02-03-2003, 07:07 PM
Le_Ludwig :LeLudwig: Productions & Metro
Garfield Mayer Studios pr?sentent...
Lecteur,
tu sens poindre une odeur de soufre et de sang, de vieux boudoir ; l?ambiance est ? l?orage, aux intrigues souterraines, aux passions effr?n?es, ? la cruaut? dans le raffinement?
Tu vois tomber une nuit gothique sur la capitale fran?aise, et la lune est froide comme la mort. Alors plus de doute ? avoir : une fois de plus, ton esprit a ?t? captur? par...
LES CONTES DE LA CANINE !
Mais avant de d?buter cet opus (o? ? n'en pas douter l'effroi le disputera aux intrigues diaboliques et ? un intenable suspens) passons en revue quelques-unes des marionnettes qui composent le spectacle, pour nous remettre dans l?ambiance?
DRAMATIS PERSONAE
[b]Fran?ois Villon : Prince Tor?ador de 5e G?n?ration ; chef de la Camarilla parisienne. R?side dans une crypte des sous-sols du Louvre. N? en 1431, ?treint en 1463. Ces deux dates sont identiques ? celles de naissance et de mort du po?te Fran?ois Villon. Le Prince du Louvre et l?auteur de la Ballade des Pendus sont-ils une seule et m?me personne ? Le po?te m?di?val a sans doute ?t? pendu en 1463, mais d?autres traces disent que sa peine a ?t? commu?e in extremis en exil de dix ans. On a aucune trace de lui au-del? de cette date?
Hieronymus Lucien : Fils de personne et du diable, n? au 13e dans une campagne profonde et boueuse. Devient le prot?g? de Merlin, provisoirement d?livr? de la caverne de la f?e Viviane. Etreint dans la for?t de Broc?liande lors d?une c?r?monie qui r?unit les futurs protagonistes du Songe d?une nuit d??t? de Shakespeare, ainsi que nombre de cr?atures fantastiques et nocturnes. Apr?s plusieurs si?cles d?errance, et un long sommeil sous le 18e et le 19e si?cle, Lucien s?installe ? Paris, et devient l?organisateur des soir?es de la Camarilla ? l?Op?ra de Paris.

Constance Bathory (Constance Kervignan, comtesse de) : Ventrue de 8e g?n?ration. N?e en 1756, ? Paris, des ?treintes d'un soir du philosophe Denis Diderot avec une de ses bonnes. Recueillie un an apr?s et ?treinte en 1777 par le Comte Hedbert Bathory. Se fixe ? Paris en 1963. M?ne la grande vie, et anime des soir?es de la Camarilla d?cadentes et grandioses. Entre dans le cercle des proches du Prince Villon dans les ann?es 90. Est assassin?e ? l?Op?ra de Paris, pendant la repr?sentation de la Fl?te Enchant?e, le 20 d?cembre 2002.

Eros Tropovitch : Sieur Tor?ador de 9e G?n?ration. Ma?tre de musique du Prince Fran?ois Villon. Sa position est inconfortable, car sa place est envi?e : Tropovitch poss?de donc des ennemis au sein de la Camarilla du Louvre. A travaill? plusieurs fois en collaboration avec Lucien.

Lisbeth Bathory : N?e Elisabeth Poussin le 27 avril 1979. Petit rat de l?Op?ra de Paris. Devient la goule de la Comtesse Bathory au d?but de l?an 2000, avant d??tre ?treinte le 6 d?cembre 2001. Le soir o? la Comtesse est assassin?e, Lisbeth dispara?t, enlev?e par des inconnus.

Aladax Lucinius : N? Fr?d?ric Lorrain le 6 d?cembre 1978. Etudiant ? l??cole du Louvre, tombe amoureux de la future Lisbeth Bathory. Pour elle, se fait vampiriser par Eros Tropovitch, fin juin 2000, et prend le nom d?Aladax Lucinius. A son tour, Lisbeth se fait ?treindre le soir des 23 ans d?Aladax. Apr?s l?enl?vement de Lisbeth, Lucinius veut contacter le d?tective Gangrel Alexandre Corso. Mais sur le v?u du Prince, il part enqu?ter sur les agissements d?un certain Hugo, proche du Sabbat, dans une coterie compos?e de Corso, du Ventrue Fran?ois Loren et du Brujah Benedict.
Maintenant que les personnages sont en place, tu peux plonger ? nouveau dans la sc?ne du myst?re avec ce 3e conte, intitul? :
:demoniaque: [size=18]HISTOIRE DE MATHIAS NAUNDORFF :demoniaque:
LE MANUSCRIT DE L'IMPASSE SAINT-PAUL
Tu marches par ce froid hiver de d?cembre 1995.
Les rues ont ?t? encombr?es toute la journ?e par les embouteillages que provoquent les grandes gr?ves du service public. Le bitume est comme fatigu? de supporter ces troupeaux de fum?e, de m?tal et d?essence, et la ville, ? cette heure tardive, semble enfin respirer, comme un b?uf que l?on d?livre de son joug apr?s une journ?e de labourage dans la canicule.
Tu marches dans le 7e arrondissement, et tu admires les manoirs depuis lesquels les millionnaires m?prisent le peuple.
Il est bient?t onze heures du soir : le taxi t'a d?pos? au croisement du boulevard Max Elskamp et de la rue Saint-Paul, et il y fait froid comme au p?le, tout au long de l?ann?e. Cette rue est belle et sertie d??tranget?s, comme une vieille chanson populaire des temps pass?s. La rue te m?ne ? l?impasse Vermeer, ? la grille d?entr?e d?un h?tel particulier.
Tu sonnes ? l?interphone, tu passes dans un couloir qui est d?j? un palace, puis tu admires un jardin d?hiver dans lequel les plantes, comme vivifi?es par une serre froide, laisse ?clater leurs tons et les rehaussent de scintillements glac?s. Tu montes un ?tage, ton chapeau mou ? la main. Un r?flexe te fait t?ter ton pistolet dans son holster : sa pr?sence te rassure.
Tu sonnes ? une porte en bois ouvrag?, et c?est ? peine si tu entends le timbre de la sonnette.
Celui qui vient t?ouvrir est un domestique ? l?aspect repoussant : long cheveux gris, visage anguleux, la m?choire d?form?e, le regard fuyant, des expressions de visage creus?es. Il ressemble ? une peinture cubiste. Il te parle par morceaux de phrases que tu interpr?tes difficilement. Tu donnes ton nom, et il t?introduit dans un vestibule. Il prend ton manteau, et tu crains qu?il ne te l'ab?me. Il a des gestes nerveux, saccad?s. Il t?introduit dans un grand bureau, et quitte discr?tement la pi?ce.
Tu jettes un regard circulaire ? l?endroit : une grande biblioth?que, des tableaux de Malevitch au mur, au sol des tapis d?orient. L?ensemble est d?un grand raffinement. Sur des tables, des statuettes servent de pied de lampe ; des masques africains te regardent de leurs orbites vides et de leurs bouches creuses. La biblioth?que n?est pas remplie d?un alignement d??uvres compl?tes de Chateaubriand ou de Montaigne, avec des tranches en cuir rouge, que l?on ach?te au m?tre sans jamais les lire. Non. Sur les cinq rayons sont entass?s des livres d?pareill?es et us?s, h?riss?s de marques pages.
