CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Mitsurugi se rendit au théâtre le lendemain après-midi, comme il l'avait promis à Ikue. Il pouvait le présenter comme une obligation, échapper ainsi aux corvées des négociations avec les Yasuki. Deux jours après leur retour des Sables Brûlants, Sasuke était parti avec les tensaï d'Isawa Masaakira pour s'entraîner dans un sanctuaire reculé. Le tensaï du Vide estimait de son devoir de continuer à veiller sur la progression de Sasuke, car un shugenja a sans cesse besoin d'un maître pour rester dans un équilibre harmonieux entre le monde des vivants et celui des esprits.
Mitsurugi se retrouvait donc bien seul. Il arriva au théâtre, où deux soldats aux couleurs des Hanteï montaient la garde. L'ambassadeur leur demanda ce qui se passait. Les gardes ne daignèrent pas lui répondre. Il le laissèrent passer en revanche sans lui poser de questions.
Ikoma Noyuki arrivait à pas silencieux :
- Mitsurugi, dit-il à voix basse, c'est un honneur que vous ayez pu venir. Il est arrivé une chose extraordinaire... L'Impératrice !
- Je ne comprends pas.
- Elle est ici... Elle aime notre pièce, elle veut assister à la représentation ! Et ce n'est pas tout. Doji Ikue lui plaît. Elle adore ses origamis...
- Vous plaisantez !
- Pas du tout... Son Excellence veut qu'Ikue-san vienne faire des pliages pour elle.
Les bras en tombaient à notre héros.
- Vous comprenez que je ne peux pas vous voir. La divine Épouse prend en ce moment le thé avec Ojoshi et votre fiancée.
- D'accord, je repasserai plus tard.
Mitsurugi ressortit, ébloui par le soleil d'hiver. Il se frotta les yeux.
Il vit dans la maison de thé d'en face son futur beau-père, Doji Onegano avec son fils Suzume. Ceux-ci lui disaient de venir. L'ambassadeur vint s'asseoir avec eux.
- Vous avez appris, je pense, dit Onegano.
Il était plus inquiet qu'heureux.
- Bien sûr. C'est proprement incroyable !
- Certes, certes...
- Mon père, dit Suzume, craint que ma soeur ne soit pas prête.
- Si l'Impératrice vient la voir, c'est qu'elle est prête, voyons !
Onegano ne répondit rien. Sa façon de détourner légèrement la tète pour ne pas répondre en disait long. Lui connaissait ce monde des très hautes cours. Imaginer sa fille pénétrer dedans.
- C'est une chance inouï, renchérit Mitsurugi.
- Seulement mon père est trop inquiet...
- C'est compréhensible.
Onegano n'ajoutait rien. Suzume expliqua :
- La divine Épouse souhaite qu'Ikue apprenne sous la direction d'un senseï. Elle veut faire appel à Shuzuka.
Il avait dit cela comme si tout le monde connaissait bien évidemment Shuzuka. Suzume fut vraiment surpris que Mitsurugi ne connaisse pas...
C'était toujours agréable de passer pour inculte.
- Doji Shuzuka, dite "la femme-neige", expliqua Onegano, est la plus grande peintre de notre temps. Elle a composé des fresques qui décorent les appartements de l'Impératrice dans la Cité Interdite.
- Et Ikue apprendrait d'elle ? Quel meilleur senseï pour elle ?
Onegano ne parvenait pas à se réjouir.
- Ikue a rendez-vous demain dans les appartements impériaux, dit Onegano à voix basse. Je voudrais que vous l'accompagniez, Mitsurugi-san.
- Cela rassurerait tellement mon père, ironisa Suzume.
- Cesse tes sarcasmes, répliqua son père. Tu n'as pas idée de ce qui attend Ikue.
- Devenir la meilleure origamiste de l'Empire !
- Oui, ou finir déshonorée si elle plie de travers un papier lors d'une réception.
- Allons, dit Mitsurugi, on ne perd pas la face pour si peu.
Onegano ne dit rien. Il fit un signe de menton qui disait "vous êtes bien naïfs, vous deux ! On verra qui avait raison".
- Quoi qu'il en soit, je suis d'accord pour l'accompagner !
- Je vous en remercie, je savais que vous accepteriez.
Le lendemain, en grande tenue, les deux fiancées se présentaient au palais prêté aux familles impériales. Quand Mitsurugi raconterait cette journée à Sasuke !
Les gardes impériaux les firent entrer dans une salle d'attente décorée pour l'hiver de fresques de nature.
- Ce sont des peintures faites par Doji Shuzuka, dit timidement Ikue, qui ressemblait à une poupée fragile. On ne peut imaginer plus grande beauté exécutée avec plus d'assurance et de grâce... Mon père a raison, je ne serai jamais à la hauteur.
- Pour une fois, écoute ton frère, qui croit en toi. Et moi aussi !
