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Les Contes de la Canine #3 : Histoire de Mathias Naundorff
#1
Le_Ludwig :LeLudwig: Productions & Metro Garfield2 Garfield Mayer Studios pr?sentent...

Lecteur,
tu sens poindre une odeur de soufre et de sang, de vieux boudoir ; l?ambiance est ? l?orage, aux intrigues souterraines, aux passions effr?n?es, ? la cruaut? dans le raffinement?
Tu vois tomber une nuit gothique sur la capitale fran?aise, et la lune est froide comme la mort. Alors plus de doute ? avoir : une fois de plus, ton esprit a ?t? captur? par...


Terreur

Virus LES CONTES DE LA CANINE ! Virus

Mais avant de d?buter cet opus (o? ? n'en pas douter l'effroi le disputera aux intrigues diaboliques et ? un intenable suspens) passons en revue quelques-unes des marionnettes qui composent le spectacle, pour nous remettre dans l?ambiance?

Strygger DRAMATIS PERSONAE

[b]Fran?ois Villon :
Prince Tor?ador de 5e G?n?ration ; chef de la Camarilla parisienne. R?side dans une crypte des sous-sols du Louvre. N? en 1431, ?treint en 1463. Ces deux dates sont identiques ? celles de naissance et de mort du po?te Fran?ois Villon. Le Prince du Louvre et l?auteur de la Ballade des Pendus sont-ils une seule et m?me personne ? Le po?te m?di?val a sans doute ?t? pendu en 1463, mais d?autres traces disent que sa peine a ?t? commu?e in extremis en exil de dix ans. On a aucune trace de lui au-del? de cette date?
Diablo
Hieronymus Lucien : Fils de personne et du diable, n? au 13e dans une campagne profonde et boueuse. Devient le prot?g? de Merlin, provisoirement d?livr? de la caverne de la f?e Viviane. Etreint dans la for?t de Broc?liande lors d?une c?r?monie qui r?unit les futurs protagonistes du Songe d?une nuit d??t? de Shakespeare, ainsi que nombre de cr?atures fantastiques et nocturnes. Apr?s plusieurs si?cles d?errance, et un long sommeil sous le 18e et le 19e si?cle, Lucien s?installe ? Paris, et devient l?organisateur des soir?es de la Camarilla ? l?Op?ra de Paris.
Diablo
Constance Bathory (Constance Kervignan, comtesse de) : Ventrue de 8e g?n?ration. N?e en 1756, ? Paris, des ?treintes d'un soir du philosophe Denis Diderot avec une de ses bonnes. Recueillie un an apr?s et ?treinte en 1777 par le Comte Hedbert Bathory. Se fixe ? Paris en 1963. M?ne la grande vie, et anime des soir?es de la Camarilla d?cadentes et grandioses. Entre dans le cercle des proches du Prince Villon dans les ann?es 90. Est assassin?e ? l?Op?ra de Paris, pendant la repr?sentation de la Fl?te Enchant?e, le 20 d?cembre 2002.
Diablo
Eros Tropovitch : Sieur Tor?ador de 9e G?n?ration. Ma?tre de musique du Prince Fran?ois Villon. Sa position est inconfortable, car sa place est envi?e : Tropovitch poss?de donc des ennemis au sein de la Camarilla du Louvre. A travaill? plusieurs fois en collaboration avec Lucien.
Diablo
Lisbeth Bathory : N?e Elisabeth Poussin le 27 avril 1979. Petit rat de l?Op?ra de Paris. Devient la goule de la Comtesse Bathory au d?but de l?an 2000, avant d??tre ?treinte le 6 d?cembre 2001. Le soir o? la Comtesse est assassin?e, Lisbeth dispara?t, enlev?e par des inconnus.
Diablo
Aladax Lucinius : N? Fr?d?ric Lorrain le 6 d?cembre 1978. Etudiant ? l??cole du Louvre, tombe amoureux de la future Lisbeth Bathory. Pour elle, se fait vampiriser par Eros Tropovitch, fin juin 2000, et prend le nom d?Aladax Lucinius. A son tour, Lisbeth se fait ?treindre le soir des 23 ans d?Aladax. Apr?s l?enl?vement de Lisbeth, Lucinius veut contacter le d?tective Gangrel Alexandre Corso. Mais sur le v?u du Prince, il part enqu?ter sur les agissements d?un certain Hugo, proche du Sabbat, dans une coterie compos?e de Corso, du Ventrue Fran?ois Loren et du Brujah Benedict.

