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11e Episode : Tengoku to Jigoku
#1
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE



Sanglier 396



La Cité des Mensonges, capitale des Scorpions, il y a six ans...



[Image: Samurai_by_BrennenGeist.gif]



- Ce n'est qu'une pauvre folle, dont l'esprit lui a été ravi le jour où elle a tué son mari...

Les deux Shosuro et les trois Bayushi avaient franchi le portail sacré du grand asile de la Cité, et l'un d'eux avait remis négligemment une bourse à la gardienne du pavillon. Un des Shosuro enlevait ses gants et regardait par l'ouverture grillagée l'une des cellules. A l'intérieur, une vilaine fille était agitée de tremblements nerveux permanents. Il ouvrit la porte de la cellule, très content et la referma derrière lui.
La gardienne baissait la tête.
- Je supplie vos seigneurs de ne pas vous attarder. Le père supérieur va bientôt revenir.
- Ne t'inquiète donc pas, petite sœur, nous avons du temps devant nous.
- Que se passerait-il, s'il vous trouvait ici ?
- Il ne nous arriverait rien, répondit avec arrogance un Bayushi, et tu le sais aussi bien que nous ; toi par contre, tu aurais bien des ennuis si on découvrait le joli commerce auquel tu te livres.
- Allons, dit un Shosuro, voici un petit supplément pour te faire patienter.
Il tira une bourse de sa manche et la jeta à terre. La gardienne la ramassa en vitesse et la fit disparaître dans sa manche.
Le Bayushi appuya sa semelle sur sa main, l'empêchant de se relever :
- Nous prendrons les mêmes cellules que d'habitude.
Dans la première cellule, ils entendirent le Shosuro ricaner et gifler la folle.
La gardienne ouvrit les autres portes, où d'autres filles vêtues de haillon attendaient, le regard dans le vide.
L'autre Shosuro avisa la cellule du fond :
- Il n'y avait personne auparavant, là-bas...
Effrayée, la gardienne dit que ce n'était pas possible. Elle était toujours à genoux. Des larmes lui montèrent aux yeux.
- Pas possible ? Tu oublies que pour nous, rien n'est impossible, rien n'est interdit, petite sœur...
- Non, non, pas elle...
Excité, le Shosuro lui ordonna d'ouvrir cette cellule du fond.
- Bayushi Kokamoru, viens avec moi voir cette égarée que l'on voudrait nous cacher.
Les deux Scorpions prirent les clefs à la gardienne et ouvrirent la porte. Les trois autres s'occupaient déjà de leurs filles, et des gémissements plaintifs se faisaient entendre, mêlés à des halètements brutaux.
La gardienne pleurait abondamment.
- Comment, comment pouvez-vous transformer un asile, un lieu sacré...
- En bordel ? susurra le Shosuro.
Il s'approcha d'elle et lui prit le menton :
- Mais pourquoi ne prendrions pas un peu de plaisir avec ces folles qui ont perdu l'esprit, et pourquoi un bordel serait-il plus ignoble que ce pavillon ?
Il lui serrait l'avant-bras.
- Réponds !
- Pitié !
- Réponds, ou je te brise le poignet !
- Oui, c'est vrai, vous avez raison...
Il la relâcha et lui dit de ne plus parler sans y être autorisée, puis il rentra dans la cellule du fond avec le dénommé Bayushi Kokamoru.

[Image: Samurai_by_BrennenGeist.gif]

C'était une cellule plus petite que les autres, plus sombre. Une femme y était attachée à son lit par des fers. Elle était assise à la fenêtre et considérait, hébétée, le mur devant elle.
- Comment se nomme-t-elle ?
- Je l'ignore, seigneurs... Je sais juste qu'elle est dangereuse, comme une louve...
- Comme une louve ? Tu éveilles encore plus mes appétits, dis-moi...
Elle avait un ventre bien rond, un filet de bave aux bords des lèvres. Le Shosuro s'approcha d'elle et caressa ses cheveux.
- Pourquoi est-elle ici ?
- Ce n'est qu'une pauvre folle, murmura la gardienne, dont l'esprit lui a été ravi le jour où elle a tué son mari...
- Elle doit avoir du caractère...
Le Shosuro lui caressait les cheveux et descendait lentement ses doigts sur son cou.
- Arrêtez, monseigneur, elle peut être dangereuse...
- Fais sortir cette gêneuse, veux-tu, Kokamoru...
- Oui, seigneur...