Ils burent un thé, puis passèrent dans une seconde antichambre. Mitsurugi savait que ce cérémoniel pouvait durer la journée.
Ils furent ensuite invités à entrer dans une grande pièce commune ouvrant sur le jardin. Le bassin était glacé. Des courtisans se promenaient dans les sentiers sinueux. Certains jouaient au go sur des tables en pierre. Le jardin de gravier peigné était resplendissant dans la pure lumière d'hiver.
Ikue n'osait pas relever la tête. Mitsurugi regardait les fresques de paysages blancs, avec des petits oiseaux dans les arbres et des scènes de la vie de Shinseï. Il les trouvait agréables, sans voir où était le génie de l'artiste. Ikue ne levait pas les yeux dessus, car elle se sentait vraiment humiliée de n'être qu'une petite plieuse de papier.
- Ne dis pas des choses pareilles, dit Mitsurugi. Je ne vois pas en quoi l'origami est inférieure à la peinture.
- L'origami est éphémère...
- Le moindre incendie peut détruire ces peintures.
- Ne dis pas cela !
- Je ne le souhaite pas, bien sûr...
Mitsurugi s'interrompit. La porte coulissante était légèrement ouverte pour évacuer la fumée des braseros. Plusieurs courtisans passaient sur le gravier, à quelques pas de la pièce. Notre héros reconnut à coup sûr Seppun Tokugawa, le maître de cérémonie auquel il avait demandé son arc la veille. Marchait à ses côtés le juge dont notre héros oubliait le nom. Le juge qui l'avait fait condamner, lui, Sasuke, Yojiro et Maya ! Le juge vendu aux Scorpions et peut-être bien à Cristal lui-même.
Mitsurugi repensa que ces conspirateurs pouvaient se trouver près de lui, introduits dans le palais de l'Empereur en personne. Il serra le poing.
On vint s'excuser que l'Impératrice n'était pas encore prête à les recevoir. Ils repassèrent dans un autre petit salon, plus chaud, où on leur servit du thé.
L'ambassadeur des Lions auprès des Doji était là : Akodo Giozo, un grand et bel homme qui avait passé la quarantaine sans perdre son charme. Une courte barbe et des moustaches lui donnait encore plus de prestance.
- Quelle magnifique journée ! Nous sommes vraiment heureux de la passer dans cette demeure merveilleuse. Et quelle charmante amie vous avez là. Sa beauté s'accorder parfaitement avec ce beau soleil que nous offrent les dieux.
Ikue rougit.
- Elle rougit comme un cerisier au printemps !
Mitsurugi fit les présentations. Akodo Giozo était vraiment l'ambassadeur parfait : grandiloquent, sûr de lui, esthète, plaisant...
- A ce sujet, je suis au courant de l'heure événement prévu pour le début de l'année prochaine. Qui aurait cru qu'on passerait si vite la bague au doigt de Mitsurugi !...
Notre héros toussota. L'autre impliquait-il qu'il était un coureur de jupons ?
- ... Mitsurugi le pourfendeur, le chevaucheur, le grand ambassadeur !
Ah, il aimait mieux cela... Il comprit que c'était Akodo Giozo qui était chargé d'assouplir les relations avec les Doji pour leur faire accepter l'arrivée de Mitsurugi dans leur famille après le mariage d'Ikue. Giozo aurait donc bien du travail !
Un Matsu prenant le nom de famille de son épouse, contrairement à ce qui se fait dans les autres familles, il était inévitable qu'il y ait avant l'été prochain un Doji Mitsurugi sur les terres du bord du grand océan !
C'est là qu'on allait rire, avec cette histoire telle que le Bouffon n'aurait pas osé l'inventer. Mitsurugi qui avait regagne son honneur de samuraï en chassant les Grues de la Cité des Apparences allait devoir littéralement retourner son kimono.
Il ne pouvait pas dire qu'il ne l'avait pas voulu... Kakita Yagyu était là pour en témoigner depuis le royaume des morts !
La journée se termina sans que l'Impératrice soit visible. Le couple repartit, fatigués d'avoir attendu des heures. Akodo Gyozo les avait occupés un moment avec des ragots de la cour, mais cela ne suffisait pas. Les rumeurs de mariages ne passionnait ni Mitsurugi ni Ikue. Notre héros ramena sa fiancée dans sa famille. Quel chaperon il faisait !
- Ce n'est que partie remise, j'en suis certain, affirma Doji Onegano.
Ikue, dépitée, fatiguée, fondit en larmes. Elle s'enferma dans sa chambre. Mitsurugi et Onegano haussèrent les épaules. Eux n'étaient pas surpris. L'Impératrice ne devait rien à Ikue. Celle-ci comptait pour rien aux yeux de la Divine Epouse. Qui sait même si elle se souvenait encore de la petite origamiste ? Qui sait si elle viendrait vraiment au théâtre de Noyuki et Ojoshi ?...
