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26ème Episode : La colère de Mitsurugi
#1
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE

Les 5 Rônins : 26ème Episode

Dragon 403




La colère de Mitsurugi



Samurai


Sasuke, empressé comme à son habitude, franchit la porte du palais de la Cité du Levant :
- Je demande à voir le gouverneur Mitsurugi !
Ce dernier, au calme dans son bureau, avait bien évidemment entendu. Son tempétueux conseiller faisait à lui seul plus de bruit que toute une armée... Sasuke ouvrit le panneau.
- Entre, soupira Mitsurugi, fais comme chez toi.
Sasuke s'assit et se fit servir à boire. Il avait toujours l'air d'être sur des charbons.
Mitsurugi ne comprenait pas ce besoin de s'agiter en tous sens. Maintenant qu'il était gouverneur de cette Cité, il comptait en profiter. La cité du Levant ressemblait un peu à sa ville natale, la Cité de l'Or bleu. Il aurait pu y couler des jours heureux, dans ce pays aux confins des terres des clans, loin de l'influence des grandes villes, donc loin des seigneurs ambitieux qui vivent et se comportent en tyrans. Hélas, la sympathique Cité qu'il avait conquise, perdue et reprise, allait bientôt être la première étape sur le passage de la plus formidable armée que l'Empire ait connu : une coalition inédite de Grues, de Phénix, de Lions et de chiens sans honneurs du shinsen-gumi, qui allaient marcher sur l'orgueilleuse Cité des Apparences, pour abattre son nom moins orgueilleux gouverneur, le puissant Matsu Kokatsu.

Mitsurugi souffla sur son thé :
- Tu as pu rencontrer les gens que tu voulais à la capitale ?
Il était inutile de demander trop de détails. Sasuke les aurait donnés, mais Mitsurugi ne voulait pas trop les connaître.
- Oui, des rencontres très enrichissantes.
- Tant mieux. Tu as des nouvelles de Yatsume ?
Mitsurugi disait cela comme en passant. En réalité, si la rônin voulait aller à la capitale, très loin de chez lui, cela lui convenait aussi bien.
- J'ai dit à Yojiro de l'attendre. Je suis sûr qu'ils vont se retrouver et revenir ici très vite. Ensuite, nous punirons ces Scorpions pour ce sale tour -un de plus !
- Bien sûr.
Le thé était vraiment trop brûlant.
Un page se présenta :
- Une missive urgente, seigneur.
- Voyons cela.
Mitsurugi n'aimait pas les missives urgentes.
Elle portait le sceau de la famille Kitsu mais elle était écrite de la main de Yasashiro. Le Crabe expliquait que les négociations se poursuivaient à Bakufu entre les deux prétendants restant. Les Kitsu, semblait-il, voulaient une résolution rapide du conflit.
- Oseraient-ils tenir tête à Tangen ? ricana Sasuke.
- Cela me paraît trop beau pour être vrai. Ce que je souhaite, c'est que nous ayons un nouveau daimyo avant la bataille...
- Si c'est pour avoir un daimyo à la botte de Tangen, et des autres conspirateurs, non merci...
- Hmmm...
Mitsurugi commençait à s'agacer de cet attentisme. Il n'aimait pas voir pourrir la situation.
Le page restait là, incliné :
- Tu as autre chose à me dire ?
- Oui, seigneur. Les représentants des cultes du Feu éternel et ceux de la Dévotion de pureté demandent toujours à te recevoir.
Deux cultes, l'un, le Feu éternel, venu du clan du Phénix, l'autre, de chez les Grues. Des ordres de samuraï très pieux, itinérants, à mi-chemin du guerrier et du moine, connus pour propager les idées du Gozoku sur la réconciliation des nobles et du peuple. Mitsurugi ne pouvait pas supporter ces fanatiques de la piété, toujours prêts à vomir des flammes par les yeux si vous ne faisiez pas preuve de la plus extrême rigueur dans votre moralité.
Il y avait plus d'une semaine qu'ils séjournaient en ville et il avait réussi jusqu'ici à retarder le moment de les recevoir. Mitsurugi fit craquer ses poings.
- D'accord, je vais les recevoir.
Sasuke n'avait pas manqué le petit sourire en coin de son ami.


Samurai

- Entrez donc, chers hôtes.
Le ton de Mitsurugi était mielleux.
Les quatre représentants étaient déjà visiblement excédés. Excédés de l'air trop décontracté de Mitsurugi, excédés qu'il n'y ait pas un moine dans chaque pièce pour en surveiller la moralité, excédés de tout, de la seule existence des Lions.
- Comptez-vous séjourner longtemps parmi nous ?
- A vrai, dit le Grue, nous sommes ici pour rendre un culte à nos ancêtres qui ont vécu dans cette ville. Nous voulons prendre le temps de communiquer avec eux afin d'attirer leur bienveillance sur nos clans pour l'année à venir. Nous ignorons encore combien de temps dureront les rituels propitiatoires.
- Naturellement.
Ils étaient donc en train de lui expliquer qu'ils venaient prier dans sa ville pour leurs ancêtres, pour remporter la bataille à venir contre son clan. Le héros se dit qu'il allait raccourcir leurs séjours drastiquement, qu'ils allaient se dépêcher de "propitiater" !
- J'espère que vous ne serez pas dérangés par les travaux.
- Pardon ?
- Non, je voulais parler, dit notre héros, des travaux de réfection des temples que je vais engager. Il ne m'est tout simplement pas possible de les garder en l'état car, vous le savez, nous autres Lions avons un culte aux Ancêtres plus direct que chez vous, si bien que je vais devoir araser plusieurs temples.
Sasuke leur sourit gentiment.
La tête consternée, puis bientôt furieuse (mais d'une fureur rentrée) des quatre religieux était un ravissement.
- Naturellement, vous pourrez rester et prier avec nous. Mais je comprendrais si vous vous sentiez indisposés par ces travaux.
Mitsurugi porta les lèvres à son thé, enfin à la bonne température.
- Encore un peu de shoyu peut-être ?... Il est délicieux. Spécialité de la région.
Les quatre religieux trouvèrent soudain très inconvenants de rester plus longtemps. Le gouverneur ne les retint pas.
- Ils vont s'en étouffer de colère, dit Sasuke.
- C'était bien le but, soupira Mitsurugi. Je ne les supporte déjà pas en temps normal. Mais là, il est indispensable d'accélérer les choses. Chaque jour qui passe, les Kitsu se font de plus en plus prendre sous la coupe de Tangen. Quoi qu'ils en disent, ils ne se déferont pas de son étreinte.
- Oh que non, dit le shugenja.
- Sasuke, nous ne pourrons pas les attendre. Nous n'avons aucune date de leur part et la coalition peut arriver d'un jour à l'autre. Nos éclaireurs les ont aperçus bien à l'ouest de la cité stratégique nord. Il se pourrait que nous les apercevions à l'horizon dès demain soir. Si nous devons négocier pour repousser la bataille, nous allons nous déshonorer.
- Les Lions ne font pas attendre pour un combat.
- Tout à fait. Le général Kokatsu ne peut pas envoyer un émissaire les prier de patienter, en attendant que les braves Kitsu se soient décidés à choisir un daimyo.
- Oui, dit Sasuke, surtout que l'émissaire, ce serait toi.
- Bref, en un mot, mon cher conseiller, nous devons accélérer le déclenchement de cette bataille tant attendue.
Mitsurugi regarda Sasuke avec insistance. Celui-ci soutint son regard, lut ce qu'il y avait à y lire, puis il baissa les yeux et dit en souriant :
- D'accord, je vais m'en occuper.
- Bien, je te remercie.


Samurai


Depuis quelques mois, Sasuke s'était entouré de toute une clique de rônins qui lui servaient d'yeux, d'oreilles et de bras armés. Ils venaient du clan du Loup et ils étaient férocement dévoués au conseiller. Trois étaient particulièrement efficaces. Sasuke les appelait sa "meute". D'entre eux, Ranto était le plus à cheval sur l'honneur. C'était Mitsurugi qui, au départ l'avait engagé. Il n'avait pas renoncé à vivre et mourir dignement. Sasuke le comprenait (ou du moins : se servait de ce fait) pour des missions de confiance. Venait ensuite Shokun, engagé par Sasuke, qui était nettement plus roublard. Il ricanait volontiers des grands airs des samuraï, de cet honneur de façade. Les scrupules ne l'avaient jamais empêchés de dormir, c'est pourquoi, à sa façon aussi, c'était un homme de confiance, quelqu'un qui croyait bien en plus Sasuke qu'en l'obéissance de manière générale.
Enfin, le troisième de la bande, Noname Tupuri, était, on peut le dire, l'âme damnée de Sasuke. Il avait été recruté dans la pègre de la Cité de la Pieuvre pour se renseigner sur les trafics de Lotus. Il était un peu à Sasuke ce que Sasuke était à Mitsurugi : l'homme à qui on confie une tâche, sans chercher à savoir par quels moyens il va s'y prendre.
C'est à lui que le shugenja fit appel ce jour-là :
- Entre Noname.
Ce n'était pas un mauvais bougre à première vue, ni quelqu'un de particulièrement violent. C'était juste que, un jour, décidément, l'honneur était mort en lui. Il avait compris qu'il n'était pas fait pour cela. Il n'en voulait pas aux gens qui voulaient bien se comporter, il ne s'en moquait pas, comme Shokun. Simplement, lui ne se sentait pas capable de suivre ces règles. Il les ignorait donc. L'idée d'épurer son âme, de préparer sa prochaine vie, cela lui était indifférent. Il ne le disait pas, n'éprouvait pas le besoin d'en faire état. Il était d'ailleurs taiseux. Il avait un regard farouche dès qu'il se concentrait pour écouter. Apathique la plupart du temps, il devenait vite alerte, comme un fauve, dès qu'il fallait se mettre en action. Il se sentait bien dans cet état, proche des animaux sauvages, qui peuvent être paisibles quand ils sont repus, mais qui tuent sans hésiter dès qu'il faut manger.
- Écoute-moi attentivement, car la mission que je vais te confier est sans doute la plus importante qui soit. Tu connais un peu la région maintenant ?
- Comme ma poche, seigneur.
- Bon. Tu vois la rivière qui serpente entre les marécages, près de la colline du levant ?
- Très bien. Je vais y pêcher régulièrement.
Sasuke déplia une carte. Il resta un long moment en compagnie de son mercenaire. Il le fit manger et boire tant qu'il voulait -ce fut peu, car Noname était un ascète à sa manière. La nourriture l'intéressait peu. Les femmes, assez, mais surtout, la chasse, le danger, l'excitaient plus que tout.
- Tu prendras deux ou trois hommes, pas plus. Des gens de confiance. Vous agirez de nuit.
Sasuke lui glissa des pièces, lui dit où ils trouveraient des armes.
- Il y a un refuge dans les bois après ce village, dit Noname, nous y dormirons quand nous aurons fini. L'endroit est très mal praticable pour qui ne connaît pas.
- C'est parfait.