Le Bayushi poussa gentiment la gardienne dehors. Celle-ci hoquetait de pleurs. Le Shosuro caressait maintenant les épaules de la fille et les dénudaient lentement. Puis il découvrit un sein et le contempla. Le Bayushi refermait la porte de la cellule.
Le Shosuro tâta le ventre de la fille :
- Cette petite pouliche est déjà enceinte de plusieurs mois... Pas de quoi m'arrêter, au contraire, hein ma mignonne...
La folle cligna des yeux et regarda fixement le Shosuro.
- Mon bébé, mon bébé, dit-elle, très triste...
Bayushi Kokamoru restait au fond de la pièce, immobile.
- Viens donc, mon ami, approche. Quand il y en a pour un, il y en a pour deux...
- Elle est proche d'accoucher, monseigneur...
- Et puis ? C'est un plaisir rare que nous envoie les dieux. Faut-il donc que naisse l'enfant d'une meurtrière ?
La gardienne frappait à la porte, à genoux, et suppliait les Scorpions de partir.
Le Shosuro tira un couteau de sa manche et en fit jaillir la lame sous le nez de la folle.
- Nous allons nous amuser un peu tous les deux...
Kokamoru détourna le regard avec une moue de dégoût. Il entendit la lame déchirer lentement les habits de la fille. Il osa jeter un œil et vit le regard de la folle qui s'était soudain embrasé.
- Mon bébé...
- Seigneur, attention ! cria Kokamoru.
Trop tard : la folle avait mordu !
Elle avait bondi comme une louve qui défend ses petits. Le Shosuro recula en hurlant, les mains sur le visage ; il se cogna au mur et trébucha.
Les autres Scorpions accoururent en remettant maladroitement leurs kimonos. Le Shosuro se tordait de douleur par terre. La folle resta immobile puis recracha des bouts de nez par terre.
Le Shosuro gémissait comme une petite fille.
- Mon nez !
Un des Bayushi éclata de rire :
- Tu auras un profil bien droit, mon ami !... Décidément, quel imbécile tu fais !... Te voilà bien payé pour tes envies de luxure toujours plus perverses !
Il avait le visage recouvert de sang, et essayait de rassembler les morceaux de cartilage tombés à ses pieds. Un filet de sang coulait de la bouche de la folle.
- Misère, misère ! Que va-t-il advenir de moi !
- Sur ce coup-là, dit l'autre Shosuro, tu n'as pas eu le nez creux !
Et les autres de rire !
Le premier Bayushi s'avança :
- Ce qui arrive à notre ami Shosuro est certes malheureux, mais néanmoins...
Il ne finit pas sa phrase. Les autres attendaient...
- Néanmoins... Hum ?... Néanmoins... Nez - en - moins...
- Ha oui, très bon !...
Les autres riaient ; ils aidèrent le Shosuro à se relever. A ce moment, la folle se mit à gémir. Du sang lui coulait abondamment entre les cuisses.

- Malédiction, dit la gardienne, elle perd les eaux !
- C'est répugnant !
Les Scorpions se plaquèrent un mouchoir sur le nez et dirent qu'ils partaient de ces lieux répugnants.

La gardienne détacha la fille et la coucha sur le lit, puis elle partit en courant chercher une bassine et ses deux assistantes. Les sages-femmes revinrent juste à temps pour aider l'enfant à naître. La mère haletait, enragée, gémissait, hurlait, et quand ce fut fini, elle prit son petit dans ses bras, et pleura.
- C'est une fille, dit la gardienne.

La maman, apaisée, douce et angélique, respirait lentement. Elle s'endormit peu après.
Les femmes prirent le petit : elle le vêtirent et l'une d'elle apporta du lait.
- Pauvre petite malheureuse...
Le bébé but goûlement. Dans les jours qui suivirent, il grossit et rosit.
- Nos vaches ne produiront bientôt plus assez pour le sustenter, cette grosse gourmande !
La mère retrouvait aussi des forces. Elle faisait gouzi-gouzi avec son petit ; elle ne parlait pas mais elle le câlinait tant qu'elle pouvait et elle avait confiance en ces femmes.

