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Vampire 2006 - #8 : Bienvenue en Birmanie !
#11
Vampire 2006 - #8

Pendant que Loren et de Valori séjournaient dans le Triangle d’Or, Anatole quittait pour de bon la Birmanie en compagnie de Latréaumont. Ils avaient pris un avion d’affaires appartenant à un gros industriel chinois du textile, et qui se trouvait en dettes avec les alliés Cathéens de Latréaumont.

- Magnifique traîtrise que la vôtre, disait le Malkavien, alors que l’appareil survolait la mer de Chine.
- La traîtrise est ma spécialité ! répondit Anatole, très fier.
- Vous n’avez pas d’autre cause que la vôtre, en somme. J’apprécie cela… Par exemple, en ce moment, je pourrais faire l’erreur de croire que vous m’êtes fidèle, mais en réalité, vous ne défendez que vos intérêts…
- Exactement !
- Depuis le début, à Paris, quand vous êtes entrés à mon service par le réseau Shrek, c’était par pur arrivisme. Vous vouliez faire tomber les dirigeants de votre clan dans la capitale, et vous taillez votre part du gâteau.
- Mais c’est tout à fait ça, mon cher Nanard ! ricana le Lapin de Garenne.
- En venant au Myanmar, vous n’étiez pas plus tôt à l’hôtel de Rangoon que vous preniez contact avec moi… Vous avez des pouvoirs psychiques plus forts que je ne pensais. Je vous croyais surtout féru de technologie.
- Je ne rechigne pas à me servir de pouvoirs plus occultes quand cela peut me servir ! Mes adversaires l’ignorent et me prennent pour un simple technicien ! Erreur !...
- D’ailleurs, François Loren et la Valori s’y sont laissé prendre encore une fois. Ils n’ont pas vu venir votre coup de poignard dans leur dos.
- Ils sont bien sympathiques mais franchement incompétents sur le terrain, à mon avis. Ils n’ont pas compris comment marche le monde : ils croient encore à des idéaux dépassés. Ils croient aux valeurs de la Camarilla. Moi, je crois qu’on peut espérer mieux. Eux appartenaient au passé. D’ailleurs, à l’heure actuelle, j’espère qu’ils sont dévorés ou brûlés au soleil.
- A l’heure actuelle, ricana Latréaumont, ils ont au moins les oreilles qui sifflent à cause de vous !
- Ils ne sont pas grand-chose. Ils se prennent pour de grands conspirateurs mais ils n’ont rien vu venir. Tant pis pour eux. S’ils étaient plus malins, ils auraient peut-être pu se joindre à nous…
- Nous arriverons en fin de nuit à Beijing. Je vous présenterai à mes amis.
- J’en serai honoré, seigneur !
Anatole fit une petite révérence obséquieuse.

Quelques heures après, l’avion survolait Shanghaï. La ville était illuminée, comme si un feu d’artifice y éclatait. On devinait le trafic compact et l’agitation tourbillonnante, incessante, qui y régnait.
- Vous voyez, Anatole, là est l’avenir, en Asie. Des jungles, et des villes qui poussent comme des jungles… Oui, saleté de pays, où les tours poussent aussi vite que les bambous. Et sous nos pieds, s’agitent un milliard d’êtres cupides et laborieux… En Europe, ce pays de nains, nous sommes devenus des parias. Ici, nous pouvons être des princes, Anatole !
- Comme je vous comprends, cher Latréaumont !... Les Parisiens sont des petits courtisans décadents, pourris par leur confort. Le Prince Ibn Azul dirige une bande de niais et d’imbéciles. Je l’ai assez vu comme ça. Même les Nosfératu se soumettent à cet ordre injuste et malfaisant.
- Oui, il est nécessaire d’opérer une régénération en profondeur. Et pour cela, les gens du Sabbat peuvent être utiles : pour purger, brûler et faire table rase. Ensuite, grâce aux gens de mon clan, nous pourrons rebâtir sur des bases saines. La puissance de Shrek nous y aidera.
- J’en suis tout à fait certain ! Quand nous lancerons nos troupes contre la capitale, ils trembleront tous ; car ils se sont efféminés à force d’entrer dans des intrigues de cours ridicules et des débats d’idées de Toréador... Non, je vous le dis, ce sont des minus qu’on écrasera comme une fourmilière !... Ils vont entendre parler du Péril Jaune !
Les deux complices regardèrent par le hublot la mégalopole défiler, ses boulevards et ses concentrations de buildings immenses ; puis ils retournèrent s’asseoir et prirent une coupe.
- Pour que nous soyons au point en arrivant, dit Latréaumont, il serait bon que je vous mette au courant de la nature de mes alliés d’Orient.
- J’allais vous en prier…
- Vous savez qu’une ambassade Cathéeenne s’est installée à Paris, dans le bourg des Tours, sous le nom de Cour de la Porte Azurée.
- Oui, je les ai un peu fréquentés, pour mon travail à l’époque. Je devais les protéger…
- Vous imaginez qu’il a fallu du temps avant que ne soient choisis ceux qui en feraient partie de cette ambassade, et vous imaginez aussi bien les rivalités que cela a pu susciter. Si le groupe de la Porte Azurée a été choisi, bien d’autres ont été déçus. C’est avec l’un de ses groupes que j’ai pris contact, depuis mon pénitencier du Mandalay. Quelques individus farouchement opposés à l’Occident décadent, et qui se font appeler la Fraternité Pourpre.
- Intéressant. Je suis certain qu’ils auront à cœur de nous aider à revenir à Paris en force !
- Oui, et ceux-là ne se contenterons pas de jouer les gentils Asiatiques de service. Ils viendront pour conquérir… Leur idole, leur modèle est Gengis Khan, pas moins ! Je vous laisse imaginer la philosophie qui est la leur. Ils sont également les héritiers des conceptions du bouddhisme les plus militaristes. On trouve parmi eux des nostalgiques du Japon d’avant l’humiliation américaine. Ils ne conçoivent de grandeur que dans la conquête et l’écrasement impitoyable de l’adversaire.
- Ces gens-là vont me plaire, fit Anatole, la bave aux canines.
- Certes oui. Les membres de la Fraternité Pourpre sont de bons soldats, disciplinés. Mais ils ne sont que des bons soldats. Il leur faut un idéologue, ce sera moi, car le pouvoir de mon esprit les fascine. Il leur faudra aussi quelqu’un pour les renseigner sur Paris : ce sera vous, car vos informations sur la France sont fraîches.
- Cela me convient parfaitement.
- J’en étais sûr.
- En deux mots, quel est leur but ?
- Ils veulent la tête des principaux dirigeants d’Europe. Et ils ont des moyens, croyez-moi. Nous commenceront par Paris, avant d’étendre notre conquête aux autres capitales.
« Voici pour les grandes lignes. Pour les détails, je vais vous les exposer à présent. Nous avons encore du temps devant nous… »

Virus

Le soir était tombé sur le Triangle d’Or. Haqim continuait de faire le guide touristique. A bord d’une jeep, il faisait découvrir aux deux Occidentaux les terres de Lum-Khan : des milliers d’hectares de pavots qui faisaient vivre la quasi-totalité de la population de la région.
- Il n’y a guère de commerce plus rentable que celui-là, monsieur Loren.
- J’y songerai. Vous avez besoin d’investisseurs ?
- Nous avons besoin de distributeurs pour améliorer nos chaînes de livraison. Dans l’Europe décadente qui est la vôtre, l’héroïne peut redonner le goût de vivre à des milliers d’humains nihilistes…
Graziella ne dit rien, mais elle avait quand même sa fierté européenne pour ces nations de vieilles cultures, et elle faillit dire à l’Asiatique de parler autrement des terres d’implantation ancestrales de la Camarilla.
- Je vous dirai que je suis assez intéressé, Haqim, mais il faudrait que je rencontre le maître des lieux, Lum-Khan.
Ils se parlaient dans le bruit et la poussière, sur une route de nuit mal éclairée, au milieu de vastes collines où l’on discernait des tâches lumineuses, les feux des villages.
- Les Occidentaux, continuait Haqim, imperturbable, doivent comprendre que le centre du monde n’est plus chez eux. Ni chez vous cousins d’Amérique. Il est ici ! La Chine s’est réveillée, les autres pays aussi. Les Cathéens sont nombreux, puissants. Si les Occidentaux ne font pas preuve d’un peu de modestie, ils vont se retrouver avec un conflit de civilisation sur les bras ! Croyez-moi que les mandarins qui dirigent nos frères Orientaux ont de quoi mener une guerre à outrance contre nous !
C’était à se demander dans quel camp ce Haqim se situait. Comme nos deux héros étaient en territoire étranger, force leur était de subir ces paroles. Mais à Paris, les choses ne se seraient pas passées ainsi, et Haqim aurait déjà reçu une convocation de la part du Brujah Sarmont, le Fléau de la capitale !
- Dans combien de temps Lum-Khan va-t-il nous recevoir ? demanda Graziella, pour couper court aux considérations géopolitiques de leur hôte.
- Je vous l’ai dit, je ne le sais pas.