Noname partit par une porte discrète. Le soir, au repas, Sasuke ne fit aucune mention de cette entrevue. Il se contenta de dire que tout allait bien. Mitsurugi n'en demanda pas plus. Il venait d'apprendre que les émissaires du Feu éternel et de la Dévotion venaient de quitter la ville, sans dire au revoir. Que demander de plus pour être heureux ?



A suivre... Samurai
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#2
Il n'y a pas d'honneur, il y a le feu biggrin
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#3
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE


A Bakufu, nouvelle ville érigée par le Gozoku, au nord de la Cité des Mensonges par rapport aux chaînes de montagne, les négociations continuaient houleuses entre les deux prétendants restant. Depuis le départ du plus jeune, Akodo Genchô, parti chercher l'aide de Matsu Kokatsu, tout le monde voyait approcher une issue rapide au conflit.
Hida Yasashiro assistait toujours à chaque séance et, le soir, consignait rapidement ce qui s'était dit sur le fond, c'est-à-dire pas grand'chose, et il envoyait un courrier tous les deux ou trois à Mitsurugi. Depuis une semaine, il désespérait d'avoir quoi que ce soit à rapporter. Il avait entendu, lors du dîner des Kitsu, auquel il était confié par politesse envers les Matsu, que les vieux shugenja dirigeants avaient l'intention de hausser le ton envers les Scorpions.
- Nous ne sommes plus chez eux, disait un des conseillers du daimyo. C'est sans déshonneur que nous pouvons leur signifier que nous ne sommes plus d'accord avec leur façon de faire, et que la sollicitude de Bayushi Tangen pourrait ressembler à une ingérence dans nos affaires.

Yasashiro, qui connaissait les méthodes des Scorpions, savait que nombre des serviteurs iraient rapporter tout ce qu'ils entendaient aux Bayushi. Les Kitsu le savaient-ils ? Comptaient-ils déjà envoyer un message à Tangen ?
Le Crabe se frotta les yeux. Il avait envie de dormir. On l'avait relégué en bout de table, à côté de la porte des cuisines. Personne ne s'occupait de lui, sinon quelques jeunes invités, par pure politesse. On se moquait de sa grande carrure : il était plus large d'une épaule et plus haut d'une tête que les autres. Il passait pour un barbare, tout juste bon à se battre sur la Muraille. Au moins, on parlait librement devant lui. Quand on apprenait qu'il était au service de Mitsurugi, on se montrait un brin plus respectueux envers lui, là encore par pur respect pour le titre de Mitsurugi. C'était pour la façade, devant les autres clans. Dans les discussions plus sincères entre membres du Lion, Mitsurugi suscitait beaucoup de méfiance. Trop peu orthodoxe, trop couvert de gloire, il passait pour un individualiste forcené, un homme moderne à sa façon, comme ceux du Gozoku qui prônaient la moquerie envers les traditions et l'attachement inconditionnel au clan. Les plus jeunes admiraient sa désinvolture, ses provocations, les plus vieux fronçaient les sourcils devant son caractère imprévisible. L'affaire Ikue était sur toutes les lèvres, et soulevait plus de discorde que tous les autres faits d'armes de Mitsurugi. Pour les uns, c'était un acte dans la grande tradition guerrière, où il faut conquérir sa femme et non attendre qu'on vous la présente ; pour les autres, un acte cruel et purement capricieux.
- D'autant qu'au final, dit un Kitsu entre deux bouchées, il ne l'a pas eue ! Le shinsen-gumi l'a enlevée à son nez et à sa barbe.
- M'est avis que l'année ne se finira pas avant qu'il l'aille la rechercher !
Le daimyo Kitsu, impatienté qu'on s'intéresse à ce genre de gaudrioles, pour ne pas dire de grivoiseries, pria chacun de revenir au sujet du moment :
- Que disons-nous demain au gouverneur Tangen ?
- Disons-lui tout net que son aide a été la plus précieuse qui soit mais que, maintenant qu'il n'y a plus que deux prétendants, les choses vont être plus simples.
Le vieux daimyo acquiesça.

Le soir, avant de se coucher, Yasashiro fit écrire par un page une lettre à Mitsurugi qui annonçait ce changement favorable.
Le lendemain, on tira le Crabe de son lit :
- Dépêchez-vous, Hida-san, vous êtes attendu impatiemment !
- Allons bon !
Yasashiro s'habilla en vitesse. C'était bien la première fois qu'on s'occupait de lui.
Le shugenja qui venait le chercher se nommait Kitsu Jo. Son maître, Kitsu Moriare, avait été tué et on avait dit que le coupable était Tangen Sazen. Jo avait vite eu le soupçon que ce n'était pas le Scorpion le coupable et il s'en était ouvert à Sasuke. Depuis, Kitsu Jo s'était rapproché de Hanteï Tokan, qui l'avait dans la confidence concernant une conspiration contre le trône impérial. Hélas, Jo était bien seul pour lutter contre les plus hauts dignitaires du Gozoku qui jouaient à la poupée avec les dirigeants Kitsu.
- Quelles nouvelles ? demanda Yasashiro.
- Pas très bonnes, je le crains. Ce matin, notre daimyo Kitsu Itsoji a rencontré le seigneur Tangen. Comme il l'a dit hier, il lui a fait part de sa volonté de choisir seul un successeur. Tangen en a bien sûr pris ombrage. Cet hypocrite a surjoué la comédie comme il sait si bien le faire... Quel mauvais comédien !... Heureusement, notre daimyo a tenu bon et s'est sorti la tête haute de cet affrontement. Tout le monde a vu que la déception du Scorpion était exagérée, qu'il était inconvenant pour lui d'insister autant. Un camouflet inattendu pour ce tireur de ficelles !
- Oui, c'est vraiment surprenant.
- Il faut vous dire que notre maître a reçu les conseils d'un homme sûrement plus avisé, en la personne du maître du Vide, Isawa Masaakira.
- Qui ça ?
Yasashiro n'en croyait pas ses oreilles ! Et le pauvre Kitsu Jo qui ne soupçonnait rien !
Et pourtant, c'était la vérité : en arrivant dans la salle d'audience, il vit que les Scorpions étaient partis et qu'à la place de Tangen, à la droite du daimyo, se trouvait maintenant le terrible Masaakira ! Celui dont nos héros savaient maintenant avec certitude qu'il n'était autre que le conspirateur Nuage ! Et il avait pris la place de son complice Cristal !
C'était merveilleusement monté !
Effrayé, Yasashiro ne dit rien. Si Jo soupçonnait Tangen des pires choses, jamais il n'aurait pensé que le maître du Vide puisse tremper dans une si infâme conspiration.
Et devant toute l'assemblée, Masaakira pérorait :
- Crois-moi, Kitsu Itsoji-sama, tu as bien fait d'écarter les Scorpions. Ils pensent d'abord à leurs intérêts. Ils tiennent un double langage. Nous autres Phénix avons pour règle de voir les choses avec plus de détachement. Nous pouvons être opposés aux Lions sur certains points, cela ne nous empêche pas d'honorer notre tradition de sagesse et de bienveillance...
C'était mielleux à souhait, dégoulinant de bons sentiments et les vieux Kitsu s'y laissaient prendre comme des gâteux à qui on propose de la confiture.
Yasashiro ne voulait plus y croire. La conspiration était soit trop maline, soit elle avait affaire à une partie trop facile en la personne des Lions. Les deux étaient malheureusement vrais...
- Si je te suggère un duel, puissant daimyo, c'est qu'il vaut mieux régler les choses selon les traditions de votre clan, au lieu de laisser pourrir la situation sur pied.
- Nous aurions dû commencer par là c'est vrai, dit Itsoji-sama.
- Dans la voie de la sagesse, on termine toujours par le plus simple.
- Oh que oui, sourit le vieux daimyo.
- Les Scorpions, quant à eux, aiment se compliquer la vie. Et surtout : nous compliquer la vie !