Il en irait des deux dramaturges comme d'Ikue : maintenant que l'Impératrice les avait "ferrés", c'était à eux de venir la solliciter. Pour cela, il faudrait entrer dans le monde, dans les intrigues et les rivalités. Mendier la moindre petite faveur.
C'était comme cela que marchait la haute cour.
- Merci encore Mitsurugi...
Notre héros salua. Il ne s'était ni vraiment ennuyé, ni vraiment amusé. Il retenait de cette journée que des courtisans inféodés au Gozoku se promenaient librement dans la demeure impériale. Il les aurait bien chassés à coups de triques, ces opportunistes !
Il soupira, demanda un repas léger et se coucha tôt, tiens, au cas où la Grue Noire viendrait le trucider en pleine nuit !
Maya avait dormi pendant la journée, car la chasse au rat avait duré toute la nuit d'avant. Elle se morfondait dans son repaire. Elle se faisait chauffer du riz et du thé.
On frappa.
Elle s'habilla un peu plus. Elle ouvrit la porte : trois hommes avec des sabres à la ceinture, qui lui montrèrent un bout de tissu avec le sigle des Loups.
- Nous pouvons entrer ?
Maya répondit en leur laissant le passage.
- Il fait meilleur ici.
Elle ne leur proposait pas de s'asseoir. Ils sentirent qu'ils ne pourraient s'attarder chez elle. Ils n'enlevèrent pas leurs grosses fourrures ni leurs bottes.
- Nous avons besoin d'une aide à l'intérieur de la Cité, Maya.
- Pour quoi faire ?
- Le senseï est de retour...
- Sazen ?
- Oui... Il compte entrer dans la Cité...
- En quoi a-t-il besoin d'aide de l'intérieur ?
- Il veut entrer dans la cour d'hiver.
- Je préfère rester neutre dans cette affaire.
Un des rônins regardait la casserole de riz qui cuisait. Les deux autres lui dirent qu'il fallait partir.
- Dommage...
- Vos histoires ne me regardent pas.
Les trois rônins partirent discrètement.
- Il faut trouver un autre complice.
Ils quittèrent la Cité par un sentier qui descendait le long d'une rivière.
Les toits grinçaient sous ses pas. On pouvait aisément croire que c'était le vent. Il lança son grappin pour arriver au bâtiment suivant.
Geki avança sur la pointe du toit le plus haut d'une pagode à cinq étages. Il s'accrocha à la gargouille qui grimaçait face à la Cité, et il observa, pris dans le gros vent qui tourbillonnait sur la vallée.
Il se répétait les instructions de l'Inquisiteur. Il voyait l'entrepôt indiqué, faiblement éclairé. Il continua son trajet par les hauteurs. Après avoir sauté à travers plusieurs bâtiments, il sauta sur la corniche du grand bâtiment. Il dérapa, se reprit et s'aplatit comme une araignée. Il trouva la trappe, descendit, souple comme une corde. Il entrait dans le grenier.Il observa par la fenêtre la grande salle où se trouvaient stockés de nombreuses marchandises. Des hommes étaient déjà en train de les emmener sur le quai.
Il arrivait trop tard pour empêcher la transaction. Les hommes du Lotus travaillaient vite. Leur client était un yakuza ambitieux, qui avait besoin d'un gros apport de fonds pour déclencher une guerre au printemps, et s'emparer de plusieurs quartiers marchands. Le Lotus payait toujours rubis sur l'ongle.
- Fais pas chaud ce soir, disait ce yakuza.
L'envoyé du Lotus portait un masque anonyme :
- C'est mieux, car nous sommes les seuls dehors comme ça.
- Vous verrez, c'est de la bonne marchandise !
- Nous n'aimons pas revenir nous plaindre. Nos clients non plus n'aiment pas quand nous revenons...
- J'imagine bien, héhé.
Un des porteurs siffla : ils avaient terminé. L'homme masqué partit aussitôt. Le yakuza donna l'ordre à ses hommes de partir.
- Soufflez bien toutes les bougies.
Geki les laissa s'en aller. Il remonta sur le toit, se mit au bord, du côté du quai. Il accrocha sa corde et la fit descendre doucement. Ceux du Lotus terminaient d'attacher leurs caisses.
- Le compte y est.
- Larguez les amarres !
Ils se préparaient à partir par la baie du poisson mort. Geki avait atteint le sol. Il se tenait caché derrière une barque. Quand la corde fut déliée et qu'un des hommes éloignait le petit bateau du quai avec sa rame, notre héros masqué courut de toutes ses jambes, bondit sur une bitte d'amarrage et fit le grand saut en longueur, pour atterrir en plein sur un des bandits !
Les autres mirent un instant à comprendre. Un instant de trop. Dans un déluge de coups de poings et de pieds, Geki les flanqua par terre. Il sectionna les cordes de la cargaison et les précipita dans l'eau. Un des marins se releva, sauta sur l'intrus. Geki le fit passer par dessus lui et l'envoya prendre un bain !