[Image: Samurai_by_BrennenGeist.gif]

La gardienne avait caché cette naissance au père supérieur, qui finit pourtant par l'apprendre.
- Ma sœur, dit-il sévèrement, notre asile n'est pas un endroit pour un enfant. Sa mère n'a plus sa tête. De plus, c'est une meurtrière. Voulons-nous vraiment que la petite soit élevée par une telle créature ? Non, certainement pas. Par compassion pour l'enfant, nous devons l'envoyer ailleurs. Je connais un couvent où elle sera veillée par des sœurs admirables de dévouement.
La gardienne pleura et supplia. Rien n'y fit. Comme les Scorpions ne venaient plus en payant grassement, les finances de l'asile n'étaient pas au mieux ; le père supérieur ne s'expliquait pas ce trou dans le budget mais il comprenait que la petite était une bouche en trop à nourrir.

Alors que l'hiver approchait, épais et pesant, deux rudes paysans se présentèrent à la porte de l'asile, avec une lettre au sceau du monastère.
- C'est bien, dit le père supérieur à la gardienne, mes bonnes amies acceptent d'accueillir notre petite. Ce sera le paradis là-bas pour elle. Elle échappera à cette mère monstrueuse et deviendra, j'en suis certain, une vraie sainte.
- Que les dieux vous entendent, pleura la gardienne.
Alors que sa maman dormait, elle prit la petite qui jouait par terre, la berça et l'habilla ; elle la considérait presque comme sa petite fille. Elle la serra contre elle et la petite gazouilla gaiement. Elle l'emmena et la confia, la mort dans l'âme, aux deux vilains rustres aux mains poilues.
- Prenez soin d'elle...
- N'vous inquiétez pas, elle sera au monastère ce soir...
Le père supérieur paya les deux hommes et leur souhaita bon voyage.
Ils partirent sur leur charrette tirée par un mauvais bidet galeux et voyagèrent toute la journée, sous la neige qui tombait doucement. Ils s'enfoncèrent dans la forêt et quand ils y furent profondément enfoncés, ils arrêtèrent la charrette.

- Allons, ça ira bien ici...
Le bébé pleurait à l'arrière car il venait de faire. Les deux rustres n'y prêtèrent pas attention. L'un d'eux recompta les sous pendant que l'autre crachait dans ses mains et prenait une pelle.
- Le compte y est...
L'autre creusait la neige et la boue.
- Il y a bien longtemps, de toute façon, que les bonnes mères, ne peuvent plus accueillir personne...
- Quelle époque on vit...
- Oui, l'hiver vient tôt cette année. Il sera long.
L'enfant pleurait de plus en plus fort.
- Dépêche-toi, j'ai l'impression que des bêtes rôdent...
- Viens m'aider si ça ne va pas comme ça !
L'autre suait et haletait.
- Bon, voilà, le trou est bien assez grand.. Finissons-en.
Il prit sa pelle dont la tranche était bien affûtée et s'approcha de la fille.
Aucun des deux ne voyaient pas silhouettes encapuchonnées qui avançaient, contre le vent, vers eux.

La mère hurlait de douleur.
- Je suis désolée, elle est morte, elle est morte, pleurait la gardienne. Nous n'avons rien pu faire.
La mère hurla encore et se meurtrit le visage de ses ongles ; il fallut l'intervention de deux solides moines pour l'empêcher de se crever les yeux. Elle haletait, elle étouffait, elle criait, les maudissait, voulait leur cracher au visage à tous.
L'un des moines arriva avec un mouchoir imprégné de plantes aromatiques somnifères et lui plaqua sur le visage. Elle s'endormit et les moines purent enfin retourner se coucher, car on était au mitan de la nuit. Alors qu'il arrivait dans sa chambre, l'un d'eux fut pris d'un doute : avait-il bien refermé la porte de la cellule ?...
Il hésita puis retourna voir, grognon. Il fallut retraverser le parc couvert de neige. Il arriva au pavillon et vit la porte grande ouverte : plus personne dans la cellule. Il courut, affolé, au bâtiment principal et reçut un coup de poing en pleine figure.

