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Episodes
#31
[Image: Ug8Wj4Z.png]

En franchissant le col, Dastan reçoit une bouffée d'air frais qui monte du désert en virevoltant. La mer de dunes se déplace au ralenti et frissonne. La piste qui mène à Karoulstan apparaît floue sous le soleil. Au loin, des armées se déplacent dans des nuages de poussière. Au bas de la pente, des chameliers font manger leurs animaux.
Dastan tient sa monture part le mors pour l'aider à descendre le raidillon, dont les pierres roulent et rendent un écho formidable lorsqu'elles dévalent la pente et tombent dans la rivière.

Dastan monte en selle et lance sa monture au trot. Il n'arrive dans Karoulstan qu'à la mi-journée, à l'heure où retentit l'appel à la prière depuis le grand minaret. Il traverse les rues presque désertes, quand commencent les heures les plus chaudes de la journée. Il aperçoit de rares patrouilles et quelques mendiants assis à l'ombre d'un porche.
Il se rend dans un quartier populaire, loin du palais de marbre. Dans ce coin, il connaît encore une taverne dont l'entrée est en bas d'une volée de marche. Les hommes fument le narguileh, jouent au dé et parlent à voix basse autour d'un thé.
Il discute avec quelques amis, paye à boire aux uns et aux autres et satisfait, ressort, un peu étourdi par le raki qui sert à rallonger le thé. Pour le soir, il trouve une auberge à bas prix. A l'aube, alors que la première prière de la journée commence, il passe au pied du grand casino et sort par la porte nord. Ce n'est que le soir qu'il arrive dans une bourgade, Kyzirstaw, qui est essentiellement un grand marché avec quelques habitations pour les commerçants. Des caravanes viennent de toutes les directions de la rose des vents, des gens des tribus Pershguen et Urjsken qui arrivent par la piste de Mahudin, des Ujik et des Haï de Kirmblina, quelques marchands bétail de Medinat Al'Salaam.
Dastan a l'adresse d'un vieux marchand, Astanaïev, qui trafique un peu dans les objets occultes.
- Salut vieil homme.
Astanaïev est un petit homme sec, pas encore vieillard qui mais qui en a déjà l'allure. Une fille vient servir le thé. Elle a peut-être une vingtaine d'années et aussitôt, Dastan est ébloui par ses yeux bleus presque mauves.
- Mignonne, dit Dastan en soufflant sur son thé.
- C'est ma fille, dit le vieux.
Dastan hoche du chef et a du mal à décoller son regard.
- Elle s'appelle comment ?
Comme à regret, Astanaïev lâche :
- Anara.
Elle repasse derrière le rideau en perles de bois de la cuisine et Dastan en vient au fait :
- Je cherche un exemplaire d'un vieux manuscrit, le Codex de l'aurore. Il est ancien et on m'a dit que tu connais un peu ce genre de choses.
S'ensuivent des négociations assez longues, traditionnelles dans cette région où il serait en fait insultant de ne pas marchander.
- Tu sais ce que vaut ce koku ?
- Nous ne sommes pas chez les jaunes ici, lâche Astanaïev. Si je prends ta pièce, je vais devoir la changer contre des tiyins, et le changeur va me refaire. Si encore tu payais dans une monnaire digne de ce nom, en rupis ou en manats, je ne dis pas... Tu t'imagines qu'il traite beaucoup avec Rokugan ?
Anara, fière et silencieuse, revient avec une nouvelle théière pleine et fumante. Elle plaît de plus en plus à Dastan, qui la remporterait bien en lot supplémentaire -mais sans négocier.
La pièce est maintenant remplie de fumée de narguileh et le jour commence à décliner :
- Bon, bon, lâche Dastan, surjouant la lassitude, je te donne le koku et en échange je veux le codex, ainsi que cette lampe...
- Elle vaut cher. Elle sert à se protéger des esprits.
- Parfait.
- A propos d'esprits, j'ai peut-être de quoi nous arranger tous les deux.
Le vieux se lève et va voir à la cuisine : Anara n'y est pas. Il épie à la fenêtre, à la porte, comme un conspirateur puis tire le loquet. On entend passer des hommes à cheval. Il attend qu'ils se soient éloignés pour dire, plus bas :
- Ecoute, tu as deviné que je collectionne les objets un peu... insolites. Depuis longtemps, je veux mettre la main sur un objet très précieux. Si tu me le ramènes, tu peux garder ton koku et je te cède le codex et la lampe.
- De quoi s'agit-il ?

*

Au sud de l'arche de la Persévérance, à la frontière des districts de Hokufuu et de Kuda, près de la forêt Shinomen, un village de paysans semble de loin pareil aux milliers d'autres de l'Empire. Mais celui-ci arbore fièrement un étendard de poing noir sur fond rouge : le sigle des Poings de Justice !
Les magistrats Singe ont enquêté sur eux et affirment qu'ils ont renoncé à la lutte armée contre l'Harmonie, depuis la défaite des Lièvres. Ce village, qui ressemble de plus près à un camp fortifié, a accueilli des réfugiés de l'est qui se sont éloignés de Bakufu. Leur mot d'ordre est de lutter contre l'invasion des étrangers. Ils ont d'ailleurs changé leur nom en : Poings de Justice et de la Concorde. La concorde est déjà plus proche de l'harmonie...
Miya Genichi, en sa qualité de gouverneur de Hokufuu, a ordonné à ses assistants de se rendre à ce village et de revenir avec le chef de ces Poings de Justice. La journée promet d'être chaude, donc nos héros sont partis tôt le matin du palais de la magistrature Toku. Alors qu'ils avancent dans la campagne, ils aperçoivent en contrebas un vallon plongé dans la brume. En cette saison ! Ils entendent des cris qui viennent du bas, et Feiyan voit des cavaliers passer plus loin au nord : des Ujik-Hai ! Elle a suffisamment chassé ces sauvages naguère, et jusque dans la forêt Shinomen, pour les reconnaître sans hésitation !
Nos magistrats quittent la route et s'enfoncent dans la brume. Pour Feiyan, il ne fait pas de doute qu'il s'agit d'une magie gaijin, les Ujik-Hai étant liés aux pouvoirs des inquiétants Shin-Tien-Yen-Wang, dix esprits enragés du monde des morts.
Le soleil disparaît presque d'un coup pour eux et ils sont vite transis par le froid. Mais impossible d'abandonner les voyageurs attaqués, qui se sont collés contre une falaise et ont formé le cercle pour résister aux cavaliers Ujik-Hai. Sarutobi dévale au galop jusqu'au torrent, croise brièvement le fer avec l'un des barbares et s'approche de la caravane renversée : des Doji !
Deux hommes blessés, trois encore en état de se battre, un palanquin et deux chariots. La partie ne va pas être facile. Daigotsu Yori a arrêté sa monture et a épaulé son fusil : elle vise sans trembler, malgré le froid, et abat un homme. La détonation claque dans le vallon, tandis que Feiyan fonce à l'assaut sur deux barbares. Les Ujik-Hai répliquent d'une flèche : Yori est blessée et tombe de cheval !
Sarutobi s'est mis en défense devant les Doji. Avec Feiyan, ils repoussent les Ujik vers le torrent, et envoient leurs têtes rouler dans les courants rapides.
Sarutobi remonte le vallon, tandis que la brume surnaturelle se disperse, et accourt auprès de Yori. Elle a perdu connaissance mais la blessure ne semble pas trop profonde.
Il n'est plus possible de se rendre chez les Poings de Justice pour aujourd'hui. Il est urgent d'emmener l'Araignée se faire soigner.
Les Doji se confondent en excuses et en remerciements. Ils proposent d'allonger Yori sur leur caravane. En milieu de journée, tout ce monde entre dans le palais des Singes.

Sarutobi s'est aussitôt méfié de ces Doji, qui ont dû traverser l'Empire d'est en ouest pour arriver là. Il y a une dame âgée, d'une élégance assez tapageuse, même pour le voyage. Elle affiche de grands airs et ne semble pas disposée à parler aux magistrats : elle s'est enfermée dans la suite que lui ont proposé avec les Singes, avec ses suivantes. Elle est accompagnée de son frère, un peu plus âgé, qui semble un homme plus terre-à-terre. Il explique, avec une élégance de courtisan Doji, mais sans trop d'effets, qu'ils sont venus là en pèlerinage à l'arche de la Persévérance. Sarutobi a du mal à croire que ce soit la seule explication. Il en parlera à Genichi, à tout hasard. Ces beaux samouraïs, trop beaux, trop beaux parleurs, ont tendance à l'agacer et il a comme envie de voir derrière cette belle façade.

Yori en aura pour une semaine de fièvre et de douleurs avant de pouvoir se lever. Heureusement, les obligeants Singe se proposent d'aller chercher eux-mêmes le chef des Poings de Justice et de Concorde.

*

Dastan a passé une brève nuit chez le marchand. Le lendemain, à l'aube, il part vers des collines désertiques, où il arrive à la tombée de la nuit. Astanaïev lui a indiqué que des morts-vivants rôdent dans un campement qui était le leur, quand ils étaient encore des pillards en chair et en os. Dastan les épie : il les aperçoit, décharnés, marchant sans but derrière un rempart circulaire à moitié effondré. Il serre son épée et son poignard kriss et ce moment, il pense à Arana. Elle est venue la nuit précédente. Elle a frappé à sa porte : Dastan savait que c'était elle, il l'attendait, même !
Elle avait déjà des pleurs dans les yeux. Elle s'excusait :
- Mon père n'est pas vraiment mon père. Il m'a adoptée. J'étais en vente sur un marché aux esclaves. Il ne m'a jamais touchée, mais pour lui, c'est un achat. Il compte me marier à un homme très riche. Je ne suis qu'un produit de luxe dans sa boutique.
Dastan a joué l'épaule consolatrice, en attendant mieux : partir avec elle !
C'est donc avec l'image de ses yeux qu'il approche des zombies, comme il a appris à le faire depuis tout petit, quand il chapardait dans les rues, puis comme il l'a pratiqué pour servir les fripouilles de l'Ambre. Il se glisse derrière la tente, pendant que les zombies gémissent et grognent, leurs yeux de merlans frits fixés sur on ne sait quel point du désert qu'ils ont parcouru pour semer la terreur, quand leur cœur battait encore.

Dastan prend son kriss pour découper une ouverture dans le vieux tissu usé. Il entre comme un serpent et se trouve dos au chef : il a le collier dont Astanaïev a parlé. Dastan bondit comme un cobra et transperce le torse du pillard, sa lame fendant la chair putride, coupant au passage dans des os fragiles. Le mort rugit et semble retrouver sa vigueur, alors que ses deux acolytes accourent, avec leurs dents élimées prêtes à mordre. Le combat est bref. Le kriss perce la gorge d'un zombie, son épée tranche ce qui reste de la gorge d'un autre. En sueur, il les voit s'abattre à ses pieds, des tas d'os et de vieux vêtements puants. Vite, il s'empare du collier et se glisse hors de la tente. Les autres n'ont rien entendu et vont continuer à errer dans leur camp dérisoire. Dastan rejoint sa monture, et à la lumière des étoiles, belles comme Arana, il retourne au galop à Kyzirstaw. Il y arrive au point du jour, et il sait que le soleil va se lever sur Arana !