Le justicier termina de mettre le chargement à l'eau puis il sauta sur le quai et remonta au toit par la corde. Les bandits étaient encore sous le choc, pendant que les caisses s'enfonçaient lentement, dans une remontée de grosses bulles.
- Tu as fait vite, dit l'Inquisiteur Tadao.
Yasashiro était en nage. Il enlevait son masque et sa combinaison noirs. Il secoua ses cheveux trempés. Il était redevenu un samurai le jour. Mamoru le rônin était un souvenir, mais il gardait son identité nocturne !
- Je sais où ces crapules se réunissent demain soir, dit-il.
- Alors tu y seras !
- Je vais bien dormir jusqu'en début d'après-midi.
Yasashiro avait des informations fiables. Les conspirateurs du Lotus organisaient une réunion rue de l'Améthyste.
- Vous n'êtes qu'une bande de bras cassés ! Vous savez combien nous avons payé pour ces marchandises !
- Nous n'avons rien vu venir !
- Qui est-il ? Qui ose nous attaquer !
- C'était un ninja !
Pendant qu'ils parlaient, Geki avançait, agile comme un singe, sur les poutres. Il enfonça en silence son grappin dans le bois.
- Un ninja ! Vous n'avez rien de mieux à me servir que vos légendes de paysans !
- Demandons des renforts à ceux du Saphir.
- Bande de demeurés ! Vous faites dans votre pantalon. Nous allons régler le compte de ce plaisantin nous-mêmes, vous m'entendez ! Nous allons ratisser la ville, réveiller tous nos informateurs. Nous saurons bien qui il est !
- Un yakuza, vous pensez ?
- Aucune importance ! Ce qui compte, c'est de savoir où il est !
- Ici !
Geki s'était pendu par les pieds à sa corde. Il envoya un coup de poing dans le masque du chef, fit un renversement vertical pour se retrouver sur ses pied. Il s'aplatit pour éviter les lames des trois acolytes, et bondit sur le premier, qui reçut un coup dans la mâchoire. Nouveau déluge de coups, comme la veille. Les bandits se tordaient de douleur. Geki releva le chef et hurla, de sa voix rendue plus grave par le masque du Secret :
- Vous ne pourrez plus sortir sans que je sois là. Je surveille vos trafics, je connais vos complices yakuzas. Je vous suis comme votre ombre ! Je vais là où vous allez, et j'y vais avant vous !
Il l'assomma, remonta sur la poutre et disparut par le toit.
Les Lotus gémissaient pour se relever les uns les autres.
- Ils ont leur compte pour un moment, dit l'Inquisiteur. Tu vas pouvoir te reposer quelques jours.
Le Temple de la Fortune des Sources se trouvait à la lisière du bois des filles mortes. Les buissons nus tremblotaient dans le vent.
Yatsume fit le tour de la palissade pour trouver l'entrée. Elle frappa avec l'anneau de cuivre. Elle ne se sentait plus respirer. Savoir sa fille toute proche !
Des milliers et des milliers de pas dans le sable, des milliers dans la neige... Une femme lui ouvrit et s'inclina devant elle. Quand elle vit que c'était une rônin, elle se raidit :
- Que désirez-vous ?
- Voir la petite Yutsuko.
- Je vous demande pardon, qui est-ce ?
- Une petite fille qui vit ici. Elle doit avoir six ans.
- Je ne crois pas connaître quelqu'un de ce nom.
- Laissez-moi seulement voir les registres... J'ai pu me tromper.
Non, non, non, ce n'était pas une erreur, c'était impossible !
Yatsume aurait démoli le temple pierre par pierre !
La soeur ne put que la laisser passer. Elle eut un sursaut en voyant le grand naginata accroché dans le dos de cette sauvage hirsute. Yatsume entra sans plus demander la permission.
- Où sont vos registres ? Que je sache...
La soeur se dit qu'elle s'en débarrasserait plus vite en l'aidant. Le temple était isolé, elle ne pouvait compter que sur quelques soldats, qui à cette heure-ci étaient à la taverne, à une demi-heure du temple. Elle lui dit d'attendre. Elle se pressa pour sortir les papiers. -
- Tout va bien ? lui demanda une autre soeur.
- Oui, rien à craindre.
Elle revint avec les rouleaux.
- Parfait...
Yatsume lui prit des mains. Elle s'assit par terre, se mit à chercher fébrilement. Elle jetait les pages à mesure qu'elle les parcourait.
- Prenez garde, ce papier est ancien.
Elle aurait pu aussi bien parler aux murs.
Yatsume parcourait du doigt la liste des occupantes. Son coeur battit plus vite quand elle passa sur le nom recherché : Yutsuko. Arrivée en l'an 396. C'était elle ! Oui, elle !
- Je... je vous remercie...
- Vous avez trouvé ? Je crois entendre les soldats qui rentrent... Ils pourront vous dire... Ils sont là depuis plus longtemps que moi...