Le ma?tre des lieux te regarde fixement, assis derri?re son bureau sur un confortable fauteuil de cuir, sans faire de commentaires. Tu devines qu?il est fier que tu inspectes les tr?sors que rec?le son bureau.
- Je vous en prie, monsieur Naundorff, te dit-il depuis sa p?nombre, asseyez-vous. A moins que vous ne soyez venu que pour admirer ma biblioth?que?
Il parle avec d?tachement et le ton pince-sans-rire d?un homme parfaitement ma?tre de lui-m?me.
Tu n?es pas l?homme des belles mani?res, et enfreindre l??tiquette des aristocrates n?est pas pour te d?plaire : tu t?approches de la biblioth?que, et y inspecte de pr?s plusieurs livres. Tu en prends quelques-uns ? la main, les examine, et rend ton avis, d?un ton expert :
- Vous lisez Simenon, monsieur Saint-Luc ? J?ignorais qu?on se passionnait pour la S?rie Noire dans cet arrondissement?
- Je pense que les halls de gare, r?plique t-il du tac-autac, auxquels on voudrait confiner le genre policier, sont les endroits les plus int?ressants au monde. On y vient, on s?empresse. On en part, on discute autour d?un demi. On y parle beaucoup, (et pas que des retards de train), on met au point toutes sortes de projets, et pas que des vacances au bord de la mer.
- Ouais, je connais ?a, dis-tu, en allant t?asseoir. Sur ce coup, il gagne.
Un silence de quelques secondes s?installe.
- ?a vous d?range si je fume ?
- Absolument pas. Voulez-vous essayer ces d?licieuses cigarettes blondes ? Elles viennent de Hongrie. Elles sont tr?s rares?
- Merci, mais je crois que je vais m?en tenir ? mes Gauloises brunes?
- A votre guise.
La flamme de ton briquet, puis le cercle rougeoyant de ton clope, se meuvent lentement dans la p?nombre, cette p?nombre qui te poursuit, et dans laquelle tu te meus comme poisson dans l?eau.
Tu te nommes Mathias Naundorff, tu as bient?t quarante ans.
Tu es d?tective priv?, m?me si personne ne veut croire que cette profession existe r?ellement. Tu as tes entr?es au 36, quai des Orf?vres (tu aimes cette tour pointue, droite comme devrait l??tre selon toi la Justice), et si tu forces tes relations, tu peux ?galement entrer aux Affaires Etrang?res. Tu sais que parmi tes anc?tres tu comptes l?horloger Naundorff, qui voulut se faire passer pour Louis XVII, et franchement, tu t?en moques pas mal. Tu as toujours repouss? les francs-ma?ons qui s?int?ressaient ? l?horloger imposteur.
Tu attends que ton client se mette ? parler. Tu ?coutes la musique tamis?e qui coule doucement dans la pi?ce : les Nocturnes de Chopin. L?homme qui t?a pri?, en d?but de semaine, de venir ici ce soir se nomme J?r?me Saint-Luc, et en d?pit de tes recherches, tu n?as rien trouv? sur lui. Il n'a pas de casier judiciaire, il ne fait pas partie d'un club ou d'une association, il n'a pas de poste officiel ni de relations avec le gotha intellectuel, politique ou artistique.
Un solitaire, donc. M?fiance.
- H? bien, monsieur Saint-Luc, que puis-je faire pour vous ? dis-tu finalement, pour briser la glace. Vous parler de mes aventures dans les halls de gare ??
- Pas exactement. Ou plut?t le travail que je veux vous confier pourrait ?tre li? ? une gare, pr?cis?ment. Celle de Montparnasse exactement.
- Vous m?intriguez.
- C?est l? le privil?ge de ma vie : j?intrigue les gens. Je tisse des com?dies, j?y participe. J?y assiste aussi, je truque des cartes ; je gagne souvent, et sans triomphalisme ; je perds parfois, et je suis plut?t bon perdant. Mais je suis acharn?, et je continue de jouer tant que j?ai un atout dans la manche.
Tu te demandes s?il se moque de toi. Il t?a sorti ce discours ?nigmatique d?un trait, et tu penses qu?il veut t?en mettre plein la vue. Depuis que tu as crois? le regard d?rang? du domestique, tu sais que tu es parti sur une affaire d'une autre nature qu?un constat d?adult?re.
- Monsieur Naundorff, j?ose dire que vous ?tes maintenant mon dernier atout? Apr?s, je devrai me retirer de la partie. D?finitivement.
- Et qui sont vos adversaires ? comment les vaincre ?
- J?ignore contre qui je joue. La vie n?est qu?un jeu de cartes, les yeux band?s. Le hasard est ma?tre, et la banque est toujours gagnante. Je compte sur vous pour me dire qui sont mes adversaires dans ce coup de poker que je veux tenter.
- Et quel l?objet du? litige ?
- Un manuscrit qui m?est tr?s cher. Un manuscrit original, datant du 15e si?cle?
- Effectivement, ?a remonte?
- ? un manuscrit du po?te Fran?ois Villon, la premi?re r?daction de sa Ballade des Pendus. Vous connaissez Fran?ois Villon, monsieur Naundorff ?
- J?ai beau ne lire que du ? hall de gare ? et ne fumer que des brunes, je ne suis pas non plus compl?tement demeur?, je suis all? en classe quand on y apprenait encore aux enfants ? lire, et j?ai donc entendu parler de Fran?ois Villon. Et maintenant, je suppose que vous voulez que je vous retrouve ce manuscrit, n?est-ce pas ?
- Exactement. On me l?a vol?, et je tiens pas ? ce qu?il quitte la France. Il m?est tr?s pr?cieux.
- Et les voleurs tenteraient de partir par la gare Montparnasse ?
La conversation s?est poursuivie encore quelques minutes. Il t'a dit qu'il te rappellerait.
Tu marches d?j? dans la rue, l?entretien n?a dur? qu?une demi-heure, et tu contemples encore, malgr? la pluie fine qui mouille la rue, le ch?que de 30.000 francs que ce J?r?me Saint-Luc vient de te signer. Sous l??clairage des r?verb?res, tu regardes l??l?gante signature trac?e ? l?encre violette.
Tu retrouves le boulevard Max Elskamp, et tu vois d?j? arriver le taxi que t?a appel? le domestique bizarre (sph?res de jaune humide dans le gris brouill? comme des ?ufs).
Tu t?engouffres dans la Mercedes int?rieur cuir, qui te conduit jusqu?? ton bureau, rue Beckmann, ? quelques pas de la gare de l?Est.
Tu laisses un message sur le r?pondeur de ta secr?taire pour lui annoncer le gros coup que tu viens de d?crocher, et t?endors lourdement, pour filer au travers d?une nuit sans r?ve...
LA GRISAILLE DE MONTPARNASSE
Tu d?butes ton enqu?te d?s le lendemain lundi. Pas question de faire attendre un type qui paye si bien.
T?t le matin, tu te l?ves, te noies l?estomac avec un bon litre de caf?, fume quelques cigarettes en lisant les journaux et en ?coutant tes ?ufs au plat qui cuisent sur la cuisini?re ant?diluvienne. Ta secr?taire arrive comme tous les jours : il est 9 heures. Tu la mets au courant rapidement de l?affaire du manuscrit de J?r?me Saint-Luc. Elle a peine ? te croire au d?but : n?anmoins, quand elle voit le ch?que, qu?elle examine de pr?s le nombre ? cinq chiffres, elle manque en perdre ses lentilles de contact. Elle te f?licite pour cette affaire. Tu la laisses s?installer ? son poste, et tu lui dis de ne pas ?tre trop empress?e de prendre des affaires de cocuages ou de recouvrement de cr?ances.