Il entre chez Astanaïev, qui est à peine sorti du lit et maugrée dans sa barbe quand Dastan frappe à sa porte.
- Ah, c'est toi, entre...
Il referme sa porte, toujours avec ses airs de conspirateur :
- Alors, tu l'as ?
- Et comment !
Dastan sait qu'Arana doit les espionner depuis sa chambre à l'étage, l'oreille collée au parquet.
- Voilà ton collier ! A toi de tenir ta part du marché.
Le vieux marchand ne se fait pas prier :
- Tiens, prends, prends... Ce vieux livre moisi, personne n'en veut de toute façon. Et prends cette lampe. Elle repousse les mauvais esprits comme je t'ai dit.
- Parfait, parfait... Il y a une autre chose dont je ne t'ai pas parlé.
Astanaïev n'a pas le temps de réagir que Dastan est déjà debout :
- Je pars avec ta fille !
- Quoi !
Arana est parfaite : elle a déjà préparé son balluchon et se jette dans les bras de son sauveur !
Astanaïev est prêt à s'étouffer de rage, mais les deux amants sont déjà dehors et entament une course folle. Dastan est tellement habitué à être pourchassé ! Il attrape au passage un solide cheval qu'un marchand avait attaché devant l'auberge, ils grimpent et partent plein est, face au soleil qui se lève, triomphal sur le désert.
Astanaïev a appelé des hommes armés. Seulement, Dastan connaît le désert aussi bien qu'un crotale et il se perd dans des régions sauvages. Ils n'ont presque pas de vivres, mais ils s'en moquent : est-ce que des amoureux ne se nourrissent pas d'amour et d'eau fraîche ?
Pour un temps seulement... Dastan doit passer dans les faubourgs de Karoulstan, où la nouvelle de l'enlèvement est parvenue. Il achète quelques vivres puis ils repartent vers les montagnes du crépuscule, passent le col et entrent dans Hokufuu !
Arana rit comme une folle.
- Tu sais lire ? lui demande Dastan.
- Bien sûr ! Tu me prends pour une paysanne !
- Ce vieux répugnant t'a donc un peu instruite !
- Je lis et je parle même plusieurs langues ! Il voulait que je puisse épouser n'importe qui !
Arana a un court moment de nostalgie : elle s'aperçoit des bienfaits d'Astanaïev, mais trop tard ! Et son regret sera de courte durée.
- Je vais avoir besoin de tes services !
Ils entrent le lendemain dans la cité des Miya et s'installent dans la bicoque que Dastan a trouvée à louer. Après une folle nuit, il lui dit qu'elle doit l'aider à traduire le manuscrit qu'il rapporte.
- Cela va nous valoir une fortune, ma chérie !

*

Le lendemain, Dastan retrouve Sarutobi à l'auberge et lui remet la traduction du début du livre.
- Je n'ai pas pu traduire la suite, elle est trop codée. J'ai une grande érudite qui n'a pas pu le déchiffrer.
- Cela ira pour le moment, lui dit le magistrat Guêpe. Je te remercie.
Sarutobi a le coeur qui bat en lisant cette première page du Codex de l'aurore. Elles confirment hélas ses pires craintes sur l'Harmonie :

« Le Codex de l'Aurore

« Je forme dans ce traité le plan d'une cité harmonieuse qui éclairera l'Empire et le monde. J'écris ce traité en langue cryptée pour que les érudits ordinaires ne puissent pas le déchiffrer entièrement.
Seule cette Cité nous empêchera de sombrer dans les ténèbres, selon la prédiction faite par la Novice. Cette Cité sera érigée ou bien nous connaîtrons les agonies célestes.

Écrit en cette année 408, dans la Cité barbare de Karoulstan, à la maison de Dahab, mon dernier refuge loin de cet Empire qui se croit civilisé et qui est bien plus cruel que ces Ujik-Hai qui boivent le sang de leurs chevaux,
Miya Toshiro »

SOMMAIRE

Chapitre I : Principe de cette cité harmonieuse.
Chapitre II : Nécessité d'un chef unique et éclairé.
Chapitre III : Division des tâches entre dix conseillers.
Chapitre IV : Détail des tâches de chaque conseiller.
Chapitre V : Nécessité de prendre le meilleur de ce qu'ont inventé les gaijins.
Chapitre VI : Avoir plusieurs coups d'avance sur ses ennemis. La stratégie du gô.
Chapitre VII : Voir venir les ombres sous toutes leurs formes.
Chapitre VIII : Se faire des alliés secrets.
Chapitre IX : Mesures exceptionnelles en cas de danger mortel contre la cité.
Chapitre X : Liste des menaces."


Sarutobi hésite à brûler aussitôt ce livre impie. Il n'a pas averti Feiyan. Il ne tient qu'à lui de détruire cette trace accablante pour l'Harmonie. Car d'après le peu qu'il lit, il est évident que le Guide a voulu poursuivre l'œuvre des maîtres Kolat ! Des rebelles qui ont combattu l'Empereur depuis l'époque du Gozoku, il y a sept ans ! Des criminels qui ont contribué - Sarutobi en a la certitude - à achever la lignée Hanteï, alors qu'elle aurait pu être épargnée ! Et l'Harmonie, qu'est-ce, sinon une cité en tous points semblable à cette cidé de l'Aurore : dix conseillers, de simples hommes et pas des descendants des dieux ! Des hommes qui renient l'Empereur, qui répriment la religion, qui veulent collaborer avec les gaijins et finalement rejeter l'Ordre Céleste, mettre fin à la lignée des samouraïs !

Rien que d'avoir ce livre entre les mains est déshonorant. Il devrait sur l'heure aller le montrer à Genichi et s'excuser front à terre de l'avoir ouvert.
Genichi qui est comme un père pour lui ! L'homme qu'il révère plus que tout autre ! Et pourtant, il va choisir ce soir-là de lui cacher la vérité.

Il sait que Feiyan sera encore plus déchirée que lui de lire cela. Car Feiyan, avec tout le respect qu'elle a pour les Miya et le Guide, si elle devait choisir, serait au bout du compte fidèle à l'Empereur.
C'est pourquoi il faut en avoir le coeur net. Il lui faut savoir ce qui est dit dans ces chapitres et particulièrement dans le dernier, celui sur les menaces. Pour cela, il faut trouver, quelque part dans le désert barbare, un érudit capable de percer le code qui a permis de chiffrer le reste du traité. Il faut savoir si le Kolat est bien mort il y a deux cent ans, ou si son esprit a été ressuscité par le Guide.
Il sera temps, ensuite, d'aller en parler ouvertement à Genichi et de voir ce qu'il en pense. Est-il d'accord pour que la caste des samouraïs soit abolie un jour ? Est-ce que cette opinion est majoritaire chez les Miya, ou n'est-elle que le fait de quelques extrémistes ?...

Ce soir, Sarutobi se pose des questions pour la première fois de sa vie. Et il va passer une partie de la nuit à l'auberge, seul, à boire.
Reply
#32
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Feiyan a retrouvé une vieille amie : Toritaka Rin, une chasseuse d'esprit qu'elle a connue quand elle était encore chez les Licornes. Feiyan s'était aventurée dans la forêt Shinomen, malgré les conseils de prudence de Rin, et y avait chassé un terrible barbare Ujik-Hai.
C'était il y a deux ans à peine, et cela paraît une éternité à Feiyan. C'était un autre monde, une autre vie semble-t-il, et pourtant la forêt n'a pas changé depuis. Ou peut-être change-t-elle tous les jours... Feiyan était entrée par le nord, aujourd'hui, elle se trouve au sud.

La mystérieuse brume qui n'a pas disparu depuis six mois est le sujet d'inquiétude principal à Hokufuu, encore plus que les raids de pillards Ujik-Hai. Car rien n'inquiète plus que le surnaturel. Les esprits sont-ils en colère parce que les Sangliers ont commencé à exploiter le bois ? Est-ce que Shinomen est comme un monstre blessé qui se défend contre ses agresseurs ?
Les Toritaka arpentent la forêt depuis des siècles mais, de mémoire de chasseur d'esprits, on n'a jamais vu un tel changement. Cette brume comme une haleine enchantée qui stagne à l'orée de Shinomen accompagne les bouleversements de l'Harmonie.
Miya Genichi veut comprendre ce qui se passe. Il a donc chargé Feiyan de monter une expédition pour s'aventurer jusqu'où il faudra dans Shinomen. D'après les chasseurs d'esprit, il faudra traverser les territoires des farceurs (ou fripon), ces créatures mi-renardes mi-humaines qui essaient de perdre les visiteurs. Puis il faudra passer près de ruines Naga, et ensuite, traverser une rivière au-delà de laquelle la brume devient vraiment impénétrable et inquiétante.

Feiyan a donc demandé à Rin de l'aider. Les Faucons n'ont pas d'hésitations. Leurs amis du Renard seront aussi là. Plus surprenant, Feiyan reçoit une lettre du clan du Sanglier : ils veulent aussi se joindre à l'expédition. Ils veulent savoir s'il y a un danger à continuer de couper la forêt. Pour eux, la question est vitale, car le bois sert à alimenter les énormes chaudières de leurs forges, d'où sortent les plaques de métal qui serviront aux chars et aux bunrakus de l'armée de la Tortue.
Feiyan hésite, car les Sangliers ne sont pas connus pour leur expérience de Shinomen. Elle finit toutefois par accepter, afin de ne pas se mettre le clan à dos. Elle leur répond toutefois que l'expédition sera sous ses ordres à elle et qu'il faudra scrupuleusement obéir aux ordres des Faucons -les grands rivaux des Sangliers.

Feiyan sent déjà que quelque chose l'attire dans la forêt. Elle n'en a pas fini avec elle. La veille du départ, elle se trouve chez les Renards, au château du voyageur intrépide. Comme à son habitude, elle s'est levée bien avant l'aube et va prendre son bain dans les sources d'eau chaude naturelles, dans le parc du château Miya. Les servantes se sont assurées qu'elle avait tout ce qu'il lui fallait bien elles se sont retirées. Feiyan les entend de loin qui discutent à voix basse.
On distingue la brume qui émane des profondeurs de cette forteresse végétale, et qui se confond avec la rosée en évaporation, et les nuages qui migrent lentement sur les sommets des arbres. Les premiers rayons du soleil percent enfin dans l'air frais. Tout est silencieux. Feiyan a dû fermer les yeux un instant, mais une sorte d'appel la fait sursauter. Pourtant, il n'y a aucun bruit. Les moineaux qui picorent dans l'herbe n'ont même pas tressailli. Elle retient son souffle : le cerf blanc est là.
Son visage, presque humain, dont on ne sait s'il est amical ou moqueur, ses yeux rouges perçants, ses bois cristallins et son pelage blanc au menton comme une longue barbe.
Feiyan n'ose pas remuer. La créature la fixe intensément et elle se sent tressaillir. Pas un bruit, pas un son ne sort de la bête. Elle est sur une flaque mais ses sabots ne font aucun cercle dans l'eau.
Rin s'était presque moquée d'elle la dernière fois :

- Il n'y a pas de cerf blanc dans la forêt de Shinomen, Feiyan-san.
- Mais, je vous dis que je l'ai vu comme je vous vois.
- Et je vous crois, mais cet animal n'existe pas.

Le vieux shugenja, Gintoki, lui avait dit que c'était un présage rare.
Mais de quoi ?
La bête à présent lui parle mais elle ne remue pas les lèvres. Elle communique directement à l'esprit de Feiyan, qui n'entend rien dans sa tête mais a une intuition très claire de ce que dit cette bête : quand elle va entrer dans Shinomen, elle va retrouver des esprits du passé. Elle sera alors confrontée à un choix qui décidera de son avenir.
Feiyan n'y tient plus de rester immobile : elle remue dans l'eau, elle serait prête à supplier le cerf blanc de lui en dire plus, n'importe quoi, un indice, un conseil. Mais elle a brisé le charme : le cerf a disparu. Les oiseaux sont toujours là à picorer dans l'herbe.
- Tout va bien ? dit une servante avec un grand sourire.
Feiyan reprend son souffle. Il semble qu'elle était en apnée depuis de longues minutes.
- Tout va bien oui, tout va très bien.
Mais elle a la gorgée nouée.

*


Il y a trois jours, en apprenant ce que contenait le début du Codex de l'aurore, elle a déjà passé une nuit à veiller, alors que Sarutobi restait dans l'auberge pour une nuit blanche, lui aussi, à se demander à chaque minute s'il devait brûler le livre impie de ce Miya Toshiro.
Un maître Kolat, un réprouvé de la société, ayant compilé son plan délirant d'une cité "parfaite", indépendante de l'ordre céleste ! La cité de l'aurore qui ressemble en tous points à l'Harmonie ! Alors que le Kolat a été détruit il y a plus de deux siècles.