Un officier fit signe à Yasashiro d'approcher. Le Crabe, la gorge serrée, fit trois pas en avant.
- Seigneur, voici Hida Yasashiro, émissaire de la Cité des Apparences.
- Ah c'est toi, sourit aimablement le vieux daimyo. Tu vas pouvoir écrire au gouverneur Kokatsu que nous aurons bientôt réglé ce petit différend.
- Tu m'en vois ravi, seigneur.
- Comme tu es un peu extérieur aux affaires de nos familles, dit l'officier, mais que tu nous as juré fidélité au nom de ton clan, j'ai pensé à toi pour arbitrer le duel qui va avoir lieu.
Interdit, Yasashiro dut se forcer pour répondre :
- C'est un immense honneur, seigneur.
Il n'eut pas la politesse de refuser, ce qui passa pour grossier, mais on ne lui en voulut pas trop : c'était juste un Crabe, on n'allait pas lui en vouloir de confirmer la réputation de son clan !
La vérité était que notre Crabe était sous le regard terrifiant de Masaakira, qui semblait lire à livre ouvert dans son esprit.
- Bien, tout cela me semble parfait, clama le maître du Vide. Faire arbitrer un duel par un Crabe n'est pas très orthodoxe, mais j'imagine qu'en la circonstance, on ne saurait trouver un juge plus impartial.
Yasashiro, qui n'en était plus à cela près en matière de gaffe, demande tout à trac quand aurait lieu le duel. Toute la salle, soulagée à vrai dire de voir approcher un dénouement, éclata de rire.
- Toi, dit un officier, quelle date suggères-tu, Hida-san ?
- Euh ma foi, dit Yasashiro, rouge comme une pivoine, pourquoi pas demain ?
La salle repartit d'un éclat de rire.
Le vieux daimyo se mordit les lèvres puis demanda à tout le monde de se calmer.
- Je pense que cette proposition n'est pas si incongrue. Nous ne devrions plus retarder l'échéance. Notre clan va avoir grand besoin d'un chef très bientôt. Si les deux prétendants sont d'accord, le duel aura lieu demain.
Les deux Akodo dirent oui ensemble.
- Cela me semble parfait. La sagesse du maître du Vide nous aura remis sur la bonne voie, et celle des Crabes aura accéléré les choses. N'est-ce pas merveilleux ?

Merveilleux, on ne pouvait trouver un meilleur mot.
- Allons, qu'un scribe vienne assister l'émissaire Crabe pour qu'il puisse annoncer la bonne nouvelle à notre clan.
Tout le monde regarda Yasashiro partir avec cette sympathie condescendante qu'ont généralement les Lions pour les Crabes. Les épaules lourdes, Yasashiro sortit. Même Kitsu Jo ne pouvait plus comprendre.


A suivre... Samurai
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#4
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE


Les reflets de la lune remuaient sur les vagues. Accoudée au bastingage, Ikue respirait l'air du large.
- Vous devriez rentrer, lui dit Yatsume.
- Je suis une fille de la région, savez-vous. C'est l'air que j'ai toujours respiré.
Elle semblait en confiance.
- Où allons-nous maintenant ?
- Nous partons vers le sud car les courants nous y poussent naturellement. Nous pourrons aller chez votre frère.
- On m'a dit que la région où il vivait était très pauvre. Je suppose que c'était son destin. Pourquoi ne pas aller voir Mitsurugi ?
- Il est très loin, dit Yatsume. La région est en guerre. Tandis que personne ne nous cherchera chez les Moineaux.
- Les gens du capitaine Otomo Jukeï sont malins et surtout très têtus.
- Êtes-vous sûre que c'est Mitsurugi qui vous envoie ?
- Vous ne vous faites pas confiance ?
- Je vous ai déjà vue près de Mitsurugi. Ce que je pense, c'est qu'il n'aurait jamais donné son accord pour venir m'enlever.
- Pardonnez-moi, Ikue-sama, mais c'est bien ce qu'il a fait le premier.
- Justement, je pense qu'il serait venu lui-même.
- Ce n'est pas possible. Il est gouverneur d'une Cité, conseiller du plus grand général du clan des Lions.
- Il l'était déjà quand il est venu.
Yatsume ne savait plus quoi répondre. La voix claire comme l'eau de roche d'Ikue, son air malin... elle devinait tout ! Derrière ses airs de jeune fille sage, elle en savait déjà long sur les hommes.
- Je ne vous en veux pas. Je trouve même cela amusant, mais vous prenez un gros risque.
- Votre honneur ne sera pas entaché. Si nous sommes pris, je dirai que c'est nous qui vous avons enlevé pour demander une rançon.
- Même sous la torture, vous ne parleriez pas ?
Elle avait réponse à tout. Elle n'était pas méchante mais elle disait juste les choses avec franchise, d'un ton toujours très poli.
Agacée, Yatsume redescendit aux cuisines. Yojiro buvait un verre.
- Tiens, réchauffe-toi, c'est de l'alcool des îles, fait à partir de cannes à sucre. Il y a de la banane dans celui-là.
Yatsume trempa les lèvres.
- Il réchauffe oui !
Yojiro finit son verre.
- Elle est malin hein ?
- Très maline, soupira Yatsume.
- Mitsurugi ne s'est pas trompé en la choisissant.
- Oh oui ! Il a trouvé l'exception ! Derrière ses airs de jeune fille innocente, elle est très lucide.
- Elle a vu la cour d'hiver, résuma Yojiro.
Ils entendirent des pas dans l'escalier, c'était Ikue. Yojiro n'eut pas le temps de cacher la bouteille.
- Du vieux rhum de chez les Mantes, dit-elle en humant l'atmosphère. Mon père s'en faisait livrer tous les ans...
Elle s'assit à table, le dos droit, les mains posées sur les genoux.
- Un jour, Suzume a voulu en boire en cachette. Il en a avalé une grosse gorgée. Il en a été malade pendant trois jours, il avait les boyaux en feu.
Les deux rônins éclatèrent de rire.
- Vous connaissez des gens chez les Mantes ? demanda Yatsume.
- Les Mantes ? Oh non...
Elle avait dit cela d'un air de grande dame. Les Mantes, ces rustres, étaient bien aimables quand ils apportaient leurs produits exotiques, mais sans plus.
Un des garçons de l'équipage descendit :
- Hé, il faut que vous veniez !
Yatsume monta.
- Regardez ! Les Mantes !
On distinguait un navire qui avançait rapidement.
- On ne pourra pas les éviter.
- Ils nous veulent quoi ?
- Tout dépend si ce sont des pirates ou des douaniers, dit un marin âgé. Avec les Mantes, on ne fait pas bien la différence.
Il cracha par terre.
- En supposant que ce soit des douaniers, ils vont demander quoi ?
- Un droit de passage. Cher, généralement. A la tête du client.
- Ils vont fouiller le navire ?
- Oui. Sauf si vous payez un supplément Captain
Yatsume cria à Yojiro qu'il allait falloir se cacher.
- Venez, dit le rônin.
Il l'emmena dans la réserve d'eau. Sous un tonneau, une cache avait été aménagée.
- Ce n'est pas très grand, dit Yojiro à Ikue, mais s'ils viennent à bord, il faudra vous cacher là-dedans. Nous ferons tout pour que ce soit rapide.
- Cela me rappellera les parties de cache-cache avec Suzume.
- Sauf que là, on ne peut pas se permettre de perdre.
- Oh mais je ne perdais jamais.
Évidemment !

Les Mantes étaient tout proches. D'après leur pavillon, c'était bien des douaniers. Ils se collèrent au navire.
- Cherchez-vous le chemin de nos îles ?
- Non, cria Yatsume, nous descendons plus au sud. Nous ne nous arrêterons pas chez vous.
- Nous sommes obligés de venir à votre bord.
- Nous sommes pressés.
- Ce sont les lois de la mer.
- Et avec ceci ?
Yatsume lança une bourse pleine de pièces, qui s'écrasa aux pieds des Mantes. Ils la ramassèrent et comptèrent rapidement. Le capitaine la mit dans sa poche :
- D'accord, nous vous laissons passer mais vous devez partir rapidement.
- Bien évidemment ! Merci à vous !
- Je vous déconseille de continuer vers le sud. Entre nous, le shinsen-gumi a aussi des patrouilles au niveau de la côte des falaises noires et eux ne feront pas de cadeau. Vous ne pourrez pas les éviter.
- Nous allons y réfléchir, merci !

Le navire Manta s'éloigna.
- Ben tiens, dit le marin âgé, dès fois que ses supérieurs s'apercevraient qu'il s'est tout mis dans la poche Captain
- Ce sont des commerçants, voilà tout.
Ils descendirent au chaud.
- Allez sortez maintenant, disait Yojiro.
- Non !
- C'est Ikue, dit le rônin, qui a voulu se cacher là-dedans. Elle trouve cela très drôle.
On entendait la jeune fille rire :
- Je ne sortirai que quand Mitsurugi viendra me faire sortir.
Yojiro haussa les épaules et la laissa dans sa cachette.

L'équipage et les rônins s'assirent à table :
- Si nous continuons notre route, le shinsen-gumi va nous tomber dessus, dit Yatsume.
- Nous avons pris assez de risques. Faisons demi-tour, dit Yojiro.
- Pour aller où ?
- Chez les Mantes.
- Oui, nous pourrions payer un droit de séjour chez eux. Mais nous ne pouvons pas y rester longtemps. Il faut un endroit où Ikue sera vraiment en sécurité.
- Alors confions-là au Bouffon. Elle le connaît déjà.
- Oui, c'est une idée, dit Yatsume. Elle sera bien traitée avec lui.
- Allez, annonça Yojiro, demi-tour, cap au nord.
- D'accord Captain Méfiance quand même, nous allons repartir dans les eaux impériales.
- C'est soit ça soit le shinsen-gumi. Pour moi, c'est tout vu, dit Yojiro : on ne peut pas traiter avec des chiens sans honneur. On ne peut même pas savoir ce qu'ils "lui" feraient. Tandis que si Ikue venait à tomber entre leurs mains, elle serait en sécurité.
- Et nous, nous serions bons pour la potence Captain
- Ça, c'est une autre affaire, oui.

La lune disparaissait derrière une trainée d'épais nuages. Le navire acheva son demi-tour et repartit vers la capitale.
Deux jours plus tard, ils retrouvaient le Bouffon, après avoir fait passer Ikue par des chemins détournés.
- Nous te la confions, dit Yatsume, fébrile.
- La petite sera chouchoutée, croyez-moi ! Elle attendra ici le retour du grand Mitsurugi !
Yoriku pouvait d'autant plus se montrer lyrique que Yatsume lui laissait une forte prime pour le séjour, et pour ses hommes. Elle avait fini d'épuiser l'argent gagné au service des Lions. Il était temps de rentrer ! Elle serait bien resté avec Ikue mais elle estimait sa dette payée. Et sa fille l'attendait avec Avishnar.
- Allez, à bientôt ma grande, dit Yoriku en prenant Yatsume dans ses bras.
- A très bientôt oui, dit Yatsume, plus émue qu'elle ne voulait.
- Merci pour ton aide, dit Yojiro. Nous ne l'oublierons pas.
- Cela me fait plaisir de pouvoir vous aider.