Un manuscrit original de Fran?ois Villon, ?a a quand m?me une autre tronche !
Tu mets ton imperm?able et ton chapeau d?color?, rendu gris comme les pluies parisiennes, et au volant de ta Peugeot 403, tu pars sur le boulevard S?bastopol. Tu passes non loin de Beaubourg, et tu te dis que tu n?arrives toujours pas ? supporter cette plomberie mastoc. Tu grognes pour la forme quand tu es pris dans les embouteillages, mais le ch?que de Saint-Luc t?a donn? un sacr? coup de jus ! Si tu fais durer l?affaire, tu sens que tu peux empocher une fortune.
Tu arrives ? Montparnasse apr?s avoir pass? plus d?une heure dans le trafic. Tu as pass? par la rue de Rennes compl?tement congestionn?e. Coinc? dans l?amas de bagnoles qui roulent vers la grande tour noire, tu t?es mis ? r?fl?chir. Tu aimes r?fl?chir dans ta voiture : les quelques intuitions de g?nie que tu as eues, c?est sur ce si?ge ?lim?, pr?s de cette bo?te ? gants rempli de ? s?ries noires ?. Tu tournes encore longtemps avant de trouver une place. Boulevard du Montparnasse, tu vois d?j? arriver une autre manifestation. Tout le peuple est dans la rue !
Tu claques la porti?re et tu regardes les grandes affiches de cin?ma, et les grands n?ons des h?tels voisins. Sur le parvis de la tour, tu retrouves un de tes indics, Raymond Chandeleur : il vend des ballons aux gosses qui agrippent la veste de leurs mamans pour faire un tour de man?ge en bois. Tu lui glisses un billet ? l?effigie de Delacroix, et tu le rencardes en quelques mots sur l?affaire. Il te donnes un ballon, et repart en sifflotant pour son num?ro de charme ? la vendeuse de cr?pes.
Tu regardes les gens qui tournent sur la patinoire qu?on installe pour l?hiver. Tu te dis que tu devrais t?y mettre aussi, que tu pourrais proposer ? ta secr?taire une valse sur glace, que tu devrais l?emmener sur la patinoire de l?h?tel de Ville, que ce serait plus chic. Tu allumes une cigarette, tu l?ches ton ballon, et tu le regardes s?envoler en direction des Galeries Lafayette.
Tu rentres dans la gare, pleine comme un oeuf, tout au long de l'ann?e : ? ta montre, il est presque midi.
Tu te diriges vers le quai des d?parts pour Lyon, et tu commences ? poser des questions au chef de quai, aux contr?leurs, et aux vendeurs des relais de journaux. Tu retrouves ton indic, Chandeleur, pour un rendez-vous au sommet dans une pissoti?re de la gare.
Tu ressors, et tu remarques qu?il pleut. Tu observes un groupe d??tudiants, assis sur leurs gros bagages, en train de fumer des cigarettes roul?es. Tu vas leur demander un peu de tabac blond, puis tu t?en roules une, tout en laissant tra?ner une oreille dans la discussion inqui?te d?hommes d?affaires. Au moment o? tu passes ta langue sur le papier, Raymond Chandeleur revient te voir. Tu lui ach?tes encore un ballon. Tu allumes ta cigarette, tu tapotes ton holster, et tu pars au bout du quai des d?parts. L?, tu prends un tr?s long tapis roulant.
Assis d?une fesse sur la main courante, tu observes un grand type, lui aussi sur le tapis, dix m?tres devant toi. Tu penses qu?il ne t?a pas remarqu?. Et d?ailleurs, m?me s?il t?avait remarqu?, ?a ne changerait rien.
Au bout du couloir, tu arrives dans une annexe de la gare. Tu accostes poliment le type que tu suivais. Il a une t?te de gitan, il porte deux petites valises, il est mal ras?, il porte de vieux v?tements sales.
- Bonjour, excusez-moi de vous d?ranger. Je m?appelle Naundorff, Mathias Naundorff. Je suis d?tective et?
- Vous ?tes flic ?
Tu souris : si tu avais gagn? un franc chaque fois qu?on t?a pos? cette question, tu serais d?j? dans les ?les avec ta secr?taire?
- Non, je ne suis pas de la police. Je veux juste vous parler. Et je crois que je peux vous int?resser. Dans ta poche, tu froisses une liasse de billets.
- Qu?est-ce que vous me voulez ? Il a mauvaise haleine, des orbites creus?es, il lui manque quelques dents. Un vrai personnage.
- Je voudrais vous parler de Fran?ois Villon? La Ballade des Pendus, ?a vous dit quelque chose ?
- Ecoute-moi mec, j?ai beau puer l?alcool, je suis all? ? l??cole, je suis pas compl?tement con, alors oui, je connais Fran?ois Villon, et je suis s?r que c?est pas qu?un lyc?e, d?accord !
- Tr?s bien. Nous allons nous entendre alors...
Tu discutes avec lui cinq minutes, puis tu le laisses aller prendre son train, tu lui glisses un bon pourboire. Apr?s quoi, tu redresses ton chapeau mou, tu t?allumes une autre cigarette, tu retournes ? ta voiture. Tu plonges encore dans l??pais trafic parisien, et tu retrouves ton bureau incolore, ? deux pas de la gare de l?Est.
Tu passes un coup de fil chez Saint-Luc : tu tombes sur le domestique, qui te dit qu?il est inutile d?appeler avant? huit heures du soir. Tu demandes pourquoi, mais il te dit qu?il pr?viendra Saint-Luc de ton appel, te remercie s?chement. Tu as juste le temps de dire que ton enqu?te avance bien, et il a raccroch?.
Pendant que ta secr?taire te pr?pare une omelette tomates et bacon, tu r?fl?chis, assis sur une des chaises de la cuisine qui menace de s?effondrer (seulement la chaise, pas la cuisine !).
Tu as not? qu?au bout du fil, le domestique a h?sit? quand tu as demand? pourquoi il ?tait inutile d?appeler dans la journ?e. Il t?a dit : ? pas avant huit heures du soir ?, mais il a manqu? dire ? pas avant la tomb?e de la? ?, et tu aurais jur? qu?il allait ajouter ? de la nuit? ?.
Bizarre. Tu te renfrognes dans tes pens?es, et tu pressens des coups tortueux et des manigances insaisissables comme les volutes de ta cigarette.
- Vous avez l?air pr?occup?, patron ? Comment d?marre votre enqu?te ? Allez, ? table, votre omelette est pr?te !
- Merci, j?ai une sacr?e dalle. J?ai m?me pas pens? ? m?envoyer un casse-cro?te ? Montpar? Mon enqu?te d?part pas trop mal. J?ai vu Chandeleur ce matin. J?ai fouiner dans la gare, et je crois que je tiens la bonne piste.
- Tant mieux. Avec l?argent que vous a pay? ce Saint-Luc, vous pourriez en profiter pour refaire les peintures et le papier peint de votre bureau. On va finir par attraper le saturnisme avec ces rev?tements d?avant-guerre !