La folle était là, le regard dément. Elle s'était emparée d'un yari et se mettait en garde. Le moine recula, se releva, tomba dans la neige. La folle avançait, résolue.
- Arrêtez, arrêtez...
Il recula encore. La folle marchait vers lui.
- Non, non...
Elle avait encore quelques pas à faire. Le moine ferma les yeux et se recommanda à ses Ancêtres. Il ne respirait plus. De longs instants passèrent. Il ne sentait rien que le froid sous ses pieds.
Il rouvrit les yeux : la folle l'avait dépassé et partait vers le portail. Il la supplia faiblement de s'arrêter. Elle prit son yari et défonça la porte en bois, et passa à travers les lattes. Le moine courut et vit la folle disparaître dans les rues de la ville. Elle avait pris un manteau et un sac sur le dos. Le moine se précipita à la cloche et la sonna à toute volée.

Le bruit des cloches retentit jusque dans les profondeurs de la forêt.
Une grande silhouette gantée ramassait la petite. Elle se calma et l'homme disparut avec ses semblables, entre les grands arbres noueux et nus.
Des corbeaux approchaient déjà des corps des deux infâmes paysans, et croassaient dans la nuit glacée.


[Image: Samurai_by_BrennenGeist.gif] [Image: Samurai_by_BrennenGeist.gif]
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#2
Ma parole, c'est Yatsume ou bien Sarah Connor. Ptêt bien que c'est les deux.smile
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#3
Ah la famille, une éternelle source de problèmeredaface2
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#4
OHHHHHHH
je suis en admiration devant une telle plume!
Quelle verve, quel langage! J'en reste scotché!!!

Dediou! voila qui me plait!
j'imagine qu'elle n'en garde aucun souvenir? ce serait plus que compréhensible...

PFOUUUUUU j'adore!
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#5
Yatsume va être intenable le jour où elle va l'apprendreTired

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#6
héhé je confirme.
Des têtes vont tomber ça c'est sur!
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#7
Clair, ça va être funkyDance
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#8
Du bon petit résumébave

Sur qu'un jour ca va faire mal toute cette histoirebiggrin
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#9
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE

<span style="color:orange">Les 5 Rônins : 11ème Episode</span><!--/sizec-->
Chêvre 402



Tengoku to Jigoku

<span style="font-size:14pt;line-height:100%">(Le ciel et l'enfer)
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Samurai


1ère partie : Billets et parchemins<!--/sizec-->





Il s'était passé un mois depuis la destruction de la Nécropole.
C'était le plein été, période de torpeur pendant laquelle Rokugan vivait au ralenti. Les samuraï prenaient deux bains froids par jour pour rester toniques, et encore, cela ne suffisait pas à combattre la paresse. La Cité de la Pieuvre avait très chaud, située qu'elle était dans le sud de l'Empire. Il n'était pas possible de s'aventurer en ville dans les heures de l'après-midi, même à l'ombre des petites rues en pierre qui menaient du quartier noble au quartier réservé. A tuer le temps et à dormir beaucoup, c'est à peine si on vit passer le mois du Cheval. En ce début de mois de la Chêvre, il faisait encore très chaud. Les samuraï qui revenaient de leur service sur la Muraille racontaient que c'était infernal, à tous les sens du terme. Des groupes de l'Outremonde harassaient les défenseurs presque continuelle. C'était à se demander comme les troupes de gobelins arrivaient jusqu'au Mur sans être cuits comme des homards. Les samuraï accablés dans leurs armures devaient pourtant se battre, heure après heure, pour repousser ces attaques agaçantes, pas assez importantes pour affoler, pas assez maigres pour qu'on les néglige.