- Ah, les soldats ?... Non, ne les dérangeons pas. D'ailleurs, je m'en vais.
Yatsume s'inclina vite et tourna les talons. Elle fut dehors avant le retour de la patrouille. Elle se cacha dans un buisson, d'où elle vit les Bayushi passer la porte. La petite religieuse les accueillait, affolée. Elle parlait, très agitée, désignait le bois. Les soldats regardèrent, suspicieux. Ils ne virent pas Yatsume.
Ils entrèrent dans la cour. Ils ressortirent avec des lances et des lanternes.
- Nous allons patrouiller. A mon avis, sachant que nous arrivions, elle se sera enfuie.
Yatsume recula dans la forêt, marqua clairement des pas qui partaient dans le bois. Elle s'éloigna de cette piste en balayant derrière elle avec des branches.
Les Bayushi trouvèrent la piste. Ils examinèrent les empreintes, incertains. Ils tournèrent en rond dans le bois, autour du temple. Yatsume avait caché une autre piste plus loin, moins facile à trouver. Pendant que les Scorpions cherchaient, elle creusa la neige, ramassa des feuilles, des branches. Elle se dissimula dessous. Restait l'attente, qui pouvait durer longtemps.
Les Scorpions ne savaient pas si cette rônin avait quitté le bois. Ils poursuivaient leurs recherches. Yatsume les guettait, comme un crocodile guette en ne laissant dépasser que les yeux. Elle eut de la chance : les bushis se séparèrent. L'un approchait d'elle. Comme il ne voyait aucune trace, il n'était pas trop méfiant. Il passa à dix pas d'elle. Yatsume fit comme lui avait appris les Pej'Neb lors de l'attaque des pillards. Elle se terra encore mieux. Elle resta immobile comme la pierre.
Le Scorpion tournait en rond. Un sixième sens devait lui suggérer un danger. Lorsqu'il tourna le dos, Yatsume bondit. Ses pas frottèrent sur la neige. Le Scorpion ne put se retourner que Yatsume lui sautait à la gorge. Elle appuya sur la gorge, comme les nomades lui avaient appris. Le Bayushu perdit connaissance en un instant.
Elle mit les habits Bayushi en un tournemain et retourna au temple. Les autres s'étaient éloignés. Yatsume entra masquée.
- Vous n'avez rien trouvé ? demanda la soeur.
- Je viens prendre une autre lanterne, dit-elle en forçant sa voix.
- Vous pensez qu'elle est encore dans les parages ?
- ... peu probable...
- Je vous laisse, je dois aller en cuisine.
Yatsume sut que les dieux voulaient la voir réussir. Elle traversa la cour. D'un pavillon sortaient des cris de bébés et des chansons d'enfants. Plusieurs soeurs s'étonnèrent de voir un soldat :
- Pas d'inquiétude... Cherchons un intrus... J'observe un moment d'ici...
Les femmes firent rentrer les enfants des salles communes. Yatsume prit un grand couloir. Des portes numérotées. Son coeur battait à lui rompre la poitrine.
La porte 26. Yatsume regarda le couloir. Personne. Elle frappa.
- Entrez, dit une petite voix claire.
Elle ouvrit. Une fillette lisait, avec un sérieux de mère supérieure, un parchemin écrit dans des caractères que normalement on ne peut pas lire avant douze ou treize ans. La fillette releva les yeux et fut surprise de voir un soldat masqué et en armes. Elle n'eut pas peur, cependant. Yatsume s'étonna de ne pas fondre en larmes sur le champ.
- Tu t'appelles Yutsuko ?
Elle continuait à contrefaire sa voix.
- Oui, c'est moi-même.
Elle parlait comme une vraie dame.
- Ecoute... tu dois venir avec moi.
- Mais pourquoi donc je vous prie ?
Yatsume ne se souvenait pas avoir jamais aussi bien parlé !
- Tu vas changer d'endroit...
- Quel dommage. Je me plaisais bien ici... Je peux emmener ma lecture ?
- Oui, oui, prends ces papiers si tu veux...
- C'est le Tao, c'est précieux...
- D'accord, d'accord.
Des pas. Yatsume aida la gamine à mettre quelques vêtements et ses parchemins dans un sac, puis elle la prit dans ses bras.
- Allez, on part pour un grand voyage, Yutsuko !...
- On allons-nous ?
- Voir de grands palais !
La petite fille ne devait pas bien réaliser.
Yatsume trouva une petite sortie, près des écuries. Elle détacha les selles, coupa les attaches des montures, prit un fouet et le fit claquer. Les poneys détalèrent. Yatsume en avait retenu un :
- C'est pour faire une farce à mes amis ! Ils vont être furieux d'aller chercher leurs chevaux !
Yatsume montait en croupe, sa fille devant elle. Elle frappa du talon la bête, la poussa au trot pour sortir du bois. Les Scorpions arrivaient en courant. Yutsuko avait un peu peur. Elle s'accrochait à la crinière.