- Tu as raison. Les papiers ont d?j? f?t? leur demi-si?cle depuis quelques ann?es...
Tu avales quelques fourchettes d'omelette, avant de d?clarer :
- Ce soir, je vais au restaurant..
- Au restaurant ? Mais avec qui ?
- Avec vous, pardi !? Avec qui voulez-vous que j?y aille ?
- Je ne sais pas? avec une fille?
- Dites-donc, je n?en suis pas ? lever des gamines du c?t? de Pigalle ! Nous allons au restau ensemble, et c?est moi qui r?gale ! Je connais une petite gargote ? c?t? de Montpar. On va f?ter cette affaire Fran?ois Villon comme il se doit !
- Oh bah ?a alors !... Je vais me changer alors. Pas question de rater cette invitation.
Le soir, avant de partir avec ta secr?taire, tu t?l?phones encore chez Saint-Luc. C?est lui qui d?croche. Tu le mets rapidement au courant de ton enqu?te ? la gare ; il te f?licite et t?invite ? continuer sur cette voie. Puis il raccroche sans te laisser le temps de demander des explications, pr?textant un appel urgent.
FIN DE SEMAINE
Tu as pass? la semaine suivante ? poursuivre ton enqu?te. Tu as r?veill? plusieurs indics, tu as lanc? Raymond Chandeleur sur plusieurs pistes.
Dans un bistrot pr?s de la Butte aux cailles, tu as retrouv? le gitan mal fagot? que tu as interrog? ? la gare Montparnasse.
C'est d?j? la fin de la semaine : tu sens que tu tournes en rond. Saint-Luc t'a appel? une seule fois, tard le soir. Tu lui as laiss? entendre que tu pi?tinais : il l'a pris aimablement, et t'as encourag? ? continuer.
Mais m?me quand il se montre civil, il te fait froid dans la nuque ce personnage...
Et tu as toutes les raisons de croire que le domestique de Saint-Luc espionne Chandeleur. C'?tait mardi que tu es all? au parc Montsouris pour -
Soudain, ta secr?taire t'interrompt. Tu es assis sur la chaise de la petite cuisine, et observes les deux oeufs qui viennent se d?poser dans ton assiette, et vous vous contemplez, les jaunes et toi, entre quatre yeux un long moment...
- Vous avez l'air fatigu?, patron...
- Ouais, effectivement. La semaine a ?t? longue. Plusieurs ?v?nements p?nibles. Je me demande dans quoi je me suis embarqu?... Foutu manuscrit...
Tu marmonnes ces r?flexions en mangeant tes oeufs. Pendant que tu sauces ton assiette, ta secr?taire s'asseoit en face de toi, met sa main sur la tienne, et te dit :
- Vous savez, vous avez l'air vraiment crev?, patron. Je dis pas ?a pour vous inqui?tez, mais vous devriez prendre l'air...
L?, tu t'es arr?t?. Tu finis de m?cher, tu replonges le nez dans ton assiette pour attaquer la salade, et tu d?clares :
- Mais justement ! Figurez-vous que je vais partir en week-end sur la c?te.
- Ah bon ? Tr?s bien ! Oui, je suis certaine que vous allez en profiter ! Et vous allez o? ?
- Attendez avant de dire que je vais en profiter. En cette saison, je n'y vais pas pour la baignade ! J'y vais pour le ciel gris, lourd et pluvieux, et pour inspecter une maison qui pourrait rec?ler la clef de l'?nigme si je puis dire.
- Ah oui, et c'est o? ?
- Houlgate. ?a vous dit quelque chose ?
- Houlgate ? Ah non. Je connais Huelgoat en Bretagne, c'est un patelin j'ai de la famille l?-bas, mais Houlgate, jamais entendu parler.
- C'est en Normandie, pas loin de Deauville.
- Vous allez faire la tourn?e des casinos ?
- Non pas le temps. J'y vais pour le boulot. Un de mes indics a pist? un type susceptible d'?tre m?l? ? ce parchemin...
- C'est ce gitant votre indic... Moi il me fait froid dans le dos... J'en vois dans le m?tro et-
- Oui mais c'est un type qui sait des choses, et c'est ?a qui compte. Je sais pas comment il les sait, mais il les sait bien, et moi je le paye bien, et on est contents.
- D'accord. Alors vous m'appellerez ?
- Vous deviez pas voir votre m?re ce week-end ?
- Oh si, mais vous pouvez m'appeler. Regardez, je me suis fait une folie.
Elle sort alors de son sac un objet qui te semble gros comme une bo?te ? chaussure.
- Qu'est-ce que c'est que ?a ? Un radio-?metteur ?
- Mais non. C'est un t?l?phone portatif ! C'est la nouvelle mode. Je suis sure que ?a va faire fureur bient?t !
- Ah ouais, et ?a p?se combien ce truc ?
- Oh, pas loin de 4 kilos, mais c'est tellement utile.
- 4 kilos ? Eh ben, ? ce moment-l?, autant emporter toute la cabine t?l?phonique avec soi...
- Oh vous ?tes b?te patron !
- Et moi je vous dis que ce truc n'a pas d'avenir ! C'est comme leur machin l?, Internet. C'est de la poudre aux yeux. Ce truc ?a peut ?tre utile pour les entreprises ou les militaires... Mais pour les particuliers !
- Oh, vous n'aimez jamais la nouveaut? de toute fa?on...
Tu n'ajoutes rien. Tu finis ta salade, et tu t'offres un bon morceau de roquefort avec du pain de campagne.
- Tenez ! ?a c'est bon pour vivre ! Vous voyez !... c'est plus utile que tous vos bidules ?lectroniques. C'est moi qui vous le dis.
Tu hoches la t?te de l'air du type qui a le savoir et qui en montre aux jeunots. Elle change de sujet :
- Et pour ce week-end, rien de particulier pour le boulot ?
- Non... ou plut?t si ! J'attends un coup de fil d'un coll?gue qui vient de s'installer du c?t? du 20e. Alexandre Corso il s'appelle. Je dois le voir lundi. S'il appelle, dites-lui que je le recontacte lundi matin.
- D'accord patron.
- Bon, et t?chez de pas vous d?mettre l'?paule avec votre t?l?phone portatif, hein ? J'ai besoin de vous en forme : je sens que la semaine prochaine va ?tre charg?e !... Et si Chandeleur rappelle, notez bien tout : je vous appellerai demain soir d?s mon arriv?e ? Houlgate, d'accord ?
- D'accord, passez un bon week-end.
Tu sors de table, tu prends ton imper, ton chapeau mou. Tu va faire un tour dans les rues autour de la gare de l'Est. Tu tue le temps ? observer les voyageurs press?s, les couples d'amoureux qui se sautent au cou ou qui pleurent en s'embrassant, la valse des taxis qui s'?parpillent sur les boulevards.
Tu rentres, tu fais ta valise. Tu passes une soir?e ? fumer et ? picoler en regardant des t?l?films ineptes ? la t?l?, tu passes une courte nuit, et le lendemain, tu pars en voiture ? Saint-Lazare, et tu prends le premier train ? destination du Calvados.
Le soir pr?c?dent, Saint-Luc t'a rappel?. Tu l'as mis au courant de ta piste normande. Il a approuv?, il t'a demand? de passer le voir dans le courant de la semaine prochaine, et il a raccroch?, depuis le bureau de son manoir impasse Saint-Paul, froide comme le p?le, tout au long de l'ann?e...