Maintenant que les personnages sont en place, tu peux plonger ? nouveau dans la sc?ne du myst?re avec ce 3e conte, intitul? :

:demoniaque: [size=18]HISTOIRE DE MATHIAS NAUNDORFF
:demoniaque:

LE MANUSCRIT DE L'IMPASSE SAINT-PAUL

Tu marches par ce froid hiver de d?cembre 1995.
Les rues ont ?t? encombr?es toute la journ?e par les embouteillages que provoquent les grandes gr?ves du service public. Le bitume est comme fatigu? de supporter ces troupeaux de fum?e, de m?tal et d?essence, et la ville, ? cette heure tardive, semble enfin respirer, comme un b?uf que l?on d?livre de son joug apr?s une journ?e de labourage dans la canicule.
Tu marches dans le 7e arrondissement, et tu admires les manoirs depuis lesquels les millionnaires m?prisent le peuple.
Il est bient?t onze heures du soir : le taxi t'a d?pos? au croisement du boulevard Max Elskamp et de la rue Saint-Paul, et il y fait froid comme au p?le, tout au long de l?ann?e. Cette rue est belle et sertie d??tranget?s, comme une vieille chanson populaire des temps pass?s. La rue te m?ne ? l?impasse Vermeer, ? la grille d?entr?e d?un h?tel particulier.
Tu sonnes ? l?interphone, tu passes dans un couloir qui est d?j? un palace, puis tu admires un jardin d?hiver dans lequel les plantes, comme vivifi?es par une serre froide, laisse ?clater leurs tons et les rehaussent de scintillements glac?s. Tu montes un ?tage, ton chapeau mou ? la main. Un r?flexe te fait t?ter ton pistolet dans son holster : sa pr?sence te rassure.
Tu sonnes ? une porte en bois ouvrag?, et c?est ? peine si tu entends le timbre de la sonnette.
Celui qui vient t?ouvrir est un domestique ? l?aspect repoussant : long cheveux gris, visage anguleux, la m?choire d?form?e, le regard fuyant, des expressions de visage creus?es. Il ressemble ? une peinture cubiste. Il te parle par morceaux de phrases que tu interpr?tes difficilement. Tu donnes ton nom, et il t?introduit dans un vestibule. Il prend ton manteau, et tu crains qu?il ne te l'ab?me. Il a des gestes nerveux, saccad?s. Il t?introduit dans un grand bureau, et quitte discr?tement la pi?ce.
Tu jettes un regard circulaire ? l?endroit : une grande biblioth?que, des tableaux de Malevitch au mur, au sol des tapis d?orient. L?ensemble est d?un grand raffinement. Sur des tables, des statuettes servent de pied de lampe ; des masques africains te regardent de leurs orbites vides et de leurs bouches creuses. La biblioth?que n?est pas remplie d?un alignement d??uvres compl?tes de Chateaubriand ou de Montaigne, avec des tranches en cuir rouge, que l?on ach?te au m?tre sans jamais les lire. Non. Sur les cinq rayons sont entass?s des livres d?pareill?es et us?s, h?riss?s de marques pages.
Le ma?tre des lieux te regarde fixement, assis derri?re son bureau sur un confortable fauteuil de cuir, sans faire de commentaires. Tu devines qu?il est fier que tu inspectes les tr?sors que rec?le son bureau.
- Je vous en prie, monsieur Naundorff, te dit-il depuis sa p?nombre, asseyez-vous. A moins que vous ne soyez venu que pour admirer ma biblioth?que?
Il parle avec d?tachement et le ton pince-sans-rire d?un homme parfaitement ma?tre de lui-m?me.
Tu n?es pas l?homme des belles mani?res, et enfreindre l??tiquette des aristocrates n?est pas pour te d?plaire : tu t?approches de la biblioth?que, et y inspecte de pr?s plusieurs livres. Tu en prends quelques-uns ? la main, les examine, et rend ton avis, d?un ton expert :
- Vous lisez Simenon, monsieur Saint-Luc ? J?ignorais qu?on se passionnait pour la S?rie Noire dans cet arrondissement?
- Je pense que les halls de gare, r?plique t-il du tac-autac, auxquels on voudrait confiner le genre policier, sont les endroits les plus int?ressants au monde. On y vient, on s?empresse. On en part, on discute autour d?un demi. On y parle beaucoup, (et pas que des retards de train), on met au point toutes sortes de projets, et pas que des vacances au bord de la mer.
- Ouais, je connais ?a, dis-tu, en allant t?asseoir. Sur ce coup, il gagne.
Un silence de quelques secondes s?installe.
- ?a vous d?range si je fume ?
- Absolument pas. Voulez-vous essayer ces d?licieuses cigarettes blondes ? Elles viennent de Hongrie. Elles sont tr?s rares?
- Merci, mais je crois que je vais m?en tenir ? mes Gauloises brunes?
- A votre guise.
La flamme de ton briquet, puis le cercle rougeoyant de ton clope, se meuvent lentement dans la p?nombre, cette p?nombre qui te poursuit, et dans laquelle tu te meus comme poisson dans l?eau.