Pour le moment, Sarutobi et Feiyan ont choisi de ne rien dire à Genichi - une tâche sur leur honneur. Mais ils doivent aller au bout de la lecture. Or, certains passages ont été habilement codés par Miya Toshiro. Comme il est inenvisageable de s'adresser à un Rokugani pour casser ce code, il ne reste qu'à trouver un érudit dans les Sables Brûlants. Sarutobi a donc décidé d'y partir avec Dastan pour lui servir de guide. Aurpès de Genichi, le prétexte était tout trouvé, et cela fait un deuxième mensonge par omission, et ce ne sera peut-être pas le dernier. Officiellement, Tsuruchi Sarutobi part dans les contrées sauvages pour se renseigner sur les troupes Ujik-Hai, afin d'anticiper une éventuelle attaque.
Dastan va donc laissé à Hokufuu sa belle Arana, qui va continuer à déchiffrer ce qu'elle peut du manuscrit : plutôt un jeu pour elle, qui n'a aucune idée de l'implication de ce qui est écrit. Et quand bien même, les complots et les sociétés secrètes sont nombreuses dans les Sables Brûlants. L'histoire ne semble même faite que de révoltes montées par des seigneurs pour prendre la place des dirigeants. A combien d'attentats chaque calife de Medinat-Al-Salaam échappe-t-il dans sa vie ?... A autant qu'il peut jusqu'à celui qui lui sera fatal...

Ce matin-là, Dastan est donc de retour sur la piste qui mène à Karoulstan. Il a passé le col de l'ouest avec Sarutobi et devant eux, le vent souffle sur les grandes dunes qui semblent chanter dans l'immensité de sable.
Puisque c'est Sarutobi qui paye, pas de raison de se priver ! Dastan l'emmène au grand casino réservé à la noblesse. Un palais de marbre sur une île artificielle au milieu d'un étang, auquel on accède par un pont qu'il faut payer pour passer. A l'intérieur, de grandes cours avec des marchands qui alpaguent les nobles qui déambulent, attirés par les produits exotiques en tous genres, des bijoux aux porte-bonheur, des poudres miraculeuses aux fruits séchés. Des fumoirs, des salles de jeux, tout un luxe qu'on ne soupçonnerait pas de l'extérieur. Tout cela sous une grande coupole de verre à l'armature en argent sertie de pierres précieuses.
C'est dans un recoin de ce palais du confort et de la décadence que Dastan emmène Sarutobi. Dans une petite salle où se traitent discrètement des affaires qu'on devine importantes, au son d'un orchestre d'ouds et de flûtes.
L'homme qui les reçoit doit être du même peuple que Dastan. Il rappelle aussi à Sarutobi l'air d'élégance et de beauté ténébreuse que les gens comme Jamal Al'Fasidî aiment se donner. Il parle dans un rokugani très correct.
Et il énonce ses phrases très calmement, alors même qu'il commence à révéler à Sarutobi des choses terribles : oui, les Licornes sont bien venus ici il y a deux ans. Ils poursuivaient des conspirateurs qui fuyaient Rokugan pour se réfugier auprès de seigneurs des maisons de Dahab. Les marchands de Dahab sont connus depuis des siècles dans les Sables Brûlants pour lutter contre l'influence des souverains de droits divins. Ils ont tout fait pour saper l'autorité du califat à Medinat-Al-Salaam. Ils ont ourdi dans l'ombre déjà sous la Calife Immortelle qui régnait il y a sept siècles -à l'époque du Gozoku, de Miya Toshiro et de Matsu Mitsurugi. Quand celle-ci est morte, bien des siècles après, ils ont continué à oeuvrer pour réduire l'influence des nobles. Il y a de cela trois cent ans, une révolution importante a eu lieu dans Medinat : le nouveau Calife a dû accepter un conseil de représentants. Formant une oligarchie, ils ont acquis des droits de décisions importants pour toutes les affaires commerciales et juridiques de la ville, le Calife restant pour sa part le maître incontesté des armées.

Des négociations ont abouti à une paix durable avec les sinistres voisins de l'Empire Senpet, les adorateurs du Serpent. Depuis, Medinat, la Perle du Désert, s'est modernisée et a développé notamment les aéronefs, qui filent à travers le désert et dont certains peuvent voler assez haut pour passer au-dessus des mortelles tempêtes de sable. Plus haut que les djinns !
- Vous voyez, tout cela n'a pas que du mauvais, note Dastan.
Avec l'oligarchie, le bas peuple vit toujours dans la misère, mais il a une chance -une petite chance- de sortir de la misère et d'accéder aux rangs inférieurs de la caste privilégiée. Ce qui est toujours mieux que de passer sa vie comme portefaix ou nettoyeur de latrines.

Mais les maisons de Dahab allaient aussi trop loin, en fomentant des attentats pour abattre la royauté pour de bon. Une guerre s'en est suivie contre les autres maisons marchandes plus modérées. Le califat a été sauvé, l'influence de Dahab a été grandement réduite. Quand les derniers Kolat ont fui Rokugan, des pontes de Dahab les ont accueillis ici, à Karoulstan. C'était sans compter sur les Rokuganis vengeurs, qui sont venus exiger leur tête, et l'ont obtenue.
- Ils fuyaient après la destruction de leur temple secret, qui n'était pas ici, seigneur, mais quelque part très loin d'ici, dans ton Empire.
Rien que cette nouvelle fait mal à Sarutobi, qui ne pensait pas une chose pareille.
- Et tu dois savoir, continue le mystérieux informateur, que ces fuyards étaient emmenés par un maître Kolat qui se faisait appeler Tonnerre. Et il n'était autre que Shinjo Yokatsu, le daimyo de sa famille.
L'autre a lâché cela négligemment, mais Sarutobi est estomaqué. Une famille entière sous la coupe du Kolat !
Ces Licornes passent d'un extrême à l'autre ! Il y a deux cent ans, les Shinjo qui les dirigeaient, soutenaient des ennemis mortels de l'Empereur. Aujourd'hui, au contraire, ce sont leurs shugenjas, les Iuchi, qui sont membre de cette Sainte Triade qui a juré d'abattre la modernité !
Sarutobi, par estime pour Feiyan, se gardera bien de lui apprendre une information aussi accablante.
En somme, des faits qui sont tenus pour secrets et honteux au dernier degré, dans l'Empire d'Emeraude, sont monnaie courante à l'étranger, ou du moins pas si cachés. Il suffit d'aller chercher dans les recoins et les bas-fonds pour apprendre sans peine ce que des samouraïs préféreraient plutôt mourir que d'entendre !

- Je cherche quelqu'un qui puisse me traduire un codex ancien, rédigé par un de ces Kolat et qu'il a soigneusement crypté.
L'autre, affalé sur ses moelleux coussins, tirant sur son narguileh, répond, toujours tranquille :
- Alors tu dois t'adresser aux érudits du pic des Djinns.
Sarutobi se tourne vers Dastan, qui répond :
- J'en ai entendu parler. C'est plus loin, vers le nord-ouest. Un grand sanctuaire religieux, doté d'une bibliothèque dont ses gardiens se vante qu'elle est la plus grande du monde connu. Ils prétendent posséder tous les livres de sagesse des peuples du désert, et au-delà ! Ils disent qu'ils parlent toutes les langues, présentes et passées.
- Alors, c'est là que nous devons aller, dit Sarutobi. Mais je dois savoir une dernière chose avant... Est-ce que d'autres gens sont à la recherche du codex de l'aurore ?
L'informateur sourit, et lui apprend qu'un homme tatoué, avec un troisième oeil de lune au milieu du front, est venu il y a quelques années.
Sarutobi comprend : ce Hitomi cherche à accumuler des preuves pour accuser l'Harmonie d'hérésie et de rebellion. Cela semble cohérent.

Dastan paye l'informateur sans (trop) barguigner, juste pour la forme. Pour le soir, ce sera détente et amusement.
Le lendemain matin, les deux voyageurs se rendent au nord de la ville, où a été installé l'aéroport : les véhicules volants décollent et atterrissent déjà, de bon matin. C'est bien plus grand et mieux équipé que la piste de Bakufu ! Surtout, certains engins sont énormes, des barges de luxes qui transportent des seigneurs et tout leur équipage, d'esclaves, de musiciens, leurs suivants... Impensable à Rokugan, où l'on sait à peine comment faire décoller les petits aéronefs comme celui de Jamal !
Dastan a loué un aéronef pour la journée. Et pour le lendemain, il a acheté des places dans un appareil qui fait une liaison régulière entre Karoulstan et Mahudin, avec une étape au pic des Djinns.

Dès le lendemain, nos héros décollent donc vers le désert qui, alors que le vent se lève, se met à trembler jusqu'à l'horizon.

*

Le brouillard monte comme une vapeur au-dessus de la forêt et des nuages semblent se frayer un chemin entre les cimes. Accueillis par l'humidité matinale des sous-bois, la troupe de Faucons, de Renards et de Sangliers dirigés par Feiyan pénètre dans le sanctuaire immémorial : Shinomen !
Des oiseaux s'ébrouent dans les branches, des lapins détalent, des singes crient. La brume mystérieuse est à peine perceptible. Au détour d'un fourré, un panda roux, en sécurité sur sa branche, observe la troupe. Feiyan devrait admirer cette nature qui s'éveille, tandis que le soleil perce au travers des frondaisons. Mais elle ne peut pas cacher son angoisse. Toritaka Rin la croit simplement mal à l'aise face à cette forêt inconnue. Elle ignore que le destin de la Licorne va se jouer en partie très bientôt.
Une heure plus tard, ils ont passé au travers de ruines nagas recouvertes de mousse. Ils ont passé au travers de clairière où des renards les observent. Pas de signes de Kitsune, effrayés sans doute par cette dizaine de samurais aux aguets et visiblement pas d'une humeur joueuse !
Les arbres aux branches tortueuses ressemblent à des milliers de toris qui s'ouvrent à la file, dévoilant des profondeurs qu'on croirait sans fin. En milieu de journée, la troupe arrive au bord d'une rivière où la brume se fait plus dense. Les Toritaka ont fait signe de s'arrêter. Il est évident que c'est de l'autre côté de l'eau que les dangers vont commencer.
- Deux hommes vont rester à vos côtés en permanence, annonce le maître chasseur d'esprits à Feiyan. Ils ont pour consigne de vous protéger, et si nécessaire, de vous faire repasser la rivière en sens inverse.
- Je vous remercie de craindre pour ma sécurité...
Le maître chasseur se permet de l'interrompre :
- Je ne crains pas pour vous physiquement. Je crains les esprits, qui pourraient vous posséder.
- Et vous ? rétorque Feiyan.
- Nous sommes plus habitués à leur résister. Mais nous ne sommes pas invulnérables, il est vrai.

Ils longent la rivière et sentent qu'ils sont observés depuis les brumes. Celles-ci ne forment-elles pas comme des mâchoires fantomatiques prêtes à se refermer sur les imprudents voyageurs ?
Plus loin, de gros rochers forment un début de pont naturel. Les Faucons sortent d'un buisson de grosses planches qu'ils disposent entre les rochers, et toute la troupe peut passer à pied sec.
De l'autre côté, on est d'abord aveuglé et pris par le froid. C'est comme si l'hiver ne s'était pas retiré.
Les Sangliers sont sans doute plus impressionnés qu'ils ne veulent le laisser paraître. Ils ne soupçonnaient pas à quel monde étrange ils s'attaquaient en commençant à défricher les abords de la forêt. Les Renards restent aux aguets, se parlant à voix basse et tenant en main des colifichets protecteurs. Ils se consultent du regard avec les Faucons et continuent leur avancée, lentement. Tout le monde a fait cercle autour de Feiyan. Les Faucons regardent dans les hauteurs, les Renards à l'arrière...
Les raies blafardes qui tombent dans la brume révèlent des branchages immenses envahis de lianes lourdes. Quelques feuilles colorées volent dans l'air et se déposent sans bruit sur des flaques. Les arbres sont plus minces et leurs silhouettes noires sont menaçantes. En passant près d'un marécage, on entend des ricanements : des kappas, sortes de grenouilles humanoïdes. La tradition voudrait qu'on les salue : en effet, le haut du crâne du kappa est creusé comme un bol. Cet affaissement est rempli d'un liquide d'où le kappa tire sa force. Mais quand il salue, le liquide se vide et il devient inoffensif.
Mais les Faucons n'ont pas la patience pour les traditions : ils se contentent de les toiser d'un air menaçant et les créatures disparaissent dans les joncs !