- Bravo, c'est bien... c'est bien !
Yatsume était tellement fière d'elle !
- Le jeu, c'est de faire une grande course ! La plus longue possible !
- On n'a jamais fait ça avec les soeurs.
Yatsume poussa la bête au galop. Elle prit le chemin du sud, presque caché sous la neige. Elle repéra l'ouest au soleil couchant, fit monter une butte au poney, puis redescendre très vite de l'autre côté. Le bois disparut derrière le sommet.
Une fois à bonne distance, la nuit tombant, Yatsume établit un campement. Elle fit partir un feu.
- Nous allons voir les palais de l'Empereur, Yutsuko.
- Il ne souhaite pas me voir quand même !
- Si tu es sage, pourquoi pas !
- Oh, on nous dit toujours chez les soeurs que si on est sages ceci et cela, mais ça n'arrive jamais.
- Moi je ne suis pas une soeur.
- Pourquoi portez-vous un masque ?
- Tous les Scorpions en portent un. C'est notre signe de clan.
- Vous devez l'enlever pour manger.
- Oui, bien sûr.
La gamine mangea du riz. Elle piqua du nez très vite. Yatsume enleva son masque et la prit contre elle. Elles étaient seules dans la grande forêt d'hiver.
Yatsume réveilla la petite à l'aube. Le poney avait trouvé à brouter quelques maigres herbes.
- Toi, tu vas nous porter loin aujourd'hui.
- Plus loin que le vent ! s'exclama Yutsuko. C'est un beau poney.
- Et il doit porter une grande dame, déclara solennellement Yatsume.
- Toi, tu es une dame ou un monsieur ?
- Hum, hum, un homme pourquoi ?
- Parfois, tu as une voix de femme...
- Je vous trouve bien insolente, jeune demoiselle !
Elles rirent toutes les deux.
- Tu as enlevé ton masque hier soir pour manger ?
- Oui, mais tu dormais déjà.
Elles chevauchèrent sans forcer la monture. Le chemin devenait de plus en plus vallonné. La frontière Crabe approchait.
Le soir, Yutsuko fit semblant de s'endormir. Elle regarda le soldat sans son masque, qui mangeait son bol de riz. Hélas, il lui tournait le dos, alors elle ne put savoir si c'était bien un homme. Il lui semblait qu'il avait une voix bien aiguë pour être un homme...
Elles ne pouvaient s'arrêter que quelques heures dans les villages. Yatsume dépensait le peu d'argent qu'elle avait mis dans sa poche en partant de l'ambassade des Lions. Elle ne s'en faisait pas, Mitsurugi roulait sur l'or...
On sentait que Yutsuko était une petite fille très polie, qui savait que c'est mal de se plaindre. Elle ne put néanmoins s'empêcher de demander :
- C'est encore loin ?
- Non, non... Aujourd'hui, nous montons très haut. Alors nous dominerons une immense vallée. Ce sont les terres des Crabes. L'Empereur est là-bas.
- Non, l'Empereur vit à Otosan-Uchi.
- Pas l'hiver. Il voyage.
- Il va combattre sur la Muraille ?
- Bien sûr. Et comme c'est l'Empereur, il détruit pleins de monstres !
Yatsume priait les dieux de lui pardonner. L'ancien Empereur, père de l'actuel, avait été un foudre de guerre, qui avait en effet mené les troupes impériales dans l'Outremonde. Rien à voir avec l'Empereur actuel, qui n'était jamais allé à la guerre.
La montée à la frontière prit en fait deux jours pleins. Les villages devenaient plus rares. De plus, Yatsume voyait nettement la patrouille de Scorpions lancée après elle. Ils devaient changer de monture dans les villages, tandis que le poney commençait à fatiguer. Il traînait d'un sabot.
Yatsume dut se résigner à l'abandonner. Il ne faisait plus que les ralentir. Elle prit Yutsuko sur ses épaules.
- Que va-t-il devenir le pauvre ?
- Pas d'inquiétude, les paysans vont le retrouver et le soigner. Ils seront heureux d'avoir un beau cheval, sans rien payer, tu te rends compte !
Yatsume entama la longue marche sur le sentier des montagnards. Il était notoire que les contrebandiers passaient par ici pour passer des marchandises entre les terres Scorpions et Crabes.
Les Bayushi gagnaient petit à petit du terrain. Par moment, grâce à l'écho, on les entendait presque distinctement.
- Qui sont ces gens qui nous suivent ?
- Ces gens qui nous suivent, Yutsuko, nous faisons la course contre eux. Le premier arrivé chez l'Empereur a gagné !
- Tu crois que tu vas y arriver, toute seule à pied ?
- "Tout seul", tu veux dire...
Yatsume commençait à redouter l'intelligence de cette petite surdouée !
