30-01-2011, 01:20 PM
(This post was last modified: 30-01-2011, 11:41 PM by Darth Nico.)
POST-MORTEM
<!--/sizec-->"Bienvenue à Tokyo-Vegas #666 !<!--/sizec-->
L'Enclave la plus folle de l'Au-Delà !
Mégalopole de la fête, des jeux et des loisirs !
Un paradis multicolore et somptueusement délirant vous attend !"

Chilpéric avait le tournis. Il descendait du grand tour de la ville, à bord d'une barge aérienne.
Ils avaient décollé d'une avenue immense en proie à des embouteillages monstres. Ils avaient vu le centre-ville-parc-d'attraction où les grands huit passaient au milieu des immeubles et des rues, puis les salles de jeux en réseau, le quartier des boîtes de nuits qui ne ferment jamais. Ils étaient passés au paradis du sucre où il s'était acheté une barbe à papa géante. Puis traversée des casinos les plus énormes, avant un tour dans le port de plaisance avec ses compétitions nautiques. C'était ensuite allé très vite et il avait perdu le fil.
Il avaitaperçu toutes sortes de temple au milieu de jardins zen. Ils avaient survolé une reconstitution d'Akihabara, la Mecque des jeux vidéos dans la capitale japonaise. Ils avaient fini dans une cité de bâtiments en verre translucides, dans des jardins aux arbres à fleurs bleues.
Il marchait maintenant dans des ruelles minuscules. Il s'arrêta dans un petit bar, qui ne contenait que trois tables. Il avait besoin de se remettre la tête à l'endroit.
Il était le seul client.
Il s'assit au comptoir.
- Je vous sers quoi ? demanda le barman de sa voix rauque.
- Un demi, une blonde.
- J'ai de la bière de la Vallée de la Mort, elle est ambrée.
- Ça ira très bien.
Il but son verre en quelques gorgées.
Le patron essuyait son comptoir en chantonnant un vieil air de blues.
Chilpéric le dévisageait depuis son arrivée.
- Hé mais, je vous reconnais !... Attendez, ne me dites rien... Je reconnais l'air que vous chantez... "Well they call me William The Pleaser. I sold opium, fireworks and lead."
- "Now I'm telling my troubles to strangers", reprit le patron, "when the shadows get long I'll be dead..."
- Lucinda ! Tom Waits !
- En personne ! dit-il en saluant de son chapeau-feutre.
- Ça alors, mon père avait tous vos albums ! Et il vous adorait dans ce film, celui qui se passe au paradis des suicidés !
- Les gens m'ont un peu oublié ici...
- C'est scandaleux ! Alors que vous étiez presque la coqueluche des people au début du siècle ! Scarlett Johansson chantait vos chansons. Ça a fait un bide d'ailleurs...
- Allez, je t'offre la suite.
- Un Four Roses, alors !
- Ici, c'est du chrysanthème.
- Ça ira !
Ils trinquèrent.
- Vous êtes là depuis longtemps ?
- Non, Tom, je viens d'arriver...
C'est comme s'ils étaient déjà de vieux amis.
- Quelle ville de dingues ! Ils ont cru me faire plaisir à l'administration en m'envoyant dans cette Enclave, mais je vais vite me lasser...
- Il faut aller voir ailleurs.
- Vous en connaissez d'autres des Enclaves ? Un type comme vous doit être un sacré baroudeur.
- J'ai un peu bourlingué, ouais. Il y a un train par jour qui vous emmène dans les Canyons. C'est le paradis des Indiens. Il y a plein de beatniks et des mecs new age qui traînent là-bas. Si vous aimez le chamanisme et tout ça...
- Alors j'irai peut-être voir. Et sinon ?
- Il y a l'Hyperespace, mais c'est cher d'accès.
- C'est vrai que même ici, il faut payer... Quelle vie je vous jure.

Chilpéric avait comme tout le monde une auréole sur la tête. Elle servait de carte d'identité : toutes les informations sur sa vie passée était enregistrée, ainsi que son compte personnel, ses droits d'accès, ses crédits. Et dans cette Enclave, on pouvait même télécharger des films et de la musique !
- J'ai monté ce bar plutôt tranquille. C'est un peu à l'écart, et en même temps, pas loin du centre-ville.