Il ne leur restait qu'à rallier la Cité des Apparences, ce qui serait peut-être le plus dur, du fait de tous les mouvements d'armée en cours.


Samurai


L'heure du duel était arrivée à Bakufu.
Les deux prétendants avaient passé la nuit chacun à sa façon : le premier, très pieux, avait prié ses Ancêtres avec ferveur, tandis que le second avait rapidement fait une offrande à son dieu tutélaire, Akodo-le-Borgne puis avait passé le reste de la nuit avec des geishas.
Yasashiro s'était levé très tôt pour ses exercices physiques. Cela l'aidait à supporter la nervosité. Il fit une centaine de pompes puis s'offrit un bain bouillant, finit par une baignade dans un étang glacé. Il se sentait d'attaque. Il fit craquer ses épaules, toutes ses articulations puis s'habilla. Kitsu Jo lui avait fait amener des habits de cérémonie dignes de ce nom.
Rendez-vous était pris sur la grand'place de Bakufu. La cité était encore en construction. Presque aucun bâtiment n'était encore ouvert. C'était partout des échafaudages, des chaînes de travailleurs acheminant des pierres, des rondins de bois, préparant du mortier, découpant des planches...
Kitsu Jo arrivait à la rencontre du Crabe :
- Vous n'êtes pas en avance mon ami. On n'attend presque plus que vous !
Il y avait déjà du beau linge : outre le conseiller Tangen et sa cour d'admirateurs, il y avait Isawa Masaakira et ses deux disciples, Mizu et Ichibei ; les dirigeants de la famille Kitsu, ceux des Akodo.
Enfin les deux prétendants arrivaient, chacun de leur côté, accompagnés de deux témoins chacun : Akodo Koji, arrogant et fier et Akodo Denko, connu pour sa grande piété.
Yasashiro ne les connaissait pas et n'en préférait réellement aucun. Denko, le plus sage, avait la préférence certaine des Kitsu, tandis que Koji était plus soutenu par les représentants de la famille Matsu. Les Ikoma ne voulaient pas se prononcer franchement.

Les deux adversaires portaient un bandeau rouge et blanc autour du front, signe que le duel pouvait s'arrêter au premier sang. C'est bien ainsi que les choses étaient prévues. On savait que si Denko perdait, il se retirerait dans un temple pour prier pour ses frères, tandis que Koji ravalerait son orgueil et prendrait la tête des troupes de la famille Akodo, sous le commandement direct de Denko.
Les Scorpions murmuraient entre eux. Les Kitsu étaient silencieux. On avait ordonné que tous les travaux cessent pendant la durée du duel.
Le shinsen-gumi avait posté des hommes autour de la place, pour empêcher le peuple de trop avancer. De toute façon, les travailleurs, attirés par ce spectacle exceptionnel, s'étaient massés comme ils pouvaient contre les soldats, sur les toitures, les murets, partout où il y avait un point de vue intéressant.
Yasashiro, mis au courant du déroulement de la cérémonie, avança au milieu du cercle tracé dans le sable. Il frappa deux runes de la famille Kitsu puis lança une poignée de riz et s'inclina. Il fit trois pas en arrière et d'un geste, dit aux deux prétendants d'avancer. Ceux-ci, très raides, dignes, firent quatre grands pas pour arriver dans le cercle.

Yasashiro repensait à une discussion qu'il avait eue la veille avec Kitsu Jo :
- Si je comprends bien, il vaudrait mieux que Akodo Denko l'emporte ? Dans ce cas, vous auriez un daimyo sage et un chef d'armée vaillant ? Tandis que dans l'autre cas, vous n'auriez qu'un daimyo...
- C'est cela, avait dit Kitsu Jo, mais le sort des armes en décidera. Prions les Ancêtres qu'ils veillent sur nous.
- Je suis sûr que tout se passera bien.

Le rôle de Yasashiro, à vrai dire, était plutôt symbolique. Il ne pourrait donner un avis que si une irrégularité était constatée. Dans le cas contraire, les lames parleraient d'elles-mêmes. Il reviendrait juste au Crabe d'arrêter le duel au bon moment, selon la règle du premier sang. C'était la seule chose pour laquelle on avait gentiment fait pression sur lui... A vrai dire, Yasashiro aurait été tenté de favoriser le sage Denko, mais il n'en avait aucun moyen.

On n'entendait plus que le léger souffle du vent. Les deux adversaires se regardaient dans le blanc des yeux, tendus, hostiles. Yasashiro sortit entièrement du cercle et lâcha le chiffon rouge. Tout le public retenait sa respiration comme un seul homme.

Le seul qui, juste avant la sortie simultanée des sabres, fit un léger mouvement, inaperçu de quiconque, fut Nuage. Il resserra son poing. Akodo Koji dégaina son sabre un clin d'oeil avant celui de Denko ; ce dernier eut le temps de voir qu'il avait perdu mais se sentit confiant qu'il serait juste éraflé ; il s'écroula d'un coup quand Koji, emporté par son mouvement, pris d'une vigueur irrépressible, le transperça de part en part. Yasashiro se protégea le visage quand l'éclaboussure de sang lui arriva dessus.
Quand il rouvrit les yeux, Denko était à genoux et se vidait à gros bouillons sur le sable. Interdit, Koji ne tenait plus son sabre que d'une main, et avait reculé d'un pas, terrifié. Par réflexe, Yasashiro baissa le pouce, pour ordonner, comme il en avait le droit, à Koji d'achever son adversaire. Il était en effet indigne de laisser un perdant agoniser dans des souffrances humiliantes. Mieux valait, par générosité, abréger son tourment. Koji reprit fermement son arme en main et décapita son adversaire.
Ce fut comme un soulagement pour tout le monde. Mais l'effroi succéda bien vite. Tangen souriait derrière son masque mais fut soudain le premier à s'approcher du cercle, comme s'il était sincèrement pressé de féliciter le vainqueur. Les Kitsu firent cercle et demandèrent à tous de reculer. Tandis qu'on retirait le corps de Denko, qu'on remerciait l'arbitre, Nuage gardait tout son calme, étudiant les évènements avec sérénité. Puis ce fut le moment où le vieux daimyo Kitsu, ému de la mort du bon et sage Denko, dut approcher de Koji, qu'il n'aimait pas : il lui ordonna de s'agenouiller et couvrit sa tête du casque ancestral du daimyo des Lions.
Koji, qui se sentait béni des dieux, brandit son sabre et tout le monde s'agenouilla devant le nouveau daimyo, resplendissant sous le soleil de printemps, aussi éblouissant que terrifiant.


Samurai


Le shinsen-gumi mit fin à la cérémonie en dispersant les curieux ; les contremaîtres arrivèrent avec les fouets pour remettre tout le monde au travail. Les nobles brisèrent le bel ensemble cérémoniel. Kitsu Jo vint remercier Yasashiro d'avoir arbitré la rencontre.
- De rien, de rien, dit le Crabe, en cachant son amertume.

Isawa Masaakira s'approcha du jeune daimyo et, d'un ton très protecteur, lui dit :
- Les Ancêtres t'ont désigné sans ambiguïté comme le digne héritier du plus puissant des clans. Tu vas faire honneur à votre réputation.
- Très bientôt, oui, puissant maître du Vide. Car je vais me battre très bientôt contre ton clan et montrer une fois de plus que personne ne peut rien contre la détermination et la vaillance des Lions.
- Nul n'en doute, bien évidemment, dit Masaakira. Mais je me garderais bien de te donner le moindre conseil en matière de guerre. Tout ce que je sais, c'est que ta victoire éclatante est le signe que tu ne dois partager le pouvoir avec quiconque.
Il ajouta, plus bas, mais assez fort pour que Yasashiro puisse entendre -et Yasashiro comprit que le message était pour lui :
- Si j'étais toi, je me méfierais de ce général Kokatsu, connu pour n'écouter que son bon plaisir et celui de ses conseillers, eux aussi très égoïstes, avides de pouvoir et guère respectueux de vos traditions.
- J'y veillerai, dit Koji, qui avait compris le message.
Puis Masaakira s'éloigna. A aucun moment, il ne s'était approché de Tangen.

Yasashiro se sentait très fatigué. Il entendit qu'on l'appelait : c'était Akodo Koji qui le faisait venir !
Le Crabe accourut et s'agenouilla :
- Seigneur ?
- Toi, tu es bien l'émissaire du général Kokatsu.
- Oui, seigneur.
- Tu vas retourner auprès de lui et tu transmettras mes salutations les meilleures au général Kokatsu.
- Bien, seigneur.
En somme, on le chassait. Yasashiro se dit que c'était aussi bien ainsi. Kitsu Jo annonça qu'il venait d'envoyer un messager rapide sur les terres des Lions pour annoncer la bonne nouvelle :
- Il a pris la meilleure des montures et sera très bientôt à la Cité des Apparences, seigneur.
- C'est parfait !

Seuls quelques Kitsu et quelques Akodo assistèrent à la crémation d'Akodo Denko, dont Koji avait dit qu'il ne voulait plus entendre parler. Il était devenu pour lui synonyme de malheur. Et le soir, le nouveau daimyo des Lions dîna en compagnie des Scorpions et des Phénix. Il ne cessa de se vanter devant eux de la force de ses hommes, tout en écoutant les bons conseils que lui prodiguaient Tangen et Masaakira.