WEEK-END NORMAND
A suivre...

Lecteur,
tu sens poindre une odeur de soufre et de sang, de vieux boudoir ; l?ambiance est ? l?orage, aux intrigues souterraines, aux passions effr?n?es, ? la cruaut? dans le raffinement?
Tu vois tomber une nuit gothique sur la capitale fran?aise, et la lune est froide comme la mort. Alors plus de doute ? avoir : une fois de plus, ton esprit a ?t? captur? par...



Mais avant de d?buter cet opus (o? ? n'en pas douter l'effroi le disputera aux intrigues diaboliques et ? un intenable suspens) passons en revue quelques-unes des marionnettes qui composent le spectacle, pour nous remettre dans l?ambiance?

[b]Fran?ois Villon : Prince Tor?ador de 5e G?n?ration ; chef de la Camarilla parisienne. R?side dans une crypte des sous-sols du Louvre. N? en 1431, ?treint en 1463. Ces deux dates sont identiques ? celles de naissance et de mort du po?te Fran?ois Villon. Le Prince du Louvre et l?auteur de la Ballade des Pendus sont-ils une seule et m?me personne ? Le po?te m?di?val a sans doute ?t? pendu en 1463, mais d?autres traces disent que sa peine a ?t? commu?e in extremis en exil de dix ans. On a aucune trace de lui au-del? de cette date?

Hieronymus Lucien : Fils de personne et du diable, n? au 13e dans une campagne profonde et boueuse. Devient le prot?g? de Merlin, provisoirement d?livr? de la caverne de la f?e Viviane. Etreint dans la for?t de Broc?liande lors d?une c?r?monie qui r?unit les futurs protagonistes du Songe d?une nuit d??t? de Shakespeare, ainsi que nombre de cr?atures fantastiques et nocturnes. Apr?s plusieurs si?cles d?errance, et un long sommeil sous le 18e et le 19e si?cle, Lucien s?installe ? Paris, et devient l?organisateur des soir?es de la Camarilla ? l?Op?ra de Paris.

Constance Bathory (Constance Kervignan, comtesse de) : Ventrue de 8e g?n?ration. N?e en 1756, ? Paris, des ?treintes d'un soir du philosophe Denis Diderot avec une de ses bonnes. Recueillie un an apr?s et ?treinte en 1777 par le Comte Hedbert Bathory. Se fixe ? Paris en 1963. M?ne la grande vie, et anime des soir?es de la Camarilla d?cadentes et grandioses. Entre dans le cercle des proches du Prince Villon dans les ann?es 90. Est assassin?e ? l?Op?ra de Paris, pendant la repr?sentation de la Fl?te Enchant?e, le 20 d?cembre 2002.

Eros Tropovitch : Sieur Tor?ador de 9e G?n?ration. Ma?tre de musique du Prince Fran?ois Villon. Sa position est inconfortable, car sa place est envi?e : Tropovitch poss?de donc des ennemis au sein de la Camarilla du Louvre. A travaill? plusieurs fois en collaboration avec Lucien.

Lisbeth Bathory : N?e Elisabeth Poussin le 27 avril 1979. Petit rat de l?Op?ra de Paris. Devient la goule de la Comtesse Bathory au d?but de l?an 2000, avant d??tre ?treinte le 6 d?cembre 2001. Le soir o? la Comtesse est assassin?e, Lisbeth dispara?t, enlev?e par des inconnus.

Aladax Lucinius : N? Fr?d?ric Lorrain le 6 d?cembre 1978. Etudiant ? l??cole du Louvre, tombe amoureux de la future Lisbeth Bathory. Pour elle, se fait vampiriser par Eros Tropovitch, fin juin 2000, et prend le nom d?Aladax Lucinius. A son tour, Lisbeth se fait ?treindre le soir des 23 ans d?Aladax. Apr?s l?enl?vement de Lisbeth, Lucinius veut contacter le d?tective Gangrel Alexandre Corso. Mais sur le v?u du Prince, il part enqu?ter sur les agissements d?un certain Hugo, proche du Sabbat, dans une coterie compos?e de Corso, du Ventrue Fran?ois Loren et du Brujah Benedict.
Maintenant que les personnages sont en place, tu peux plonger ? nouveau dans la sc?ne du myst?re avec ce 3e conte, intitul? :
:demoniaque: [size=18]HISTOIRE DE MATHIAS NAUNDORFF :demoniaque:
LE MANUSCRIT DE L'IMPASSE SAINT-PAUL
Tu marches par ce froid hiver de d?cembre 1995.
Les rues ont ?t? encombr?es toute la journ?e par les embouteillages que provoquent les grandes gr?ves du service public. Le bitume est comme fatigu? de supporter ces troupeaux de fum?e, de m?tal et d?essence, et la ville, ? cette heure tardive, semble enfin respirer, comme un b?uf que l?on d?livre de son joug apr?s une journ?e de labourage dans la canicule.
Tu marches dans le 7e arrondissement, et tu admires les manoirs depuis lesquels les millionnaires m?prisent le peuple.
Il est bient?t onze heures du soir : le taxi t'a d?pos? au croisement du boulevard Max Elskamp et de la rue Saint-Paul, et il y fait froid comme au p?le, tout au long de l?ann?e. Cette rue est belle et sertie d??tranget?s, comme une vieille chanson populaire des temps pass?s. La rue te m?ne ? l?impasse Vermeer, ? la grille d?entr?e d?un h?tel particulier.
Tu sonnes ? l?interphone, tu passes dans un couloir qui est d?j? un palace, puis tu admires un jardin d?hiver dans lequel les plantes, comme vivifi?es par une serre froide, laisse ?clater leurs tons et les rehaussent de scintillements glac?s. Tu montes un ?tage, ton chapeau mou ? la main. Un r?flexe te fait t?ter ton pistolet dans son holster : sa pr?sence te rassure.
Tu sonnes ? une porte en bois ouvrag?, et c?est ? peine si tu entends le timbre de la sonnette.
Celui qui vient t?ouvrir est un domestique ? l?aspect repoussant : long cheveux gris, visage anguleux, la m?choire d?form?e, le regard fuyant, des expressions de visage creus?es. Il ressemble ? une peinture cubiste. Il te parle par morceaux de phrases que tu interpr?tes difficilement. Tu donnes ton nom, et il t?introduit dans un vestibule. Il prend ton manteau, et tu crains qu?il ne te l'ab?me. Il a des gestes nerveux, saccad?s. Il t?introduit dans un grand bureau, et quitte discr?tement la pi?ce.
Tu jettes un regard circulaire ? l?endroit : une grande biblioth?que, des tableaux de Malevitch au mur, au sol des tapis d?orient. L?ensemble est d?un grand raffinement. Sur des tables, des statuettes servent de pied de lampe ; des masques africains te regardent de leurs orbites vides et de leurs bouches creuses. La biblioth?que n?est pas remplie d?un alignement d??uvres compl?tes de Chateaubriand ou de Montaigne, avec des tranches en cuir rouge, que l?on ach?te au m?tre sans jamais les lire. Non. Sur les cinq rayons sont entass?s des livres d?pareill?es et us?s, h?riss?s de marques pages.
Le ma?tre des lieux te regarde fixement, assis derri?re son bureau sur un confortable fauteuil de cuir, sans faire de commentaires. Tu devines qu?il est fier que tu inspectes les tr?sors que rec?le son bureau.