- Oui, c'est bien.
- Il y a encore des gens comme vous qui viennent, et aussi quelques amis. Keith devrait passer un de ces soirs.
- Keath Richards ?
- Oui, on a joué ensemble de notre vivant.
- Et qui d'autre ?
- BB, John Lee, quelques autres. On a sympathisé.
- Captain Beefheart, Frank Zappa ?
- Evidemment.
Les yeux de Chilpéric brillaient. Il avait trouvé son point de ralliement dans cette Enclaves de cinglés !
Il reprit un whisky.
- J'ai laissé une femme là-bas... Une Française...
Il écrasa une larme.
- Triste histoire.
- Vous pourriez en faire une chanson, tiens.
- Elle s'appelait comment ?
- Paulette...
Chilpéric sentait une grosse tristesse remonter de l'intérieur.
- Putain, Paulette...
- Vous savez qu'on peut obtenir un permis de séjour dans son monde d'origine. Mais c'est cher et ça ne dure pas longtemps.
- Pauvre Paulette, je ne vais aller la hanter...
- Pour moins cher, vous avez des salles de visionnage. Vous pouvez voir vos connaissances qui sont restées "là-bas", et en même temps, elles ne vous voient pas. Ça évite de les effrayer.
- J'essaierai peut-être, mais je vais me faire du mal, je sens... Je contacterais bien quelques anciennes connaissances, qu'elles me vengent des salauds qui m'ont piégé.
- Les contacts avec les vivants sont sévèrement réglementés. Tout ça se fait avec l'accord de la Nécro-Police, et sous sa surveillance. Quand on laisse les gens comme nous faire n'importe quoi, ça finit toujours mal...
- Ça explique les châteaux hantés et tout ça...
- Vous touchez un peu d'un instrument ?
- Je faisais de la batterie.
- Pourquoi ne pas venir faire le boeuf ?
- Moi ? Avec John Lee Hooker ? Vous êtes fou ! Je ne serai jamais au niveau !
- Il faut bien commencer.
- Ben, merci, j'y réfléchirai...
Chilpéric sortit du bar en titubant. Il marcha pendant des heures à travers les quartiers envahis par une foule en délire. Il restait étranger à toute cette agitation, il ne voulait pas s'amuser. C'était injuste d'être ici. Il voulait se venger de ce salopard de Jonson...
- En même temps, mon pauvre Chilpéric, tu n'es pas le premier à te faire avoir comme ça... C'est comme ça que finissent les runners...

Il échoua dans un autre bar, rempli d'Asiatiques.
Il comprit qu'il était chez toutes les victimes des films de Honk-Kong. il se retrouva à discuter avec un type assez sympa.
- Moi j'ai été tué dans The Killer...
- La scène dans l'église ?
- Ouais, voilà. On me voit à peine à l'écran mais pourtant, j'y suis passé.
- Vous n'êtes pas le seul !
- Oh non. On a même monté un syndicat des victimes de Chow Yun Fat et John Woo. Lui, on l'attend de pied ferme... Et tenez, là-bas, c'est les victimes des histoires de Johnnie To, et à la table d'à côté, ceux de Tsui Hark.
- Je suis un peu jeune pour avoir bien connu tout ça. Je suis de la génération d'après.
- Vous êtes de quelle année ?
- 2035.
Chilpéric avait compris que lorsqu'on était d'une année ici, ce n'était pas la date de naissance, mais celle de mort.
- Tiens, au fait, c'est cher d'aller dans l'Hyperespace ?
- Oui, très. On l'a déjà fait avec les copains, c'était super mais c'est vraiment pas donné. Notez que nous, on a une prime de dédommagement, pour mort violente.
- Moi aussi je suis mort violemment.
- Alors vous devez avoir la prime. Elle est enregistrée dans votre auréole.
- C'est intéressant, ça...
Il serra la main du figurant et prit un taxi jaune.
- Tiens, c'est ce modèle de taxis qu'on voit dans le Cinquième élément.
- Pff, dit le chauffeur, en réalité, c'est piqué à Valérian... Lisez Les cercles du pouvoir, et vous verrez !
