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#11 : La cité de la mémoire
#1

...



L’horloge affichait 6 heures et l’escalier circulaire de la gare de Saint-Arness était pris d’assaut par les employés qui jaillissaient du métro. Le détective Garman venait de prendre son service, son troisième jour dans la brigade ferroviaire, un mois avant son vingt-deuxième anniversaire. Il était encore tout chaud de l'air de la petite cuisine où il avait fumé la cigarette du matin avec ses collègues. Il y avait une vieille cuisinière où on mettait toute la journée de l’eau sur le feu.
C’est en réglant sa montre sur la grande horloge qu’il aperçut un des individus dont le portrait était affiché au PC sécurité ; il montait les marches au milieu de la foule, jouant de ses grosses épaules pour écarter les timides employés de bureau. Le nom ne lui revint pas mais Garman reconnut un des complices de la bande du Somnambule. Le policier sentit son cœur battre plus fort et prit une décision, qui allait, en fait, lui coûter la vie quelques minutes plus tard.
Il tâta son révolver d’ordonnance dans la poche intérieure de sa veste, redressa ses lunettes sur son nez, vissa bien son chapeau sur sa tête et prit en filature le suspect.

Il gravissait les marches, baissait la tête, s’excusait auprès des gens, s’accrochait à la rambarde. Le grand escalier en colimaçon montait sur l’équivalent de quatre étages et il y avait régulièrement des bousculades, des gens compressés, parfois des chutes. Cela parce que les ascenseurs de la gare étaient en panne depuis des temps immémoriaux. Personne n’osait s’en plaindre à voix haute. Les services de SANITATION avaient d'ailleurs lancé à l’époque de la panne une grande campagne pour l’exercice physique quotidien des usagers de la gare. Les affiches étaient encore là, elles faisaient partie du décor !

Garman suait quand il atteignit la plus haute marche, mais il fallait continuer, la foule laborieuse pressait derrière lui, et il ne voulait pas montrer sa carte de SÛRETÉ. Un petit escalier mécanique où les gens couraient et on débouchait sur la place Jauve, avec ses vendeurs de cafés et les crieurs de journaux, dernier contact humain de la rue avant de s’engouffrer dans les lourds bâtiments froids des ministères et des corpoles.
Garman avait perdu le suspect, un fort Scovien avec un cou de taureau. Des Pandores réglaient la circulation ; question de fierté, ou de timidité, le détective ne leur fit pas signe. Il ne voulait pas de leur aide. Il allait l’appréhender seul !
Le Scovien était au carrefour Longe ! Il passait devant la brasserie Agricola et traversait entre les voitures à cheval qui déposaient les responsables des derniers étages. Garman resta sur le trottoir d’en face. Il y avait deux inspecteurs de la brigade des mœurs qui prenaient un verre au comptoir de la brasserie pleine de miroirs. Le détective ne se signala pas. Encore un Pandore qui séparait deux cochers qui s’insultaient et se menaçaient du fouet. Le détective passa au large de l’algarade.

Le Scovien grimpait maintenant la tortueuse rue Fluous, qui serpentait entre le bureau de la poste centrale nº3 et les boutiques d’orfèvrerie. Il sortait du gros de la foule, il serait bientôt arrivé au parc de la Canonnerie… non, il bifurquait ! Il traversait l’esplanade, le boulevard et prenait un passage commercial étroit, au beau parquet luisant, puis ressortait ruelle des Petites Robes.
En quelques rues, l'ambiance avait changé. Presque plus personne dans les rues, quelques diligences d'aristocrates. Une ambiance feutrée. Garman avait mis son révolver dans sa poche de côté, et le serrait de plus en plus fort. Le Scovien ne s'arrêterait pas dans ce quartier rupin... La longue ruelle en pente légère menait vers un autre monde, vers le Klob. C’était un quartier presque désert, connu pour ses repaires de malfaiteurs, que la police préférait garder à l’œil ici, au lieu de l’investir et de voir se former d’autres niches ailleurs. La lumière à nouveau, surtout des becs de gaz, après cette lente descente, l'odeur saisissante de la crasse des lieux.
Le Scovien montait dans un immeuble délabré, à la sortie de ce quartier strictement surveillé par la Brigade des Rues.
Garman avait de plus en plus peur. Il savait qu’il pourrait trouver des collègues près d’ici, en planque ; il savait aussi qu’il commettait un excès de zèle. En fait, il se sentait ridicule maintenant.
Il n’apprendrait rien à personne s’il disait qu’il avait repéré un criminel dans le quartier. Un policier seul dans le Klob…
Il avait enlevé la sécurité de son arme. Il se tenait prêt à entrer dans l’immeuble.
Il n’avait pas vu le canon d’une arme passer entre les rideaux du troisième étage, pointé sur sa tête. Il vit par contre des concierges le regarder d’un drôle d’œil, planté au milieu de la rue (un flic, seul ici !wink. Des commerçants quittaient le seuil de leur boutique, des adolescents drogués rentraient dans leurs ruelles… Le vide s’était fait autour de lui, c’était un sentiment d’hostilité presque pire que face à une foule en colère. Seul face à la rue.
Aujourd’hui, pourtant, Garman le voulait, il arrêterait son premier criminel. Il prouverait à ses futurs beaux-parents que…
Quelqu’un siffla dans son dos : un gros concierge, qui sortait des poubelles, qui avait l’air d’un homme solide :
- Franchement, vous feriez mieux de partir…
Pas un mot de trop ; il n’avait pas fait semblant, il avait vu en lui le jeune flic qui veut sa médaille. De la franchise dans sa voix, de la compassion… Il ne se voulait pas insultant, ce concierge, mais il y avait de la peur dans sa voix.
La peur, la saleté, dans cette espèce de bidonville aux constructions en tôle ondulée...