Samurai


Ils paraissaient plus nombreux que les brins d'herbe sur la prairie, plus menaçants qu'une tempête, plus bruyants que le grondement de la mer démontée.
L'armée de la coalition du Gozoku approchait de la Cité du Levant. A leur tête, sous leur bannière grise, les chiens de guerre du shinsen-gumi. Derrière eux, sur le flanc gauche, les Phénix dans leurs couleurs chaudes ; au centre, en bleu et blanc, les Grues. Sur la droite, en retrait, dans leurs armures bleu-nuit et rouges, les Scorpions. Le martèlement des pas d'hommes et de chevaux faisait trembler le sol.
- Ils sont plus nombreux que tous les habitants de cette ville, murmura Mitsurugi, sur les remparts.
Les poings de Sasuke fumaient déjà, comme du bois prêt à s'enflammer.
- Je vais recevoir leurs porte-paroles, dit Mitsurugi.
- Je te laisse, je préfère ne pas me retrouver face à eux.

Le shugenja descendit dans ses apparements. Noname l'attendait, de retour de sa campagne :
- Deux villages ont brûlé, seigneur. Les Phénix et les Grues, furieux, ont aussitôt hâté l'avancée de leurs troupes.
- Tu as bien agi, dit Sasuke en lui glissant des pièces.

Par la fenêtre, le shugenja vit Mitsurugi sortir en grande pompe de la Cité et attendre les envoyés du Gozoku à quelques jets de pierre des murailles.
Il y avait quatre émissaires, un pour chaque faction.
- Nous venons t'annoncer, gouverneur de la Cité du Levant, que notre armée ne fera que passer au large de chez toi. Nous allons à la Cité des Apparences, pour reconquérir cette ville. Et quand nous l'aurons, immédiatement, ta Cité nous reviendra aussi.
- Vous devriez repartir avant de subir une cruelle désillusion à ce sujet. Le clan du Lion est maître chez lui et n'entend pas se laisser déposséder.
- Le sort des armes en décidera, gouverneur. Si tu veux nous obliger, avertis donc le gouverneur Kokatsu de notre proposition pour la bataille. Voici une demande officielle que tu pourras lui faire parvenir plus rapidement.
- Je ne manquerai pas à mon devoir de vassal du gouverneur Kokatsu. Ce message va lui parvenir dans les plus brefs délais. Obliger les honorables membres du Gozoku a toujours été, comme vous le savez, ma priorité.
- Nous entendons tes sincères paroles et repartons, confiants que le gouverneur Kokatsu aura ce message très bientôt et qu'il réfléchira avant d'engager la bataille contre nous.
- Il ne réfléchira guère qu'à l'heure du début des combats, honorables messagers. Et à la manière dont il disposera ses troupes pour remporter la plus éclatante victoire possible.
- Nous reconnaissons bien là l'indomptable fierté des Lions.
- Elle est notre raison d'être.
- D'autres diraient : une attitude bravache.
- Nous acceptons aussi le terme. Allons, émissaires, je ne peux pas vous proposer l'hospitalité pour la nuit.
- Nous ne comptions pas la demander.

Les quatre hommes tournèrent les talons et Mitsurugi rentra au palais.
- Les choses se précipitent, dit notre héros, de retour dans son bureau.
- Nous avons tout fait pour.
- Je viens d'envoyer un messager à la Cité des Apparences. Demain, je m'y rendrai aussi pour conseiller le général sur le déploiement de nos armées.
- Avec les renforts venus directement du daimyo Torajo, cela va faire du monde.
- Nous ne serons pas aussi nombreux qu'en face, mais nous combattrons avec une rage décuplée. Par contre, tu vas devoir contenir ta colère : les shugenjas ne seront pas autorisés.
- Ils craignaient que je déclenche une éruption volcanique sous leurs pieds.
- Ne sous-estime pas non plus leurs shugenjas. M'est avis que ceux de la famille Soshi doivent avoir quelques tours dans leurs sacs.
- Je n'ai jamais vu une ruse résister à une belle coulée de lave.
- Certes, certes...
Mitsurugi n'avait qu'une envie : aller dormir. Il profita d'une courte nuit de sommeil puis, le lendemain dès l'aube, partit à la Cité des Apparences. Sasuke l'y suivit.

Le général Kokatsu, penché sur son bol de riz matinal, était de mauvais poil. Il avait passé une partie de la nuit à voir et revoir son plan de bataille avec ses conseillers. Ils déplaçaient des unités en bois sur un grand plateau, en prévision de ce qui serait "la bataille du marteau de guerre", du nom de l'emblème porté par tout gouverneur de la Cité des Apparences.
- Ici, nos archers, disait patiemment un stratège, là nos trompe-la-mort Matsu, ici les réserves...
- Tiens, Mitsurugi-san, approche et dis-moi ce que tu en penses...
- Si ces unités doivent charger, elles ne seront sûrement pas à portée, dit Mitsurugi. On ne peut demander à des hommes de tenir une si longue distance et d'arriver face à l'ennemi avec du souffle. Et ici, je me demande si les archers pourront manoeuvrer.
Kokatsu bâilla et dit qu'il allait prendre un peu de sommeil.

Sasuke, qui n'avait pas envie de jouer aux soldats en bois, sortit sur les remparts. L'armée du Gozoku était stationné presque sous les remparts de la Cité du Levant, une vraie provocation. Éclatante sous le soleil, elle ressemblait à un tapis de fourmis qui sortait de l'horizon. Car il en arrivait encore. Et sur la grande plaine encore rouge sous la lumière du matin, Sasuke vit un petit point se déplacer seul : un cavalier portant les couleurs de la famille Kitsu.
Ce devait être un messager portant des nouvelles de Bakufu. Sasuke se précipita à la poterne d'entrée et demanda qu'on introduise le messager dans son bureau du palais de la Cité.
- Je dois remettre ce message au gouverneur Kokatsu en main propre, dit le Kitsu.
- Le gouverneur est occupé à préparer son plan de bataille. Il ne peut être dérangé. Remets-le moi, car je suis un de ses plus proches conseillers.
Le messager hésita puis tendit le rouleau.
- C'est bien, va donc te reposer, te faire servir à manger et te faire préparer un bain. La route a dû être longue.
- Oh oui, en effet ! Il y a encore de la neige sur les sommets.

Sasuke mit le tube dans sa manche, s'enferma dans la bibliothèque et y déroula le parchemin. Il le lut, fébrile. C'était signé de la main du daimyo Kitsu, qui annonçait que le nouveau daimyo avait été choisi. Akodo Koji serait désormais le maître des Lions ; on comprenait à demi-mots que l'autre prétendant avait trouvé la mort dans le duel. S'ensuivait un message signé du vainqueur, qui annonçait son intention de monter à la Cité des Apparences et d'y séjourner en compagnie de plusieurs alliés précieux du clan du Scorpion ! Le sang de Sasuke ne fit qu'un tour, de stupeur et de rage. C'était comme si ce message suintait le venin dans lequel Tangen trempe son encore !
Laisser entrer les Scorpions chez Kokatsu ! Ce jeune imbécile d'Akodo Koji ne doutait de rien.
Sasuke fit appeler Mitsurugi, en insistant pour qu'on le dérange.
- Quoi donc, Sasuke ? dit-il, assez fâché. J'étais avec les stratèges et Akodo Gencho, le troisième prétendant et...
- Tiens, lis cela.
Mitsurugi parcourut les deux lettres et eut la même réaction : le sang lui monta à la tête.
- C'est du délire... Ce n'est pas possible, voyons... Les Scorpions...
- Ils vont venir ici, Mitsurugi.
- Le général Kokatsu va en être fou. Cela sera une atteinte à son honneur.
- Qui sait même si le nouveau daimyo, si ami avec les Scorpions, ne va pas négocier amicalement le retour de la Cité aux Grues ?
- Non, non, impossible.
- Il serait capable de leur rendre sans combattre. Tout est possible quand on est pris dans les pinces de Tangen.
- Non, je ne peux pas le croire.
C'était vertigineux. Tout pouvait s'écrouler sous leurs pieds sans qu'ils y puissent rien. Ils pouvaient demain avoir à s'agenouiller devant les Scorpions, à constater leur échec sans combattre.
- Non, non, dit Mitsurugi, pris par la peur et la haine.
- Et quand bien même le nouveau daimyo accepterait la bataille, c'est lui qui la dirigerait. Tu penses bien qu'il ne laisserait pas à Kokatsu ce privilège.
- Il serait raisonnable, il laisserait Kokatsu diriger dans les faits.
- Raisonnable ? Raisonnable comme de séjourner à la Cité des Mensonges quand il faut choisir un daimyo ? Raisonnable comme de commencer en invitant les Scorpions chez nous ? Raisonnable comme tuer son adversaire inutilement dans un duel ? Cela te semble la marque d'un homme réfléchi et pondéré, Mitsurugi ?...
Ce dernier se prit la tête dans les mains et contint sa colère. Il retint son souffle, regarda dans le vague, ignorant pendant quelques instants de la pièce autour de lui. Il avait le visage fermé, dur comme la pierre. Puis, il se leva et dit doucement, d'une voix altérée :
- Sasuke, tu vas brûler ce message.
Le shugenja sentit une jubilation intérieure profonde l'envahir, une joie sombre et délicieuse.
- Il n'est jamais arrivé jusqu'ici.

Le shugenja prit le parchemin et, d'une flamme, le réduisit en une poussière qu'il laissa couler de son poing.
- Mon Empire contre mon honneur, Sasuke.
Mitsurugi partit rejoindre les stratèges.
- Tu as entendu ? dit Sasuke.
Noname sortit de derrière le panneau en bois.
- Le message n'est pas arrivé, fidèle serviteur, pas plus que le messager.
- J'ai compris.
- Les terres des Grues et des Phénix sont si dangereuses ces temps-ci, il est imprudent de les traverser.

Sasuke fit repartir le messager dans l'heure avec une réponse urgent à transmettre à la Cité du Levant. Il n'y arriva pas, et le lendemain, on retrouva son corps derrière une grange d'un petit hameau au-delà de la frontière des Phénix.