La visite se terminait. La jeep repassait les portes du grand palais fortifié qui dominait les plantations. Haqim laissa ses invités rejoindre leur chambre.
- Bref, conclut Loren en refermant la porte, nous sommes à peine plus avancés qu’à Rangoon : on nous mène autant en bateau !

Le Ventrue se désespérait du peu de moyens mis à sa disposition. Avant son départ, il avait tenté de négocier avec le Préfet Jérémie et avec Sire Vircenko, le Primogène : rien n’y avait fait. Il n’avait pas eu le droit d’emmener un des policiers du Fléau. Il était sûr que Sergio ou Novembre seraient venus avec lui : ils avaient travaillé ensemble plusieurs fois et s’entendaient bien.
Mais rien ! Pas ça !... Juste de Valori, qui était supportable au quotidien mais qui n’avait strictement aucun appui politique ni logistique à offrir. Et le traître de service, Anatole ! C’était zéro ou tout comme !
Ce qu’il aurait fallu, songeait Loren, c’est une délégation en masse, une opération d’envergure, pour négocier pied à pied avec les Cathéens et les forcer à livrer Latréaumont.
Au lieu de cela, l’expédition ressemblait à une excursion touristique low-cost !
Imaginerait-on trois malheureux Cathéens, perdus dans Paris, obtenir quoi que ce soit de l’Elysium ? Évidemment non, surtout si l’un d’eux était un traître ! Donc, dans l’autre sens, il paraissait évident que les Orientaux devaient bien rire de ces deux fils de Caïn perdus dans un monde étranger et gigantesque, sans repaire, sans aide, sans appui… Ils pouvaient les balader pendant des siècles !
Loren se souvenait déjà que cela n’avait pas été une sinécure pour obtenir une audience auprès de la Porte Azurée, alors qu’il était pourtant responsable, au titre de bourgmestre des Tours, de cette ambassade !... Alors obtenir à l’étranger une entrevue avec un grand bodhisattva !

Graziella devinait les pensées du Ventrue ; elle lui dit :
- Appelons Paris. Signalons nos difficultés. Demandons des renforts !... S’ils veulent tant ce « Shrek », qu’ils s’en donnent les moyens. Le Prince ne peut pas refuser de vous aider : sinon pour vous, au moins pour son Elysium.
- Ce n’est pas si simple, Graziella. Vous savez bien qu’il est très mal vu chez nous d’aller en territoire Cathéen. Déjà, même si nous revenons avec la tête de Latréaumont, il faudra du temps pour nous faire accepter de nouveau. Nous serons marqués… Ne comptez pas briller dans les salons avec le récit de vos pérégrinations en Orient…
- Je n’ai pas envie de rester une « Jaune », à tous les sens du terme, pendant des siècles !

Loren soupira. Qu’y pouvait-il ?
Il comprenait bien pourquoi on l’avait envoyé sur cette mission : trop remuant, trop volontariste, il dérangeait le confort des Anciens de son clan. Il avait besoin d’un voyage pour calmer ses ardeurs et apprendre le sens de la hiérarchie. De plus, en tant que fidèle de la Régence, il était compromis politiquement.
- Pour ne rien arranger, dit Loren, nous ne savons pas où est Latréaumont. S’il est encore au pénitencier du Mandalay, il ne faut pas compter y retourner sans une armée derrière nous. Et s’il est ailleurs… autant chercher une aiguille dans une grange de foin !
Le Ventrue tournait en rond dans la pièce, en se frappant dans la paume de la main. S’il avait tenu en ce moment « Shrek » entre ses mains, il lui aurait infligé la dérouillée de sa vie !...


A suivre...Virus
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#12
Vampire 2006 - #8

On frappa à la porte de la chambre. Loren murmura que si c’était encore cet imbécile de Haqim… Il ouvrit et vit un Cathéen en treillis, au garde-à-vous. Celui-ci claqua des bottes et annonça en anglais que Lum-Khan désirait rencontrer ses invités.
- Parfait, sourit Loren. Le temps de nous faire beaux, et nous arrivons !
Il referma la porte.
Graziella alla se préparer dans la pièce d’à côté. Elle n’avait même pas emmené sa servante avec elle, donc elle devait s’habiller seule, comme une roturière ! Loren mit son meilleur costume puis les deux Caïnites suivirent le militaire. Sur le chemin, Graziella dit :
- Il me semble que je vous ai déjà à Paris, non ?
Le Cathéen se retourna et dit simplement :
- En effet, mademoiselle de Valori. Je faisais partie de la Porte Azurée.
C'était le nom du clan des Cathéens de Paris.

- Et vous vous appelez ?
- Tuang-Loc. Ce n’est qu’un nom de guerre, mais vous pouvez m’appeler comme ça.
Ils sortirent du palais et montèrent une butte où se dressait un vieux temple Khmer en ruines.
- Lum-Khan, expliqua Loc, a fait rebâtir ici, pierre par pierre, ce temple qui vient du Cambodge, région qu’il apprécie beaucoup. Il a souhaité lui conserver cet aspect de ruines, en souvenir. Il s’est inspiré d’un penseur de chez vous, Rousseau, pour ce goût des ruines.
Loren siffla d’admiration :
- Il est cultivé, dites-moi…
Malheureusement, Loren ne venait pas discuter littérature !
Tuang-Loc entra le premier, les mains dans le dos et mena les invités au centre du temple. Un rayon lunaire entrait par le toit brisé, éclairant un motif circulaire complexe, au centre duquel était assis en tailleurs un moine bouddhiste à l’aspect androgyne, sans un poil sur le corps. Il émanait de lui une aura attirante et inquiétante à la fois. Il n’était qu’à quelques pas mais semblait infiniment loin, présent dans un autre monde.
- N’approchez pas plus, dit Tuang Loc d’un geste de la main. Notre présence représente déjà pour Lum-Khan une souillure. De plus, ne lui parlez pas et évitez de le regarder dans les yeux. Ou bien il devra vous tuer pour se purifier de votre contact.

Loren rengorgea sa fierté, de Valori de même.
Graziella jura un jour de se venger d’une telle humiliation. Par exemple, le jour où son clan aurait enfin pris le pouvoir à Paris, elle édicterait une semblable obligation de se prosterner, concernant des clans comme, au hasard, les Nosferatu, les Toréador et les Tremere… et tous les autres clans en fait !Virus
C’est Lucinius, bien sûr, qui prendrait le premier :
- Non, monsieur le Sénéchal, veuillez vous taire, vos paroles vont me souiller !:ahah:
Valori baissait la tête et se forçait à ne pas sourire mais elle croisa le regard de Loren et faillit pouffer, car il était évident que le Ventrue avait pensé à la même chose !

Tuang-Loc les fusillait du regard. Il murmura :
- Lum-Khan entend tout ce que vous pensez ! Il aurait déjà dû vous tuer pour votre insolence !
C’était à se demander si Loc n’inventait pas, car les traits du « moine » n’avaient pas bougé. Pas un battement de cil, pas un frémissement des lèvres. Toutefois, jouant la prudence, nos deux héros reprirent leur sérieux.
Tuang-Loc murmura :
- Bien, que cela ne se reproduise plus… Sachez que Lum-Khan ne vous adressera pas la parole. Rien que pour avoir communiqué avec moi, il observera certainement un jeûne de plusieurs nuits.
- Dites-lui que nous voulons retrouver…
- Silence, murmura Loc, exaspéré. Personne ne peut rien vouloir face à Lum-Khan. On n’a qu’à obéir et voilà tout.
Loren n’était pas du genre à plier l’échine si facilement. Il releva la tête, foudroya le vieux moine du regard et avança. Terrorisé, Loc allait s’interposer :
- Arrêtez ! Arrêtez, malheureux que vous êtes !...



….


François Loren va-t-il défier Lum-Khan pour de bon ? Dans ce cas, allez au 3. Ou va-t-il reculer et se taire ? Dans ce cas, allez au 4.

Terreur
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#13
Perdre un de nos héros si jeune, si prometteur, quel dommage Guu



Virus
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#14
Je vais lui péter la gueule au bouddhiste éveillé moi. Je prends le 3biggrin
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#15
Vampire 2006 - #8


§3

Loren ignora l’avertissement donné par Tuang-Loc et marcha sur le cercle de sable coloré.
- Dans les affaires, j’aime bien discuter d’égal à égal, dit-il crânement.
Et si cela ne lui plaisait pas, au vieux moine, Loren était assez en forme pour le frapper si fort qu’il se réincarnerait en boiteux !
Loren n’avait pas fini de penser cela que Lum-Khan se leva et qu’à la place de sa tête apparurent trente têtes d’hydres furieuses qui se précipitèrent sur Loren et le mordirent d’un coup sur tout le corps. Le Ventrue n’eut même pas le temps de se débattre qu’il fut presque vidé de son sang, et rejeté en arrière, à l’état de loque.