Tu te nommes Mathias Naundorff, tu as bient?t quarante ans.
Tu es d?tective priv?, m?me si personne ne veut croire que cette profession existe r?ellement. Tu as tes entr?es au 36, quai des Orf?vres (tu aimes cette tour pointue, droite comme devrait l??tre selon toi la Justice), et si tu forces tes relations, tu peux ?galement entrer aux Affaires Etrang?res. Tu sais que parmi tes anc?tres tu comptes l?horloger Naundorff, qui voulut se faire passer pour Louis XVII, et franchement, tu t?en moques pas mal. Tu as toujours repouss? les francs-ma?ons qui s?int?ressaient ? l?horloger imposteur.
Tu attends que ton client se mette ? parler. Tu ?coutes la musique tamis?e qui coule doucement dans la pi?ce : les Nocturnes de Chopin. L?homme qui t?a pri?, en d?but de semaine, de venir ici ce soir se nomme J?r?me Saint-Luc, et en d?pit de tes recherches, tu n?as rien trouv? sur lui. Il n'a pas de casier judiciaire, il ne fait pas partie d'un club ou d'une association, il n'a pas de poste officiel ni de relations avec le gotha intellectuel, politique ou artistique.
Un solitaire, donc. M?fiance.
- H? bien, monsieur Saint-Luc, que puis-je faire pour vous ? dis-tu finalement, pour briser la glace. Vous parler de mes aventures dans les halls de gare ??
- Pas exactement. Ou plut?t le travail que je veux vous confier pourrait ?tre li? ? une gare, pr?cis?ment. Celle de Montparnasse exactement.
- Vous m?intriguez.
- C?est l? le privil?ge de ma vie : j?intrigue les gens. Je tisse des com?dies, j?y participe. J?y assiste aussi, je truque des cartes ; je gagne souvent, et sans triomphalisme ; je perds parfois, et je suis plut?t bon perdant. Mais je suis acharn?, et je continue de jouer tant que j?ai un atout dans la manche.
Tu te demandes s?il se moque de toi. Il t?a sorti ce discours ?nigmatique d?un trait, et tu penses qu?il veut t?en mettre plein la vue. Depuis que tu as crois? le regard d?rang? du domestique, tu sais que tu es parti sur une affaire d'une autre nature qu?un constat d?adult?re.

- Monsieur Naundorff, j?ose dire que vous ?tes maintenant mon dernier atout? Apr?s, je devrai me retirer de la partie. D?finitivement.
- Et qui sont vos adversaires ? comment les vaincre ?
- J?ignore contre qui je joue. La vie n?est qu?un jeu de cartes, les yeux band?s. Le hasard est ma?tre, et la banque est toujours gagnante. Je compte sur vous pour me dire qui sont mes adversaires dans ce coup de poker que je veux tenter.
- Et quel l?objet du? litige ?
- Un manuscrit qui m?est tr?s cher. Un manuscrit original, datant du 15e si?cle?
- Effectivement, ?a remonte?
- ? un manuscrit du po?te Fran?ois Villon, la premi?re r?daction de sa Ballade des Pendus. Vous connaissez Fran?ois Villon, monsieur Naundorff ?
- J?ai beau ne lire que du ? hall de gare ? et ne fumer que des brunes, je ne suis pas non plus compl?tement demeur?, je suis all? en classe quand on y apprenait encore aux enfants ? lire, et j?ai donc entendu parler de Fran?ois Villon. Et maintenant, je suppose que vous voulez que je vous retrouve ce manuscrit, n?est-ce pas ?
- Exactement. On me l?a vol?, et je tiens pas ? ce qu?il quitte la France. Il m?est tr?s pr?cieux.
- Et les voleurs tenteraient de partir par la gare Montparnasse ?