- Je vous en prie, monsieur Naundorff, te dit-il depuis sa p?nombre, asseyez-vous. A moins que vous ne soyez venu que pour admirer ma biblioth?que?
Il parle avec d?tachement et le ton pince-sans-rire d?un homme parfaitement ma?tre de lui-m?me.
Tu n?es pas l?homme des belles mani?res, et enfreindre l??tiquette des aristocrates n?est pas pour te d?plaire : tu t?approches de la biblioth?que, et y inspecte de pr?s plusieurs livres. Tu en prends quelques-uns ? la main, les examine, et rend ton avis, d?un ton expert :
- Vous lisez Simenon, monsieur Saint-Luc ? J?ignorais qu?on se passionnait pour la S?rie Noire dans cet arrondissement?
- Je pense que les halls de gare, r?plique t-il du tac-autac, auxquels on voudrait confiner le genre policier, sont les endroits les plus int?ressants au monde. On y vient, on s?empresse. On en part, on discute autour d?un demi. On y parle beaucoup, (et pas que des retards de train), on met au point toutes sortes de projets, et pas que des vacances au bord de la mer.
- Ouais, je connais ?a, dis-tu, en allant t?asseoir. Sur ce coup, il gagne.
Un silence de quelques secondes s?installe.
- ?a vous d?range si je fume ?
- Absolument pas. Voulez-vous essayer ces d?licieuses cigarettes blondes ? Elles viennent de Hongrie. Elles sont tr?s rares?
- Merci, mais je crois que je vais m?en tenir ? mes Gauloises brunes?
- A votre guise.
La flamme de ton briquet, puis le cercle rougeoyant de ton clope, se meuvent lentement dans la p?nombre, cette p?nombre qui te poursuit, et dans laquelle tu te meus comme poisson dans l?eau.
Tu te nommes Mathias Naundorff, tu as bient?t quarante ans.
Tu es d?tective priv?, m?me si personne ne veut croire que cette profession existe r?ellement. Tu as tes entr?es au 36, quai des Orf?vres (tu aimes cette tour pointue, droite comme devrait l??tre selon toi la Justice), et si tu forces tes relations, tu peux ?galement entrer aux Affaires Etrang?res. Tu sais que parmi tes anc?tres tu comptes l?horloger Naundorff, qui voulut se faire passer pour Louis XVII, et franchement, tu t?en moques pas mal. Tu as toujours repouss? les francs-ma?ons qui s?int?ressaient ? l?horloger imposteur.
Tu attends que ton client se mette ? parler. Tu ?coutes la musique tamis?e qui coule doucement dans la pi?ce : les Nocturnes de Chopin. L?homme qui t?a pri?, en d?but de semaine, de venir ici ce soir se nomme J?r?me Saint-Luc, et en d?pit de tes recherches, tu n?as rien trouv? sur lui. Il n'a pas de casier judiciaire, il ne fait pas partie d'un club ou d'une association, il n'a pas de poste officiel ni de relations avec le gotha intellectuel, politique ou artistique.
Un solitaire, donc. M?fiance.
- H? bien, monsieur Saint-Luc, que puis-je faire pour vous ? dis-tu finalement, pour briser la glace. Vous parler de mes aventures dans les halls de gare ??
- Pas exactement. Ou plut?t le travail que je veux vous confier pourrait ?tre li? ? une gare, pr?cis?ment. Celle de Montparnasse exactement.
- Vous m?intriguez.
- C?est l? le privil?ge de ma vie : j?intrigue les gens. Je tisse des com?dies, j?y participe. J?y assiste aussi, je truque des cartes ; je gagne souvent, et sans triomphalisme ; je perds parfois, et je suis plut?t bon perdant. Mais je suis acharn?, et je continue de jouer tant que j?ai un atout dans la manche.
Tu te demandes s?il se moque de toi. Il t?a sorti ce discours ?nigmatique d?un trait, et tu penses qu?il veut t?en mettre plein la vue. Depuis que tu as crois? le regard d?rang? du domestique, tu sais que tu es parti sur une affaire d'une autre nature qu?un constat d?adult?re.
- Monsieur Naundorff, j?ose dire que vous ?tes maintenant mon dernier atout? Apr?s, je devrai me retirer de la partie. D?finitivement.
- Et qui sont vos adversaires ? comment les vaincre ?
- J?ignore contre qui je joue. La vie n?est qu?un jeu de cartes, les yeux band?s. Le hasard est ma?tre, et la banque est toujours gagnante. Je compte sur vous pour me dire qui sont mes adversaires dans ce coup de poker que je veux tenter.
- Et quel l?objet du? litige ?
- Un manuscrit qui m?est tr?s cher. Un manuscrit original, datant du 15e si?cle?
- Effectivement, ?a remonte?
- ? un manuscrit du po?te Fran?ois Villon, la premi?re r?daction de sa Ballade des Pendus. Vous connaissez Fran?ois Villon, monsieur Naundorff ?
- J?ai beau ne lire que du ? hall de gare ? et ne fumer que des brunes, je ne suis pas non plus compl?tement demeur?, je suis all? en classe quand on y apprenait encore aux enfants ? lire, et j?ai donc entendu parler de Fran?ois Villon. Et maintenant, je suppose que vous voulez que je vous retrouve ce manuscrit, n?est-ce pas ?
- Exactement. On me l?a vol?, et je tiens pas ? ce qu?il quitte la France. Il m?est tr?s pr?cieux.
- Et les voleurs tenteraient de partir par la gare Montparnasse ?
La conversation s?est poursuivie encore quelques minutes. Il t'a dit qu'il te rappellerait.
Tu marches d?j? dans la rue, l?entretien n?a dur? qu?une demi-heure, et tu contemples encore, malgr? la pluie fine qui mouille la rue, le ch?que de 30.000 francs que ce J?r?me Saint-Luc vient de te signer. Sous l??clairage des r?verb?res, tu regardes l??l?gante signature trac?e ? l?encre violette.
Tu retrouves le boulevard Max Elskamp, et tu vois d?j? arriver le taxi que t?a appel? le domestique bizarre (sph?res de jaune humide dans le gris brouill? comme des ?ufs).
Tu t?engouffres dans la Mercedes int?rieur cuir, qui te conduit jusqu?? ton bureau, rue Beckmann, ? quelques pas de la gare de l?Est.
Tu laisses un message sur le r?pondeur de ta secr?taire pour lui annoncer le gros coup que tu viens de d?crocher, et t?endors lourdement, pour filer au travers d?une nuit sans r?ve...
LA GRISAILLE DE MONTPARNASSE
Tu d?butes ton enqu?te d?s le lendemain lundi. Pas question de faire attendre un type qui paye si bien.
T?t le matin, tu te l?ves, te noies l?estomac avec un bon litre de caf?, fume quelques cigarettes en lisant les journaux et en ?coutant tes ?ufs au plat qui cuisent sur la cuisini?re ant?diluvienne. Ta secr?taire arrive comme tous les jours : il est 9 heures. Tu la mets au courant rapidement de l?affaire du manuscrit de J?r?me Saint-Luc. Elle a peine ? te croire au d?but : n?anmoins, quand elle voit le ch?que, qu?elle examine de pr?s le nombre ? cinq chiffres, elle manque en perdre ses lentilles de contact. Elle te f?licite pour cette affaire. Tu la laisses s?installer ? son poste, et tu lui dis de ne pas ?tre trop empress?e de prendre des affaires de cocuages ou de recouvrement de cr?ances.
