ventrue.
Pendant ce temps, aux Buttes-Chaumont, Loren attendait encore. Il savait bien que c'était une manière de lui montrer qu'il était indésirable ici. Mais il avait de la patience à revendre. Il entendit la porte du salon s'ouvrir, après deux heures à faire le pied de grue. Viviane entra, suivie de la Harpie Mégane.
- Sire Loren, minauda cette dernière. Quelle bonne surprise...
Elle était dans ses petits souliers. Viviane ressortit et Mégane s'assit en face de Loren. Elle était entrée, intimidée, comme dans la salle d'attente du dentiste. Au bout d'une demi-heure, Viviane revint la chercher et repartit avec elle. Une fois de plus, le Ventrue se retrouvait seule. James téléphona pour signaler que Brigitte Cellier venait de faire son entrée dans le manoir et assurer son Sire que Béatrice l'Angou était bien là aussi.
Béatrice, Viviane, Brigitte et Mégane : sympathique réunion entre femmes. Loren dut ronger son frein, jusqu'à ce qu'il reçoive un appel de Graziella de Valori. Elle était à la recherche de Brigitte Cellier et par elle, espérait atteindre l'Angou. Le Ventrue sourit :
- Je cherche aussi l'Angou car elle s'est rendue coupable d'une infraction à la Mascarade. Je pense que je l'aurai bientôt trouvée. Je vous tiens au courant.
Le Ventrue raccrocha, satisfait : combien de temps de Valori allait-elle mettre pour arriver ici ?
Les deux Lasombra continuaient à tourner en voiture dans Paris et l'heure tournait : déjà une heure du matin. Ils s'étaient retrouvés après que la visite de Camille à la Rose s'était avérée inutile.
Graziella décrocha quand Clémentine Brujah l'appela :
- Allô, mademoiselle de Valori ? Comment allez-vous ?
La Brujah lui dit elle aussi la faute commise par Béatrice : sa virée dans l'hôtel de Bagnolet avec George Leblond et Satomé qui avait mis ses adjoints, dont Loren, sur la piste.
- Quel hasard, Clémentine, je cherchais l'Angou moi aussi. Et j'aurais voulu parler à Mégane, mais elle ne répond pas.
- Désolée de ne pouvoir vous aider, mais je pense que si vous voulez l'appeler en urgence, vous devriez passer par un Nosferatu. Ils pourront vous dépanner.
- Bonne idée, merci Clémentine !
C'était une enquête à tiroirs. Pour retrouver Béatrice, il fallait chercher Brigitte Cellier (sur recommandation du Duc) ; pour trouver Brigitte, Graziella pensait appeler son amie Harpie, Mégane. Et po ur avoir Mégane, il fallait s'adresser aux Nosferatu.
- Allô, monsieur Désastre ?
En deux coups de cuillère à pot, le dévoué Rat d'Egout localisa l'appareil de Mégane et donna le numéro à de Valori.
- Merci, monsieur Désastre. Vous êtes une perle. Vous passerez par ma servante pour votre réglement.
Graziella apprit ainsi que Mégane se trouvait au manoir de Pompignan. Elle appela la Harpie. Celle-ci répondit, surprise. Graziella crut entendre claquer un coup de fouet et entendit un gémissement de femme. Elle crut discerner la voix autoritaire de Brigitte Cellier.
- Dame Cellier ? Ah non, Graziella, désolée, je ne sais pas où elle est...
Elle mentait mal.
- Merci, Mégane. Désolée du dérangement.
De Valori raccrocha.
- Vite, Camille, aux Buttes-Chaumont !
Les Lasombra se garèrent près de l'entrée du parc et finirent à pied. Graziella repéra la limousine de Loren, James lisant à l'avant. Elle en avait assez de voir ce faux majordome oxfordien, qui était Anglais comme elle était Biélorusse. :ahah:
Camille sonna à la grille. Une des chambres était éclairée : en y regardant bien, on distinguait plusieurs silhouettes féminines s'y déplçant. Une vraie petite sauterie entre filles !
Loren entendit son téléphone sonner.
- Sire, Graziella de Valori et Camille viennent d'arriver au manoir.
- Hé bien, ils y ont mis le temps ! Voilà plus de deux heures que je suis là !
Le Ventrue vit entrer les deux Lasombra, escortés par Viviane qui, visiblement, s'était rhabillée en vitesse. L'air grognon, elle pria les deux visiteurs d'attendre puis remonta l'escalier quatre à quatre.