Enfin, après une colline glissante, où la brume se fait plus épaisse, on arrive en surplomb d'un petit vallon d'où émane une lumière cristalline.
- Nous y sommes, dit Toritaka Rin, mais pas comme un but atteint.
Plutôt comme quand on arrive au moment d'une épreuve décisive. Malgré elle, Feiyan a la gorge serrée.
Des centaines de morceaux de cristal en lévitation forment une sorte de miroir brisé, qui ondule et semble frissonner quand on s'approche de lui, comme s'il était sur la défensive.
- C'est une porte vers le monde des esprits, explique posément le maître-chasseur. C'est d'ici que viennent les créatures de la brume.
- Ainsi, vous êtes déjà venus jusqu'ici, en conclut Feiyan, qui essaie de se retenir de claquer des dents, car le froid est plus intense et semble passer à travers le miroir. Où mène cette porte ?
- Dans le monde des esprits, répète le maître-chasseur.
- Nous pouvons tout lui dire, intervient Rin. Ce monde est plus précisément le Meido, le royaume de l'attente. C'est là que les âmes attentent de partir pour leur voyage éternel à travers la porte de l'oubli. Ce royaume est sous le pouvoir du dixième kami, qui garde la porte, derrière laquelle Emma-O, la mort, assigne à chacun sa place.
"L'endroit n'est pas inhospitalier pour les vivants, mais il n'est cependant pas fait pour eux. Nous y sommes plus faibles et surveillés par des forces inconnues. Celles-ci ne sont pas hostiles, mais elles veillent à ce que l'endroit ne soit pas troublé.
"Si vous êtes prête, nous pouvons y entrer.
- Je dois vous prévenir, intervient le maître-chasseur, que mes deux hommes vont vous tenir par les bras désormais. Ils ne vous lâcheront pas tant que vous serez de l'autre côté du miroir et sur mon ordre, ils peuvent vous ramener à tout moment. Vous comprenez ?
- Entendu, dit Feiyan, qui a du mal à garder son calme.

Les Renards savent déjà que leur tâche est de rester dans Shinomen. Franchement impressionnés, les Sangliers sont trop contents de rester auprès d'eux.
Rin s'approche du miroir, la main tendu devant elle. Les cristaux tremblent et cherchent à partir en arrière, mais la tension qui les unit aux autres les empêche de fuir tout à fait. Le maître-chasseur surveille le comportement de la porte et fait signe à Rin qu'elle peut y aller. La Toritaka fait alors un pas en avant et disparaît à la vue de tous. Feiyan a le souffle coupé. Les deux Faucons regardent si elle est prête. Elle fait signe que oui et, presque malgré elle, elle fait les dix pas nécessaires pour passer les cristaux.
Elle est comme sourde et aveugle pendant un temps. Il lui semble que ses cils ont givré et que ses lèvres sont bleues. Le vent la fait pleurer et, tenue fermement par les deux Faucons, elle ne peut pas s'essuyer le visage. Elle est dans un désert grisâtre, au ciel violacé, parcouru d'éclairs blancs silencieux. Elle tient à peine sur ses jambes.
Les autres Faucons ont fait cercle autour d'elle à nouveau. Ils semblent moins souffrir du lieu.
On l'aide à faire quelques pas, comme une convalescente qui sort de son lit. Elle entend un appel plus loin, dit qu'elle veut encore avancer. Les Faucons hésitent puis l'aide. Les quelques mètres lui semblent interminables. Elle a le souffle court, la tête lui tourne.
Des samuraï apparaissent à quelques mètres : elle reconnaît des shugenjas Iuchi ! Elle bat des yeux pour essayer d'enlever la glace qui l'aveugle presque.
Les Iuchi s'approchent : ils sont cinq, et à leur tête, elle reconnaît le vieux senseï Gintoki !
- Feiyan-san, nous avons peu de temps.
- Que faites-vous là ? balbutie-t-elle.
- Ecoutez-moi, car nous ne pouvons pas rester longtemps. Vous servez l'Harmonie mais celle-ci est impie. Le chef de la famile Miya, celui que vous appelez le Guide, a juré de détruire l'Ordre Céleste. S'il continue ses méfaits, il entraînera tout Rokugan à sa ruine. Et si vous continuez à le servir, vous vous déshonorerez ! Il vous reste une chance, c'est de venir avec nous maintenant. Abandonnez le service de ce faussaire !
- Ce n'est pas possible, je sers Genichi, c'est un homme honorable, il n'est pas comme cela... Il sert l'honneur...
- Il y a des gens honorables dans l'Harmonie, oui mais ils sont manipulés par des fous qui ont juré de détruire la caste des samouraïs !... Venez avec nous tant qu'il est encore temps.

Après Genichi, Gintoki est sûrement l'homme pour qui Feiyan a le plus de respect.
- Vous pouvez encore faire machine-arrière. Votre affectation à Bakufu était une méprise tragique, à cause de votre soeur. Revenez dans votre clan, parmi les vôtres. Vous êtes une Licorne, vous ne méritez pas de finir avec les imposteurs de l'Harmonie !
- C'est un malentendu ! J'ai vu l'Harmonie à l'oeuvre ! Elle cherche à faire évoluer l'Empire dans le bon sens. Les progrès améliorent la vie des gens, les paysans souffrent moins des famines !

Feiyan sent alors que les Faucons la serre plus fort par les bras, si c'est possible, et commencent à la tirer en arrière vers le miroir. Elle ne peut pas résister. Elle croit suffoqué, comme noyée, alors qu'elle repasse les cristaux. Puis elle retrouve son souffle, et à côté du monde du Meido, Shinomen dans la brume semble reluisante de couleurs.
Elle tombe à genoux. Heureusement, les Sangliers ont préparé un bon feu, et les Renards ont mis du thé à chauffer. Elle tremble de tous ses membres et a du mal à porter la tasse à sa bouche.
Sa première parole, quand le claquement de ses mâchoires se calme, est pour Rin :
- Vous avez entendu ce qu'ils m'ont dit ?
Elle ignore si les Iuchi étaient visibles d'elle seule ou pas.
C'est le maître-chasseur qui répond, en s'inclinant :
- Nous sommes venus pour assurer votre protection. Le reste ne nous regarde pas.
"Vous pouvez considérer qu'il y a l'épaisseur d'un panneau de papier de riz entre vous et nous.

Feiyan finit de boire son thé. Elle se relève et pointe du doigt vers le sud : il est l'heure de rentrer.

Sans les Faucons, Feiyan serait-elle partie avec Gintoki ? Elle hésitait, mais au dernier moment, elle a cru percevoir une présence sombre derrière le vieux shugenja. Une simple silhouette avec un troisième oeil, couleur de lune, au milieu du front. Cette présence lunaire, cette présence d'Onnotangu qui figure toutes les forces nocturnes, sombres, lui donne le courage de refuser. Elle n'a alors pas résisté quand on l'a tirée en arrière.

Car elle sait que cette silhouette qui sert le dieu lune est le moine Hitomi ! Celui dont ils entendent parler depuis qu'ils ont visité la prêtresse des îles ! L'agent de la Sainte Triade qui œuvre pour détruire l'Harmonie. Le même qui a visité le temple des Cloches de la Mort et qui - Feiyan ne le sait pas encore - est allé jusqu'à Karoulstan pour trouver le codex de l'aurore, afin de réunir tous les preuves sur le danger de l'Harmonie pour l'Ordre Céleste !

*

A son retour chez les Renards, Feiyan s'accorde une journée de repos. Elle a échappé au pire, mais elle sait qu'une confrontation avec Genichi ne peut plus être évitée. Seulement, elle hésite à attendre le retour de Sarutobi. La chance veut qu'il soit rentré juste avant elle.
Lui et Dastan ont voyagé jusqu'au pic des Djinns à bord de l'aéronef. Pendant la traversée, Dastan, qui était sorti sur le pont pour fumer, a senti les esprits qui voulaient communiquer avec lui, dans leur langage parfois incohérent :
- Miya Toshiro... Un nom que nous n'avons plus entendu depuis longtemps... Un homme qui ne croyait ni aux dieux ni aux démons... qui s'est exilé dans le désert... et a fini par s'allier avec les dieux qu'il avait rejetés... pour disparaître dans un autre monde...
Sarutobi a retenu l'information, pour ce qu'elle vaut. Puis ils sont arrivés au pic des Djinns, où Dastan a convaincu les lettrés de décoder le texte. La discussion a été longue, car ils ont d'abord été peu convaincus par cet aventurier de Dastan. Ce dernier a tout de même réussi à trouver les mots pour leur parler, à les persuader qu'il venait là en quête de connaissance. Cela n'a donc pas été sans mal de se concilier ces rats de bibliothèques !
Mais ils sont repartis avec une nouvelle partie traduite, le dernier chapitre du codex, celle portant sur les menaces, ainsi qu'avec le code grâce auquel Anara pourra déchiffrer tout le reste.

Feiyan retrouve donc Sarutobi et Dastan dans leur taverne au pied du château.
- Lisez, lui dit Sarutobi. Quel homme intéressant, ce Miya Toshiro, dit-il, grinçant.

« Chapitre X : Liste des menaces

Je récapitule ici les menaces qui pèsent sur l'humanité et qui justifient la cité dont j'ai tracé le plan.

Les dieux

Les Kolat ont toujours lutté contre les dieux, qui ont asservi les hommes aux commencement des temps. Notre but reste d'abord de mettre fin à leur règne. Car ils nous demandent une soumission intégrale. Or, Kolat vient d'un vieux mot des Sables Brûlants qui veut dire : « questionner ».

Mais d'abord, nous ne devons pas être injustes envers nos ennemis, surtout quand nous avons appris à bien les connaître.

En effet, les dieux ont permis aux hommes de sortir de la sauvagerie. Peut-être était-il nécessaire d'en passer par là pour ne pas rester des animaux. L'Ordre Céleste nous a permis de nous organiser et d'avoir une première ébauche d'un Empire juste. Mais après plusieurs siècles, nous devons améliorer l'édifice, sinon il va s'écrouler car ses fondations ne sont pas solides.
Nous ne devons pas attendre des réincarnations en nombre immense pour atteindre la perfection. Nous ne devons pas nous résigner à souffrir sous le joug des dieux pendant que la roue du kharma tourne, car cela ressemble à une roue de torture !
Nous avons déjà tous les moyens pour renouveler l'Empire et nous devons chasser les tyrans qui prétendent agir pour notre bien. Pour cela, il faut mettre fin à la lignée impériale, qui agit au nom d'eux. Les premiers Hanteï étaient encore proches des dieux, les suivants sont des hommes, ni plus ni moins.

C'est pourquoi la cité parfaite que j'ai décrite doit mettre fin à cette soumission.
La cité de l'aurore doit tolérer que les paysans ignorants aient de la religion, qu'ils vénèrent les fortunes, les dieux, les ancêtres. Il est bon que le peuple soit élevé dans le respect.
Mais les élites ne doivent pas s'encombrer trop de ces croyances. Un homme sensé peut respecter sa famille et ses ancêtres, il peut aimer les fortunes quand elles nous sont favorables, mais il ne doit pas vénérer les dieux, tous tyranniques.

Les autres mondes

Je ne suis pas beaucoup versé malheureusement dans la connaissance des autres mondes. Mais s'occuper de celui-ci est une tâche bien suffisante. Ces mondes me semblent au mieux sans intérêt, au pire dangereux.
Laissons-les donc où ils sont.

Les menaces mal connues : les ombres, les divinités sans nom etc.

Certaines puissances nous sont foncièrement hostiles. Je ne parle pas que de Fu-Leng, non je parle de choses restées imparfaites depuis la création du monde. J'ai entendu parler de ces choses et parfois, je tremble en me disant que des hommes sont prêts à se soumettre à elles. Quelque part, cela me semble pire que d'être soumis aux dieux. Car les dieux peuvent avoir certaines qualités qui ressemblent à celles des hommes. Les choses dont je parle n'en ont aucune.