Un manuscrit original de Fran?ois Villon, ?a a quand m?me une autre tronche !
Tu mets ton imperm?able et ton chapeau d?color?, rendu gris comme les pluies parisiennes, et au volant de ta Peugeot 403, tu pars sur le boulevard S?bastopol. Tu passes non loin de Beaubourg, et tu te dis que tu n?arrives toujours pas ? supporter cette plomberie mastoc. Tu grognes pour la forme quand tu es pris dans les embouteillages, mais le ch?que de Saint-Luc t?a donn? un sacr? coup de jus ! Si tu fais durer l?affaire, tu sens que tu peux empocher une fortune.
Tu arrives ? Montparnasse apr?s avoir pass? plus d?une heure dans le trafic. Tu as pass? par la rue de Rennes compl?tement congestionn?e. Coinc? dans l?amas de bagnoles qui roulent vers la grande tour noire, tu t?es mis ? r?fl?chir. Tu aimes r?fl?chir dans ta voiture : les quelques intuitions de g?nie que tu as eues, c?est sur ce si?ge ?lim?, pr?s de cette bo?te ? gants rempli de ? s?ries noires ?. Tu tournes encore longtemps avant de trouver une place. Boulevard du Montparnasse, tu vois d?j? arriver une autre manifestation. Tout le peuple est dans la rue !
Tu claques la porti?re et tu regardes les grandes affiches de cin?ma, et les grands n?ons des h?tels voisins. Sur le parvis de la tour, tu retrouves un de tes indics, Raymond Chandeleur : il vend des ballons aux gosses qui agrippent la veste de leurs mamans pour faire un tour de man?ge en bois. Tu lui glisses un billet ? l?effigie de Delacroix, et tu le rencardes en quelques mots sur l?affaire. Il te donnes un ballon, et repart en sifflotant pour son num?ro de charme ? la vendeuse de cr?pes.
Tu regardes les gens qui tournent sur la patinoire qu?on installe pour l?hiver. Tu te dis que tu devrais t?y mettre aussi, que tu pourrais proposer ? ta secr?taire une valse sur glace, que tu devrais l?emmener sur la patinoire de l?h?tel de Ville, que ce serait plus chic. Tu allumes une cigarette, tu l?ches ton ballon, et tu le regardes s?envoler en direction des Galeries Lafayette.
Tu rentres dans la gare, pleine comme un oeuf, tout au long de l'ann?e : ? ta montre, il est presque midi.
Tu te diriges vers le quai des d?parts pour Lyon, et tu commences ? poser des questions au chef de quai, aux contr?leurs, et aux vendeurs des relais de journaux. Tu retrouves ton indic, Chandeleur, pour un rendez-vous au sommet dans une pissoti?re de la gare.
Tu ressors, et tu remarques qu?il pleut. Tu observes un groupe d??tudiants, assis sur leurs gros bagages, en train de fumer des cigarettes roul?es. Tu vas leur demander un peu de tabac blond, puis tu t?en roules une, tout en laissant tra?ner une oreille dans la discussion inqui?te d?hommes d?affaires. Au moment o? tu passes ta langue sur le papier, Raymond Chandeleur revient te voir. Tu lui ach?tes encore un ballon. Tu allumes ta cigarette, tu tapotes ton holster, et tu pars au bout du quai des d?parts. L?, tu prends un tr?s long tapis roulant.
Assis d?une fesse sur la main courante, tu observes un grand type, lui aussi sur le tapis, dix m?tres devant toi. Tu penses qu?il ne t?a pas remarqu?. Et d?ailleurs, m?me s?il t?avait remarqu?, ?a ne changerait rien.
Au bout du couloir, tu arrives dans une annexe de la gare. Tu accostes poliment le type que tu suivais. Il a une t?te de gitan, il porte deux petites valises, il est mal ras?, il porte de vieux v?tements sales.
- Bonjour, excusez-moi de vous d?ranger. Je m?appelle Naundorff, Mathias Naundorff. Je suis d?tective et?
- Vous ?tes flic ?
Tu souris : si tu avais gagn? un franc chaque fois qu?on t?a pos? cette question, tu serais d?j? dans les ?les avec ta secr?taire?
- Non, je ne suis pas de la police. Je veux juste vous parler. Et je crois que je peux vous int?resser. Dans ta poche, tu froisses une liasse de billets.
- Qu?est-ce que vous me voulez ? Il a mauvaise haleine, des orbites creus?es, il lui manque quelques dents. Un vrai personnage.
- Je voudrais vous parler de Fran?ois Villon? La Ballade des Pendus, ?a vous dit quelque chose ?
- Ecoute-moi mec, j?ai beau puer l?alcool, je suis all? ? l??cole, je suis pas compl?tement con, alors oui, je connais Fran?ois Villon, et je suis s?r que c?est pas qu?un lyc?e, d?accord !
- Tr?s bien. Nous allons nous entendre alors...
Tu discutes avec lui cinq minutes, puis tu le laisses aller prendre son train, tu lui glisses un bon pourboire. Apr?s quoi, tu redresses ton chapeau mou, tu t?allumes une autre cigarette, tu retournes ? ta voiture. Tu plonges encore dans l??pais trafic parisien, et tu retrouves ton bureau incolore, ? deux pas de la gare de l?Est.
Tu passes un coup de fil chez Saint-Luc : tu tombes sur le domestique, qui te dit qu?il est inutile d?appeler avant? huit heures du soir. Tu demandes pourquoi, mais il te dit qu?il pr?viendra Saint-Luc de ton appel, te remercie s?chement. Tu as juste le temps de dire que ton enqu?te avance bien, et il a raccroch?.
Pendant que ta secr?taire te pr?pare une omelette tomates et bacon, tu r?fl?chis, assis sur une des chaises de la cuisine qui menace de s?effondrer (seulement la chaise, pas la cuisine !).
Tu as not? qu?au bout du fil, le domestique a h?sit? quand tu as demand? pourquoi il ?tait inutile d?appeler dans la journ?e. Il t?a dit : ? pas avant huit heures du soir ?, mais il a manqu? dire ? pas avant la tomb?e de la? ?, et tu aurais jur? qu?il allait ajouter ? de la nuit? ?.
Bizarre. Tu te renfrognes dans tes pens?es, et tu pressens des coups tortueux et des manigances insaisissables comme les volutes de ta cigarette.
- Vous avez l?air pr?occup?, patron ? Comment d?marre votre enqu?te ? Allez, ? table, votre omelette est pr?te !
- Merci, j?ai une sacr?e dalle. J?ai m?me pas pens? ? m?envoyer un casse-cro?te ? Montpar? Mon enqu?te d?part pas trop mal. J?ai vu Chandeleur ce matin. J?ai fouiner dans la gare, et je crois que je tiens la bonne piste.
- Tant mieux. Avec l?argent que vous a pay? ce Saint-Luc, vous pourriez en profiter pour refaire les peintures et le papier peint de votre bureau. On va finir par attraper le saturnisme avec ces rev?tements d?avant-guerre !
- Tu as raison. Les papiers ont d?j? f?t? leur demi-si?cle depuis quelques ann?es...