Garman, humilié, serra les dents, eut les larmes aux yeux, et tourna le dos à la fenêtre. Il eut un frisson dans la nuque, voulut s’enfuir à toutes jambes. Il fit quelques pas, ne voulait pas perdre contenance ; il allait interroger le gros homme, faire l’important, lui demander de quel droit ce concierge se permettait de…

Une détonation partit ; le concierge ferma les yeux, pas par peur du coup de feu, mais presque de soulagement devant ce qui ne pouvait qu'arriver ; Garman fut frappé à l’omoplate droite ; il se cassa le nez contre le pavé humide des eaux savonneuses, puis reçut une seconde balle, dans la tête.

Le concierge l’avait regardé avec des yeux de chien battu. Lui n’avait pas bougé. Il savait que fatalement… Il enleva sa casquette et baissa la tête devant le jeune homme… Il eut pitié en voyant les lunettes, qui avaient volé à un mètre et dont le verre droit s'était brisé. Quelle folie avait pu le pousser à entrer ici ? D’autres arrivaient, curieux, soit attristés, soit haineux, soit apeurés… Ils avaient tous assisté à la scène mais il ne se trouverait personne pour dire d’où venait le coup de feu. Un coup de sifflet retentissait, la police arriverait bientôt au pas de course.
A la fenêtre, derrière un rideau poussiéreux, le Somnambule regardait de ses yeux gris les gens s’agglutiner autour du cadavre.
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#2
EXIL

Dans la nuit éternelle d’Exil,
Les lampes grasses brûlent, timides.
Les mitiers plongent dans la brume au bout de leurs fils
Et les passerelles rouillent dans l’air humide.

L’insomnie règne et l’angoisse creuse
Des cauchemars hypersensibles
Dans Exil, dédale de l’acier et du vide.<!--sizec-->
<!--/sizec-->
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#3
Encore un qui n'aurait pas dû tenter de jouer au héro, de jouer... à la Brigade Spéciale [Image: horatio%20caine.gif]
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#4
Et s'il a été retrouvé avec une balle dans l'omoplate... c'est qu'on lui a tiré dans le dos.Frime


YEEEAAAAHHHH !!!!

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#5
EXIL #11<!--/sizec-->


LA CITÉ DE LA MÉMOIRE<!--/sizec-->

SHC 2 - RUS 4 - IEI 3


Les policiers de surveillance du Klob cernèrent méthodiquement le quartier, puis les Pandores prirent d'assaut la rue où gisait à présent le détective Garman. Personne n'opposa de résistance en face. Les concierges et les locataires se replièrent chez eux, les clochards, avertis comme des animaux qui sentent venir un tremblement de terre, avaient déguerpi par les passages étroits qui menaient au bloc voisin.
La brigade des rues fut vite appelée. Elle arriva en renfort avec l'inspecteur Lanvin à sa tête, et Portzamparc accroché au marche-pied de la voiture bondé de flics armés. Voiture qui déversa les hommes de SûRETÉ, qui s'attendaient à une journée difficile. Un cessez-le-feu avait été passé il y a plusieurs années avec le Klob. Les criminels étaient invités à venir y régler leurs comptes entre eux, sans déranger les honnêtes citoyens, c'était du travail en moins pour la police. L'entrée de Garman dans ce quartier était pratiquement une violation de territoire. Une déclaration de guerre.

Lanvin en était conscient, c'est pourquoi il voulait agir vite avant le début des émeutes. Garman avait été tué vers 6h30, heure à laquelle les criminels, ces noctambules, sont encore au lit. Mais ils allaient se lever du mauvais pied, et avant la mi-journée, le Klob allait entrer en ébullition. Il serait très difficile d'empêcher des renforts d'arriver d'ailleurs... Lanvin n'osait pas y penser. Pour le moment, il allait devoir coordonner l'action des différents services, eux-mêmes en état de guerre larvée (Pandore, Sureté, vieilles histoires...) Il avait une petite guerre civile à étouffer dans l'oeuf ! C'était lourd, même pour ses épaules tannées par les gilets pare-balles !