Il est impératif d'empêcher les hommes de pactiser avec ces forces obscures : il vaudrait mieux maintenir l'Ordre Céleste que de s'allier avec les ténèbres. Je pense à certaines divinités de rang intermédiaire, comme des dragons célestes reniés par leurs frères supérieurs, des ancêtres vengeurs, des divinités inférieures qui gardent d'autres mondes. Ils ont tous parti lié avec les ombres où ils se réfugient.

Au fond, ce sont toujours ceux vers le bas de la hiérarchie qui sont les pires ! Ils jalousent ceux d'en-haut, et ils oppressent les malheureux qui sont juste en-dessous d'eux. Sur la terre comme au ciel, cela fonctionne de la même façon !
Un dirigeant éclairé doit se méfier tout particulièrement de ces menaces moins visibles, mais plus insidieuses. Au lieu de nous écraser d'en-haut, elles peuvent nous détruire de l'intérieur, car elles se nourrissent de nos faiblesses et de nos vices : la peur, le désir, le regret, pour ne nommer que les principaux.

Les gaijins

Ils ne sont pas tous aussi conservateurs que nous. Donc ils finiront par nous dépasser. Donc soit nous apprenons d'eux, soit ils finiront par nous conquérir. C'est aussi simple que cela. S'ils deviennent une menace, ce sera par notre faute. Au contraire, ils peuvent nous aider à bâtir un Empire prospère et ils en profiteront avec nous.


- C'est bien, il faut le reconnaître, dit Sarutobi, il dit que les dieux ne sont pas les pires ! Vraiment, un homme nuancé !
Il faut admettre que la description correspond là aussi parfaitement avec l'organisation de l'Harmonie.
Il ne faut plus traîner, décidément !

Le lendemain, nos héros, contrits viennent faire leur rapport. Sarutobi prend la parole en premier et commence par les bonnes nouvelles :
- A Karoulstan, nous avons pris un aéronef, qui nous a permis d'observer les mouvements des troupes Ujik-Hai. Il semble pour le moment qu'ils ne se réunissent pas pour nous attaquer. En revanche, il est possible qu'ils livrent bientôt bataille contre les Licornes. C'est ce que j'ai déduit en voyant plusieurs troupes en mouvement vers le campement du Baraunghar, au nord-ouest de chez les Faucons.

Feiyan raconte à son tour son expédition dans la forêt, et le danger représenté par ce portail vers le monde des morts. Elle évoque aussi ces gens au service de l'Emeraude qui invoquent manifestement ces esprits. Renseignement pris auprès des Kuni et des Faucons, ceux-ci sont incapables de refermer le portail. Ils savent que la maho est étrangère à cette magie pourtant sombre.

Genichi reçoit avec inquiétude cette nouvelle ; néanmoins, il sent que ses assistants en ont plus à lui dire.
Contrits, Feiyan et Sarutobi baissent la tête.
- Nous vous devons des excuses, dit Sarutobi, car nous ne vous avons pas tout...
Il raconte alors la vraie raison de son départ dans le désert : le codex de l'aurore et la recherche de ces érudits capables de le déchiffrer.
- Nous avons besoin de savoir, reprend Feiyan, si l'Harmonie a bien été bâtie avec le plan de ces Kolat en tête, ou si seuls certains extrémistes pensent comme cela, c'est-à-dire pensent qu'à terme l'Ordre Céleste doit être détruit.

Genichi se sent plus mal à l'aise, soudain, que lorsqu'il était confronté à Daigotsu Yugure : car ce dernier était un ennemi, au moins un adversaire, alors que ce soir, ce sont ses propres assistants qui doutent ! qui doutent de l'Harmonie, qui doutent d'eux-mêmes et qui doutent de leur supérieur... Trois doutes qu'un samouraï ne devrait jamais connaître, car il ne doit en connaître aucun.
- Je comprends votre trouble, samouraïs, répond humblement Genichi. A bien des égards, la connaissance est un poison, et la curiosité qui nous y pousse est souvent source de souffrances.
"Puisque je vous dois une réponse, je puis vous dire que certains dans l'Harmonie partagent ces vues. Je ne peux citer de noms, mais il existe en effet des extrémistes qui nourrissent une rancune tenace contre l'Emeraude, qui ne vouent un culte qu'au Guide et se sont détournés de la vénération du trône d'Emeraude.
"Je n'approuve pas ces gens, qui détournent l'Harmonie de son but premier, le seul légitime : aider l'Empire à affronter la modernité à laquelle nous ne pouvons plus échapper. C'est dans ce but que le Guide a bâti l'Harmonie, et c'est cela seul qui justifie que nous lui obéissions. Je me garderais cependant de juger les croyances personnelles du Guide, qui ne regardent que lui.

Cette dernière phrase, lourde de sens, n'échappe pas à nos héros, et Genichi n'a rien fait pour la faire passer discrètement, comme on met la poussière sous le tapis. Il continue :
- Je vous rappelle par ailleurs que la loi de l'Harmonie continue de s'appuyer sur la tripartition ancestrale entre les etas, les heimins et les samouraïs. Chaque caste se voit reconnue des devoirs qui lui sont propres, et qui mettent une hiérarchie très nette entre les trois.
"Mais comme vous le savez, bien que magistrat, je n'aime pas me réfugier derrière la loi. Celle-ci nous protège mais ne doit pas servir à nous dissimuler. Aussi, je vous répondrai, pour finir, que si l'honneur comme tel n'est pas mentionné dans la loi, et que le Guide ne s'y réfère pas durant ses discours, c'est parce que par le passé, et encore aujourd'hui, l'honneur sert facilement de masques à bien des personnages déshonorables. Mais surtout, les définitions de l'honneur varient tellement d'un clan à l'autre, parfois d'un individu à l'autre, qu'il est bien difficile de mettre tout le monde d'accord à ce sujet.
"Je trouve -mais cela n'engage que moi- du dernier ridicule, et de la dernière impudence, de se présenter soi-même comme quelqu'un d'honorable. Car nous sommes mauvais juges de nous-mêmes. J'estime que c'est autres de dire si nous sommes honorables. Avec toute notre intime conviction, nous ne pouvons jamais sûrs d'être sur le chemin droit. Nous ne pouvons que faire ce que nous estimons le plus juste dans chaque cas, faire ce qui est en notre pouvoir et espérer avoir faire le bon choix.
Ainsi, ajoute Genichi comme à part pour lui-même, peut-être que j'ai eu tort de gracier ce jeune idiot de Lièvre...

Sarutobi est tout à fait d'accord mais il ne le dira pas. Pour sa part, il aurait pendu le garçon et toute sa famille !
De son côté, Feiyan n'est pas si sceptique que son supérieur sur l'honneur : elle pense qu'on peut savoir quand on agit de façon droite. On ne peut pas se tromper si on se réfère au code de l'honneur, qui est objectif et qui est le même pour tous dans ses fondements, malgré les accents différents que chaque clan peut mettre sur tel ou tel principe : les Grues plus courtois, les Crabes plus courageux, les Phénix plus fidèles à leur parole etc.

Toutefois, les paroles franches de Genichi ont rassuré nos héros. Sarutobi n'en demandait même pas tant. De son côté, Feiyan continue à avoir des doutes sur l'Harmonie. Mais elle est certaine de pouvoir continuer à servir Genichi sans se mettre en contradiction avec elle-même.
Et nos héros espèrent que le jour où ils se heurteront à des extrémistes du progrès, ils pourront leur tenir tête avec l'aide de leur supérieur.
Reply
#33
Les textes sont de plus en plus long, c'est génial smile

Merci Gronico Danse
Reply
#34
[Image: 5ntMkyG.png]

Ce matin-là, Genichi a réuni ses assistants :
- Nous avons besoin de mieux organiser la défense du mur ouest, et pour cela, nous allons faire appel à des renforts extérieurs, étant donné le peu de troupes dont nous disposons. Je vais donc vous envoyer en différents endroits réunir des alliés. Je vous laisserai vous répartir les tâches entre vous.
"Comme un bienfait ne doit jamais être perdu, nous allons nous adresser aux Lièvres. Je suis certain qu'ils peuvent nous adjoindre quelques-uns de leurs éclaireurs très efficaces, qui permettront de repérer les Ujik-Hai et même de les surprendre en cas d'incursions.

Sarutobi sait déjà que ce n'est pas lui qui ira chez les Usagi !

- Ensuite, j'ai besoin d'envoyer l'un de vous à Bakufu...
Ici, Sarutobi ne peut s'empêcher de remuer ; Feiyan et Yori comprennent aussitôt qu'elles ne pourront pas l'empêcher de choisir cette destination.
- ... afin de porter des lettres à la magistrature et au ministre de l'Harmonie de l'ouest, dont nous dépendons à présent.
"De plus, nous allons enrôler ces paysans armés des Poings de Justice. Je me suis entretenu avec leur chef : puisqu'ils sont armés et en état de se battre, la loi nous permet de réquisitionner leurs service. Ils constitueront donc des patrouilles sur le sud de notre district.
"Enfin, j'ai décidé de demander de l'aide à ces samouraïs qui ont cette bannière du Loup. Ils conduisent déjà des patrouilles dans la montagne pour le compte de la famille Maisuna. Nous allons les engager plus officiellement à notre service pour repousser les barbares.
"Voilà, nous devons faire avec les moyens du bord, même si cela n'est pas conventionnel. Mais il est dans l'esprit de l'Harmonie de faire travailler à un même but des gens très différents.

Dès que Genichi sort de sa boîte laquée les parchemins pour Bakufu, Sarutobi fait un pas en avant. Feiyan et Yori ne peuvent retenir un sourire. Sarutobi est prêt à partir dans l'heure et, si possible, à ne pas revenir de tout l'hiver ! A défaut, il s'offrira tout de même une soirée -ou deux- dans la capitale.
- Revenez-nous vite, dit Genichi, malicieux. Nous avons beaucoup de travail et j'attends avec impatience une réponse du ministre.

Yori fera une partie de la route avec lui et s'arrêtera chez les Lièvres. Quant à Feiyan, elle part dans le sud pour rencontrer les Loups. Elle emmène Dastan, qui sera utile pour patrouiller dans les montagnes, à la frontière de la plaine barbare.

*

La forteresse du Loup semble vraiment imprenable, adossée aux montagnes, en haut d'une pente raide. Quand les Loups voient arriver Feiyan, ils craignent le pire : car elle les avait quittés la dernière sur une allusion aux impôts. Mais le Loup Noir, le chef de la bande, se détend dès que Feiyan lui apprend qu'elle vient au contraire les recruter. Implicitement, cela veut dire : pas de contrôle fiscal !
Au contraire, c'est l'Harmonie qui va les payer comme mercenaires.
- Nous sommes honorés de cette reconnaissance, dit le Loup Noir.
Si Sarutobi était venu, il aurait sorti les bouteilles de mujijochu, mais il a compris la dernière fois que cette magistrate Licorne est plutôt une abstinente.
- Je vais avoir besoin de vos services sur-le-champ, ajoute Feiyan. Je vous demande de réunir dix de vos hommes pour m'accompagner dans les montagnes, afin de repérer d'éventuelles incursions de ces barbares.
- Bien sûr, je comprends.
Feiyan s'incline légèrement et demande à se faire conduire à l'auberge.

Pendant ce temps, Dastan est à pied d'oeuvre ! La nuit est à lui et il n'a pas l'intention de chômer !
Maintenant que le réseau de l'Onyx a été démantelé par les Yasuki, l'Ambre va pouvoir reprendre leurs territoires. Dastan va donc traîner dans une taverne de la forteresse, où il est reconnu de plusieurs rônins : il leur a déjà fait des livraisons par le passé. Il leur fait comprendre que désormais, c'est par lui qu'il faudra passer pour avoir les herbe des Sables Brûlants.
Le revendeur lui dit qu'il faut absolument rencontrer le livreur qui va arriver de la plaine.
- Il sera ce soir au col de la Dernière chance.
- Pas de problème, répond Dastan, allons le voir.

Au beau milieu de la nuit, alors que Feiyan dort depuis longtemps, il part avec son informateur dans la montagne. Le ciel souffle depuis l'ouest, toutes les étoiles brillent dans le ciel, et pas un autre bruit ne trouble les sommets. Des pas, des crissements, quelques cailloux, des tapements de bâtons de marche : les contrebandiers arrivent, de gros ballots sur les épaules.
Dastan se présente à eux et leur répète son baratin : c'est lui qui s'occupe du trafic à la forteresse des Loups. Maintenant, il va falloir rentrer avant que Feiyan ne se réveille !