- Elles sont toutes là-haut, déclara Loren. L'Angou, Cellier, Mégane et Viviane ! On sait s'amuser chez les Harpies.
Camille plongea la tête dans ses mains. Loren lui tapota l'épaule :
- Allons, allons... Ne vous en faites pas. Dame l'Angou a droit à ses défauts, comme tout le monde. Elle va mettre de l'animation dans la vie de mes amies Brigitte et Viviane !
Le Ventrue fit remarquer qu'il avait tout de suite pensé à faire appel à un Nosferatu pour localiser Béatrice, sans en passer par quinze détours.

L'heure tournait : bientôt deux heures. L'attente fut longue. Un peu avant trois heures, les invités, confinés dans la bibliothèque, entendirent un corps tomber dans l'escalier.
Ils se précipitèrent au-dehors : c'était Mégane !
Le soutien-gorge mal remis, la jupe de travers, elle venait de s'étaler de tout son long en perdant un de ses escarpins au passage. Elle puait l'alcool. Graziella et Loren l'aidèrent à se relever. Camille leva les yeux vers l'escalier :
- Béatrice !
Et l'Angou se tenait bien en haut, avec ses grandes bottes à talon et un air dominateur.
- Ca suffit, maintenant, Béatrice. Sire Santi doit vous entendre maintenant !
Ils s'attendirent à devoir user de contrainte pour ramener la nymphomane à Montparnasse mais elle laissa tomber, d'un air détaché :
- Très bien, allons-y.
Elle descendit l'escalier en roulant exagérement des hanches, passa à côté de Mégane, à moitié évanouie sans la regarder. Elle prit son manteau, passa la porte et lança :
- Alors, vous venez ?
Loren fit monter Mégane dans sa voiture. Il souhaita une bonne fin de nuit aux trois Lasombra.
- Je compte sur vous, leur dit-il, pour que dame l'Angou se présente avant la fin de la nuit chez Satomé. C'est bien compris ? Je ne vais pas faire mon Sergio avec vous.
- Promis, Sire Loren, soupira l'Angou, j'irai !...
Les deux voitures se séparèrent après avoir passé le Louvre. Loren alla finir de traiter ses dossiers.
- James, rappelle chez Puysségur et insiste pour ce rendez-vous !
Pendant ce temps, la réunion extraordinaire du clan Lasombra pouvait avoir lieu. Maître Octave avait retardé son départ d'une nuit. Sire Santi, satisfait, entendit enfin ce que Béatrice avait à dire.
- J'ai entendu dire que Bernard de Latréaumont avait séjourné en Alsace récemment, chez Alfredo. Il a dû les rendre dingue. Ce Malkav est vraiment dangereux. Il a été condamné par le tribunal de Strasbourg à plusieurs reprises et exilé de notre territoire. Maintenant, il a dû repartir. Selon certains contacts que j'ai eus (elle sous-entendait, au sein du Sabbat, mais ne voulait pas insulter ses hôtes en précisant), il est reparti en Birmanie. LSi j'avais su, je ne serais passé par Maître Octave : je lui aurais évité des ennuis... Mais j'ai fait le lien avec Sire Montano.
- Vous avez eu raison, dit le notaire. Si vous voulez bien m'excuser un instant, je dois maintenant appeler François Loren à ce sujet. Vous apprendrez en même temps que lui.
Alors que le maire-adjoint des Tours allait se coucher, James vint lui apporter le téléphone.
- Allô ? Maître Octave ? Non, vous ne me dérangez pas.
- Sire Loren, je me permets de vous appeler, pour vous dire que j'ai eu la réponse de Sire Montaigu. Il est en Birmanie en ce moment. Autant vous dire que la Main Noire, la police secrête du Sabbat, est déchaînée en ce moment. Bernard de Latréaumont s'y trouve aussi, parmi des fractions armées qui se battent pour l'opium, dans la jungle, à moins qu'il ne soit retourné dans le pénitencier qu'il hante.
- Je vous remercie, maître. Votre aide m'est précieuse.
Le notaire raccrocha.
- Allons dormir, dit Santi. Demain sera une dure nuit. Nous sommes convoqués au Louvre pour témoigner. Il va falloir que Vircenko et sa clique comprennent qu'on ne peut jouer avec ses invités si facilement. Ils vont comprendre ce que c'est que d'avoir été formé à la politique par le cardinal de Richelieu.
Condottiere ronronnait de plaisir.
- Rendez-vous demain ici, pour faire notre entrée au Louvre ensemble.
A suivre, dans le prochain épisode...