Graziella, elle n’avait rien vu. C’était en fait une illusion créée seulement pour Loren. Ce que vit la Lasombra, c’est le Ventrue être rejeté en arrière par une force toute-puissante et tomber à terre évanoui. Elle n'avait pas vu Lum-Khan bouger.
Il restait que Loren était exsangue. Elle fit un mouvement pour se lever mais Loc le lui interdit.
- Votre compagnon n’est pas mort, murmura le Cathéen, mais il a perdu presque tout son sang. Lum-Khan peut l’absorber à distance, comme tous les sages de son rang. Votre ami a été châtié pour sa témérité. Lum-Khan dit qu’il sait reconnaître le courage, et qu’il vous en faudra pour retrouver le Fou, mais l'audace de votre ami est pour Lum-Khan une preuve de la décadence irréversible des fils de Caïn.
- Dites-lui que si notre présence l’indispose, fit Graziella, effrayée et agacée par Lum-Khan, nous partons sur l’heure à la recherche de Latréaumont. Qu’il nous indique où il est et demain, nous serons rentrés chez nous !
- J’allais vous l’indiquer, mademoiselle de Valori, car Lum-Khan parlera par ma voix -mais votre orgueil a failli tout compromettre.

Loren, de son côté, reprenait connaissance. Longtemps qu’il n’avait pas pris une dérouillée semblable !

Virus

Tuang-Loc fit signe qu’il fallait maintenant sortir du temple. Sur le chemin qui redescendait au palais, il expliqua les désirs du maître de l’Océanie :
- Lum-Khan veut que vous retrouviez le Fou, ce « Shrek » qui menaçait votre Elysium. Je vais partir avec vous : je vous servirai de guide car sans l’appui d’un de mes semblables, vous ne dureriez pas longtemps chez nous. Nous allons donc nous mettre en chasse. Pour commencer, nous prendrons contact avec nos amis de la Porte Azurée, à Hong-Kong. Et nous mettrons au point un plan de bataille.
- Une bataille ? dit Graziella. C’en est à ce point ?
- Oui. Sachez que Latréaumont s’est associé avec un dangereux groupe de fanatiques appelé la Fraternité Pourpre. Et il a enrôlé dans ses troupes votre ami très laid…
- Anatole n’est pas notre ami, corrigea Loren. Il ne l’a jamais été, et aujourd’hui, je dirais que c’est notre prochaine cible.
- Je comprends. La Porte Azurée porte une grande vénération à Lum-Khan. Ce sera votre chance avec eux, dit Tuang-Loc. La Fraternité Pourpre ne leur a pas pardonné d’avoir pris leur place à Paris.
- Nous ne sommes pas ici, dit Loren, pour participer à une guerre clanique. Notre seul but est de ramener le Malkavien.
- Vous ne pourrez pas attendre d’aide de notre part si vous n’y mettez pas du vôtre, François Loren. Il me semble que c’est la moindre des choses quand on vient demander un service à ses hôtes...
- Bien, bien. Nous ferons de notre mieux…
- Dernière condition : Lum-Khan exige de voir Latréaumont avant que vous ne le remmeniez.
- Je ne suis pas sûr de remmener Latréaumont à Paris, Tuang-Loc. Pas forcément en un seul morceau.
- C’est la condition que pose Lum-Khan. A prendre ou à laisser… Mais avec Lum-Khan, on ne peut se permettre de laisser.
- Donc si je comprends bien, nous vous aidons dans votre guerre, nous épargnons « Shrek » pour le moment, et en échange, nous repartirons sains et saufs ?
- Vous avez compris.
Loren consulta Graziella du regard. Celle-ci haussa les épaules : ils n’avaient pas le choix.
- Bon, nous acceptons, dit Loren.
- C’est parfait. Nous prendrons l’avion demain soir pour Hong-Kong.
Le Cathéen laissa les deux invités regagner leur chambre.
Et pour la troisième fois, Loren soupira qu’on les menait en bateau !

Virus

Le lendemain soir, Anatole et Latréaumont se réveillaient dans la cave d’un restaurant discret de la banlieue de Beijing. Pendant ce temps, Graziella et Loren volaient vers Hong-Kong.
La Lasombra, seule dans son coin du petit appareil, réfléchissait.
Elle était d’accord avec Loren pour dire qu’ils se faisaient mener en bateau. Mais Graziella estimait aussi qu’il était indigne pour une Lasombra d’être dans les pas d’un Ventrue. Elle oubliait de penser à son clan.
Bien sûr, elle était partie car elle n’avait pas le choix. Si elle désobéissait, Camille ne sortirait jamais de sa torpeur et Santi pourrait très bien se faire exécuter dans sa cellule. La Camarilla n’avait pas de raison de s’encombrer de traitres. Il y avait aussi aux portes de Paris des fidèles de Gratiano qui n’attendaient qu’une occasion de voir périr leurs cousins camaristes.
Seulement, ce n’était pas si simple. Graziella devait s’humilier à aider un Ventrue. Or, au départ, les ordres de Santi étaient de s’allier à Shrek et son réseau. Il n’était pas exclu d’y repenser, même maintenant. En somme, Anatole, tout traître qu’il était, restait fidèle au Shreknet. Il n’était peut-être pas trop tard pour inverser la situation et se servir de ce réseau pour faire plier les Ventrue parisiens.
Loren était seul en Asie. Il ne pourrait rien faire si Graziella parvenait à se concilier les faveurs de cette Fraternité Pourpre. Anatole ne devait pas les avoir rejoints par amour des Cathéens ; lui aussi pensait d’abord à Paris.
Se servir des Cathéens pour délivrer Santi et exclure les Ventrue de l’Elysium… Rallier Anatole...
Graziella mit cette idée dans un coin de sa tête.

A Hong-Kong, Anatole lui aussi retournait des plans dans sa tête. Il avait après lui Loren et Graziella, et il ne ferait pas bonne figure s’ils le retrouvaient. Mais il savait que Graziella était un paria, comme lui. Alors que Loren était somme toute protégé par le Prince de Paris. Le Nosferatu n’excluait pas de proposer une alliance à de Valori pour se débarrasser de l’encombrant Ventrue, et monter une revanche contre Paris.

Quant à Loren, il ne faisait confiance à personne. Pas à Anatole, sans doute, mais pas tellement à Graziella non plus. Elle était aussi coupable, sinon plus, que le Nosfératu. Pourquoi ménager les Lasombra parisiens et ne pas les livrer pour de bon à leurs cousins du Sabbat ? Ceux-ci pourraient en échange accepter de s’éloigner de la capitale, et cela apaiserait les tensions à Paris. Quant à Anatole, il avait rejoint Latréaumont, certes, mais il pouvait aussi bien changer d’avis au dernier moment et aider Loren à livrer le Malkavien à la Justice de Paris. Ce serait l’occasion de se concilier une partie des Nosfératu, qui seraient des alliés précieux. A mettre le pour et le contre dans la balance, Loren ne voyait pas pourquoi il aurait des regrets quant à Graziella : est-ce que celle-ci avait hésité un instant à aider la conspiration de Shrek tout en jouant la gentille dame de cour ?...
Non, la situation était trop grave pour qu’on fasse du sentiment. Avant peu, il y aurait des décisions tranchantes à prendre.