Mais comme il va pour repartir, il aperçoit des cavaliers dans le désert. Intrigué, il s'approche et entend un hululement : un animal ? Les cavaliers s'approchent : à la lumière des étoiles, Dastan reconnaît des Ujik-Hai.
Il s'approche pour observer qui ils viennent rencontrer, mais se fait repérer : une pierre roule dans la pente ! Dastan n'a d'autre choix : il va les voir et joue le simple d'esprit. Les Ujik sont prêts à le fendre en deux, mais un autre hululement retentit et les cavaliers s'enfuient. Dastan l'a échappé belle !

Le lendemain, il raconte cette rencontre nocturne à Feiyan, en inventant une histoire invraisemblable avec un oncle à lui, pour justifier qu'il a entendu les hululements de chouettes dans la nuit. Feiyan a du mal à le croire, mais pour le moment, elle ne dit rien.

Le lendemain, Feiyan veut se renseigner. Dastan lui parle des Ujik qui trafiquent sur la frontière. On passe chez les Loups, qui donnent des hommes pour aller dans les cols de la montagne. Et là, gênés, ils avouent à Feiyan que le gouverneur du district sud est corrompu et laisse passer les Ujik. Le soir, on repère des Rokuganis dans la montagne, poursuite à cheval. Ils vont vers la capitale du district sud, qui est collée à la muraille. Ils escaladent la muraille, on arrive dans la ville. Et là, une patrouille les arrête, avec à sa tête, le vieux Grue qui avait été sauvée de l'incursion Ujik. Il est au service du gouverneur de Yoake, chef de la garde.
Feiyan demande à être reçue au palais : le gouverneur fait répondre qu'il n'est pas dispo. Feiyan va se coucher. Même chose le lendemain, elle comprend qu'elle ne pourra pas voir les pillards capturés.

Le premier soir, Dastan cherche des renseignements sur le gouverneur et les officiels corrompus. Mais il ne trouve guère d'informations. Il a beau faire le tour des maisons closes, on ne lui souffle aucune information. Les officiels de Yoake sont de mèche avec les Ujik : peur d'être pillés ou intérêt ?
En même temps, Dastan joue le nouveau aniki du trafic.
Le soir, il va dans les montagnes et part dans le désert, chercher où est le camp des Ujik. Il le repère dans une oasis, après une falaise. Il espionne des Rokuganis qui rencontrent des Ujik, mais il ne peut pas les entendre.

Feiyan énervée comprend que le gouverneur ne la recevra pas, et préfère rentrer au lieu de perdre son temps. Elle passe chez les Poings de Justice et leur ordonne sèchement d'envoyer par roulement une vingtaine d'hommes sur la Muraille.

Puis, retour au palais de Genichi.

Sarutobi est à Bakufu. Sarutobi recrute des Guêpes. Yori des Lièvres. Sarutobi fait une soirée dans le monde flottant, rencontre Suzume Kiohage et d'autres amis. Il est appelé à la table des ministres, qui demandent des nouvelles de Hokufuu. Le lendemain, le ministre donne des réponses à Sarutobi pour Genichi, dont une demande d'aller voir les Licornes à leur campement, pour organiser la défense contre les Ujik et les attaquer.

Sarutobi revient ensuite à Hokufuu avec Yori.

Attaque de créatures Shinomen contre les Sangliers. Expédition pour les traquer, avec les Lièvres et les Guêpes. Sarutobi, à l'extérieur de la scierie des Sangliers, repère un des monstres, et le poursuit et le tue d'une flèche.
On examine le corps : humanoïde monstrueux.

Puis traque dans la forêt : Sarutobi organise un encerclement qui se referme sur la troupe de créatures. Feiyan et Dastan servent d'appât et affrontent un des monstres. Combat très dur, mais ils tuent le monstre. Sarutobi et les archers surprennent les autres dans la brume et les abattent.
Et là, Dastan surprend tout le monde en disant que ces monstres sont des Tsuno, une ancienne race disparue. C'est sa grand-mère qui lui racontait ces légendes au coin du feu !
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#35
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Dastan revient chez lui : sa copine lui dit qu'on a volé le manuscrit. Furieux, Dastan se lance sur la piste. Enquête : il trouve une bicoque abandonnée, qui a été utilisée par l'Onyx. Il le poursuit mais il le perd.
Dastan vient informer Feiyan, car il est encore tôt et Sarutobi dort encore.
Furieux, Dastan est dans tous ses états mais il ne contrôle pas ce qu'il dit, il implique qu'il pourrait y avoir une taupe au palais ! Feiyan a du mal à garder son calme devant pareilles accusations.
Feiyan va voir Genichi et dit de ramener la fille au palais, pour sa protection. Feiyan fait une enquête de voisinage et elle découvre que ce sont des voisines qui ont dit à l'Onyx quand la copine de Dastan était absente de chez elle, quand elle partait au marché. Les voleurs sont venus à ce moment-là. Feiyan fait arrêter les commères et fait venir la copine de Dastan au palais. Pour sa propre sécurité.

Sarutobi et Dastan se lancent sur la piste de l'Onyx. Ils trouvent un bouge de l'Onyx. Dastan éclate la tête du barman sur le comptoir pour commencer. Des truands vont pour se battre, mais Sarutobi les regarde avec sa "dangerous allure", la main sur le sabre. Les truands se rassoient. Le patron lâche une information : l'Onyx a été payée par des Ujik pour voler le codex de l'aurore. Ces Ujik sont à Karoulstan, la ville à côté. Dastan et Sarutobi s'y rendent, pour retrouver l'informateur de la dernière fois, qui leur avait donné la piste de la bibliothèque des moines traducteurs. Mais cet informateur a été tué. Il était ami d'un sultan qui est en ville, et qui veut punir les coupables. Des hommes du sultan invitent Dastan et Saru à venir au palais. Le sultan les reçoit et dit qu'il monte une expédition punitive contre les Ujik, qui sont à la ville marchande, d'où vient la copine de Dastan.

Qui est le commanditaire du vol ? Les Ujik ? Le petit vieux pour se venger de Dastan ? Des gens de l'Harmonie ?

Ils s'y rendent, et découvrent que l'échoppe du petit vieux a été brûlée, et qu'il est mort dedans. L'incendie a été déclenché, selon les témoins, par des Ujik. Mais d'autres témoins qui disent que ces Ujik avaient rencontré avec des Iuchi, à la sortie de la ville. En enquêtant en ville, Sarutobi est pris dans une tempête de sable magique et a une vision du passé : une armée Akodo affronte à cheval des Ujik. Sarutobi repère le nom de l'armée sur la bannière, la 64ème légion Akodo. Il ira en bibliothèque savoir qui dirigeait cette armée, et quand. Il se sent un lien kharmique avec le général.

Sarutobi a aussi la vision d'un homme qui s'approche, dans une caverne, d'un gros diamant.
La tempête se dissipe.

Dastan est sur la piste des Iuchi, mais ils sont déjà repartis dans le désert, avec le codex. Avec leur magie du vent, impossible de retrouver leur piste : car ils effacent leurs traces derrière eux. Il est même trop tard pour louer un ballon, car on ne sait même pas dans quelle direction chercher. Le codex est perdu pour de bon.
Retour à Hokufuu.

Pendant ce temps, Feiyan a dû interroger la copine de Dastan. Elle n'est pas impliquée. La question qui se pose : ont-ils volé seulement le codex ou bien aussi les traductions en cours ? Car ils n'ont volé que cela, donc ils savaient ce qu'ils cherchaient. Ils ont bien pris les traductions aussi, dont celle de plusieurs chapitres cruciaux sur les armes secrètes de la Cité de l'Aurore.
La copine de Dastan se souvient de ce qu'elle a traduit : cela parlait de "deux yeux de l'Oni", qui malgré leur nom, ne sont pas liés à la maho, selon Miya Toshiro.

Dastan est toujours furieux du vol, et veut punir le coupable. Sarutobi veut accompagner Dastan, mais Genichi a besoin de lui pour retourner à Bakufu porter du courrier. Il s'agirait de savoir si l'Onyx a seulement donné le manuscrit original, ou s'ils ont aussi donné la traduction.

Arrivée d'un officiel de l'Araignée, qui vient s'enquérir des menaces qui pèsent sur Hokufuu. Cela sent la police politique... L'Araignée interroge Feiyan et Sarutobi, à qui Genichi a conseillé de dire la vérité.
Sarutobi dit que les Ujik ne sont pas une menace. Feiyan parle du passage dans la forêt vers le monde des esprits. Ils parlent aussi des soupçons de corruption qui pèsent sur le gouverneur de Yoake. Les PJ disent qu'ils ont trouvé ce codex, dont le contenu leur a paru troublant tout de même. Et ils disent aussi que ce codex a été volé. Feiyan cache quand même ses inquiétudes sur le fait que l'organisation de l'Harmonie ressemble à celle du Kolat.
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#36
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Dastan traque le voleur du codex. Il paye des coups à droite et à gauche et on lui dit que le voleur, un truand de l'Onyx, est reparti à la cité des émissaires de l'Est au nord.
Dastan y part sur le champ.

Pendant ce temps, l'Araignée veut faire le tour du district. Feiyan va lui servir de guide. Ils passent une journée chez les Sangliers : visite des usines, fourneaux et mines du clan. Industrie impressionnante et moderne, dans une vallée isolée.

Dastan arrive à la cité. Il va au repaire clandestin des trafiquants, où il est bien connu : dissimulée dans la distillerie de saké. Là, un homme s'enfuit par la porte. Dastan le poursuit en ville. Il le rattrape dans des ruelles sombres. Il lui offre la vie sauve s'il parle : le truand dit qu'il a donné le codex et les traductions au Ujik, mais les Ujik ne voulaient que le codex, donc le sort des pages traduites reste incertain. Pour le remercier, Dastan le tue et le décapite. Il prend la tête et la met dans un sac.
Mais il est repéré par la patrouille, coincé dans un cul-de-sac. Il est à surexcité et à bout de force. Il crie alors qu'il travaille pour la magistrature. Il est capturé et emmené au cachot. Furieux, il crie qu'ils vont avoir des gros ennuis.
Les gardes Yasuki écrivent au palais de la magistrature pour prévenir de l'arrestation de Dastan.

Le lendemain, Feiyan emmène l'Araignée sur la muraille de l'ouest, chez les Loups. Sur la Muraille, l'Araignée dit que Bakufu va envoyer des fusiliers équipés par les Thranois pour s'entraîner sur les Ujik.
L'Araignée contemple le désert, dans le grande silence à peine troublé par une brise qui vient de l'ouest. Le soleil brille et tape sur ses lunettes, lui faisant un instant des yeux tout blancs. Il se tourne vers Feiyan :
- Voulez-vous que je vous fasse une confidence ?...
Question rhétorique. Feiyan attend.

L'Araignée parle alors à Feiyan du Guide, qui s'est converti en secret à la religion des Thranois : un culte monothéiste d'Amaterasu ! Compatible avec Rokugan, mais Feiyan encaisse le coup. Elle veut croire que le culte d'Amaterasu seule est vénérable. Le Guide semble avoir fait un syncrétisme entre le Dieu Unique et Amaterasu. Car ce culte dit que les fortunes, les dieux et les ancêtres existent bien, mais sont inférieurs : donc il faut vénérer Amaterasu avant tout. Feiyan est frappée par l'ampleur de ce changement. Elle n'ira pas jusqu'à penser cela, car elle n'est pas théologienne, mais : si Amaterasu est la divinité supérieure, si elle dirige tout, alors à quoi servent les divinités inférieures ?... Amaterasu n'est pas seulement au-dessus des autres, elle est peut-être toute-puissante !

Pour Feiyan, autant s'inspirer des avancées technologiques, pourquoi pas, mais s'inspirer des étrangers pour l'organisation sociale et la religion, ce ne serait plus l'Empire. Ce serait une autre société, avec les mêmes gens, mais plus du tout le même cadre.