Elles arrivèrent au sommet en fin de journée, alors que la montagne entière devenait rouge dans le couchant, que les forêts dans les nuages noircissaient. Yatsume passa le col, pour ne plus voir les Scorpions. Elle trouva une vilaine cabane, qui craqua toute la nuit. Yutsuko faisait de son mieux pour supporter l'épreuve. Yatsume la serra toute la nuit contre elle. Elle lui bouchait les oreilles de son mieux.
Au petit matin, elles repartirent. La descente dans la neige, avec la fille sur les épaules, fut éprouvante. Elle s'accorda une pause, le dos douloureux. Elle regarda vers le haut : les Scorpions passaient le col. Ils la voyaient !
Yutsuko aussi les avait vus !
- Nous allons perdre, constata-t-elle. Mais ce n'est pas juste, tu es seul, et ils sont au moins six...
- Oui, au moins six, dit Yatsume.
Elles s'assirent sur un rocher. Yatsume écouta attentivement le vent. Yutsuko allait parler mais elle mit un doigt sur sa bouche. Elle regarda dans plusieurs directions. Yutsuko essayait de suivre, mais pour une fois, elle ne comprenait pas. Des oiseaux criaient dans le ciel. Des branches craquaient sous le poids de la neige. De l'air remontait de la vallée, formant du verglas sur son passage. L'immense paysage était immobile. Au loin, des villages. Peut-être même que c'était Kyuden Hida qu'on devinait au loin.
- Tu vas m'attendre ici, avec les sacs. J'en ai pour très peu de temps.
- Tu vas où ?
- Un besoin pressant...
Yutsuko resta seule, à contempler les montagnes et le ciel. Elle n'avait pas peur, elle se sentait comme baignée dans la grande étendue bleue et blanche.
Yatsume avançait dans la forêt. Elle sortit son naginata. Une flèche siffla. Elle l'avait vu venir. Elle se cacha derrière le tronc. Elle regarda vers Yutsuko, qui paraissait bien calme : bouche bée, elle admirait les oiseaux.
Notre héroïne tenait son arme près d'elle. Elle risqua un oeil. L'archer était embusqué. Elle cherchait le deuxième. Elle serra son naginata, bondit de derrière l'arbre et sauta sur son ennemi. Ce dernier n'eut pas le temps de saisir son arme. Ils roulèrent dans la neige. Ils haletaient, frappaient, roulaient de nouveau. Yatsume parvint à envoyer un crochet dans sa mâchoire. L'autre sortit un poignard. Yatsume lui trancha la gorge. Elle étouffa le cri en le roulant face contre terre.
Elle se releva, se nettoya comme elle put en se jetant de la neige. Yutsuko continuait à observer le ciel.
Un second tueur se lança sur elle. Yatsume fit face, para le sabre avec son arme, s'écarta. Ils se tinrent à quelques pas, se toisèrent.
- Tu arrives bientôt ? cria la petite fille.
- J'arrive ma petite ! Dis-moi ce que tu vois !
- Je crois que j'ai vu une marmotte... Et des biches...
- Des biches ? Dans la montagne ?... C'était peut-être un autre animal, non ? Comment on l'appelle ?
- Je ne sais plus...
Yatsume fixait haineusement son adversaire. Elle attaqua, le désarma et le fit tomber par terre :
- Je pars avec la petite, tu entends !... Je pars, et toi tu vas dire à tes amis qu'ils repartent d'où ils viennent. Nous serons bientôt en terres Crabes, vous n'avez pas le droit d'entrer.
- Qu'est-ce que tu crois ? Un Bayushi ne renonce jamais. On ira te chercher dans l'Outremonde s'il le faut... Yatsume...
- Salauds !
Elle l'assomma, prit son arme et courut vers Yutsuko.
- Allez, on continue ! On est presque arrivés.
Yatsume la remit sur son dos et courut dans la neige. Le jour tombait. La petite cria de joie et d'excitation. Yatsume vit un peu plus loin la borne frontalière. Elle y était ! Elle avait réussi !
Elle courut encore, dans ses derniers souffles. Yutsuko criait, elle était la reine du monde ! Le soleil allait passer derrière les montagnes. Yutsuko criait et chantait, elle admirait tout !
Son cri se changea en terreur quand une flèche se planta à côte de Yatsume, puis une seconde. Yatsume se retourna. Les Bayushi n'étaient plus qu'à quelques dizaines de pas. Ils surgissaient du bois, ils étaient six. Ils arrivaient lentement, sûrs d'eux.
Yatsume reprit sa course. Un archer tira, la rata encore de peu ; Yatsume trébucha, Yutsuko hurla :
- Maman !
Elles roulèrent dans la pente. La petite prit Yatsume dans ses bras et la serra à l'étouffer.
- Ma petite maman !...
Les larmes montèrent aux yeux de Yatsume. Elle ne voyait plus, rien que la grande neige dans la pente, toute floue, toute flottante, et les ombres immenses qui approchaient.
Yutsuko hurla de plus belle. Les bushis sortaient posément leurs sabres.