Il décolla vers le sixième étage de circulation aérienne.
- Il y a toujours moins d'embouteillage par ici... Je vous emmène où au fait ?
- Je voudrait partir vers Hyperespace.
- Ah, on se paye un petit séjour de folie.
- J'en ai marre de cette enclave. Et pourtant, je viens d'arriver !
- L'Hyperespace, ça c'est un truc qui ne s'oublie pas !
Ils arrivèrent aux sommets de l'Enclave, à la base spatiale.
Le taxi le déposa au terminale 3.
Chilpéric courut vers les comptoirs d'enregistrement. Il y avait beaucoup de monde. Il choisit une compagnie au hasard.
- Des bagages ? demanda l'hôtesse.
- Euh, non...
- Approchez-vous.
Elle "bippa" son auréole.
- Voilà, vos billets sont enregistrés, monsieur.
- Merci !
- Pour la douane, c'est après les comptoirs de la Dagobah, juste à gauche.
- Merci.

Il fallut faire la queue. Les douaniers Wookie vous obligeaient à enlever les chaussures et tous les objets métalliques. Chilpéric avait gardé son pistolet, et dut payer une forte taxe. On lui bippa son auréole.
- Il faudra que je vois combien j'ai d'argent encore là-dessus.
Après le portillon, il se rhabilla et alla changer ses devises. Il passa au bureau, encore un "bip" d'auréole, et ce fut l'heure de l'embarquement.
Il vit par la vitre l'appareil qui allait l'emmener : il se collait le nez à la vitre comme un gamin sur une vitrine de Noël.
- La vache, un mini Destroyer de poche ! Ils ne font pas les choses à moitié !
Les passagers, des humanoïdes de toutes tailles, formes et couleurs, embarquaient.
Chilpéric avait un siège bien au milieu de l'appareil.
Les hôtesses Twi'lek donnèrent les consignes de sécurité, et le commandant de bord dit quelques mots pour les passagers.
- Notre vol durera 6h47, notre vitesse de croisière sera de 14 parallaxes/secondes...
Chilpéric boucla sa ceinture. Il sentit à peine le décollage. Il vit la grosse capitale rose-bonbon scintillante disparaître.
Tout le monde s'extasiait du paysage. Puis il y eut une forte accélération et soudain on se retrouva dans l'espace ! Tout le monde applaudit à tout rompre.
Le voisin de Chilpéric était un humanoïde poisson.
- Vous voyez, moi je viens d'un monde appelé Polaris, dit-il, où on vit sous l'eau. Alors, l'espace, ça me change un peu.
- Je comprends. Moi, je ne suis jamais monté si haut non plus...
Il y eut une escale sur une ceinture d'astéroïde, avec son indispensable bar, le Thembee's. Les gens s'agglutinèrent au comptoir et aux tables.
- Une bière de la nébuleuse, dit le Nain.
Il dégusta sa mousse. Il se mit à dévisager son voisin, un gros humain au visage bovin.
- Hé, je vous reconnais vous ! Vous êtes Jek Porkins !
- Hé ouais, héhé...
L'une des victimes de l'attaque dans le conduit !
- Quel dommage, j'aurais vraiment cru que vous iriez au bout, vous...
- Bah, c'était écrit d'avance...
- Vous faites quoi maintenant ?
- Un peu le même genre de boulot... Je fais visiter l'Enclave aux touristes.
- C'est pas vrai ? A bord des mêmes engins ?
- Ouais, on a un parc de chasseurs bien retapés.
- Ça c'est dingue ! Je viendrai vous voir très bientôt !
- Avec plaisir. Tenez, je vous laisse mes coordonnées.
Porkins toucha l'auréole de Chilpéric avec la sienne.
- C'est noté, dit le Nain.
Le vaisseau repartait déjà. La foule quitta le bar en un troupeau tumultueux. On redécollait. Chilpéric ignorait même quelle était la destination finale, mais il commençait à s'amuser !
- Chilpéric, pilote indépendant... Hmm, il est temps que je me reconvertisse ! Galaxie, à nous deux !
Le vaisseau accéléra, déchira l'espace-temps et partit vers les confins de l'Enclave, dans un champ de milliers d'étoiles.
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See you, dead cowboys !
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