La conversation s?est poursuivie encore quelques minutes. Il t'a dit qu'il te rappellerait.
Tu marches d?j? dans la rue, l?entretien n?a dur? qu?une demi-heure, et tu contemples encore, malgr? la pluie fine qui mouille la rue, le ch?que de 30.000 francs que ce J?r?me Saint-Luc vient de te signer. Sous l??clairage des r?verb?res, tu regardes l??l?gante signature trac?e ? l?encre violette.
Tu retrouves le boulevard Max Elskamp, et tu vois d?j? arriver le taxi que t?a appel? le domestique bizarre (sph?res de jaune humide dans le gris brouill? comme des ?ufs).
Tu t?engouffres dans la Mercedes int?rieur cuir, qui te conduit jusqu?? ton bureau, rue Beckmann, ? quelques pas de la gare de l?Est.
Tu laisses un message sur le r?pondeur de ta secr?taire pour lui annoncer le gros coup que tu viens de d?crocher, et t?endors lourdement, pour filer au travers d?une nuit sans r?ve...

LA GRISAILLE DE MONTPARNASSE

Tu d?butes ton enqu?te d?s le lendemain lundi. Pas question de faire attendre un type qui paye si bien.
T?t le matin, tu te l?ves, te noies l?estomac avec un bon litre de caf?, fume quelques cigarettes en lisant les journaux et en ?coutant tes ?ufs au plat qui cuisent sur la cuisini?re ant?diluvienne. Ta secr?taire arrive comme tous les jours : il est 9 heures. Tu la mets au courant rapidement de l?affaire du manuscrit de J?r?me Saint-Luc. Elle a peine ? te croire au d?but : n?anmoins, quand elle voit le ch?que, qu?elle examine de pr?s le nombre ? cinq chiffres, elle manque en perdre ses lentilles de contact. Elle te f?licite pour cette affaire. Tu la laisses s?installer ? son poste, et tu lui dis de ne pas ?tre trop empress?e de prendre des affaires de cocuages ou de recouvrement de cr?ances.
Un manuscrit original de Fran?ois Villon, ?a a quand m?me une autre tronche !
Tu mets ton imperm?able et ton chapeau d?color?, rendu gris comme les pluies parisiennes, et au volant de ta Peugeot 403, tu pars sur le boulevard S?bastopol. Tu passes non loin de Beaubourg, et tu te dis que tu n?arrives toujours pas ? supporter cette plomberie mastoc. Tu grognes pour la forme quand tu es pris dans les embouteillages, mais le ch?que de Saint-Luc t?a donn? un sacr? coup de jus ! Si tu fais durer l?affaire, tu sens que tu peux empocher une fortune.
Tu arrives ? Montparnasse apr?s avoir pass? plus d?une heure dans le trafic. Tu as pass? par la rue de Rennes compl?tement congestionn?e. Coinc? dans l?amas de bagnoles qui roulent vers la grande tour noire, tu t?es mis ? r?fl?chir. Tu aimes r?fl?chir dans ta voiture : les quelques intuitions de g?nie que tu as eues, c?est sur ce si?ge ?lim?, pr?s de cette bo?te ? gants rempli de ? s?ries noires ?. Tu tournes encore longtemps avant de trouver une place. Boulevard du Montparnasse, tu vois d?j? arriver une autre manifestation. Tout le peuple est dans la rue !
Tu claques la porti?re et tu regardes les grandes affiches de cin?ma, et les grands n?ons des h?tels voisins. Sur le parvis de la tour, tu retrouves un de tes indics, Raymond Chandeleur : il vend des ballons aux gosses qui agrippent la veste de leurs mamans pour faire un tour de man?ge en bois. Tu lui glisses un billet ? l?effigie de Delacroix, et tu le rencardes en quelques mots sur l?affaire. Il te donnes un ballon, et repart en sifflotant pour son num?ro de charme ? la vendeuse de cr?pes.
Tu regardes les gens qui tournent sur la patinoire qu?on installe pour l?hiver. Tu te dis que tu devrais t?y mettre aussi, que tu pourrais proposer ? ta secr?taire une valse sur glace, que tu devrais l?emmener sur la patinoire de l?h?tel de Ville, que ce serait plus chic. Tu allumes une cigarette, tu l?ches ton ballon, et tu le regardes s?envoler en direction des Galeries Lafayette.
Tu rentres dans la gare, pleine comme un oeuf, tout au long de l'ann?e : ? ta montre, il est presque midi.
Tu te diriges vers le quai des d?parts pour Lyon, et tu commences ? poser des questions au chef de quai, aux contr?leurs, et aux vendeurs des relais de journaux. Tu retrouves ton indic, Chandeleur, pour un rendez-vous au sommet dans une pissoti?re de la gare.
Tu ressors, et tu remarques qu?il pleut. Tu observes un groupe d??tudiants, assis sur leurs gros bagages, en train de fumer des cigarettes roul?es. Tu vas leur demander un peu de tabac blond, puis tu t?en roules une, tout en laissant tra?ner une oreille dans la discussion inqui?te d?hommes d?affaires. Au moment o? tu passes ta langue sur le papier, Raymond Chandeleur revient te voir. Tu lui ach?tes encore un ballon. Tu allumes ta cigarette, tu tapotes ton holster, et tu pars au bout du quai des d?parts. L?, tu prends un tr?s long tapis roulant.
Assis d?une fesse sur la main courante, tu observes un grand type, lui aussi sur le tapis, dix m?tres devant toi. Tu penses qu?il ne t?a pas remarqu?. Et d?ailleurs, m?me s?il t?avait remarqu?, ?a ne changerait rien.
Au bout du couloir, tu arrives dans une annexe de la gare. Tu accostes poliment le type que tu suivais. Il a une t?te de gitan, il porte deux petites valises, il est mal ras?, il porte de vieux v?tements sales.
- Bonjour, excusez-moi de vous d?ranger. Je m?appelle Naundorff, Mathias Naundorff. Je suis d?tective et?
- Vous ?tes flic ?
Tu souris : si tu avais gagn? un franc chaque fois qu?on t?a pos? cette question, tu serais d?j? dans les ?les avec ta secr?taire?
- Non, je ne suis pas de la police. Je veux juste vous parler. Et je crois que je peux vous int?resser. Dans ta poche, tu froisses une liasse de billets.
- Qu?est-ce que vous me voulez ? Il a mauvaise haleine, des orbites creus?es, il lui manque quelques dents. Un vrai personnage.
- Je voudrais vous parler de Fran?ois Villon? La Ballade des Pendus, ?a vous dit quelque chose ?
- Ecoute-moi mec, j?ai beau puer l?alcool, je suis all? ? l??cole, je suis pas compl?tement con, alors oui, je connais Fran?ois Villon, et je suis s?r que c?est pas qu?un lyc?e, d?accord !
- Tr?s bien. Nous allons nous entendre alors...