Pour ne pas perdre de temps, il avait envoyé en première ligne son détective le plus audacieux, Jean-François de Portzamparc ! Celui-ci entra tête baissée dans le Klob, alors que des poubelles commençaient à voler à l'autre bout du quartier. Il n'avait que très peu de temps pour amasser des informations. De plus, le tueur qui avait eu Garman pouvait être tenté de se payer un deuxième policier pour bien continuer la journée.
Portamparc arrivait en tenue de combat, épaulé de deux gros Pandores habitués aux émeutes violentes. L'un d'eux resta près du corps de Garman, faisait signe à trois collègues d'avancer. Il alla se mettre à l'abri d'un porche et surveilla les fenêtres. Portzamparc s'était mis un peu plus loin dans une épicerie. La petite vieille patronne tremblait derrière son comptoir. Les Pandores attrapèrent plusieurs concierges et leur intimèrent l'ordre de dire, vite et bien, ce qu'ils avaient vu. Portzamparc suait sous sa combinaison. On comptait vraiment en minutes avant de ne plus pouvoir opérer sans avoir à repousser des émeutiers.
Les Pandores ressortirent d'une blanchisserie grisâtre et crièrent le bâtiment et l'étage d'où le tir, selon trois témoins qu'ils venaient de secouer, était parti. Portzamparc courut hors de l'épicerie. Des canettes volaient, des couvercles de poubelles. C'était des malfrats qui sortaient d'une ruelle. Du bout de la rue, en arrivaient d'autres, de forts gaillards, la "police" du quartier, qui n'étaient que matraques, balafres et révolvers !
Portzamparc entra dans un hôtel qui occupait les trois premiers étages d'un immeuble que SANITATION aurait fait fermer sur le champ, avec ses fuites de gaz, le charbon qui imprégnait les murs et ses cafards qui tapissaient le sol et le plafond. Le détective avait ses deux Pandores avec lui. Ils défoncèrent la porte de la chambre et firent le tour : encore des affaires dans un placard, une brosse à dents, le feu pas éteint.
- Ils viennent de détaler...
Portzamparc regarda par la fenêtre : on voyait parfaitement le corps de Garman, le coup de feu avait tout à fait pu être tiré d'ici. Ils montèrent au grenier. Ils trouvèrent une petite fenêtre ronde ouverte, par laquelle on accédait aux toits. Chemin de fuite aisé, tout tracé.
Il y avait deux autres fenêtres sur le mur d'en face. Une était sale, l'autre avait été nettoyée. Une lunette astronomique, démontée, était posée sur le rebord. Portzamparc regarda et vit que c'était un observatoire parfait pour surveiller une banque Margannes.
Il restait déçu, les tueurs avaient eu le temps de partir. On entendit alors un éternuement étouffé. Il venait d'un coffre posé dans un coin poussiéreux. Les policiers braquèrent leurs armes dessus. Portzamparc approcha doucement. Il ouvrit le coffre d'une main. Grincement. Il faillit recevoir un coup de pied. Un gros homme se débattait dedans, bâillonné, le crâne en sang. Les Pandores s'y mirent à deux pour le sortir de là. Portzamparc reconnut un des Scoviens de la bande du Somnambule. Il était furieux de revoir Portzamparc. Ce dernier était au contraire ravi.
- Tiens, tu sais que ça va me dégoûter de parler à une ordure comme toi, mais pas autant que d'aider à coincer ce salopard de Kassan...
- Magnifique, je t'écoute.

Ce n'était pas le moment pour un interrogatoire officiel. Le Scovien en voulait à mort au Somnambule. C'était ridicule en même temps : ils s'étaient enfuis juste après avoir tué Garman, mais lui, le Scovien, ne passait pas par le vasistas du grenier ! Le Somnambule avait trouvé plus pratique de l'assommer !
Portzamparc dut se retenir de sourire. C'était aussi un soulagement : le Somnambule, dans la précipitation, avait commis une erreur, celle d'abandonner un de ses hommes.
- Bon, que prépare-t-il à présent ?
- Je suis bon pour aller pelleter de la caillasse, maintenant ?
- Oui. Reste à savoir combien de temps.

Le Scovien soupira. Il était entré dans la bande du Somnambule pour l'aventure et l'excitation du danger. L'idée d'aller finir ses jours au Château lui était intolérable. On le sentait d'un coup dégonflé. On devinait d'un coup, fugitivement, qu'il était le genre d'hommes à se pendre dans sa cellule, ou à tenter le coup à la nage, plutôt que de supporter l'emprisonnement et la discipline.


*


Portzamparc ressortit du Klob aussi vite qu'il y était entré. Lanvin terminait d'enfiler son équipement. Il allait devoir mener les troupes pour un assaut de groupe. Des coups de sifflets retentissaient déjà, et dans les ruelles, les habitants s'armaient, les plus faibles détalaient, les plus têtes brûlées se postaient en première ligne pour abattre du policier.
Lanvin écouta d'une oreille ce que Portzamparc avait appris. Les Pandores faisaient monter le Scovien dans une voiture. Avec ce qu'il avait dit, il avait gagné une bonne journée et une nuit au Quai.
- Qui a tué Garman selon lui ?
- Il dit que c'est le Somnambule.
- Et leurs projets dans l'immédiat ?
- Encore quelques banques à braquer, selon le Scovien, et ils veulent quitter Exil.
- Les cinglés, soupira Lanvin.
- Je pense que le Somnambule commence à faire le ménage dans sa bande. Il n'emmènera pas de poids mort.