Yatsume ne s'occupa plus d'eux :
- Ecoute-moi... Tu vas continuer... Continuer la course... Etre la première. A arriver chez l'Empereur. Tu vas demander un samuraï qui s'appelle Mitsurugi... Il habite un grand palais... Tu connais l'emblème des Lions ?
- Non !
La petite fondait en larmes. Elle ne voulait pas partir ! Elle lui enleva son masque et la serre contre elle.
Yatsume ne savait plus quoi faire pour elle. Les cieux vides étaient témoins. Le désert, l'océan, les jungles, l'enfer, la neige ! Tout ! Elle avait tout traversé !...
- Va te cacher dans le bois, là-bas, j'arrive...
Cette fois, c'était un ordre. La petite fille, impressionnée, obéit.
Mauvais, très très mauvaise, Yatsume se releva, alors que Yutsuko quittait la grande pente de neige.
Les six Bayushi étaient face à elle. On aurait juré qu'ils souriaient, de sa déconfiture, de sa misère, de sa scène pathétique, de son échec... Les cieux, la montagne, tout l'écrasait.
Yatsume jeta son masque, rattacha ses cheveux. Bientôt, le soleil aurait disparu. Perdu pour perdu, elle ne raterait pas sa sortie.
- Promettez-moi juste que vous raménerez la petite au temple.
Les Bayushi ricanèrent :
- Maintenant qu'elle sait qu'elle est ta fille...
Ils crachèrent.
Yatsume aurait pu s'effondrer par terre. Imaginer un seul de ces soudards toucher à sa fille !
- Comment il s'appelle ce bois déjà, où il y a tant d'enfants qui disparaissent ?...
Les autres rirent.
Yatsume avait la pente contre elle. Deux samuraï avancèrent. Elle cria, attaqua. Elle en abattit un sur le coup, prit un coup de sabre de l'autre, contre-attaqua et lui trancha la poitrine. Il s'effondra, son gros sang dans la belle neige.
Yatsume vit son bras blessé. Elle se retint de gémir. Les quatre autres avançaient. Yatsume cracha du sang. Elle attaqua encore, enragée. Elle en blessa un, l'autre lui entailla la jambe. Yatsume attaqua encore et l'atteignit dans le ventre. L'autre la frappa encore au bras.
C'était la fin. Elle tombait à genoux. Elle roulait en arrière. Il en restait deux qui ne s'étaient pas encore battus. Les deux blessés se relevaient. A quatre, ils avançaient vers elle, prêts pour la mise à mort. Le soleil, petite boule rouge, se posait sur la neige et s'y enfonçait. Les ombres disparaissaient, la neige devenait grise.
Yatsume essayait de reprendre son arme. Elle ne pouvait plus la soulever. Elle voyait ses cheveux rougis.
Les bushis s'arrêtèrent un instant. On entendait des pas sur la neige. Deux gardèrent les yeux sur Yatsume, les deux autres cherchèrent.
Non, personne.
- Terminons-en avec elle.
Encore des pas. Le bruit lourd de bottes dans la neige.
Des pas qui se creusaient, qui avançaient. Et il n'y avait personne. Pourtant, des traces se formaient !
Les bushis se tournèrent vers ces pas. Ils s'arrêtèrent.
- Un esprit qui rôde ou quoi ?
- Exécutons-la, trouvons la gamine et filons d'ici !
Ils étaient d'accord. Ils se tournèrent tous les quatre vers elle. Yatsume releva les yeux. Derrière les quatre tueurs, les ombres grossissaient ! Elles prenaient consistance, comme un liquide visqueux qui monte. Une silhouette se formait progressivement. Ils n'entendaient rien. L'ombre vivante passa un sabre à travers le ventre du premier, trancha et coupa dans le mouvement le second. Les autres reculèrent. Horrifiés, ils tombèrent en arrière. La silhouette terminait de se former. Un habit de samuraï apparaissait, des traits se formaient sur le visage.
Yatsume murmura :
- Kokamoru...
Le maléfique personnage leva son sabre et fracassa le crâne du Bayushi. L'autre hurla et partit en courant dans la pente. Kokamoru le rattrapa en deux enjambées et le trancha en deux.
Les corps se vidaient dans la pente.
Il redescendit doucement vers Yatsume et la prit dans ses bras :
- C'est fini, dit-il en caressant ses cheveux pleins de sang.
Yatsume ferma les yeux. Elle les rouvrit : il faisait nuit, elle était allongée près du feu. Yutsuko dormait près d'elle. Le feu craquait doucement. Kokamoru remettait du petit bois. Elle ferma encore les yeux. Elle les rouvrit : c'était le matin. Le grand matin blanc. Yutsuko dormait encore, Kokamoru n'était plus là. Le feu mourait doucement, finissait en une petite fumerolle qui se dispersait entre les grands sapins.
FORCE ET HONNEUR, SAMURAI !
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