Tu discutes avec lui cinq minutes, puis tu le laisses aller prendre son train, tu lui glisses un bon pourboire. Apr?s quoi, tu redresses ton chapeau mou, tu t?allumes une autre cigarette, tu retournes ? ta voiture. Tu plonges encore dans l??pais trafic parisien, et tu retrouves ton bureau incolore, ? deux pas de la gare de l?Est.
Tu passes un coup de fil chez Saint-Luc : tu tombes sur le domestique, qui te dit qu?il est inutile d?appeler avant? huit heures du soir. Tu demandes pourquoi, mais il te dit qu?il pr?viendra Saint-Luc de ton appel, te remercie s?chement. Tu as juste le temps de dire que ton enqu?te avance bien, et il a raccroch?.
Pendant que ta secr?taire te pr?pare une omelette tomates et bacon, tu r?fl?chis, assis sur une des chaises de la cuisine qui menace de s?effondrer (seulement la chaise, pas la cuisine !).
Tu as not? qu?au bout du fil, le domestique a h?sit? quand tu as demand? pourquoi il ?tait inutile d?appeler dans la journ?e. Il t?a dit : ? pas avant huit heures du soir ?, mais il a manqu? dire ? pas avant la tomb?e de la? ?, et tu aurais jur? qu?il allait ajouter ? de la nuit? ?.
Bizarre. Tu te renfrognes dans tes pens?es, et tu pressens des coups tortueux et des manigances insaisissables comme les volutes de ta cigarette.
- Vous avez l?air pr?occup?, patron ? Comment d?marre votre enqu?te ? Allez, ? table, votre omelette est pr?te !
- Merci, j?ai une sacr?e dalle. J?ai m?me pas pens? ? m?envoyer un casse-cro?te ? Montpar? Mon enqu?te d?part pas trop mal. J?ai vu Chandeleur ce matin. J?ai fouiner dans la gare, et je crois que je tiens la bonne piste.
- Tant mieux. Avec l?argent que vous a pay? ce Saint-Luc, vous pourriez en profiter pour refaire les peintures et le papier peint de votre bureau. On va finir par attraper le saturnisme avec ces rev?tements d?avant-guerre !
- Tu as raison. Les papiers ont d?j? f?t? leur demi-si?cle depuis quelques ann?es...
Tu avales quelques fourchettes d'omelette, avant de d?clarer :
- Ce soir, je vais au restaurant..
- Au restaurant ? Mais avec qui ?
- Avec vous, pardi !? Avec qui voulez-vous que j?y aille ?
- Je ne sais pas? avec une fille?
- Dites-donc, je n?en suis pas ? lever des gamines du c?t? de Pigalle ! Nous allons au restau ensemble, et c?est moi qui r?gale ! Je connais une petite gargote ? c?t? de Montpar. On va f?ter cette affaire Fran?ois Villon comme il se doit !
- Oh bah ?a alors !... Je vais me changer alors. Pas question de rater cette invitation.