Un Pandore criait que des barricades se formaient dans les rues. On ne pouvait plus attendre. C'était d'autant plus rageant que cette attaque serait inutile, mais il fallait la faire. On ne pourrait pas dire aux juges, aux journalistes, à l'opinion, qu'on avait effectué aucune rafle après la mort d'un policier.
- Ecoute, tu as l'air de tenir une piste. Tu ne lâches rien, et on en reparle quand on a réglé le bordel ici, d'accord ?
- Bien, chef !

Portzamparc serait bien aller casser du voyou mais il était trop pressé de mettre la main sur le Somnambule. C'était une fascination, le charme magnétique de cet homme maigre, aux cheveux gris, d'aspect sinistre. Il rentra au Quai des Oiseleurs et s'installa avec sa prise du jour dans la cuisine de la brigade. Ils allaient être bien pour causer, les bureaux étaient vides, tout le monde était au Klob.
- La banque Margannes, donc... Et ensuite ?
- Je ne sais pas...
On imaginait assez facilement le Scovien en contremaître ou en maçon, père de famille prospère, dur et bon enfant à la fois avec ses employés. Seulement, il avait embrassé une voie qui le mettait à jamais à part de la société.
- Qui a tiré sur le policier ?
- Le Somnambule je vous ai dit.
- Il a décidé tout de suite de tirer ? Il ne lui a laissé aucune chance ?
- Non.
- Il ne lui a laissé aucune chance de repartir ?
- Non !
- C'est toi qui a insisté ?
- Non, moi je m'en foutais !
- Le Somnambule est un type incapable d'avoir les idées confuses. Il a la tête froide. Il n'aurait pas tiré sur un policier. Il est trop intelligent. Qui a tiré ? Je connais les noms de chacun de vous...
- Tu es une fripouille pire que nous, Portzamparc.
- C'est pour ça que je vais finir par coincer Kassan.
- Je ne sais pas comment ça c'est passé...
- Vous vous renseignez depuis longtemps sur la banque Margannes ?
- Tu ne veux plus parler de ton collègue maintenant ?
- Chaque chose en son temps. La banque.
- Le Somnambule a appris des choses sur des employés. C'est son don de vision, tu sais...
- Je te sers un café ? Un sucre ?
- Deux sucres.
- Alors, qu'a-t-il appris ?
- Comment les faire chanter. Deux d'entre eux ont des secrets trop lourds à porter.
- Et finalement, qui a tiré sur le policier ?
- Oh, arrête !... Si on ne peut pas discuter sérieusement !...
Portzamparc prit un calepin :
- J'écoute attentivement.

Le détective noircit deux petites pages et remercia le Scovien. Il le fit reconduire à sa cellule. Il était 12 heures, il avait encore le temps d'aller voir les deux victimes du chantage de Kassan.


*


- Un petit blanc sec, pour un convalescent...
Maréchal usait ses coudes de manche dans le même bistrot depuis une semaine. Il avait encore de sacrés torticolis, donc il ne déviait pas le regard de son verre. Il avait même du mal à le lever.
- A votre santé !
Le garçon essuyait ses verres d'un air pénétré. Le coup de feu de la mi-journée venait de se terminer. Il y aurait trois heures de calme avant les premières sorties de bureau.
- Dur métier que le vôtre, inspecteur...
- Je ne vous le fais pas dire, mon brave !
- J'ai le cousin de mon beau-frère qui a fait toute sa carrière dans les Pandores, je peux vous dire qu'il était content quand il est parti à la retraite. Depuis, il ne se tourne pas les pouces, oh non ! Il travaille comme gardien au palais de justice, mais il en a drôlement bavé.
- Buvons à sa santé !
- C'est sûr que vous autres de SÛRETÉ, on sait tous que vous bossez pour nous...
- La population a confiance en nous, dit Maréchal d'un air assuré.
Il vida son verre, et eut des étoiles devant les yeux.
Il se dit qu'il devait se modérer, car Nelly l'avait invité à l'opéra pour le lendemain soir. Il devrait arriver frais... Commencer dès aujourd'hui à limiter sa consommation... Elle se vexerait encore, sinon... Les femmes et les beaux-arts...

- Remette-moi un verre de ce Côte des Roches Blanches...
- Il est bon, hein... J'ai le cousin par alliance du fils du beau-frère de ma femme qui travaille dans une serre de vignoble. C'est un cru que les gens de goût savent apprécier. On peut le boire à table ou en dégustation.