- Des nouvelles de Bakufu ? demanda Kokatsu.
- Aucune, général, lui dit Mitsurugi. Ils sont bien longs à se décider.
- Tant pis pour eux, nous engagerons les hostilités sans eux.
- Cela me paraît le plus sage, dit Akodo Gencho.


A suivre... Samurai
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Suite smile
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#6
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE


Yatsume et Yojiro quittèrent la capitale et prirent le chemin le plus court vers l'ouest pour rejoindre la Cité du Levant. Mal leur prit de ne pas emprunter les chemins détournés ; ce qui devait arriver en pareil cas arriva : alors qu'ils croisaient un détachement de l'armée des Lions qui remontait de Bakufu, ils furent encerclés et, comme ils n'étaient porteurs d'aucun ordre officiel émanant d'un clan, ils furent enrôlés de force.
- Nous sommes au service du gouverneur Mitsurugi ! clama Yojiro, alors que lui et Yatsume étaient tenus en respect par trois lances et quatre tridents.
- Nous allons justement le voir ! Allez, qu'on couse un insigne sur les habits de ces vagabonds et qu'ils rejoignent un groupe de leurs semblables.

Ils furent intégrés dans une cohortes de samuraï sans honneur, parmi lesquels ils retrouvèrent quelques anciens du clan du Loup qui voulaient se battre contre le Gozoku, mais surtout le tout-venant de la canaille ramassée aux quatre coins de l'Empire, amenés à Bakufu, et dont on allait se débarrasser à la guerre, en les mettant en premières lignes.
- Ne t'inquiète pas, murmura Yatsume, à la première occasion, on décanille de cette troupe et on rejoint les nobles armées du grand Mitsurugi.
- Plus facile à dire qu'à faire ; la discipline dans les armées du Lion est féroce et si nous partons, ils n'hésiteront pas à nous tirer dans le dos. Ils ne feront pas de détail...
C'était la première fois depuis sa déchéance que Yojiro se retrouvait dans la position d'un vrai rônin, regardé comme tel et donc méprisé. Il se rendit compte à quel point il avait eu une position confortable sous les ordres de Mitsurugi : tous les avantages du service d'un seigneur, sans les désagréments de la vie de clan, des cérémoniels, des obligations de famille etc.
Comme ils avançaient sur la route pavée, sous le soleil de début de printemps qui chauffait déjà la pierre et agressait la vue, ils virent passer un cavalier arborant les couleurs de la famille Hida.
- Ça alors ! s'exclama Yojiro, mais c'est lui ! Hé, Yasashiro ! Yasashiro !
Le Crabe passa sans l'entendre ; sa voix était couverte par le bruit des pas, des plaintes et du trot des sabots sur les pavés.
- Silence ! cria le gunzo [sergent] en charge de surveiller le groupe, ou je te donne le fouet !
Les autres rônins, qui n'avaient pas envie d'écoper au passage de quelques caresses de lanière de cuir, intimèrent à Yojiro l'ordre de se taire et lui promirent qu'il passerait un sale moment s'il continuait. L'heure était d'ailleurs venue d'une halte à la fontaine. Les Lions allaient se désaltérer largement et organiseraient ensuite une distribution d'eau pour les rônins. Quant à Yasashiro, il était déjà loin à l'horizon.
- Ah misère, soupira Yojiro, les dieux sont contre nous. Lui nous aurait aussitôt sorti de là !
C'était une ironie cruelle que son ancien compagnon de la brigade d'enquête crabe (BEC) passe sans le voir et que lui soit promis à aller se battre en première ligne parmi la lie des porte-sabres.

Yasashiro, pressé de retrouver Mitsurugi et de rendre-compte de ce qui s'était passé à Bakufu, piqua encore sa monture ; il fut bientôt en vue de la Cité du Levant, mais dut faire un détour pour passer loin de la gigantesque armée du Gozoku qui campait dans la plaine.
Au terme d'une chevauchée épuisante, il était enfin de retour ! A la petite Cité, on lui que Mitsurugi était auprès du général Kokatsu. Le Crabe remonta aussitôt et finit la route qui le séparait de la Cité des Apparences. A son arrivée, il se fit signaler à l'entrée. Sasuke dit qu'on le laisse rentrer ; il salua le shugenja :
- L'armée de Bakufu sera ici dans trois jours, guère plus... Le nouveau daimyo, Akodo Genchi, est au mieux avec les Scorpions.
- Tu as bien travaillé Yasashiro. Désormais, le destin est en marche. Rien ne peut arrêter la colère des Lions.

Le Crabe dit qu'il irait se battre avec férocement.
- Mais avant cela, je vais aller dormir.
Dès qu'il fut dans sa chambre, il tomba dans un lourd sommeil.


Samurai


Le soleil était encore caché sous l'horizon, le ciel bleuissait à peine à l'est, quand les armées du Gozoku se disposèrent dans la plaine pour la bataille, entre les collines de la Mort Joyeuse et la rivière du Sacrifice Glorieux. A l'ouest, à moins de cinq lis, Matsu Kokatsu arrivait à la tête de son armée. Il commandait à toutes les troupes de la Cité des Apparences, ainsi qu'aux contingents envoyés par le chef de famille Matsu Torajo ; s'ajoutaient les troupes rapides de la famille Ikoma, des archers Akodo et de fortes troupes de familles mélangées qui composaient le gros de cette armée.
Kokatsu harangua toute cette masse extraordinaire de guerriers dont la puissance pouvait faire trembler la terre et le ciel. Brandissant haut la bannière de la Cité la plus disputée de l'Empire, ainsi que la bannière de dame Matsu l'impitoyable, il promit le paradis des Ancêtres bénis à tous ceux qui mourraient aujourd'hui et la gloire à ceux qui resteraient en vie pour savourer la victoire.

Puis Kokatsu alla sur une hauteur et y fit déployer son quartier général. C'est de là qu'il dirigerait la bataille, transmettant à l'aide de son éventail les ordres à ses officiers.

Mitsurugi sanglait son casque. Il passa voir Sasuke :
- A bientôt, vieux camarade. Je compte sur toi pour conseiller le général.
- La tactique, ça ne me connaît pas trop. Si cela ne tenait qu'à moi, tu sais bien que je les disperserais dans une tornade de feu.
- Retiens-toi. Nous devons gagner à la loyale, sinon, ce sera pire qu'une défaite. Et prie pour moi, car je pars en première ligne.
- S'ils t'expédient en enfer, j'irai te chercher.
Mitsurugi donna une tape sur l'épaule de Sasuke et descendit rejoindre ses cohortes. Celles-ci se composaient en fait des guerriers les plus féroces de l'armée. Il y avait au premier rang les Quêteurs de Mort de la famille Matsu, des samuraï qui, s'estimant déshonorés, ne demandaient qu'à subir une mort rapide dans des circonstances glorieuses. Aucun d'entre eux ne comptait en réchapper. Mitsurugi les avait donc autorisés à passer les premiers... Notre gouverneur aurait à ses côtés Yasashiro qui, officieusement, lui servirait de garde du corps.
- Si tu en sors en vie aujourd'hui, considère que ta dette envers nous sera effacé Yasashiro. Et même très largement.
- Bah, je n'ai pas envie de retourner sur la Muraille. J'aime de toute façon mieux me battre à tes côtés.
Le Crabe, dans sa lourde armure, ressembla à une mini-muraille à lui seul. Et quand on le voyait brandir à deux mains son tetsubo hérissé de pointes, c'était le spectacle d'un géant prêt à broyer et écraser tout sur son passage Troll1
Outre les Matsu, Mitsurugi avait sous ses ordres une troupe de rônins triés sur le volet, parmi lesquels Shokun et Ranto, les fidèles du clan du Loup et une quarantaine d'autres samuraï sans clan restés fidèles à l'honneur, prêts à mourir pour racheter leur déchéance. Kokatsu avait enfin mis sous ses ordres un contingent de vétérans ; ils avaient tous connu au moins deux grandes batailles et comptaient parmi la fine fleur de l'armée des Lions. Mitsurugi avait entendu courir la rumeur selon laquelle, s'il revenait en vie, le général Kokatsu lui accorderait le droit de fonder sa propre famille. Et le bruit courait déjà dans l'armée et nombreux étaient ceux qui voudraient faire allégeance à notre héros et porter le nom de famille de Mitsurugi.
Comme, de plus, face à la mort, les hommes s'avouent plus aisément la vérité, le passé de Mitsurugi était revenu : on avait appris, d'abord par les calomnies propagées à la cour d'hiver, qu'il avait appartenu au clan du Phénix. Ce qui aurait dû être un motif de déshonneur devenait, dans ces circonstances héroïques, un motif de fierté et déjà, nombreux étaient ceux qui voyaient dans le gouverneur de la Cité du Levant le composé d'un lion et d'un phénix, c'est-à-dire un griffon, aux ailes de feu et aux pattes velues ! Et tandis que Mitsurugi remontait les rangs de l'armée pour rejoindre ses troupes, le nom de griffon était scandé, d'abord à voix basse par quelques-uns, puis de plus en plus fort par de plus en plus de monde, et quand notre héros arriva en première ligne, c'était une vague d'acclamations qui le portait vers la bataille ; il était entendu que, dans la lumière orangée du levant, il serait l'oiseau aux pattes de fauve qui mènerait l'armée jusqu'au coeur des troupes ennemies. Depuis la colline, Kokatsu observait cette vague d'acclamation ; il ne voulut pas ternir cet enthousiasme. Il sentait bien que Mitsurugi, s'il continuait ainsi, lui ferait bientôt de l'ombre. Il ne parvenait pas à lui en vouloir, car il sentait que c'était les Ancêtres qui portait son diplomate vers son destin : et il est inutile de vouloir arrêter le flot de la rivière en crue ; même barrer le cours d'eau ne fait que le faire déborder et le rendre encore dangereux.
Kokatsu se tourna vers le poète Ikoma Noyuki, qui se tenait debout à sa gauche :
- Tu raconteras tout ce que tu vois aujourd'hui.
- Je n'y manquerai pas, général.
Pour l'ancien compagnon de beuverie de nos héros, c'était aussi un jour de rédemption ; lui qui avait connu naguère la déchéance pour une histoire de femme, pouvait retrouver la gloire si, à l'avenir, il restait aux côtés du général et couchait sur le papier sa légende. Car les hommes meurent et leurs geste sont oubliés, sauf si le poète les a rendus immortels.