Virus

Ce soir-là, à Beijing, une petite vendeuse du nom de Min Yan terminait sa journée dans une boutique de bazar pour touristes. Elle avait passé presque dix heures à vendre des bibelots labélisés pour les prochains jeux olympiques, dans quelques mètres carrés encombrés du sol au plafond, avec en fond une musique techno abrutissante.
Elle s’apprêtait à retrouver des amis dans un de ces nouveaux bars à la mode du centre-ville.
Elle était sortie plus tard que d’habitude, alors, pressée, elle coupa par un quartier de petites ruelles où il ne faisait pas bon traîner le soir. Elle pressa le pas en passant devant des établissements douteux que la police ne surveillait que d’un œil. Elle voyait des touristes étrangers déjà bien ivres faire leur choix parmi les filles qui agitaient leur petit sac à main sur le seuil des hôtels.
Elle accéléra encore quand elle fut certaine d’être suivie. Elle regrettait déjà d’avoir coupé par là, et se rappelait les conseils de ses parents, et son attitude effrontée quand elle disait qu’ils étaient vieux jeux et qu’ils exagéraient. Au coin d’une rue, elle heurta un étranger, qui la regarda d’un air salace.
- Pardon, où tu vas, ma mignonne ?
Il parlait le mandarin presque sans accent. Dans son regard, une lueur démente. Elle se retourna et vit un être au visage blafard, difforme et voulut hurler ; mais le premier lui avait plaqué la main sur la bouche et l’autre l’attrapait et l’entraînait, morte de peur dans une ruelle.
- On va bien s’amuser ensemble…
Latréaumont lui déchira ses vêtements et la tint fermement pendant qu’Anatole commençait à la lacérer puis la mordait sauvagement à la gorge. Il absorba goulument et ne la laissa que quand elle fut sèche comme une brindille. Min Yan retomba au sol, inerte, et les deux compères partirent en ricanant à belles dents. Anatole s’en était repu comme une hyène.
- Celle-là était pour moi, grognait Anatole, mais la prochaine est pour toi !
Ils avaient décidé de se payer une virée d'enfer !
- Ils sont si nombreux ces Chinois, ricana Latréaumont, qu’une de plus ou de moins… En plus, ils n’aiment pas les filles dans ce pays ! Ils ne veulent que des garçons !
- Celle-là, on l’a laissée plus rayée qu’un tigre !
Anatole avait rentré ses griffes pleines du sang et des viscères de la petite vendeuse.
Ivres d’alcool et de sang, les deux Caïnites arrivèrent en titubant sur un boulevard noir de monde. On les bousculait sans ménagement et eux avançaient de travers, chantaient à tue-tête, avec ce sentiment d’être les maîtres du monde. Les gens les regardaient comme des malappris. Certains riaient.
Les deux Caïnites prirent le passage piéton et durent slalomer entre les voitures qui les klaxonnaient et ne s’arrêtaient qu’au dernier moment. L’un des conducteurs ne s’arrêta pas à temps, et Anatole passa sur le pare-brise. C’est à peine s’il s’en rendit compte sur le moment, dans l’état où il était. Il roula comme une barrique, abruti, et retomba bêtement sur le capot. Latréaumont, pris de fou rire, l’aida à redescendre, et quelques secondes plus tard, Anatole réalisait ce qui venait de lui arriver. Il était prêt à poursuivre le chauffard et à l’égorger devant tout le monde !
Le Malkavien le retint à temps et ils partirent dans des rues moins fréquentées.
- Tu es encore plus cinglé que moi, gros Lapin ! C’est le sang de la gamine qui te fait cet effet ?...
- Du sang, du sang, bavait Anatole, j’en veux encore…
- Viens, viens, on va aller t’en chercher…
Latréaumont venait de repérer un groupe d’étudiantes qui sortaient d’un bar.
- On a encore de quoi s’amuser, tu vas voir… La nuit ne fait que commencer…


A suivre...Virus
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#16
Vampire 2006 - #8

A quelques milliers de kilomètres de Beijing, Tuang-Loc et ses deux Caïnites sortaient de leur hôtel cantonais et se rendaient à une grande maison de thé.
- Vous verrez, dit le Cathéen, cet établissement est l’une des plus réputés de la ville.
A l’étage, c’était une grande pièce avec des dizaines de cages à oiseaux pendues au plafond. Avec les pépiements en bruit de fond, les clients dégustaient, agenouillés à trois ou quatre par table, leurs thés aux mille senteurs.
- Nos amis de la Porte Azurée se rendent ici chaque soir. Ils sont prévenus que nous serons là.
Ils s’assirent dans le fond de la salle, derrière une alcôve. Le serveur apporta, stoïque, une théière et des petits verres.
- Buvez sans crainte, dit Tuang-Loc, c’est du sang qu’ils ont « récolté » aujourd’hui même.
Le Cathéen trinqua avec ses deux invités après avoir prié les esprits de bénir cette théière.

Nos trois clients sirotèrent leur consommation en gardant un œil sur la salle. Il n’y avait que des humains, qui discutaient, qui jouaient au mah-jong, qui fumaient et lisaient le journal.
- Il faut que vos amis nous disent où sont Anatole et « Shrek », dit Loren. C’est la première chose à faire.
- N’ayez crainte, je pense qu’ils sont déjà au courant.
Les humains commençaient à quitter les lieux.
- N’ayez crainte, dit Loc, c’est normal. Bientôt, nous serons seuls ici.
- Ils leur disent quoi ? demanda Graziella, moqueuse. Que ce soir, c’est soirée privée ?...
- Vous savez, les gens d’ici se posent moins de questions que vous autres Occidentaux, qui voulez toujours tout savoir. C’est pourquoi nous autres avons moins besoin de nous cacher.
- Comment ça ? fit Loren. Vous voulez dire que les humains ici sont au courant de … ?
- Ils ne sont pas au courant véritablement, mais ils n’ont pas besoin, comme les humains de chez vous, d’être gardés dans une ignorance complète. Vous savez, le surnaturel est beaucoup mieux accepté ici que chez vous. Les croyances aux esprits, aux retours des morts… Ce sont des faits que les gens admettent. Les Orientaux savent que tout se mélange à tout : il y a un peu de yin dans le yang, et un peu de yang dans le yin…
- C’est bien joli, dit Loren, mais comment vous faites pour… ?
Il fut interrompu par un bruit de rafales qui venait du rez-de-chaussée. Des hurlements. Nouvelle rafale. Les humains s’enfuirent aussitôt par la porte de secours, les mains sur la tête –on aurait dit qu’ils étaient habitués. Seconde rafale, d’arme automatique !
Les trois immortels s’étaient levés :
- Ca aussi, c’est admis dans vos coutumes ? dit Graziella.

Virus

Cinq affreux en costumes, avec des têtes comme les yakuzas dans les films, grimpaient lentement les escaliers, des Uzis à la main. Tuang-Loc sortit un révolver de sa poche arrière et ouvrit le feu. L’un des Cathéens reçut deux balles dans la poitrine et recula, contrarié. Il heurta le mur, se redressa et reprit sa marche. Les autres continuaient à avancer, mécaniquement et mettaient en joue nos héros.
Loren eut juste le temps de bondir sur le côté derrière un canapé, et la bande ouvrit le feu : la rafale déchira tout sur son passage, dans un vacarme assourdissant. Les cinq tueurs tirèrent avec acharnement et ne s’arrêtèrent qu’une fois leur chargeur vide. Une épaisse fumée enveloppait le coin où nos héros avaient pris leur collation.
On entendit les chargeurs tomber sur le plancher, et les Cathéens rechargèrent. Ils rirent et l’un d’eux alluma une cigarette.

Celui qui fermait la marche entendit alors une marche d’escalier craquer : il vit juste une forme ectoplasmique noire bondir sur lui en sifflant et il reçu un coup de katana à travers la gorge. Les autres se retournèrent et ouvrir le feu sur leur camarade, étranglé dans la masse gluante et sombre. Des dizaines de balles transpercèrent son corps et la masse sombre bondit au plafond et disparut derrière une poutre.
Soudain, du plafond retomba Tuang-Loc, juste devant les tueurs, mais un Tuang-Loc métamorphosé : une gueule énorme pourvue de deux fois plus de dents qu’à l’ordinaire, des griffes géantes aux mains et des bras démesurément agrandis, avec la chair à vif, de même que le cou ! Comme un fauve, il se jeta sur ses ennemis et déchira littéralement le visage de deux d’entre eux, avant de prendre une rafale, qui l’envoya rouler au bas des escaliers. Il chuta en poussant un grondement effrayant : deux Cathéens lui renvoyèrent une rafale, pendant que le troisième encore debout surveillait la salle.

Loren ressortit de derrière son rideau et courut sur lui. Le Ventrue fut arrêté par une rafale, recula mais ne chuta pas. Il contracta sa poitrine et les balles tombèrent en tintant. Et il reprit sa course et sauta sur son adversaire : il lui asséna un coup de poing qui aurait assommé un buffle en pleine course, lui prit son arme des mains, le repoussa d’un coup de pied et lui tira dessus à bout portant. L’autre, secoué, s’effondra dans une mare de sang.
Les deux autres virent alors retomber sur eux la forme noire du plafond : Graziella reprit forme humaine dans sa chute et en éventra un d’un coup de katana, tandis que Loc, qui saignait des pieds à la tête, remontait d’un bond prodigieux l’escalier, se jetait sur le dernier et lui dévorait proprement la tête en poussant un cri de tyrannosaure !