Maréchal but, imagina la serre, et la vit remplie de Scientistes ivres morts dans les vignes.
Il resta encore un moment. Ce fut un temps vide, mort. Les trois habitués étaient à leur table. Ils attendaient que ça se passe, comme si c'était un métier. Si on leur enlevait leur verre, leur table, leur journal hippique, ce serait comme une déchéance pour eux !
Le garçon était à la cuisine quand Maréchal vit entrer un homme, vision qui lui fit douter de la qualité du cru qu'il dégustait. Le commissaire Weid !
Sa barbiche poivre et sel, ses yeux cernés, durs, surmontés de sourcils épais. Ses quelques poils aux mains.
Il vint s'asseoir sur le tabouret à côté de l'inspecteur. Le bistrot était presque vide. Maréchal loucha sur son verre.
- J'ai appris que votre convalescence se terminait bientôt...
- Encore quelques jours, dit Maréchal après avoir dégluti.
Weid alluma une cigarette. Maréchal vit double, il dut fermer les yeux. Le rapport d'OBSIDIENNE qui affirmait que le commissaire était mort il y a quarante ans... Mais la signature de Weid sur la demande d'intégration de Portzamparc comme stagiaire.
Maréchal voyait la cendre disparaître avant de toucher terre...
- J'aimerais vous voir reprendre la tête de la Brigade Spéciale.
Weid s'était accoudé. Il regardait autour de lui, comme une habitude de surveiller. Le garçon sifflotait dans la cuisine. Les poivrots ne faisaient pas attention aux deux hommes assis au comptoir.
- Moi ?... Mais...
- Officieusement s'entend... Vous n'aurez pas le grade de commissaire. Vous en aurez le travail...
- Qui alors ...?
- Vous vous souvenez je pense du commissaire Ballin ?

L'ivrogne de Mägott-Platz. Maréchal ne l'avait jamais connu sobre. Il était parti en cure lorsque Horson était arrivé. Avant, c'était pendant presque dix ans que l'inspecteur Novembre qui avait abattu la besogne et dirigé l'équipe.
- Ballin est sorti de cure, mais sa convalescence sera longue. Je vais m'occuper des papiers, ne vous en faites pas.

Comment Weid allait-il s'introduire dans les rouages d'ADMINISTRATION pour réussir une telle supercherie ?... Maréchal ne préférait pas y penser.
- Vous reprendrez un local à Névise. Malgré l'incendie, vous devriez pouvoir retaper les bureaux. Et vous recruterez des collaborateurs. Vous aurez les tampons de Ballin. A vous de les appliquer sur le dossier des bonnes personnes.
- C'est une responsabilité énorme...
- Vous avez le cran, le culot pour réussir.

Maréchal ne savait plus bien quoi répondre. Quand le garçon revint, Weid était parti, comme un courant d'air.


*


Portzamparc se rendit chez Luthin Carpangol, un garçon de recette de la Margannes, le premier des deux noms donné par le Scovien. Le brave employé aimait le jeu. Il transportait tous les jours des sommes considérables ; or, il n'avait jamais pris une velle dedans, sachant trop bien que le larcin ne passerait jamais inaperçu. Pour financer son passe-temps, il avait choisi de "hâter" la mort de sa grand-mère, de laquelle il attendait un confortable héritage. Portzamparc était passé rapidement à la Brigade des Jeux ; ils avaient une fiche sur Carpangol, qui était un malchanceux mais pas un malhonnête. Le Somnambule avait suivi plusieurs fois des employés de la banque. Déguisé, il était même rentré une fois dans l'établissement. Ses facultés de divination lui avaient permis de sonder les esprits et les coeurs. Il avait découvert le crime du garçon. Dès lors, ce dernier était acculé. Il avait fourni des informations au Somnambule, des codes, des horaires de garde.
Portzamparc monta chez lui après avoir montré sa plaque à la concierge.
- Vous avez un papier pour fouiller chez lui au moins ? C'est un brave garçon !...
- Vous pourriez vite changer d'avis à son sujet.
- Un banquier voyons !
- Un banquier qui aime l'argent, madame...

Il n'en dit pas plus, la laissa maugréer et se plaindre à la voisine laitière et referma la porte de l'appartement. Ce n'était pas très grand.

- Comment tu dis qu'il a tué sa grand-mère ?
- Le Somnambule n'a pas dit exactement. Je crois qu'il a forcé la dose d'un médicament. Demandez à un pharmacien !

Portzamparc vida l'armoire à pharmacie. Il y trouva des comprimés pour soulager les douleurs, d'autres qu'il ne connaissait pas. Il y avait quand même un grand nombre de boîtes de gélule d'un seul type, censés soulager le coeur. Le détective passa dans la chambre. Il regarda sous le lit, sous le matelas. C'est dans le tiroir de la table de nuit qu'il découvrit ce qu'il cherchait : un double-fond, contenant des lettres sur du papier de mauvaise qualité, à base de champignon. Une écriture grossière, avec des tas de fautes. Des menaces claires, directes, qui prenaient un tour incongru mais pas moins effrayant à cause de cette orthographe.