Maya avait séjourné au nord-ouest de la Cité des Yasuki, au Temple de la Fortune du Pardon. Elle était toujours en compagnie de Togashi Ojoshi, cet Ize-Zumi matérialiste venu des terres du clan pour la ramener sur le droit chemin. Elle s'était astreinte à une rude discipline. De plus, elle avait supporté pendant plusieurs jours la couture d'un nouveau tatouage dans son dos. Le procédé était douloureux. C'était le troisième que Maya recevait et, chaque fois, la douleur était insupportable. Cela prenait des heures, il fallait s'arrêter pour que Maya aille prendre un bain et se passe de la pommade.
Quand Ojoshi eut enfin terminé de coudre le Campanule sur sa coreligionnaire, ce fut un soulagement pour eux deux, car l'Ize-Zumi n'aimait pas plus infliger de la souffrance que Maya n'aimait la subir !
- Puisse l'esprit de Togashi s'imprégner davantage en vous, pria Ojoshi.
- J'essaierai de m'en montrer digne, dit Maya.
Ojoshi avait entendu parler de quelques-unes des frasques de Maya, et il savait qu'elle serait longue la route pour rejoindre le chemin de la rédemption... Il ne désespérait toutefois pas, car il savait que son temple ne l'aurait pas envoyé si Maya avait été irrécupérable.
Le matin suivant, après la prière, Ojoshi proposa à Maya de l'aider à repartir d'un bon pied, en allant voir une vieille oracle.
- Nous verrons peut-être ce que les dieux vous réservent.
- Je l'espère, fit Maya.

C'était une vieille villageoise, aux longs cheveux filasses, à moitié sourde et aveugle, la doyenne de son village. Elle restait dans son fauteuil à fumer sa pipe. Elle avait une famille nombreuse, des fils qui travaillaient aux champs, des petits-enfants qui lui couraient dans les jambes et un premier arrière-petit-fils.
- Je ne lis pas l'avenir, nobles moines, dit-elle de sa voix revêche. Je ne fais que lire les runes. Hoji, va me les chercher.
L'un des gamins arrêta de jouer avec sa carriole en bois et alla prendre une vieille boîte dans le coffre près du lit. La vieille femme continua à fumer, sans tellement faire attention à ses visiteurs.
Le gamin rapporta respectueusement la boîte et la tendit à sa grand-mère. D'un signe de tête, elle dit qu'il ne fallait pas la donner à elle mais aux moines.

Maya prit les runes et les jeta sur un cercle dessiné par terre devant la cheminée.
La vieille geignit et se pencha en avant. Elle bourra à nouveau sa pipe et fronça les sourcils.
- Alors, que disent-elles ? demanda Ojoshi.
La vieille femme grogna et cracha dans le pot à côté de sa chaise.
- Cela partle d'un nuage et d'un serpent. Le message n'est pas clair... Tu dois sûrement te méfier de ces deux choses, ma petite... Attends. Rejette les runes. Elles le demandent.
Maya reprit les pierres et les rejeta.
La vieille se pencha, encore plus circonspecte. Elle se grattait son menton poilu.
- C'est confus là aussi. Il est que quelqu'un que tu connais va perdre la vie et l'honneur.
- C'est plus clair comme message ! s'écria Ojoshi. Qui ? Et quand ?...
- Les runes n'en disent pas plus, je regrette.
La vieille se recala dans le dossier de son fauteuil.

Les deux Dragons ressortirent.
- Bien, dit Ojoshi, nous devrions aller en ville. Nous trouverons peut-être plus d'indices là-bas. Le moins qu'on puisse dire est que nous ne sommes pas très renseignés...
- Nous verrons, dit Maya.
- Il faudra poser habilement des questions aux gens, pour obtenir des informations sans qu'ils se doutent de quelque chose.