Virus

Le silence était revenu. Au milieu de la fumée tombaient au ralenti des plumes d’oiseaux et d’oreiller. Quelques merles se remirent à pépier doucement, inconscient du carnage qui venait de se produire. Loc inspira et reprit forme humaine.
- Donc, nous disions, fit Loren, les coutumes de par chez vous…
- Filons d’ici, dit Loc.
- Oui, je crois que c’est mieux. Chez nous aussi, c’est ce qu’on ferait…
En partant, Loc jeta une liasse de billets sur le comptoir derrière lequel la patronne se cachait :
- Pour le dérangement…

Fatigués, nos trois héros se retrouvèrent sur les quais. Il bruinait. On entendait une sirène de paquebot meugler au loin.
- Mettons-nous en chasse, dit Loren.
Ils se dépêchèrent d’attraper quelques passants pour refaire leur force. En une demi-heure, ils avaient bu quelques « calices » de solides dockers.
Loc finissait de s’essuyer la bouche et dit :
- Ceux qui nous ont attaqués n’étaient que des humains… Seul l’un d’eux était un immortel comme nous.
- C’est vexant, fit Graziella. Ils nous prennent pour qui, ces malotrus ?
- Les Immortels d’Orient, dit Loc, ont tendance à penser que les fils de Caïn ne sont que des fillettes…
- Tiens donc, dit Loren… Et ils habitent où, ces gens de la Fraternité Pourpre ?... Qu’on aille leur montrer si on a du jus de chaussette dans les veines ? Ils m’ont bien échauffé avec leurs goules, je me sens en forme pour continuer ! Pas vous, Graziella ?
- Du calme, monsieur Loren, fit poliment Tuang-Loc.
- Du calme ?... Non, monsieur Loc, il n’y a pas de calme...
Loren remit sa cravate droite et pointa son doigt sous le menton de l’Asiatique :
- Je ne vais pas traverser l’Asie en long et en large en attendant qu’on veuille bien me dire où est le Caïnite que je cherche. Vous voulez que nous participions à votre guerre ? Très bien. Elle m’a l’air de commencer à merveille. Maintenant, je propose d’aller directement au quartier général de la Fraternité Pourpre, et de leur expliquer notre façon –très occidentale – de voir les choses.
Loren regarda le Cathéen droit dans les yeux. Ils voulaient des pleurs et des grincements de canines, ces Asiatiques, ils allaient en avoir leur dose !
- Graziella, vous en dites quoi ?
- Je suis d’accord. Ces gens nous ont offensés. Or, dans nos traditions, quand un affront est commis, il faut y répondre.
- Voilà, ça c’est parlé, dit Loren. Allons leur faire avaler leur yin avec leur yang, à ces frères pourpres, et rentrons à Paris.

Virus

Anatole et Latréaumont passèrent la nuit à écluser les bars. Ils vidèrent bouteilles après bouteilles ; ils titubèrent, vomirent, reburent, des heures durant. Alors que l’aube approchait, ils se retrouvèrent, ivres morts, à l’entrée d’un tunnel au-dessus duquel passait une autoroute.
Anatole n’avait pas les yeux en face des trous. Il vit à terre un groupe de cinq ou six humains, égorgés et mutilés.
Il se souvenait vaguement d’eux : ces imbéciles avaient essayé de braquer les deux étrangers. Latréaumont avait ri comme un damné, avant de vomir, et Anatole leur avait sauté dessus sans ménagement. Il se souvenait aussi de les avoir attachés, et de les avoir torturés l’un après l’autre… Ils rampaient, ils suppliaient, ils pleuraient… Lassés, le Nosferatu en avait fini avec eux, puis avait vidé une bouteille et il s’était endormi à même la route. Latréaumont, lui, dormait déjà.

- Tu as raté quelque chose, mon ami, dit le Lapin de Garenne.
Latréaumont hoquetait, vaseux :
- Oui, je vois cela… Tu aurais pu me réveiller…
- Tu ronflais comme un pochetron…
Ils partirent, appuyés l’un à l’autre et finirent de vomir par-dessus la rambarde d’un pont, sur une voie de chemin de fer.
Le Malkavien, qui tenait à peine debout, rit encore de bon cœur.
- Tu es un brave compagnon, Anatole… Sais-tu que nous pourrons faire de grandes choses ensemble !
- Comme tu dis, « Shrek »…
- Tu me flattes, mon lapin. Mais je ne suis pas Shrek… Tout du moins, Shrek, ce n’est pas que moi.
- Je n’y comprends rien…
- Shrek n’est pas un individu. C’est une force, une conscience collective… Vois-tu, nous autres Malkaviens sommes en permanence reliés les uns aux autres, comme par une ligne de téléphone… Mais Shrek n’est pas notre chef… C’est une voix qui s’est éveillée, une conscience qui nous parle… Shrek peut nous guider. Nous nous plongeons en lui pour savoir quoi faire. Nous puisons dans sa force, pour atteindre la Vérité… Car, le savais-tu, les Malkaviens ne paraissent fous que parce qu’ils sont plus proches de la vérité que les autres… Ce que nous cherchons, c’est à montrer aux autres comment le monde est vraiment, par delà le mur des apparences…
- Moi, la vérité, ce n’est pas mon problème, Nanard… Ce que je veux, c’est me venger de mon clan.
- Tu te trompes ! Tu dois leur montrer la vérité ! Eux se trompent : sur les fils de Caïn, sur la Bête, sur le sang… Ils ont faux de A à Z…
- Je ne suis pas Malkavien, Nanard. Shrek ne me parlera pas.
- Mais si ! Depuis que tu travailles pour moi, tu fais partie du réseau de Shrek. Tu as accès à la conscience du monde de l’au-delà… C’est Shrek qui nous guide. Il nous parle…
- Je ne suis pas sûr de comprendre… D’abord, tu es bourré comme un coing. Viens, on rentre…
Les deux Caïnites trouvèrent un tunnel désaffecté et s’enfoncèrent dans le noir. Ils se trouvèrent un coin à l’abri et se calèrent à leur aise.

Anatole s’inquiétait de l’état de santé de son compagnon. Si c’était vrai que ces Malkaviens pouvaient se parler, cela devenait dangereux. Latréaumont pouvait très bien préparer un sale coup dans le dos du Nosfératu. C’est là que ce dernier se demanda s’il n’était pas encore temps de se racheter auprès de Loren et Graziella en leur livrant le Malkav’ !


A suivre...Virus
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#17
C'est beau la solidarité des Vampiresmdr
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#18
Vampire 2006 - #8

Résumé : Pendant que Latréaumont et Anatole ensanglantent les nuits des mauvais quartiers de Beijing, Graziella, Loren et Tuang-Loc séjournent à Hong-Kong et cherchent à faire appel à la secte de la Porte Azurée...


Tuang-Loc amena les deux Caïnites dans le centre-ville, à un club de jazz, le Hard-Boiled.
- Nous avons des amis sûrs, ici…
Loren s’abstint de dire que s’ils étaient aussi sûrs qu’à la maison de thé… Graziella était prête à dire la même chose.:ahah:

Il n’y avait que quelques clients, assis au comptoir, pendant qu’un groupe répétait sur scène. Le clarinettiste arrêta de jouer, et se mit une aspirine effervescente dans un verre d’eau. Il fuma une cigarette en attendant.
- Je ne suis pas en forme pour jouer, mon vieux, dit-il au contrebassiste.
- Je te croyais pourtant plus dur à cuire que ça…
- Je te jure, ce soir, c’est mission impossible… J'ai trop mal. J'ai l'impression qu'on m'a tiré une balle dans la tête...
- On a réservé la salle ce soir, on ne peut pas faire volte-face comme ça. Surtout que toi, à la clarinette, tu es un tueur.