L'Araignée cherche alors à la rassurer : il dit à Feiyan qu'elle est connue pour son honneur et sa piété. Feiyan a gardé les traditions de son clan, elle a le comportement d'une samouraï modèle.
Feiyan craint qu'avec les fusiliers, le combat au corps-à-corps disparaisse. Et donc qu'il n'y ait plus besoin de samouraïs.
Car on pourrait équiper des paysans avec des fusils. Plus besoin d'entraîner des samouraïs... Peur de la disparition de la caste des samouraïs... Pour l'Araignée, ce n'est pas demain la veille, car les fusils ne peuvent pas encore remplacer les arcs. Les meilleurs modèles de fusil sont ceux des Phénix, aidés par les chimistes de la famille Agasha. Ces armes sont plus belles, mais aussi s'enrayent moins. Mais aujourd'hui, leur technologie n'est pas au point, notamment le fusil à plusieurs coups. Les Phénix, au cœur de l'Emeraude conservatrice, sont donc à la pointe du progrès...

L'Araignée demande à Feiyan ce qu'elle craint, car comme elle est quelqu'un de valeur, demain, elle pourrait avoir sa place parmi une élite dirigeante. Guerrière peut-être pas, mais des administrateurs ou des magistrats. Feiyan a montré qu'elle a des capacités en dehors de la guerre.
En fait, la position intermédiaire de Feiyan n'est pas tenable : on ne peut pas être favorable au progrès technologique et être contre le progrès social. Car l'un entraîne mécaniquement l'autre. Il est évident qu'à terme, le fusil va devenir plus efficace que les armes blanches.

Feiyan est quand même sensible au fait que son mérite est reconnu par l'Harmonie. Feiyan a grandi dans la frustration d'être dans l'ombre de sa soeur. Elle trouve maintenant une occasion d'être la première.

*

Retour au palais. Feiyan reçoit la lettre sur le fait que Dastan est emprisonné. Elle dit de le relâcher. Dastan a appris du truand qu'il a remis le codex à trois autres truands de l'Onyx, Hoshu, Foshu et Goshu (le petit, le moyen et le gros !). Dastan comptait les retrouver aussi. Feiyan dit à Dastan qu'elle ira avec lui les retrouver, pour essayer de retrouver les pages traduites. Cela fait une bonne semaine que le vol a eu lieu, les pages ont pu disparaître n'importe où.
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#37
Smile 
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Ils étaient trois brigands, Hoshu, Foshu et Goshu, qui eurent la mauvaise idée de voler un parchemin précieux. Ils appartenaient à feue l'Onyx, l'organisation criminelle démantelée par la magistrature Yasuki au château des Emissaires de l'Est.
Hoshu, Foshu et Goshu avaient été engagés par les Ujik-Hai, qui eux-mêmes servaient d'intermédiaire pour les vrais commanditaires, la famille Iuchi, qui voulait s'emparer du parchemin du codex de l'Aurore, que l'amie de Dastan était en train de traduire.
Les trois brigands avaient réussi à vendre le codex mais il leur restait des pages encore partiellement traduites. Ils ignoraient qu'ils avaient le plus acharné des gaijins après eux, Dastan ! Dastan de Oudhin, élevé dans les rues de cette ville sordide servant de lieu de naissance aux pires crapules des Sables Brûlants !

Comme si cela ne suffisait plus, ils n'avaient pas que Dastan après eux, ils avaient aussi la magistrature de l'Harmonie, en la personne de Feiyan et Sarutobi. Le gouverneur Genichi les avait autorisés à poursuivre ces bandits et leurs parchemins, car l'envoyé spécial de Bakufu, l'inquiétant Daigotsu Hirato, avait l'air de tenir beaucoup à ces pages. On n'avait pas d'intérêt à refuser un service pour Hirato-san...
Dastan avait beau venir des plus bas quartiers de Oudhin, ce qui en faisait des quartiers vraiment très très bas, il avait son code de l'honneur à lui, qui stipulait notamment que quiconque s'introduirait chez lui sans sa permission serait mis à mort. Il avait mis la sentence à exécution contre le voleur qui était entré dans son absence, avait volé les papiers et les avait transmis à Hoshu, Foshu et Goshu. Mais depuis que la magistrature était revenue au château des Emissaires de l'Est, les trois brigands avaient compris que l'air devenait irrespirable à Rokugan et ils avaient décidé de partir en direction des plaines barbares, et de faire une étape à Karoulstan, la cité aux portes du désert, la cité qui a vue directement sur la muraille de l'Ouest.

Ceci, Feiyan et Sarutobi l'avait appris en posant des questions dans la ville des Emissaires de l'Est. En discutant avec les autorités, Feiyan avait aussi quelques informations sur le trafic de drogue que dirigeait auparavant l'Onyx : le trafic avait été démantelé ici, mais il s'étendait encore dans la forteresse des Loups. Tiens tiens, Feiyan ne l'aurait pas imaginé. Elle se promit ce jour-là d'aller rendre visite aux Loups une fois que la recherche du parchemin de l'aurore serait terminée. Elle ne pouvait imaginer à ce moment que l'individu qui avait l'ambition de reprendre le trafic sur les ruines de l'Onyx... n'était autre que Dastan ! Son assistant au sang chaud, qu'elle avait tiré des geôles Yasuki après sa dernière vengeance !

Après ce passage aux Emissaires de l'Est, voici donc les trois magistrats lancés sur la piste des trois bandits ! Un trajet d'une journée les emmène à travers le désert, où la chaleur étouffante de l'été ne se fait plus sentir, et où certaines brises annoncent déjà l'hiver qui va arriver de la plaine comme une énorme gueule de glace qui va figer ces terres infinies pendant six mois. Sarutobi ronchonne d'être là, alors que Feiyan se sent pleinement dans son élément, dans la plaine sauvage, ouverte à tous les vents, à toutes les chevauchées, à toutes les épopées ! Et pendant ce temps, Dastan rumine sa vengeance.
En fin de journée, les épais murs noirs de Karoulstan sont en vue. La ville avec ses dix minarets d'où les prêtres appellent à la prière cinq fois par jour, d'un chant lancinant qui arrête toute activité comme par magie.

Les magistrats n'ont pas de mal à passer la porte ouest de la ville, en glissant quelques pièces aux gardes, qui voient bien qu'ils ont affaire à des gens importants, des hommes de lois qui ne viennent sûrement pas causer du trouble en ville. Ensuite, ils traversent la grande place marchande qui accueille les visiteurs et se rendent au nord de la cité, dans un caravansérail tenu par la famille Shinjo. Feiyan fait les présentations et n'a pas de mal à obtenir l'hospitalité ici. Ils seront mieux au milieu du luxueux confort rokugani que dans la cité elle-même. Du moins Feiyan et Sarutobi... Car Dastan ne va pas dormir ici. Il sait qu'il serait mal accepté ; pendant que le maître du caravansérail présente fièrement ses coffres remplis de produits exotiques, Dastan met son manteau, sa capuche et se glisse en ville, comme un serpent entre les pavés, et se met en campagne, la haine dans les yeux, pour retrouver les coupables. Il sait qu'ils sont là, les trois brigands qui festoient sans savoir que l'ombre de la vengeance sera bientôt sur eux et dans le crépuscule, glisse en silence le long des murs...

*

Avant de s'enfoncer dans les rues de la ville, Dastan a appris au caravansérail que les trois brigands ont déjà vendu les manuscrits. Ce sont les Licornes Shinjo qui en ont entendu parler : les brigands ont rencontré des gens qui ne peuvent pas passer inaperçus à Karoulstan : des moines tatoués avec des symboles de lune. Des Dragons, Togashi ou Hitomi. Comme la transaction a eu lieu il y a deux jours, c'est autant d'avance pour ces moines. Nos héros vont-ils encore courir en vain dans le désert, pour chasser des mirages qui disparaissent à l'horizon ?
Seulement, cette fois, la piste est plus fraîche : on sait qu'un des brigands a fait du scandale un soir dans une taverne. Et à Karoulstan, les moeurs sont sévères : l'alcool est officiellement interdit, seulement autorisé dans les bas-fonds de la ville... ou dans les belles demeures marchandes où la police n'oserait pas déranger les notables. Comme au caravansérail Licorne. Ce brigand, Hoshu, fut arrêté ivre sur la voie publique par la patrouille. Ce soir, il est dans une geôle, en attendant sa condamnation pour le lendemain : vingt coups de fouet en place publique.
Le deuxième, Foshu, a été aperçu dans une autre taverne, mais sobre lui, en train de discuter avec des mercenaires qu'il a engagés pour sa protection. La vente du manuscrit aux moines a dû bien rapporter, car il s'est payé les services d'excellents gardes du corps. Il sera difficile de l'approcher.
Enfin, le troisième, Goshu a été vu dans le quartier réservé. Il fréquente les filles les plus chères de Karoulstan. C'est lui que Dastan va rencontrer. En poche, il a quelques belles pièces rokuganies pour ses faux frais. Il parvient à se glisser dans le quartier entouré de hauts murs, où les nobles viennent passer des nuits folles à jouer, boire, trois filles en transe autour d'eux. En glissant des pièces aux uns et aux autres dans les maisons interlopes, il apprend où Goshu est en train de passer la nuit. Dastan se présente donc devant une maison "paradisiaque", comme on les appelle là-bas. Devant la patronne, il joue les importants, se fait servir de l'alcool et des loukoums ; fait le difficile quand elle lui présente des filles, puis consent enfin à monter avec l'une d'elles.
Dans la chambre, il prend le temps pour se déshabiller et lui glisse une pièce pour savoir où se trouve le Rokugani qui dilapide son argent depuis deux nuits. La fille hésite un peu, mais prend les pièces et les fait disparaître dans son sac :
- Il est au deuxième étage, dans la suite rose.
Aussitôt, Dastan se désintéresse de la fille. Il finit de croquer un loukoum et glisse la petite fourchette dans sa poche. Il la laisse là, éberluée, et se dirige vers la chambre de Goshu.
Sans hésiter, il entre dans la pièce. Derrière les rideaux du lit, au fond de la pièce, on entend les filles rire, minauder, s'ébattre comme des gamines. Dastan approche, la fourchette dans le dos, ouvre en grand les rideaux et ordonne aux filles de disparaître, ce qu'elles font comme des poules affolées, leurs habits ramassés à la hâte serrés sur leurs poitrines. Le brigand, ivre, se cache sous la couverture. Dastan l'arrache et presse sa fourcette sur la gorge du brigand :
- Tu vas me dire où sont les parchemins, et je pourrai te laisser en vie.
Le gros Goshu transpire et fixe Dastan avec des yeux comme des billes.
- Parle, dit Dastan d'une voix blanche, en appuyant avec les dents de la fourchette.
- On a tout vendu, bégaye le gros, des moines tatoués...
- Tout ça je le sais... Où sont-ils ?
- ... des moines Dragons... ils repartent vers le nord, c'est tout ce que je sais...
- Comment est-ce qu'ils ont pu vous contacter ?...
- Par les Iuchi... qui les ont mis au courant. Les moines sont descendus ici pour la transaction.
- Par où vont-ils repartir ?
- Pas par le désert... Ils parlaient de repasser par l'Empire.
- Par l'Empire hein ?

Dastan fait mine d'en avoir fini. Dans le couloir, on entend du remue-ménage. Les filles ont donné l'alerte. Dastan regarde par la fenêtre, puis, comme pris d'une rage brusque, plante sa fourchette dans la gorge du brigand en lui pressant la main sur la bouche pour étouffer son cri. Il roule au bas du lit, le sang giclant en abondance sur les beaux coussins satinés et le tapis aux poils soyeux. Déjà, Dastan a bondi par la fenêtre, juste quand les soldats enfoncent la porte. Il court sur le balcon, monte sur la rambarde et saute sur le balcon d'en face, fracasse une cloison en bois, traverse un appartement, dévale l'escalier, ressort dans une ruelle et poursuit son chemin, tête baissée, son keffieh autour de la tête. L'alerte va être donnée partout. Le poste de garde doit être en alerte. Mais il a repéré l'endroit où le mur d'enceinte du quartier est praticable. Il l'escalade avec une souplesse de panthère, retombe de l'autre côté dans le quartier marchand et s'engouffre dans une taverne. Quelques individus le regardent en coin. Il ne s'attarde pas, ressort et se dirige vers le caravansérail.
Feiyan et Sarutobi profitaient de l'hospitalité délicieuse des Licornes, qui racontent leurs meilleurs souvenirs du désert, des tribus et les splendeurs de Medinat Al'Salaam.