- Il est là-haut, oui... Je lui ai dis, hein, monsieur...
La concierge.
- Que faites-vous chez moi ?
C'était un jeune homme fluet, à qui le costume de digne employé n'allait pas. Il flottait dedans. Il essayait de se donner une contenance tandis que Portzamparc le regardait sans sourciller.
- Pourquoi ne pas venir vous asseoir, monsieur Carpangol ?... La journée n'a pas été trop difficile ?
Portzamparc s'appuya d'une jambe sur la table et le regarda poser son manteau, sa sacoche. Il essayait de garder une attitude empressée, énervée. Il n'en aurait pas pour bien longtemps à craquer.
- Si vous nous serviez un bon café ? J'ai vu que vous en avez dans votre placard... J'ai le même moulin chez moi.
L'autre était troublé par ces paroles amicales dites sur un air menaçant. Il s'assit, lâché par ses jambes.
- Que me voulez-vous ?
Portzamparc lui jeta la poignée de lettres. L'autre les attrapa et les serra. Les larmes lui montaient aux yeux.
- Je ne comprends pas comment il a pu...
- Vous voulez dire parce qu'il n'y avait pas de témoin ? Juste mamie et vous, hein ?... Vous avez touché combien ?
De grosses larmes coulaient. Il était pris de hoquets.
- J'ai presque tout... perdu...

Portzamparc continua à le toiser sévèrement.
- Bien, je vais vous expliquer en deux mots. Vous êtes tombé pour votre malheur sur le criminel le plus dangereux de la lune. Quelqu'un de très bien informé, qui a pris sous son chantage plusieurs personnes...
- A la banque ?
- Oui. Vous n'êtes pas le seul à cacher de vilaines choses. Je crois toutefois que c'est vous le pire...
- Oh non...
Il ne simulait pas. Portzamparc jugea qu'il avait suffisamment enfoncé le garçon et il dit :
- Comme je doute que ce criminel veuille un jour témoigner contre vous, je crois qu'il vous reste un espoir...
- Quoi ?
- Pour commencer, vous allez faire ce qu'il vous dit. Vous ne changez rien. Nous ne voulons pas l'alerter, n'est-ce-pas ?...
- Non, non !
- Deuxièmement, vous préviendrez la police quand vous saurez quand il va s'attaquer à votre banque.
- Et ensuite ?
- Ensuite, vous repenserez à votre grand-mère et verrez si cela vaut la peine de continuer à jouer...

Portzamparc alluma une cigarette. Il n'allait pas attendre que le café soit moulu !
Il prit son manteau et glissa le numéro du Quai à Carpangol.
- Nous attendons de vos nouvelles pour très bientôt.

Ouf ! Le plus dur était fait !
Une bonne bière au bistrot du coin et en avant chez la deuxième victime. Son histoire était plus romantique. Un ancien militaire qui officiait comme gardien de nuit à la Margannes. Il avait fait un enfant à une duchesse. Celle-ci avait renié ce bâtard, c'est lui qui s'en occupait, prétendant que la mère était morte en couche.

Portzamparc vit aussitôt que le père était un brave gars. Il avoua aussitôt. Il raconta. Il était tombée sur une mondaine égoïste, dénuée d'instinct maternel, qui ne lui versait aucune pension pour l'enfant. Un médecin, stipendié par la famille noble, avait fait accoucher la mère en secret.
- Vous trouvez que c'est normal pour un homme, d'élever seul un petit ? Avec moi, quel avenir il a ?... Quand je pense qu'il pourrait dormir dans un berceau doré...
- Je pense que vous êtes honnête, mais... pourquoi ne pas menacer de révéler publiquement qui est la mère ?
- Non, je ne veux plus jamais avoir le moindre contact avec cette... cette traînée en robes sur mesures ! Et j'ai mon honneur. Sans parler que je perdrais ma place. Les patrons ne me pardonneraient pas de m'attaquer à une personne de leur monde...
- Bien, je comprends. Vous perdez votre place si on apprend de qui est l'enfant.
- Oui...
- J'ai juste besoin de votre aide pour arrêter votre maître-chanteur.

Il passa le même accord qu'avec Carpangol, mais ce fut sans douleur. Portzamparc ne voulait que l'aider. Il finissait sa journée, content. Il avait gagné deux informateurs. Restait à croiser les doigts pour que le Somnambule n'ait pas une prémonition quant à cela.

Portzamparc retrouva sa femme, qui lui dit que Maréchal avait appelé.
- Il a dit que c'était important.
Etonné, le détective ne prit pas le temps de manger. Il dit à sa femme de ne pas l'attendre.
- Je le savais, dit-elle. Du coup, je sors avec des amies... Il y a des soldes nocturnes au Baz'Mo. Je vais te trouver de nouvelles chaussures.
- Très bien.

Portzamparc retrouva l'inspecteur dans le bistro fréquenté par les gens du quai des Oiseleurs.

Il dut avaler d'office un second verre quand Maréchal lui eut parlé de sa rencontre de l'après-midi.
- Et il a dit que nous devions donner notre réponse assez vite...
- Dans quelques jours, j'aurai mis le Somnambule sous les verrous. Une bonne fin de stage.
Maréchal siffla d'admiration :
- J'offre un verre au futur "tombeur" de l'ennemi public nº1 !
- Et moi, si je lui passe les menottes, j'emmène ma femme sur la côte !