Tuang-Loc serra la main au barman, qui lui fit signe qu’ils pouvaient aller vers la porte du fond. Elle était matelassée. Derrière, sans surprise, une petite pièce sombre où cinq personnes jouaient au poker.
L’un d’eux, costume gris rayé de noir, une balafre en travers du visage, écrasa une cigarette après avoir recraché un épais nuage de fumée :
- Tiens, qui voilà ?...
- Nous revenons de la maison de thé. Vous n’y étiez pas, dit Loc. Par contre, les gens de la Fraternité ont failli nous y laisser.
Les cinq personnages s’arrêtèrent de jouer. L’un alluma une cigarette, l’autre se versa un whisky.
- On ne savait pas, désolé pour toi, mon vieux…
- Je vous avais prévenu, pourtant. Vous auriez dû me dire que vous étiez ici.
Manifestement, personne ne se réjouissait de voir Loc et les deux Européens dans le club.
- Ecoute, on ne savait pas. Mais puisque tu as le temps, joins-toi à la partie.
En retrait, Loren et Graziella ne comprenaient ce qui se disait mais devinaient la teneur de la conversation. Surtout la froideur des soi-disant « amis très sûrs »...
- Non merci. Par contre, je vais avoir besoin de vous maintenant. C’est Lum-Khan qui m’envoie…
Un autre joueur, en t-shirt rouge sans manche, gras, de vilaines moustaches, dit qu’il y avait bien longtemps qu’on n’avait pas eu de nouvelles du vieux sage.
- Lum-Khan est loin, ajouta le balafré.
- Il saura immédiatement si vous refusez de m’aider, dit Loc.
Les autres ricanèrent. L’un d’eux distribua les cartes et on fit un tour de table.
- Deux cartes…
- Une.
- Deux.
- Servi…
Nos deux héros se demandaient combien de temps ce manège allait durer.
- On ne va pas te retenir plus que ça, mon ami, dit le gras moustachu. Tu sais que tu peux compter sur nous dès que tu voudras…
- Mais pas ce soir ?
Ils haussèrent les épaules.
- J’ouvre à deux cents.
- Tes deux cents, et je relance de cinquante.
- Je suis. Deux-cents cinquante, et je remets cent…
- Trop gros pour moi, je me couche…
- J’ai l’impression, dit Loc, qu’il n’y a pas que toi qui te couches ce soir…
Les autres fixèrent le Cathéen :
- Répète un peu pour voir…
- Un Tigre-Diable n’a pas à se répéter, fit Tuang-Loc.
Les cinq se levèrent. Loren et Graziella s’approchèrent mais Loc leur fit signe de ne pas s’en mêler. Le petit gras pointa un révolver sous le menton de Tuang-Loc :
- Tu viens ici, dans notre club, nous faire la leçon, mon ami ?
- Je m’attendais à trouver des guerriers. Des gens prêts à se battre contre la Fraternité. Des gens de la Porte Azurée, en somme.
- Tu prétends savoir mieux que nous ce que c’est que d’être un guerrier ?
Les autres avaient la main sur le révolver de leur poche intérieure.
- J’irai chercher ailleurs la réponse, fit Tuang-Loc.
- Je crois que c’est mieux pour toi, en effet, mon frère…
Loc recula et fit signe à nos deux héros qu’on partait.
Il poussa un juron en ouvrant la porte. Dehors, il bruinait toujours. Plusieurs voitures passèrent en éclaboussant le trottoir. Nos deux héros ne dirent rien, pour laisser Loc digérer sa honte et sa déception.
- Allez, dit quand même le Ventrue, ça peut arriver à tout le monde de se faire lâcher par ses amis… Regardez, moi, j’en sais quelque chose…Spamafote
Graziella ne releva pas. Elle regardait ailleurs…
- Ce sont des mauviettes, dit Loc. Des fillettes…
- Comme quoi, il y en a aussi par chez vous.
- Jamais on ne m’a humilié à ce point.
- Pourquoi refusent-ils de venir ?
- Ils pensent sûrement que la Fraternité Pourpre est trop forte pour eux. Il n’est pas impossible qu’ils aient passé un accord avec eux en sous-main.
- Je croyais que la Porte Azurée était l’ennemi jurée de…
- Oui, dit Loc, gêné, mais face à des étrangers d’Europe, il n’y a plus de rivalités qui tiennent…
- Et la volonté de Lum-Khan alors ? Vous avez bien dit « Lum-Khan » à un moment…
- Oui, oui… Mais Lum-Khan est pour eux un sage dans les montagnes, quelqu’un de lointain…
Graziella n’osait pas croire ce qu’elle entendait. Elles étaient dans un bel état, les traditions d’obéissances et de piété envers les anciens ! Où étaient passés les principes de Confucius ?
Les voitures continuaient à passer, à un rythme monotone, dans la lumière mouillée.
- C’est incroyable, dit Loren. Si je comprends bien, la Porte et la Fraternité se sont liguées contre nous…
- Remarquez, toussota Graziella, unir des ennemis contre des étrangers, nous aussi à Paris, on saurait le faire...
De l’orage au loin. La pluie redoublait. Un camion de pompiers passa, suivi de plusieurs voitures de police.
Nos héros s’abritèrent sous un vieux porche traditionnel, incongru au milieu du décor contemporain.
- Si je comprends bien, dit Loren, je vais devoir prendre les choses en main…
Loc rougissait de honte et de colère : devoir se fier à un étranger !
- Ne vous inquiétez pas, dit le Ventrue, j’ai l’habitude. On en revient nécessairement là… C’est cyclique !…
Graziella, derrière Loren, hochait la tête, stupéfaite d’un tel orgueil. Loren élaborait déjà un plan. Il réfléchit une minute, puis dit :
- Voilà, je sais ce que nous allons faire. Où sont les bâtiments de la Fraternité ? Et ceux de la Porte ?
- Attendez… La Porte… Ils ont des bâtiments, voyons…
- Vous hésitez à me le dire, hein… Vous pensez encore que la Porte va nous aider…
- Écoutez, Loren…
- Écoutez, Loc… C’est à vous de choisir. Votre fidélité à la Porte Azurée, ou votre fidélité à Lum-Khan. Nous aider ou ne pas nous aider… Par contre, veuillez choisir rapidement, car je ne vais pas m’éterniser ici…
Tuang-Loc alluma une cigarette, mortifié.
Il regarda passer plusieurs voitures, comme hypnotisé par le bruit de leur passage et des éclaboussures.
- Très bien, Loren. Le quartier général de la Porte Azurée se trouve dans un monastère, à côté de Lhassa…
- Et la Fraternité ?
- Je sais qu’ils ont une base importante dans une île près de Singapour.
- Vous voulez aller les voir les deux ? dit Graziella. Nous n’avons pas fini de crapahuter ! Du Tibet à Singapour !
- On est là pour ça, non ?
Graziella haussa les épaules.
- Alors, pour commencer, dit Loren, vous allez me trouver un ordinateur portable, Loc. Figurez-vous que le mien a brûlé à Rangoon.
- Entendu…
- Ensuite, nous aviserons…
- Attendez, vous comptez vous attaquez à la Porte et à la Fraternité ? dit Loc.
- A l’un des deux seulement, si possible…
- Je préférerais la Fraternité.
- Entendu.
Graziella fit une petite tape sur l’épaule du Cathéen, de soutien et de condescendance à la fois : ce n’était quand même pas glorieux de se faire lâcher par ses amis…

Virus

Il ne fut pas difficile de repérer, dans un bar ouvert en permanence, un client qui tapotait sur son ordinateur. Loc s’assit à côté. Graziella passa en lui jetant un regard de femme fatale, qui prit aussitôt le consommateur sous hypnose. Il la suivit aux toilettes, pendant que Loc embarquait la machine. Graziella ressortit des toilettes, un filet de sang à la bouche, et ils retrouvèrent Loren, attablé au bar d’en face.
- Merveilleux, dit le Ventrue.
Il se mit à tapoter, pendant que ses deux alliés jetaient de temps en temps un regard par-dessus son épaule.
Loren entra sur le site du ministère français de la Défense, dans une zone réservée et obtint un réseau depuis un autre satellite. Il passait en connexion sécurisée, évitant ainsi la censure cantonaise. Puis, il entra dans les pages de la Marine et afficha une carte dynamique des positions des bâtiments français. Il zooma sur l’Asie du sud-est, et zooma encore sur la mer de Chine. Plusieurs descriptifs de navire apparurent. Il fit une recherche rapide, en fit défiler plusieurs et arrêta son choix.
- Voilà, c’est parfait, dit-il en français.
- Et oserait-on vous demander ce que vous comptez faire ? fit Graziella. Vous préparez un second Pearl Harbour ?
- Pas tout à fait. Juste une porte d’entrée dans Singapour. Mais s'il fallait...
- Vous claquez des doigts, et la Marine française va accourir, pavillon claquant au vent, pour vous servir ?
- Ne me sous-estimez pas, dit solennellement Loren.
Tuang-Loc ne comprenait pas le français. Il regardait ailleurs, vexé.
- En deux mots, que comptez-vous faire ? dit Graziella.
- Me ménager une porte d’entrée chez la Fraternité. Mais comme ces croiseurs ne sont pas à ma disposition dès que je claque des doigts, cela nous laisse le temps d’aller jusqu’à Lhassa.
- Je pensais que vous vouliez ménager la Porte Azurée ?
- Je n’ai pas dit que nous allions brûler leur monastère ! J’aurai juste besoin d’un minimum de soutien logistique de leur part.
- Nous pourrions les contacter d’ici. Vous avez l’air de vous servir si bien d’Internet.
- Non, non. Je veux traiter avec eux de vive voix. On va leur montrer qui on est. Loc, dit-il en anglais, vous êtes toujours avec nous ?
Loc, hautain, répondit que oui.
- Bien, alors nous allons avoir besoin de trois billets pour Lhassa !
- Pour le Tibet ? s’écria Loc.
- Quoi, fit innocemment Loren, il y aurait des difficultés pour aller là-bas ?...
Et en voyant la mine contrariée du Cathéen, Graziella se retint d’éclater de rire.



A suivre...Virus
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#19
Vampire 2006 - #8

Résumé : François Loren, Graziella de Valori et Anatole "Lapin de Garenne" sont en Asie pour retrouver le terroriste Bernard de Latréaumont, alias Shrek. Ce dernier a réussi à "retourner" Anatole, qui veut se venger de Paris. A eux deux, ils ensanglantent les nuits des mauvais quartiers de Beijing. Dans leur projet de vengeance, ils peuvent compter sur le soutien de la Fraternité Pourpre, une triade de Cathéens qui cherche à prendre le pouvoir sur l'Europe.

De leur côté, Loren et Graziella ont trouvé un allié en la personne de Tuang-Loc, membre de la Porte Azurée, triade qui a une délégation officielle et pacifique à Paris. Tous trois se rendent à Lhassa, quartier général de la Porte Azurée, pour s'assurer de leur aide contre la Fraternité Pourpre...