Le lendemain, Feiyan demande aux Licornes de l'aider à rencontrer le chef de la police. Obligeants, les Shinjo, qui ont déjà fait appel à lui plusieurs fois, accompagnent Feiyan dans un habitant au pied du plus grand minaret de la ville. Le chef de la police a une petite moustache soignée, un regard droit, le visage impassible d'un serviteur de la justice. Les Licornes font la traduction. Le chef acquiesce et descend avec les Rokugani dans le sous-sol des prisons, où Foshu dort recroquevillé sur des planches de bois. Le garde tape sur les barreaux. Foshu grommelle, voit des compatriotes, en un sens, grommelle et s'asseoit.
Le chef de la police attend, sans impatience. Feiyan et Sarutobi lui disent qu'ils peuvent diminuer sa peine s'il consent à parler. Foshu confirme que les moines ont parlé de repartir par l'intérieur de l'Empire. Ils se dirigeaient vers le district d'Hokufuu, où ils allaient faire étape à la porte de la Persistance. Feiyan et Sarutobi se regardent : ils vont passer sous le nez de Genichi mais il est trop tard pour le prévenir. Si c'est bien leur trajet, ils vont longer Shinomen en direction de l'est puis remonter plein nord, vers les terres Lièvres puis Araignées. Logiquement, ils devraient prendre la passe de Beiden, qui n'est pas encore fermée en cette saison.
La question est de savoir si Genichi autoriserait ses magistrats à leur courir après à travers la moitié de l'Empire ou plus.

Foshu a dit tout ce qu'il savait. Feiyan échange quelques mots avec le chef de la police, pour lui dire que ce brigand a fourni des informations importantes. De son ton rassurant et posé, elle le convainc d'atténuer la peine. C'est entendu : il n'y aura que dix coups de fouet au lieu de vingt !
Feiyan et Sarutobi remercient. Foshu grogne un remerciement et préfère se rendormir avant la cérémonie de demain...

Il reste un troisième bandit en ville, Hoshu. Mais nos héros ne voient pas bien ce qu'il pourrait leur apprendre de plus. Qui plus est, il s'est bien caché et il a des hommes armés autour de lui. Inutile de perdre son temps pour lui. Ils passent remercier les Licornes et quittent Karoulstan au trot, impatients de se mettre sur la piste des moines.

*

Ils étaient trois brigands qui eurent la mauvaise idée de voler un parchemin précieux.
Le premier vécut deux nuits de rêve et mourut assassiné par surprise.
Le deuxième fut arrêté et reçut dix coups de fouet.
Le troisième, plus prudent, engagea les services d'hommes armés pour se protéger, et passa le reste de ses jours dans la peur.

Qui eut la meilleure vie ?
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#38
Quote:Ils étaient trois brigands, Hoshu, Foshu et Goshu, qui eurent la mauvaise idée de voler un parchemin précieux.


Ah ça pour une mauvaise idée, c'était une mauvaise idée biggrin

Merci pour ces résumés smile
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#39
Chinese
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#40
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Les magistrats de l'Harmonie ont laissé derrière eux les murs noirs de Karoulstan et parcourent rapidement la piste du désert qui les ramène vers Rokugan. Le soleil d'automne chauffe encore l'air et des bourrasques de sables tourbillonnent follement entre des dunes où s'agrippent des plantes sèches.
Après une journée de cheval, c'est le passage des montagnes du crépuscule, juste avant Maisuna Shiro. Tout d'un coup, l'air chaud des plaines laisse la place à l'air déjà humide des plaines agricoles. La tour d'observation de l'ouest, depuis longtemps désaffectée, se dresse toujours sur la frontière sud du district de Hokufuu.
Nos héros entrent dans la cité du dernier rayon à l'heure correspondant au nom de la ville. Les gardes s'apprêtaient à fermer les portes de la ville et à considérer la journée terminée, quand ils doivent tout rouvrir pour laisser entrer les magistrats pressés.

Dans le palais, Genichi fume tranquillement en relisant des papiers, alors qu'à côté de lui, Daigotsu Hirato, le conseiller spécial de Bakufu, l'homme d'influence, a du mal à tenir en place. Il ne voit pas Genichi sourire dans son coin par moment, aussi pour cacher son agacement d'avoir ce personnage dans les jambes. Silencieuse, Daigotsu Yori rédige une lettre. On entend les plumes crisser sur le papier, pendant que Hirato boit trop de thé.
Enfin, on entend de l'agitation dans la cour du palais, et on entend l'arrivée des magistrats dans l'air noir du soir.
- Les voilà ! ne peut s'empêcher de lâcher Hirato.
Genichi prend le temps d'essuyer sa plume et de la ranger dans une belle boîte laquée, puis fait un petit signe à une servante de préparer une collation pour les voyageurs.
Ceux-ci vont prendre le temps de passer aux bains, car il serait impensable pour eux de se présenter devant leur supérieur encore couverts de poussière et sentant le cuir de cheval.
Les étoiles brillent déjà fort dans le ciel quand Feiyan et Sarutobi entrent dans le bureau du gouverneur et le mettent au courant de la situation. Hirato a du mal à cacher son impatience. C'est Feiyan, toujours d'une voix posée, même après une journée à chevaucher, qui fait le rapport.
- Nous pensons donc, conclut-elle, que si les moines ont de l'avance sur nous, puisqu'ils ont quitté Karoulstan depuis trois jours maintenant, il est toutefois possible de les rattraper, pourvu que nous partions demain à la première heure.
La décision en revient à Genichi, de laisser encore partir ses assistants. Il sait qu'il n'a guère le choix : Daigotsu Hirato est un personnage d'autant plus important que sa fonction réelle est mal définie (mais avec les Araignées, on ne veut jamais savoir exactement quel est la tâche occupée par un samouraï !). Or, il ne faut pas perdre une occasion de rendre service à un personnage influent. Et il est imprudent de le contrarier.
- Soit, dit Genichi, qui sent d'un coup la tension se relâcher chez Hirato. Vous traquerez ces moines, vous les retrouverez et vous leur reprendrez les pages manuscrites, non encore traduites, dont ils se sont emparés frauduleusement.
- Parfait, parfait, dit Hirato en se frottant les mains.
Pendant que l'Araignée réfléchit à part lui, comme s'il complotait seul (mais faut-il plus d'une Araignée pour monter un complot ? sans doute pas), Genichi jette un regard entendu à ses assistants.
- Yori-san, vous les accompagnerez. Si vous allez à la passe de Beiden, vous passerez chez les Araignées. Si Hirato-san peut vous signer un sauf-conduit, ce sera parfait.
- Bien sûr, bien sûr, fait l'intéressé, qui s'excuse presque de ne pas l'avoir fait sur-le-champ.

Il a bien compris que Genichi laisse partir ses trois assistants pour une mission incertaine et dangereuse. Jusqu'où mènera-t-elle ? Quelle sera l'opposition en face ?
Hirato s'est hâté de signer un document autorisant la circulation des magistrats sur les terres Araignées, et leur ouvrant toutes les portes.
- Le mieux, dit soudain Genichi, serait que vous preniez le train !
Tout le monde approuve.
- Vous pouvez l'attraper demain à la gare du château des Lièvres. Car nous sommes bien placés pour savoir que la famille Usagi accueille une gare du parcours, n'est-ce pas ?

Le dragon de fer relie désormais Bakufu à la Cité des Mensonges, avec un arrêt chez les Renards, un chez les Araignées et un à Kyuden Bayushi.
- Dans ce cas, nous pourrions envoyer un émissaire à la gare Lièvre, dit Feiyan, pour qu'il avertisse le train de nous attendre.
A mission importante, moyens importants !
- Tout à fait, dit Genichi. Je vais dépêcher un cavalier ce soir.
Les Miya ne sont pas les hérauts de l'Empire pour rien !

*

Le lendemain, le soleil n'est pas encore levée, la rosée de Shinoment pas encore évaporée, que les trois magistrats montent en selle, accompagnés de Dastan, qui veut retrouver les pages mais surtout laver, une fois de plus, l'affront qui lui a été fait.
Ils partent sur la grande route commerciale qui longe Shinoment par le sud, font une brève halte à la porte de la Persévérance, puis partent en direction du sud-est. Une étape rapide dans la grande cité de Maemikake, au bord du magnifique lac de la neige des cerisiers, puis un dernier galop et ils atteignent la cité Usagi, que quelques mois plus tôt, ils assiégeaient victorieusement. Depuis, on dirait que des siècles ont passé, que ce conflit est déjà antique : la ville bourdonne d'activité en bordure de la voie de chemin de fer qui file vers le nord.
Le train est déjà, quelques passagers se plaignant aux autorités, qui ne savent plus comment se plier pour faire patienter ces personnalités importantes. Le chef de train n'est pas mécontent de voir enfin arriver les magistrats. Feiyan s'assure qu'il y a bien un wagon pour son cheval. Elle rassure sa monture, qui, comme toutes les montures Utaku, a une certaine facilité à prendre un coup de sang (presque autant que Dastan !)

C'est enfin le départ. Les magistrats sont confortablement installés dans le wagon de tête. Sarutobi et Dastan ne se font pas prier pour prendre un cigare et de l'eau-de-vie thranoise. Elles ont du bon, ces cultures orientales ! Prendre ce train est comme voyager dans un palais roulant, traversant des plaines incultes sur des sièges moelleux. Nos héros ont le temps de faire une petite sieste, que l'après-midi se termine et qu'à la tombée de la nuit, ce sont les terres de l'Araignée qui apparaissent : leurs villes aux toits rouges, les bannières bleu nuit, la silhouette inquiétante de Kyuden Bayushi, en bordure du bois des traîtres. Tout cela passe, comme dans une estampe qui s'animerait. L'arrêt dans la capitale des Scorpions marque l'heure de descendre.
Sarutobi s'étire : il aurait bien continué et fait quelques allers-retours dans ces conditions !
Feiyan, elle, est contente de se dégourdir les jambes. L'éducation de Yori lui a appris à ne pas trop montrer ce qu'elle pense. Quant à Dastan, il scrute les montagnes qu'on aperçoit au nord, comme pour y apercevoir les moines qui emmènent son manuscrit.

Grâce à ce voyage en train, ils ont gagné au moins deux jours sur leurs poursuivants. Logiquement, puisque même des moines aux pouvoirs surnaturels doivent dormir, ils ne peuvent plus être loin !
Le lendemain matin, après un accueil parfait dans une grande auberge Bayushi, ils terminent à cheval le trajet jusqu'à Beiden. L'air des montagnes est déjà là, vif, glaçant mais revigorant dans la brume matinale. La journée commence à peine mais le chemin qui mène au poste-frontière de l'Harmonie est déjà encombré : il devient urgent de pouvoir passer, car les premières grosses neiges peuvent arriver vite en cette saison. Or, quand l'hiver est là, tout ferme pendant trois mois au moins. C'est donc une cohue, des insultes de-ci de-là, les patrouilles Bayushi qui, comme chaque jour, doivent intervenir sans arrêt pour calmer les voyageurs qui vont payer cher pour passer, et qui payeront aussi cher de l'autre côté de la passe, pour entrer sur les terres de l'Emeraude.
Entre les deux postes-frontières, une grande étendue sans foi ni loi, la passe de Beiden. Les Scorpions louent leurs services pour escorter les voyageurs. Il est en effet impensable d'entrer dans la passe sans protection, sauf si l'on veut en terminer rapidement avec cette vie, la gorge tranchée par les bandits qui lorgnent sur les immenses richesses qui passent ici chaque jour.

Dès qu'une charette se met en marche, tout une section de la route se met en branle à sa suite. Au poste, Feiyan se renseigne auprès des gardes : ils affirment que les moines sont passés il y a moins de deux heures. Il va s'agir de les rattraper avant qu'ils n'atteignent la frontière des Matsu !
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