Maréchal, lui, c'était bien simple, détestait l'océan, le sel, le grand air et la marine !

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#6
Encore un qui va finir au château Shakalagoons
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#7
Pouah la vision finale, quelle horreur beurk
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#8
Le boulot sans la paye, maintenant que j'y repense ça ressemble à une arnaque sa propositionClever
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#9
EXIL #11<!--sizec--><!--/sizec-->

Portzamparc serrait sa cravate devant son miroir et vérifiait que son menton était bien rasé. Sa femme lui servait un café et s'allumait une cigarette :
- Tu vas dire oui à Maréchal ?
- Je pense, oui. Il aura bien besoin de quelqu'un pour l'épauler !
- Ce ne sera donc pas la brigade criminelle comme vous le pensiez ?
- Pas tout à fait, mais ce sera proche...

Portzamparc restait vague. Parce qu'il n'aimait pas parler du travail chez lui, et qu'à la vérité, il ne savait pas bien ce qui l'attendait s'ils intégraient la Brigade Spéciale de Weid. On n'était même pas sûr que son actuel commissaire soit encore en vie !

Il ne prit pas le bus, la température était plutôt clémente. C'était l'époque du clair de Forge, qui apparaissait nettement dans le ciel, écrasante, éblouissante pour les yeux de bien des Exiléens. Portzamparc marcha le long de la voie de tramway et bifurqua pour traverser le pont qui menait au Quai des Oiseleurs. Les locaux de la brigade urbaine étaient dans une ébullition qui ne retombait pas depuis la veille. Le coup de filet dans le Klob avait donné ce qu'il devait donner, c'est à dire l'arrestation de petits bras et de demi-sels. On ne pourrait dire que la police ne faisait rien. Le commissaire de la Brigade avait convoqué les journalistes pour commenter cette rafle.
Les avocats, ceux des habitants voisins comme ceux des prévenus, allaient avoir du travail pour des semaines, la grosse machine judiciaire aussi, donc tout le monde était au fond content.
- Pourquoi n'avoir pas nettoyé ce quartier plus tôt, commissaire ? Fallait-il donc la mort d'un agent en service pour qu'on se décide ?
- On nous reproche de ne pas agir, et quand on agit, c'est encore trop tard. Je voudrais vous demander de respecter la mort du détective Garman en ne salissant pas son souvenir. Sa détermination héroïque sont à l'origine de notre succès aujourd'hui.

La vérité, en fait, était que Garman avait commis le pire excès de zèle qui soit, et que des dizaines de policiers avaient ensuite risqué leur vie au Klob. Le chromato de Garman serait donc au mur des morts en service, mais pas à la meilleure place.

Le pire était quand même passé. Lanvin avait organisé ce qu'il aimait appeler une "marinade". A présent qu'il y avait eu ces dizaines d'arrestations, on pouvait prendre son temps. Attendre que tout le monde soit passé à l'anthropométrie, prendre son café pendant que des files d'hommes nus se formaient dans le couloir. Et laisser décanter une nuit. Au matin, recevoir les avocats jouant les scandalisés, relâcher les prévenus les plus inoffensifs, "dégraisser" les cellules ; reprendre des forces avant de s'attaquer aux caïds, ceux qu'il faudrait travailler au corps, et qu'on n'interrogerait pas avant d'avoir ressorti leur dossier.
- Oui, ça a bien mariné cette nuit, disait Lanvin.
Témoin, l'odeur épaisse qui vous prenait au nez en pénétrant dans les locaux de "l'Urbaine". On avait laissé aux Pandores les voyous les plus crasseux. On devait être en train de les passer sous les douches par groupes de dix.
- Rien de tel pour leur clarifier les idées ! On est presque l'assistance publique ! On les nettoie, on les loge, on les nourrit !...

Lanvin fit craquer ses épaules, ses bras et ses doigts. Il accueillit Portzamparc en essayant de ne pas prendre un air de reproche :
- Alors, tes deux victimes de chantage ?
Objectivement, Portzamparc avait tiré au flanc. Il avait poursuivi une enquête passionnante pendant que ses collègues faisait le sale travail.
- Elles sont avec nous.
Le parlophone sonna dans le bureau voisin et le détective Gustave Faivre, qui détestait avoir à jouer le secrétaire pour un stagiaire, appela Portzamparc :
- C'est pour toi ! Un certain Carpangol !
Il tendit le combiné et oublia aussitôt Portzamparc, pour retourner à ses interrogatoires.
- Portzamparc à l'appareil.
- C'est moi...
Le garçon tremblait. Il déglutit deux fois.
- Il... il arrive.
- Quand ?
- Dans moins d'une heure !...
Portzamparc raccrocha et se précipita dans le bureau de Lanvin :
- Le Somnambule attaque la Margannes dans une heure !
Lanvin était en discussion avec Faivre au sujet du Klob. Normalement, il aurait sévèrement envoyé promener un stagiaire mais l'affaire était trop grave. Faivre ne fit aucune remarque mais il commençait à s'agacer de ce Portzamparc qui prenait la vedette grâce à cette bande de criminels qui, par dessus le marché, gagnait en popularité dans l'opinion ! Les gens adoraient voir faire ce qu'ils n'osaient rêver de faire : braquer une banque ! Et la bande des Scoviens en avait braqué une dizaine !
Toujours avec classe, rapidité, sans violence inutile, sans prendre une velle aux clients !
Les criminels romantiques, les pires !
Pendant ce temps, on trempait les mains dans la fripouillerie ordinaire du Klob, ce que l'opinion aurait vite oublié !