Samurai

Dans les heures qui suivirent, la rumeur se répandit comme une traînée de poudre qu'une femme moine farfelue venue des lointaines terres du Dragon cherchait un nuage.
Les commerçants étaient sortis de leurs boutiques et se tapaient sur les cuisses en se racontant leur après-midi de folie.
- Moi, dit un maçon, je l'ai clairement entendu demander à quelqu'un s'il ne trouvait pas bizarre qu'il y ait des nuages alors qu'on est en été !...
Les autres éclataient de rire et l'un d'eux proposa de payer sa tournée. On retrouvait un autre groupe, déjà accoudé, à se raconter les mêmes anecdotes.
- Et moi, affirmait un charpentier, j'étais sur mon échafaudage dans le quartier des pêcheurs quand je l'ai entendu demander à un marchand d'anguilles si la rivière était droite ! Apparemment, elle cherchait un serpent ou je ne sais quoi !...
Arrivait un autre larron, savetier de son état, qui pleurait de rire et en avait encore une bonne à raconter.
- Vous ne savez pas qui je viens de croiser, les amis...
Il eut droit à son coup, et il y eut des gorges chaudes pendant plusieurs jours.
- Tu as vu, un nuage !
- Hoho, qu'est-ce que les dieux nous préparent ?
- Sûrement une pluie de moines fous !
- Hé les gars, vous avez vu, il paraît que Hu le pêcheur a l'intention de redresser la rivière !
- Ce sera plus simple pour attraper le poisson, remarque !

Les anecdotes se multipliaient, amplifiées, déformées, inventées. Et tout ce temps-là, l'enquête de Maya n'avançait pas...

Samurai

Par cette même après-midi très chaude, l'Inquisiteur Tadao était entendu par des représentants du conseil de la famille Kuni. Il reparlait de l'expédition du mois dernier à la Nécropole.
- En usant de ses pouvoirs, disait un des Grands Inquisiteurs, ce shugenja Phénix, Isawa Ichibei, a cru détruire ce démon, mais il a surtout mis en danger les honorables membres de votre équipée, Tadao-san. Cet affront ne peut tout de même pas rester impuni.
- J'en suis conscient, dit Tadao, le front bas, mais Isawa Ichibei en question fait partie de l'école des tensaï, l'élite des shugenja du clan du Phénix. Il a pour supérieur Isawa Masaakira en personne, une des personnalités les plus respectées de son clan...
- Nous connaissons bien sûr Masaakira-san, c'est un grand érudit et un maître de méditation. Toutefois, nous craignons que ces recherches sur le Vide ne l'aient quelque peu éloigné des réalités matérielles immédiates. Il paraît évident que ce Ichibei n'est pas en parfaite maîtrise de ses pouvoirs, ce qu'on attendrait au contraire d'un tensaï.
- Seigneur, les Phénix sont nos hôtes. Si nous les accusons, ils pourraient rompre les relations diplomatiques avec nous, ou au moins nous faire sentir leur courroux.
- Il est vrai, dit un des grands inquisiteurs, que nos amis du Phénix sont une aide indispensable dans la lutte contre l'Outremonde. Nous ne pouvons nous fâcher avec eux, malgré cette maladresse de ce shugenja.
- Maladresse, s'étrangla un hiératique Inquisiteur, vous appelez cela maladresse ? La furie de ce Ichibei a coûté la vie à une quinzaine d'hommes ! Plus besoin de démons avec un allié pareil !
- Bien, intervint le doyen du groupe pour ramener tout le monde au calme, il est évident que les Phénix doivent être avertis de cette erreur. Toutefois, comme il serait de la dernière impolitesse de les accuser directement, je propose de passer par l'intermédiaire d'un autre clan.
- Ingénieuse idée, sourit Tadao.
- En effet, dit le doyen, il n'y avait pas que des Phénix avec vous, Inquisiteur... Je pense que vous comprenez ce que je veux dire... Bien, dans ce cas, je vous charge de régler cette petite histoire, que la rancœur n'aille pas empoisonner nos sentiments envers nos amis Phénix.

Tadao s'inclina et sortit. Il retrouva son garde du corps, Hida Goemon, qui lui demanda si la réunion s'était bien passée.
- Oui bien, sourit Tadao. Le doyen est toujours aussi vert et rusé, malgré son grand âge... Par Osano-Wo, qu'il fait chaud ! Quand l'orage va-t-il éclater !... Bon, Goemon, écoute-moi : j'ai besoin que tu ailles porter un message au palais d'Ivoire. A Matsu Sasuke.
- Bien, seigneur.
- Excellent, le voici.
Tadao lui tendit un rouleau de parchemin.
- Et vous, seigneur ?
- Moi ?... Je vais aller boire une bière, par tous les cailloux de la Muraille !

Samurai
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#10
lolJ'aime beaucoup cette enquête toute en finesse de Maya
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