Dans l'armée, l'acclamation retombait. Mitsurugi était prêt à lancer son bataille à l'attaque.
Le troisième prétendant, Akodo Gencho, descendit pour transmettre les ordres aux troupes de sa famille. Kokatsu n'aimait pas trop avoir à compter sur lui, car il était encore trop jeune. Néanmoins, si ce Gencho devait être un appui pour lui, le général n'avait d'autre choix que de l'accepter à ses côtés.


Samurai


Les deux armées étaient en place. Selon une vieille coutume, les Matsu prirent leurs sabres dans leur fourreau à la main et commencèrent à marteler en cadence le sol ; bientôt, ils furent imités par les autres familles et c'est ainsi que des centaines de samuraï se firent à battre en cadence la terre sur laquelle tant de braves allaient verser leur sang. Ceux du Gozoku avaient beau être au courant de ce rituel de début de bataille, la plupart n'en furent pas moins pétrifiés, et leur effroi ne fit qu'augmenter quand les Matsu les premiers entonnèrent à pleins poumons le chant traditionnel des guerriers recommandant leur âme aux Ancêtres. C'était alors comme si toutes les portes du royaume des morts s'ouvraient, que les fantômes des disparus venaient hurler sur les ennemis du clan du Lion, comme si ces centaines d'hommes ne formaient plus qu'un seul fauve rugissant, avide de dévorer ses proies. Les Scorpions, habiles pour attaquer à revers, pour se cacher, pour ruser et taper sous les ceintures, ne pouvaient rien opposer à la puissance brute qui se dégageait de cette armée. Le comble fut atteint quand les rônins volontaires, armées d'énormes pieux, avancèrent aux premiers rangs, comme une forêt mouvante, et pointèrent leurs rondins d'empalement vers le Gozoku, acclamés par leurs camarades.
Les Phénix avaient beau réciter toutes sortes de prière et rester, comme à leur habitude, tout à fait maîtres d'eux-mêmes, certains sentaient leurs genoux les abandonner face à la déferlante qui se préparait. De même, nombre de Scorpions commençaient à se demander ce que pourrait la ruse et la stratégie devant cette meute de fauves ; les Grues, arrogants, sûrs, trop sûrs, de leurs moyens, avaient presque oublié ce que pouvait être la toute-puissance des Lions quand ceux-ci se mettaient en ordre de bataille ; obligés d'admettre ce que leurs adversaires avaient d'admirables, ils devaient pourtant ne pas oublier le raffinement de leurs tactiques guerrières et l'ardeur de leur détermination.
Enfin, au premier rang, les mercenaires, mauvais samurai, opportunistes et demi-repentis composant les rangs du shinsen-gumi, réalisaient l'ampleur de leur erreur, car ils réalisaient qu'ils n'auraient jamais la force d'âme des Lions face à la mort. Plusieurs voulurent reculer mais ils se heurtèrent aux Grues, qui les empêchèrent de faire un pas de plus en arrière.

Les Lions terminèrent leur chant par le cri de guerre ancestral légué par dame Matsu :
« Dans mon sabre, le vent. Dans mon cœur, le courage. Dans mes yeux, la mort. »

Et comme les dernières syllabes retombaient, le soleil, comme vengeur, dardant ses rayons, apparut dans le dos de l'armée du Gozoku.
Le général Kokatsu savait que, traditionnellement, une bataille à la Cité des Apparences signifiait que les Lions avaient le soleil face à eux. C'était un désavantage dont les Lions n'avaient jamais voulu se plaindre. Par défi, certains hommes des premiers rangs, destinés à périr dès le premier choc, se bandaient les yeux, pour prouver leur loyauté aveugle au clan. L'armée du Gozoku, noire sous la lumière rasante du matin, ressemblait à une bande de fantômes, tandis que les Lions resplendissaient d'autant plus.
Solennellement, Kokatsu leva son éventail et, d'un coup de poignet, le déplia. Dame Amaterasu frappa l'emblème de ses traits, et l'ordre d'attaque ainsi apparut clairement à tous. Puis le général agita trois fois l'éventail et ce fut le signal de l'assaut.

Mitsurugi brandit son sabre ; les lanciers passèrent les premiers. En face, les rônins au service du Gozoku avaient eux aussi leurs épieux mais, moins déterminés, appâtés par l'argent plutôt que par l'honneur, ce premier rang ne fut pas de taille face aux rônins des Lions. Le choc fut comme le craquement d'une forêt qui s'effondre d'un coup. Projetés en arrière, empalés, comme renversés par la charge d'un taureau furieux, les mercenaires s'effondrèrent ou bien partirent s'effondrer sur les rangs de derrière. Passé le premier choc, les pertes pour le Gozoku étaient déjà importantes et surtout, le spectacle des rônins le ventre transpercé, à l'agonie, était saisissant. Les rônins du Lions lâchèrent leurs lances, courant sur celles-ci, montèrent sur leurs ennemis en dégainant leurs sabres. Les archers Asahina étaient néamoins prêts et envoyèrent une volée de flèches. La précision des membres de la Grue ne fut pas démentie : les valeureux rônins furent abattus comme du blé.
La bataille était maintenant fermement engagée.

Les Quêteurs de Mort Matsu finirent d'abattre ceux du shinsen-gumi, avec une facilité déconcertante ; membres, têtes et sabres volaient sur le champ de bataille, dans le rugissement des samuraï impatients de se sacrifier. Les Phénix subirent la colère désespérée des Lions deshonorés et plus d'un mourut de leurs mains, les nobles et modérés serviteurs d'Isawa emportés par les enragés de la dame Lionne.
Passé les premiers affrontements, l'organisation de l'armée du Gozoku révéla son efficacité meurtrière. Les archers des trois clans firent des merveilles : la pluie s'abattit sur les Lions, qui pour beaucoup, ne se virent pas mourir sous ce déluge de gouttes acérées. Et il semblait que les Asahina tiraient comme un seul homme, à une cadence parfaitement respectée. Les Bayushi amorçaient un mouvement tournant pour attaquer les Lions sur le flanc, ou peut-être même de trois-quarts dos s'ils parvenaient à faire une rotation spectaculaire. Sur ordre de Kokatsu, les Akodo durent aller les en empêcher. Hélas, Akodo Gencho, malhabile, tardait à transmettre les ordres et à prendre des initiatives.
Agacé d'abord, puis furieux, Matsu Kokatsu se leva de son siège et répéta ses ordres, de gestes d'éventails frénétiques. Il ne savait pas ce qui le retenait de dire à Sasuke de brûler vif cet incapable !
Ceci eut pour effet que les Scorpions réussirent leur contournement, par un côté et presque aussi bien par l'autre : la pince se refermait sur les Lions ! Pris par les flancs, les serviteurs de Matsu virent leurs manœuvres empêchées. Il fallut que les Ikoma viennent en renfort, au lieu d'aller chercher les archers Asahina comme il était prévu.

Au coeur de la bataille, Mitsurugi vit cet échec, face à une tactique Scorpion des plus élémentaires. Lui et ses hommes ferraillaient à un contre quatre mais faisaient merveille pour tenir leur position ; c'était leur but de garder en l'état un espace de manoeuvre en plein milieu du champ de bataille, pour permettre aux autres groupes de se déplacer facilement.
- La position du pivot, dit Kokatsu à Noyuki et Sasuke, est la plus difficile et la plus ingrate, mais il n'y a que Mitsurugi pour réussir à la tenir. Il faut en permanence rester au milieu des troupes ennemis, attaqué de tous côtés, pour les obliger à se concentrer sur vous et laisser aux rangs derrière la possibilité de s'organiser.

Le tetsubo de Yasashiro tournoyait et emportait jusqu'à quatre crânes à la fois. Mitsurugi non seulement fendait ses ennemis, mais devait en permanence jauger de la situation de la bataille ; heureusement, le Crabe, qui dépassait tout le monde d'une tête, avait une meilleure vue que lui. Il était épuisant de se replier en défense pour attirer l'ennemi, puis contre-attaquer par surprise.
- Ta tactique, avait le général Kokatsu lors de la préparation, sera de changer en permanence de tactique. C'est épuisant mais tes hommes y sont entraînés. Et si vous tenez la cadence, vous serez plus meurtriers que si vous étiez quatre fois supérieurs en nombre.
Mitsurugi constatait que Kokatsu ne s'était pas trompé : la troupe du griffon fracassait les rangs ennemis, obligeait les Phénix à reculer ("où sont tes serres, samuraï ?"), faisait enrager les officiers Grue (ce qui était une profonde satisfaction, prenait de court les Scorpions (c'était encore plus délicieux) et désespérait ceux du shinsen-gumi qui n'avaient pas fui ou succombé.

Un nouvel ordre arriva pour les "griffons" : il fallait cette fois percer jusqu'en plein coeur des Phénix. Ceux-ci étaient sur une butte très bien défendue. Mitsurugi savait que c'était une mission dont pas la moitié, peut-être le quart, des hommes ne pourrait sortir vivant. Ses hommes avaient vu l'ordre :
- Mitsurugi-sama, il n'y a autour de toi que des volontaires, qui savaient dès le départ ce que cela signifierait de se battre sous tes ordres.
Notre héros n'était pas surpris : Kokatsu ne pouvait pas le ménager, car c'était grâce à lui que Mitsurugi n'était plus un rônin ; et ceux qui étaient jaloux de lui avaient également pesé pour le groupe des griffons se voit assigné les missions à tous coups mortelles.
Sasuke serrait les poings. Il savait que tout était fait pour envoyer Mitsurugi à la mort -une mort des plus glorieuses sans doute, mais ils étaient nombreux ceux qui préféraient célébrer le souvenir de Mitsurugi que d'avoir à le supporter vivant. Ikoma Noyuki comprenait aussi ce qui se tramait. Le général Kokatsu ne tournait plus la tête vers eux.