*


Les gens qui avaient été dans une banque lors de l'arrivée de la bande du Somnambule étaient unanimes : du professionnalisme, un plan manifestement prêt d'avance et surtout, une rapidité de réaction face à tout ce qui se passait. Dans un article de la Lanterne, hebdomadaire populaire, Clarinsse Lagroi, charcutier, témoignait ainsi : "Je venais déposer l'argent comme chaque semaine. Surtout que ça avait bien marché, rapport à la foire bovine annuelle. Et donc voilà ces ganguesterres qui arrivent, un chiffon sur le visage, armés de fusils de militaires. Je me dis alors : "Clarinsse, tes économies vont y passer !" Rien du tout ! Ils savaient quels coffres faire ouvrir !... Ils n'ont rien pris aux petites gens. Ils ont pioché que chez les grosses légumes. Quand j'ai raconté ça chez moi, ils m'ont pas cru. Maintenant, mes fils sont des vedettes dans leur école..."

Dans la revue L'homme moderne, proche des milieux d'affaires, Basil de Sesthin-Hancourt, président du club de golf des Célestes, apportait ce témoignage : "Il est évident que notre Lune est menacée par ces populations de race douteuse, des étrangleurs, des canailles sans civilisation. Ce n'était pas un braquage mais une déclaration de guerre ! L'homme qui les menait, en revanche, devait être une sorte de génie du crime : il connaissait mieux la banque que le directeur. Je lui ai conseillé, car c'est un ami, de mieux surveiller son personnel, car il est évident qu'il y avait des complices à l'intérieur. Heureusement, mes fonds sont répartis dans plusieurs maisons, je n'ai donc perdu que de petites économies."

Pressin Marcouflé, professeur d'anthropologie philosophique, titulaire de la Chaire des Mentalités Primitives à l'université Granar Léonski, apportait ses propres analyses, dans un entretien à La Revue lunaire : "Il faut commencer par revenir aux fondamentaux du comportement humain, et s'en tenir à quelques faits irrécusables, que d'aucuns qualifieraient de primitivement moraux. Entendez par là qu'ils concernent l'essence même de la conscience, en tant qu'elle nous sépare des animaux... Or, s'il y a progrès, il y a aussi possibilité de recul. Le Somnambule, comme son nom l'indique, a une conscience dégradée, qui a rétrogradé vers des stades plus anciens. Il confond les phases oniriques et les phases de veille. Sa lucidité est celle d'un prédateur avant l'attaque... Il est inévitable que certains individus ne soient capables de soutenir l'effort de la raison en marche vers sa réalisation universelle."

Kamilla Véranda de Sanktland (pseudonyme de Mariott Lepreuveu), mécène des arts et présidente d'honneur de la société des femmes poètes, apportait une touche de sensibilité dans la description de ce monde viril qu'est celui de la banque et des braqueurs : "Je dirais que le Somnambule est un homme très intraverti, une personnalité sombre. Certainement un Serpentaire ascendant Maison du Sud. Un homme marqué par une enfance dure, à la recherche d'un rêve fou à réaliser. Un homme qui a besoin d'être ivre comme une bête pendant la chasse, de conquérir une femme comme on se jette sur une proie... J'ai tremblé quand il m'a bousculé pour sauter par-dessus le comptoir. J'ai vu un fauve bondir, c'était superbe, c'était violent. Et il commandait à des brutes grosses deux fois comme lui, c'était un homme, dans le plein sens du mot ! Ses yeux vous écorchent vifs... Il aurait besoin d'une compagne, pour lui murmurer ses secrets."

Un avis avait davantage fait scandale, celui du professeur Julius Heims, spécialiste de psychopathologie, rival de Pressin Marcouflé, dans un article pour Le géographe illustré : "Le Somnambule présente les caractères d'un homme accompli. Ce qui effraie chez lui est l'intelligence, l'acuité, l'audace incroyable de ses actions. Il aurait les qualités requises pour être un grand explorateur, car il a l'énergie de ceux qui ont appris à vivre en terres hostiles... De nombreux soldats, ayant affronté des dangers mortels, ne supportent ainsi pas le retour à la vie ordinaire. Idem certains marins, qui ne supportent que la vie loin de nos terres. Le Somnambule fait partie de cette race d'hommes qui nous ferait passer, nous les gens ordinaires, pour des êtres affaiblis par une longue captivité."
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#10
' Wrote:On n'était même pas sûr que son actuel commissaire soit encore en vie !

Ca c'est le moins qu'on puisse direredaface2

Ca fait du bien de relire un peu d'Exilbave, le grand air t'inspirebiggrin
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