Virus

Graziella et Tuang-Loc s'étaient assis dans une minuscule épicerie qui avait deux tables pour les clients. Il y avait quelques légumes sur des rayonnages en bois, des boîtes de conserve dépareillées, quelques cartons de Coca-Cola. Ils étaient au pied du Potala, le monumental bâtiment qui avait abrité pendant des siècles les dalaï-lama. A la nuit tombée, les montagnes immenses disparaissaient presque mais on devinait encore leur présence démesurée.
Deux gamins jouaient dans la rue avec un ballon de foot. L'un d'eux avait un maillot brésilien.
- François Loren est fou d'aller voir directement la Porte Azurée, dit Loc. Et moi, j'ai eu tort d'indiquer à un étranger le quartier général.
- Loren l'aurait trouvé, même sans vous. Et faites-lui confiance, il a un culot d'acier trempé, il est capable d'obtenir ce qu'il veut. Sa détermination fait des miracles, parfois, je suis bien forcée de l'admettre.
- Son attitude va fortement déplaire aux Frères Supérieurs, mademoiselle. Ils ne vont pas supporter son attitude d'Ociddental vulgaire.
- Il va leur dire qu'il vient au nom de Lum-Khan, dit Graziella. Vos Frères Supérieurs ne pourront pas refuser la guerre contre la Fraternité Pourpre.
Les mères rentraient les deux garçons. Tuang-Loc reprit un verre. Il buvait du Panshen-Cola, la déclinaison locale de la boisson du vieux John Pemberton.
- Vous en voulez ?
- Non merci, dit Graziella, sans façon.
- Vous avez tort, c'est une boisson qui a un petit arrière-goût de réincarnation.
- Vous faites de l'humour maintenant ?... La réincarnation, très peu pour moi.
- Vous préférez l'immortalité ?
- Au moins, je sais ce que je fais de mon corps. Tandis qu'avec vos réincarnations, on peut se retrouver dans la peau d'un paysan du Mékong, merci bien...
Tuang-Loc ouvrit sa canette. La petite vieille derrière son comptoir en bois fit signe qu'elle fermait. Graziella se leva. Si on lui avait dit que...
Est-ce qu'elle allait raconter à Clémentine la Brujah qu'elle avait bu un verre dans une épicerie minuscule au pied du Potala !

Elle attendit Loc au bout de la rue. La petite vieille fermait boutique.
Ils marchèrent dans les rues en pente, retournèrent à l'hôtel après avoir bu le sang de deux agents de police.
Ils attendirent jusqu'à l'aube. Ils crurent que Loren allait passer la journée au palais. Ou qu'il avait déjà été saigné à mort pour son insolence.
Non, il arriva, frais et gaillard, peu avant l'aube.
- C'est signé, dit-il, avec l'air triomphant du patron qui vient d'obtenir un marché dans toute l'Asie.
- Vous avez signé quoi exactement ? dit Graziella, qui craignait d'être associée à ce contrat.
- La guerre contre la Fraternité Pourpre !
- En échange de quoi ?
- Davantage de permis de séjour pour eux à Paris.
- C'est malin, dit la Lasombra : nous allons être envahis de Cathéens.
- Ces gens de la Porte Azurée ont tout à fait le sens des affaires, j'apprécie cela.
- Comment leur avez-vous "vendu" votre guerre ?
- Comme je vendrais n'importe quoi : avec conviction !
Graziella soupirait.
- Vous, en tant que Vénitienne, vous devriez savoir le prix d'une négociation bien menée. Plusieurs familles de votre belle Cité vivent encore sur des tractations faites à la Renaissance !
- Vous avez pris une lourde responsabilité, dit Tuang-Loc.
- Je suis chargé d'une mission : trouver Shrek. Si cela doit passer par une guerre entre Cathéens, ce n'est pas mon problème, surtout si ça se passe chez eux !
- Et quel rôle allons-nous jouer dans cette guerre ? dit Graziella.
- Nous les accompagnerons à Singapour : le QG de la Fraternité Pourpre est sur une île. Pulau quelque chose. Elles s'appellent toutes Pulau ces îles...
- Où sont Shrek ?
- D'après nos amis, dit Loren, il est à Beijing. On l'y a vu avec Anatole.
- D'une pierre deux coups, dit Tuang-Loc. Détruisons ces deux misérables.
- Bien d'accord avec vous, dit Loren.
- A Hong-Kong, dit Graziella, vous aviez pris des renseignements sur la flotte française.
- C'est exact. Ils ont un SNLE qui croise au large de Singapour.
- Un quoi ?
- Un sous-marin lanceur d'engins, Graziella.
- Attendez, vous voulez dire des engins nucléaires ?
- Rassurez-vous, nous n'allons pas atomiser le QG de la Fraternité.
- Je vous crois capable de donner l'ordre.
- Bien sûr, mais là, ce serait déplacé. Il faut penser à la Mascarade tout de même !
Que répondre à cela ?
- Donc nous partons pour Beijing ? dit Tuang-Loc.
- Et comment donc !

La Porte Azurée s'occupa du départ de nos trois héros. Ils partirent dans un wagon de marchandise d'un train qui allait traverser toutes les montagnes jaunes. Quatre jours plus tard, après avoir changé trois fois de train, ils étaient à Chengdu, d'où ils prirent un vol pour la capitale.
- Ici, ce n'est pas comme en Birmanie, expliqua Loren. Nous ne sommes pas "YOYO", comme disent les Américains.
Graziella détestait ces expressions Américaines qui envahissaient le langage.
- Quelle est encore cette histoire de yo-yo ?
- Ah, décidément, il faut vous adapter au monde moderne, ma chère. "YOYO" veut dire "you're on your own". Je voulais dire qu'à Beijing, nous avons une ambassade de la Camarilla.
- Qui peut bien être envoyé chez les Cathéens ?
- Nous, par exemple. Et à l'ambassade, c'est la Famille qui s'occupe de tout.
- Votre famille ?
Encore des Ventrues !
- Qui d'autre pourrait gérer une ambassade en Chine, voyons ? Vous croyez que les Toréadors en seraient capables ? Les Cathéens, la poésie et l'art lyrique, ça leur va deux minutes, mais après, ils veulent des gens fiables avec qui traiter.
Loren contacta l'ambassade. Il fallut aller à la soirée de sa Seigneurie Claude Garmand, ambassadeur de l'Elysium français près la Porte Azurée.
- Où se trouve l'ambassade ?
- Dans les sous-sols d'un Sheraton.
Graziella trouva cela vulgaire, comme tout ce qui touchait aux Ventrues. Encore un de ces massifs hôtels pour hommes d'affaires. C'était en effet propre, très grand, luxueux et sans charme.
Sieur Garmand attendait ses invités dans le grand restaurant du cinquième étage. Il salua Loren comme il se devait, se montra trop poli avec Graziella et distant avec Tuang-Loc.
C'est Loren qui fit la conversation. Il raconta une histoire à dormir debout à l'ambassadeur et à ses invités Cathéens. Tout le monde souriait, demandait des anecdotes sur Paris. On était charmé par ces visiteurs venus de loin. On termina la soirée dans la salle de réception du trente-deuxième, avec une terrasse panoramique.
- Ah, quelle ville fascinante, répétait l'ambassadeur.
Même pas un petit Toréador pour se divertir, songea Graziella. Au moins, ces gens ont de la conversation. Tandis qu'un Ventrue, sorti du business... Loren et Garmand parlaient, entre gens d'importance. Tuang-Loc parlait dans un coin de la terrasse avec un autre membre de la Porte. Graziella fut heureusement abordée par un groupe de cinq femmes, très semblables (des quintuplées ?), très fines, habillées de minces robes vertes moulantes.
- Parlez-nous de Paris...
Elle leur parla de la capitale. On dévia sur Venise.
- Nous adorons Venise...
Elles avaient les ongles violet, du fond de teint, des escarpins aux talons aiguilles. De vraies vamp', aussi sulfureuses que vulgaires.
- Nous aimerions tant visiter Paris...

Graziella fut contente quand la soirée se termina :
- Vous avez raconté un conte de fées quand on vous a demandé ce que nous faisions à Pékin, dit-elle à Loren, et personne ne vous a cru.
- Bien sûr que non, dit Loren, mais ça fait partie du jeu. Vous devriez le savoir. Sieur Garmand sait très bien qui nous sommes, et je suis sûr que les Cathéens aussi. Mais il faut préserver les apparences.
- Vont-ils nous aider à trouver Anatole et Latréaumont ?
- Les trouver n'est pas le problème, tout le monde sait où ils sont : dans les quartiers appartenant à la Fraternité Pourpre, ce qui représente une petite zone de la capitale. Le problème, c'est d'y entrer.
- Je peux y aller, dit Graziella. Je suis impatiente d'en finir.
- Mais c'est prévu, figurez-vous. Vous irez avec les cinq créatures qui vous ont fait la conversation.
- Parfait, nous allons régler ça entre femmes. Shrek et Anatole vont le sentir passer. Cela va être délicieux.
- Je vous envierai presque de pouvoir dépecer Anatole, mais enfin, je ne peux pas tout faire : gérer la logisitique et aller sur le terrain.
- Vous êtes débordé, dit Graziella, et moi, je suis impatiente d'arracher les yeux du Lapin de Garenne.
- Voilà de vilaines pensées contre un allié de votre clan.
- Il a trahi tout le monde.
- Oui, il est pire que Sire Santi, ce n'est pas peu dire !
Graziella n'écouta pas ces perfidies. Elle partit dans sa chambre. La Bête en elle avait déjà des feulements de joie à l'idée du sang versé !