Tu avales quelques fourchettes d'omelette, avant de d?clarer :
- Ce soir, je vais au restaurant..
- Au restaurant ? Mais avec qui ?
- Avec vous, pardi !? Avec qui voulez-vous que j?y aille ?
- Je ne sais pas? avec une fille?
- Dites-donc, je n?en suis pas ? lever des gamines du c?t? de Pigalle ! Nous allons au restau ensemble, et c?est moi qui r?gale ! Je connais une petite gargote ? c?t? de Montpar. On va f?ter cette affaire Fran?ois Villon comme il se doit !
- Oh bah ?a alors !... Je vais me changer alors. Pas question de rater cette invitation.
Le soir, avant de partir avec ta secr?taire, tu t?l?phones encore chez Saint-Luc. C?est lui qui d?croche. Tu le mets rapidement au courant de ton enqu?te ? la gare ; il te f?licite et t?invite ? continuer sur cette voie. Puis il raccroche sans te laisser le temps de demander des explications, pr?textant un appel urgent.
FIN DE SEMAINE
Tu as pass? la semaine suivante ? poursuivre ton enqu?te. Tu as r?veill? plusieurs indics, tu as lanc? Raymond Chandeleur sur plusieurs pistes.
Dans un bistrot pr?s de la Butte aux cailles, tu as retrouv? le gitan mal fagot? que tu as interrog? ? la gare Montparnasse.
C'est d?j? la fin de la semaine : tu sens que tu tournes en rond. Saint-Luc t'a appel? une seule fois, tard le soir. Tu lui as laiss? entendre que tu pi?tinais : il l'a pris aimablement, et t'as encourag? ? continuer.
Mais m?me quand il se montre civil, il te fait froid dans la nuque ce personnage...
Et tu as toutes les raisons de croire que le domestique de Saint-Luc espionne Chandeleur. C'?tait mardi que tu es all? au parc Montsouris pour -
Soudain, ta secr?taire t'interrompt. Tu es assis sur la chaise de la petite cuisine, et observes les deux oeufs qui viennent se d?poser dans ton assiette, et vous vous contemplez, les jaunes et toi, entre quatre yeux un long moment...
- Vous avez l'air fatigu?, patron...
- Ouais, effectivement. La semaine a ?t? longue. Plusieurs ?v?nements p?nibles. Je me demande dans quoi je me suis embarqu?... Foutu manuscrit...
Tu marmonnes ces r?flexions en mangeant tes oeufs. Pendant que tu sauces ton assiette, ta secr?taire s'asseoit en face de toi, met sa main sur la tienne, et te dit :
- Vous savez, vous avez l'air vraiment crev?, patron. Je dis pas ?a pour vous inqui?tez, mais vous devriez prendre l'air...
L?, tu t'es arr?t?. Tu finis de m?cher, tu replonges le nez dans ton assiette pour attaquer la salade, et tu d?clares :
- Mais justement ! Figurez-vous que je vais partir en week-end sur la c?te.
- Ah bon ? Tr?s bien ! Oui, je suis certaine que vous allez en profiter ! Et vous allez o? ?
- Attendez avant de dire que je vais en profiter. En cette saison, je n'y vais pas pour la baignade ! J'y vais pour le ciel gris, lourd et pluvieux, et pour inspecter une maison qui pourrait rec?ler la clef de l'?nigme si je puis dire.
- Ah oui, et c'est o? ?
- Houlgate. ?a vous dit quelque chose ?
- Houlgate ? Ah non. Je connais Huelgoat en Bretagne, c'est un patelin j'ai de la famille l?-bas, mais Houlgate, jamais entendu parler.
- C'est en Normandie, pas loin de Deauville.
- Vous allez faire la tourn?e des casinos ?
- Non pas le temps. J'y vais pour le boulot. Un de mes indics a pist? un type susceptible d'?tre m?l? ? ce parchemin...
- C'est ce gitant votre indic... Moi il me fait froid dans le dos... J'en vois dans le m?tro et-
- Oui mais c'est un type qui sait des choses, et c'est ?a qui compte. Je sais pas comment il les sait, mais il les sait bien, et moi je le paye bien, et on est contents.
- D'accord. Alors vous m'appellerez ?
- Vous deviez pas voir votre m?re ce week-end ?
- Oh si, mais vous pouvez m'appeler. Regardez, je me suis fait une folie.
Elle sort alors de son sac un objet qui te semble gros comme une bo?te ? chaussure.
- Qu'est-ce que c'est que ?a ? Un radio-?metteur ?
- Mais non. C'est un t?l?phone portatif ! C'est la nouvelle mode. Je suis sure que ?a va faire fureur bient?t !
- Ah ouais, et ?a p?se combien ce truc ?
- Oh, pas loin de 4 kilos, mais c'est tellement utile.
- 4 kilos ? Eh ben, ? ce moment-l?, autant emporter toute la cabine t?l?phonique avec soi...
- Oh vous ?tes b?te patron !
- Et moi je vous dis que ce truc n'a pas d'avenir ! C'est comme leur machin l?, Internet. C'est de la poudre aux yeux. Ce truc ?a peut ?tre utile pour les entreprises ou les militaires... Mais pour les particuliers !
- Oh, vous n'aimez jamais la nouveaut? de toute fa?on...
Tu n'ajoutes rien. Tu finis ta salade, et tu t'offres un bon morceau de roquefort avec du pain de campagne.
- Tenez ! ?a c'est bon pour vivre ! Vous voyez !... c'est plus utile que tous vos bidules ?lectroniques. C'est moi qui vous le dis.
Tu hoches la t?te de l'air du type qui a le savoir et qui en montre aux jeunots. Elle change de sujet :
- Et pour ce week-end, rien de particulier pour le boulot ?
- Non... ou plut?t si ! J'attends un coup de fil d'un coll?gue qui vient de s'installer du c?t? du 20e. Alexandre Corso il s'appelle. Je dois le voir lundi. S'il appelle, dites-lui que je le recontacte lundi matin.
- D'accord patron.
- Bon, et t?chez de pas vous d?mettre l'?paule avec votre t?l?phone portatif, hein ? J'ai besoin de vous en forme : je sens que la semaine prochaine va ?tre charg?e !... Et si Chandeleur rappelle, notez bien tout : je vous appellerai demain soir d?s mon arriv?e ? Houlgate, d'accord ?
- D'accord, passez un bon week-end.
Tu sors de table, tu prends ton imper, ton chapeau mou. Tu va faire un tour dans les rues autour de la gare de l'Est. Tu tue le temps ? observer les voyageurs press?s, les couples d'amoureux qui se sautent au cou ou qui pleurent en s'embrassant, la valse des taxis qui s'?parpillent sur les boulevards.
Tu rentres, tu fais ta valise. Tu passes une soir?e ? fumer et ? picoler en regardant des t?l?films ineptes ? la t?l?, tu passes une courte nuit, et le lendemain, tu pars en voiture ? Saint-Lazare, et tu prends le premier train ? destination du Calvados.
Le soir pr?c?dent, Saint-Luc t'a rappel?. Tu l'as mis au courant de ta piste normande. Il a approuv?, il t'a demand? de passer le voir dans le courant de la semaine prochaine, et il a raccroch?, depuis le bureau de son manoir impasse Saint-Paul, froide comme le p?le, tout au long de l'ann?e...
WEEK-END NORMAND
A suivre...