- Très bien, dit Mitsurugi, qui laissait à ses hommes le temps de resserrer les rangs, que tout le monde se recommande à ses Ancêtres, car nous allons les rejoindre.
Presque toute l'armée savait qu'était venu le moment pour le griffon de lancer sa dernière attaque, celle qui, si elle était victorieuse, offrirait aux Lions une victoire éclatante et au Gozoku une défaite humiliante, car ce sont ses officiers en personne qui seraient mis en danger et, pour beaucoup, tués ou capturés.
- L'aigle frappe à la tête, dit Yasashiro.
- On va leur voler dans les plumes, dit Ranto.

Mitsurugi fit craquer ses épaules. Kokatsu en personne s'était levé pour transmettre l'ordre. Les Phénix savaient ce qui allait se produire et regardaient vers la troupe du griffon d'un air de défi. La troupe de notre héros avait perdu plus de la moitié de ses effectifs. Ceux qui restaient étaient épuisés par cette tactique de bataille mouvante, totale.
Il était plus que temps de renverser le cours des choses, car les Scorpions avaient fait de nombreux prisonniers, les Daidoji mettaient en difficulté les Mats, les Kakita saignaient les rangs des Akodo.
Kokatsu enrageait du manque de sens stratégique du prétendant Gencho. Il ne pouvait en pleine bataille le déchoir de son titre ; néanmoins, c'était toute sa famille qu'il abandonnait au sort d'un jeune prétentieux, c'était la confiance du daimyo Torajo qu'il trahissait...

La troupe de Mitsurugi s'était réorganisée. Pas à pas, ils avancèrent vers la butte où s'étaient perchés les officiers Phénix. Au pas d'abord, puis au pas de charge et enfin dans une course effrénée, dans un grand cri ; d'un coup, les Shiba refermèrent les défenses sur eux. Mitsurugi le premier se heurta à l'un de ces solides yojimbo, mais il en vint à bout en quelques passes. Autour de lui, plusieurs de ses hommes étaient abattus. Trois Phénix s'étaient mis autour de Yasashiro. Celui-ci les accueillit d'un grand éclat de rire ; il en repoussa deux, mais fut blessé par le troisième ; d'autres vinrent en renfort et abattirent le grand Crabe, qui s'effondra comme un chêne. Il n'était pas mort, mais il ne pouvait plus se relever. Shokun et Ranto vinrent à son secours : ils tuèrent les Phénix et en mirent d'autres en déroute. Soudain, des archers Asahina surgirent et lancèrent une volée fatale aux deux Loups : ils reçurent chacun une flèche en plein coeur. Mitsurugi se retrouvait presque seul, et il fallait encore monter toute la butte ; cela paraissait d'un coup vertigineux.
Kokatsu hurlait à Gencho de faire envoyer des renforts ; celui-ci s'y prenait encore mal. D'un coup, le général, excédé, bondit de son siège et prit son éventail à Gencho, repoussant violemment le jeune Lion. Enragé, le général envoya trois cohortes en renfort vers Mitsurugi. Capturer l'état-major des Phénix était le seul espoir pour remporter la bataille, qui commençait à tourner mal.

Enfin, Mitsurugi, tenu en respect au pied de la pente, vit arriver des Matsu à lui.
- Ils ne sont qu'à quelques pas ! Allons les chercher au nid ! cria Mitsurugi, qui avait encore du mal à y croire.
Humilié, Akodo Gencho n'osait pas se relever. Il vit que Sasuke le foudroyait du regard ; le jeune Lion préféra s'éloigner, meurtri de honte. Kokatsu, occupé à rattraper toutes ses erreurs, ne faisait plus attention à lui.
Gencho comprit ce qui lui restait à faire : il demanda qu'on lui amène une armure et un cheval. Kokatsu ne dit rien. Le jeune Lion prit les rênes et descendit sur le champ de bataille ; il galopa pour rejoindre la troupe du griffon ; il sauta par-dessus les morts et les blessés ; au milieu de tous ce soldats au sol, il faisait une cible idéale. Un archer Bayushi l'avait pris dans sa ligne de mire. Il le suivit quelques instants de sa flèche tendue et décocha son trait : Gencho, atteint en pleine gorge, s'écroula de sa monture.
Il voulut se relever, mais d'autres flèches arrivèrent ; il put à peine tirer son sabre qu'il s'effondra au milieu des autres.
Kokatsu l'avait regardé, impassible.

Ils n'étaient plus qu'une poignée autour de Mitsurugi. Notre héros avait abattu à lui seul une dizaine d'ennemis, et en avait blessé autant. Il ne sentait plus ses membres. A peine s'il avançait encore droit. Le soleil cognait par-dessus la tête et, c'est dans ce bain d'or éblouissant que notre héros vit descendre à lui un Phénix à l'armure sans une égratignure. Le sang battait dans les oreilles et le crâne de notre héros mais il entendit distinctement son adversaire se présenter :
- Je suis le capitaine Shiba Takeo, de la Cité de la Forêt des Ombres. J'ai sauvé la vie de mon maître à la bataille des Cerisiers Blancs, et j'ai vaincu en duel quatre adversaires qui avaient mis en doute l'honneur de ma famille. Aujourd'hui, je suis le garde du corps attitré du général de l'armée des Phénix, le vénérable Shiba Akojo-doshi. J'ai l'honneur de te défier en duel.

Mitsurugi retira son casque et cracha par terre un mélange de salive et de sang. Il rit, hoqueta et dit :
- J'accepte ton défi.
Le sang lui brouillait la vue.
- Si tu le désires, nous pouvons repousser le moment de ce duel.
Mitsurugi, accablé par la douleur, se força encore à rire.
- Chante toujours, Fifi, murmura-t-il.
- Plait-îl ?
- Je dis que nous nous battons maintenant, Shiba Takeo. Mon nom est Matsu Mitsurugi. J'ai participé à la bataille pour prendre cette ville. J'ai abattu le Shuten-Doji de la Honte, le Shuten-Doji du Regret. J'ai abattu plus de monstres sur la Muraille que tu ne peux imaginer. J'ai remporté le concours de tir à l'arc, le concours de poésie, j'ai...
Il voulut continuer mais un hoquet l'en empêcha.
- Tu tiens à peine debout, Mitsurugi-san.
- Assez de belles paroles, Phénix !
Jetant ses dernières forces, Mitsurugi dégaina aussi vite que l'éclair, brisa d'un coup le casque de son adversaire, lui entailla l'épaule ; pris au dépourvu, Takeo recula, tandis que son épaulière chutait. Il n'avait pas eu le temps de voir partir le coup de cet homme à moitié mort ; sa lame avait sifflé dans l'air. Takeo dégaina posément. Les deux hommes se tournèrent autour, haletant chacun, et, pour la première fois, le noble et beau Phénix connaissait la peur, face à ce Lion blessé qui aurait pu être son frère d'armes.
Les ombres raccourcissaient petit à petit comme le soleil s'élevait dans le ciel, accablant ceux qui s'agitaient encore, réchauffant ceux qui rendaient l'âme.
Leurs sabres pointés l'un vers l'autre, Mitsurugi et Takeo s'observèrent, et tous les regards se portèrent vers eux, pendant quelques instants où le temps fut suspendu, laissant place à une éternité insoutenable.
Mitsurugi poussa un râle douloureux et attaqua une dernière fois ; le coup de Takeo partit aussi vite. Le Phénix s'écroula, le visage en sang, l'oreille et un bout de menton tranchés. Quant à Mitsurugi, il venait de recevoir un coup en plein ventre ; tout blanc, il sentit ses jambes l'abandonner, la terre se rapprocher, et il bascula, les cheveux trempés et s'effondra.

Un cri s'éleva des rangs des Lions.
Sasuke allait bondir, mais Kokatsu lui prit le poignet :
- Non.
Le général serra fort :
- N'ajoute pas le déshonneur à la défaite, samuraï.


Les Phénix se précipitaient vers Takeo, l'aidait à se relever. D'autres prirent Mitsurugi et le mirent sur une civière. Les Lions qui voulurent se précipiter pour empêcher cela furent repoussés ou abattus. Emmené dans le camp des Phénix, Mitsurugi fut amené à la tente du médecin. Comme ce dernier entreprenait de recoudre la blessure, Isawa Masaakira entra dans la tente, suivi de ses deux élèves :
- Voici une belle prise, ma foi.
Notre héros, à peine conscient, aperçut le visage du terrible Nuage.
- Allons, c'est un rude gaillard, dit le maître du Vide. Il vivra. Et les dieux savent s'il nous est plus précieux vif que mort !

Mitsurugi avait voulu relever la tête, ne pas céder face au maître Kolat. Quand ce dernier fut ressorti, il se rallongea et consentit à se laisser faire par le médecin. Il mit toute sa rage à mordre tant qu'il pouvait dans le bout de bois qu'on lui donna, alors qu'on lui retirait un éclat de lame resté fiché dans son ventre.


A suivre... Samurai
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#7
Comment tu enchaines, tu es en fusion Trunks
Trop bon Amour
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#8
Ha ha, attends le meilleur arrive : le duel de Mitsu wink

J'ai la zique de la bataille de Gladiator en boucle biggrin
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#9
Mmmh grave, ça donne envié de rechausser les katanas (de feu :d)
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#10
Tu m'étonnes, trop trop bon tout ça Applause , en plus j'ai pris les noms de "ceux qui préféraient célébrer le souvenir de Mitsurugi que d'avoir à le supporter vivant" j'irai leur rendre une visite de courtoisie redaface2
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