Virus

Sire Garmand invita le lendemain nos héros dans l'ambassade. Ils devaient y rencontrer les membres de la Porte Azurée.
- Voilà ce qui va se passer, dit Loren dans la limousine qui les conduisait au Sheraton, moi je vais rester discuter de Lum Khan, de la sagesse et des moyens de bomber l'île de la Fraternité. Pendant ce temps, vous Graziella, vous irez passer la nuit avec les cinq soeurs...
- Pourquoi ? Vous m'envoyez faire du shopping ?
- En quelque sorte. En fait, c'est une tradition, si j'ai bien compris. Ces cinq soeurs vont vous "initier". Ne me demandez pas en quoi ça consiste. Vous devrez procéder à un rituel pour devenir leur soeur de sang, car vous allez combattre ensemble.
- Attendez, de quelle nature est ce rituel ? Je n'ai pas envie de boire de leur sang, hein !
- Nous n'avons pas le choix. Il est bien possible que moi aussi je doive boire une coupe de leur sang. C'est comme ça : nous leur demandons un service.
"Donc vous verrez de quoi il s'agit. Ce que je sais, c'est que vous devrez passer du temps ensemble avant, pour apprendre à vous connaître.
- Du temps ensemble ?
- Si elles vous emmènent au lit, pensez à poser une caméra, vous vendrez ça très cher aux Toréadors parisiens...
- Qu'elles essaient seulement de me toucher...
- Je compte sur vous pour être conciliante. Il faut être très conciliant avec ces gens...

Graziella était positivement ravie !
Les cinq soeurs attendaient sur les marches de l'hôtel, avec leurs airs de femmes fatales d'opérettes. Elles prirent aussitôt Graziella par le bras et l'emmenèrent dans une limousine blanche.
- Votre amie est entre de bonnes mains, dit Sire Garmand en serrant la main de Loren.
- J'en suis certain.
Alors que la limousine démarrait, Tuang-Loc arrivait à moto et commençait la filature. C'est Loren qui lui avait demandé de veiller sur Graziella.
- On ne sait quand même pas de quoi sont capables ces cinq femmes...

La Lasombra fut contente de l'accueil : la limousine était spacieuse. On lui servit du champagne. Il y avait plusieurs jeunes gens, extasiés, qui attendaient qu'on leur pompe le sang à la gorge.
- Tiens, déguste...
Elles parlaient un peu anglais.
Graziella but. La limousine tournait sur les grandes avenues de la capitale inondées de lumière. On évoluait entre des immeubles de grandes marques de luxe français. Elles descendirent devant une galerie commerciale pleine de boutiques de parfums et de meubles. C'était clinquant, nouveau riche au possible. Un summum de vulgarité, des vitrines avec des sièges aux pots de panthère. Tout puait le mauvais goût goût crasse de l'arriviste. Graziella, la mort dans l'âme, fit semblant de trouver cela ravissant. Les lampadaires d'intérieurs en forme de palmiers cuivrés, les mini-bar en argenté réhaussé de fourrure rose... Graziella en aurait saigné des yeux.
Il fallait entrer dans des cafés branchés, avec une ambiance clubbing pour les fils de la nouvelle bourgeoisie. Il fallait boire des cocktails fluos, faire comme si on s'amusait... Graziella préférait encore la jungle, poursuivie par les paramilitaires du Sabbat !
La virée nocturne continuait : un coup de limousine, et on arrivait dans une sorte de supermarchés à boîtes de nuits. Il y en avait une dizaine de différentes sur quatre petites rues. Les cinq soeurs entraient comme elles voulaient dans l'une ou l'autre, dansaient cinq minutes et repartaient. Et le pire était à venir : le karaoké !
Des minettes de même pas seize ans se déhanchaient sur des chansons niaises, avec des clips parfaitement kitschs. Graziella aurait pu trouver cela vaguement amusant, si elle n'avait pas dû y participer. Elle allait monter sur scène avec les cinq autres, quand un téléphone sonna dans sa poche.
Miracle, elle était sauvée !
- Dépêche-toi, on t'attend ! dit une des soeurs.
Graziella sortit dans la ruelle.
Elle sortit le portable, qu'elle ne connaissait pas. Elle regarda autour d'elle.
Inutile de chercher qui avait pu lui glisser ça dans la poche. Elle avait été au coude à coude avec des centaines de personnes depuis le début de la soirée.
Le téléphone sonnait toujours :
- Allô ?
Elle entendit un ricanement.
- Allô, ma jolie ! Tu t'éclates bien !
- Anatole...
Elle frissonna de peur et de rage.
- Pas mal les cinq petites pouffiasses ! Tu les as ramassées où ?
- Vous leur demanderez quand vous les trouverez en face de vous...
- Ah c'est ces salopes qui vont venir m'arracher les yeux ?
- Pas que les yeux...
- Ah, tu me fais trop rire, ma pauvre Graziella... Je parlais encore de toi avec Nanard, on rigolait !
- Où êtes-vous ? Finissons-en, Anatole...
- En ce moment, je suis avec mes potes de la Fraternité Pourpre... On rigole avec des étudiants en commerce. Peut-être qu'on leur prendra un peu de sang, peut-être qu'on va les écarteler dans notre cave... Ça dépendra de notre humeur...
- Vous m'appeliez juste pour me dire ça ?
- Pas seulement ! Je te proposais de te joindre à nous !
- Laissons les Cathéens hors de cela, Anatole. Réglons ça, vous et moi... Vous avez trahi mon clan...
- J'ai rien trahi du tout, poupée ! Je sais juste comment ça marche, et j'ai compris qu'il faut surtout ne pas se trahir soi... Or, tu vois, ça me fait de la peine de te voir jouer les suceuses devant Loren. Qu'en penserait Sire Santi ?
- Il penserait que vous méritez la mort pour nous avoir trahis.
- Ohoh, mais arrête ton char ! Si on veut, avec les copains, on vous retrouve, les cinq pouffiasses et toi, et on passe la soirée à jouer avec vous...
- Vous n'avez qu'à venir.
- La Fraternité est puissante ici. Elle prendra bientôt le contrôle de Beijing. Il est temps pour toi de faire un choix, ma jolie. De savoir si tu veux jouer la domestique pour les Ventrues, ou si tu veux aller au bout de ton désir de chasser les Ventrues de Paris. Et nous, on peut t'y aider.
"Latréaumont, il te connaît. Il a de grands projets pour toi. C'est un type visionnaire...
- S'il était visionnaire, Anatole, il ne se serait pas associé avec un traître comme vous.
- C'est un mec bien, mais ça, les petites prétentieuses comme toi ne peuvent pas le comprendre.
- Je méprise Loren mais lui au moins ne varie pas dans ses convictions. Mais vous, Anatole, vous êtes répugnant.
- Tu ne seras jamais que la sale petite putain des Ventrues.
- Vous ne savez pas le sort que vous réserve les Cathéens. Pour le moment, ils s'amusent avec vous et Latréaumont. Vous les divertissez. Le jour où ils seront lassés, là vous le sentirez passer...
- Ils ont trop de respect pour Latréaumont pour ça... Tu ne sais pas ce que c'est... Les Cathéens ont vu en lui un type visionnaire.
- Alors il sait déjà laquelle des cinq soeurs ou de moi vous portera le coup fatal.

Graziella raccrocha et jeta le portable dans une poubelle. Elle allait rentrer, pour faire son tour de karaoké, quand elle vit Anatole surgir du coin de la rue ! Il était entouré de cinq Cathéens balafrés.
- Je n'aime pas trop ta façon de me parler !
Graziella recula. Soudain, elle sentit un Cathéen l'assaillir par derrière. Anatole sortit une épée de sous son manteau et lui enfonça dans le coeur. Graziella sentit ses jambes se dérober.
On enfourna la Lasombra dans une Mercedes garée au bout de la ruelle. Anatole s'assit à côté d'elle, et décrocha son téléphone :
- Voilà, mon Nanard, on la tient !... Oui, on va bien rigoler !


A suivre...Virus
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#20
Hahaha ce up from the deadbiggrin

bravo

Tss décidement Cathay n'est pas un endroit convenable pour une élégante aristocrate italienne
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