Le soir, avant de partir avec ta secr?taire, tu t?l?phones encore chez Saint-Luc. C?est lui qui d?croche. Tu le mets rapidement au courant de ton enqu?te ? la gare ; il te f?licite et t?invite ? continuer sur cette voie. Puis il raccroche sans te laisser le temps de demander des explications, pr?textant un appel urgent.

FIN DE SEMAINE

Tu as pass? la semaine suivante ? poursuivre ton enqu?te. Tu as r?veill? plusieurs indics, tu as lanc? Raymond Chandeleur sur plusieurs pistes.
Dans un bistrot pr?s de la Butte aux cailles, tu as retrouv? le gitan mal fagot? que tu as interrog? ? la gare Montparnasse.
C'est d?j? la fin de la semaine : tu sens que tu tournes en rond. Saint-Luc t'a appel? une seule fois, tard le soir. Tu lui as laiss? entendre que tu pi?tinais : il l'a pris aimablement, et t'as encourag? ? continuer.
Mais m?me quand il se montre civil, il te fait froid dans la nuque ce personnage...
Et tu as toutes les raisons de croire que le domestique de Saint-Luc espionne Chandeleur. C'?tait mardi que tu es all? au parc Montsouris pour -
Soudain, ta secr?taire t'interrompt. Tu es assis sur la chaise de la petite cuisine, et observes les deux oeufs qui viennent se d?poser dans ton assiette, et vous vous contemplez, les jaunes et toi, entre quatre yeux un long moment...
- Vous avez l'air fatigu?, patron...
- Ouais, effectivement. La semaine a ?t? longue. Plusieurs ?v?nements p?nibles. Je me demande dans quoi je me suis embarqu?... Foutu manuscrit...
Tu marmonnes ces r?flexions en mangeant tes oeufs. Pendant que tu sauces ton assiette, ta secr?taire s'asseoit en face de toi, met sa main sur la tienne, et te dit :
- Vous savez, vous avez l'air vraiment crev?, patron. Je dis pas ?a pour vous inqui?tez, mais vous devriez prendre l'air...
L?, tu t'es arr?t?. Tu finis de m?cher, tu replonges le nez dans ton assiette pour attaquer la salade, et tu d?clares :
- Mais justement ! Figurez-vous que je vais partir en week-end sur la c?te.
- Ah bon ? Tr?s bien ! Oui, je suis certaine que vous allez en profiter ! Et vous allez o? ?
- Attendez avant de dire que je vais en profiter. En cette saison, je n'y vais pas pour la baignade ! J'y vais pour le ciel gris, lourd et pluvieux, et pour inspecter une maison qui pourrait rec?ler la clef de l'?nigme si je puis dire.
- Ah oui, et c'est o? ?
- Houlgate. ?a vous dit quelque chose ?
- Houlgate ? Ah non. Je connais Huelgoat en Bretagne, c'est un patelin j'ai de la famille l?-bas, mais Houlgate, jamais entendu parler.
- C'est en Normandie, pas loin de Deauville.
- Vous allez faire la tourn?e des casinos ?
- Non pas le temps. J'y vais pour le boulot. Un de mes indics a pist? un type susceptible d'?tre m?l? ? ce parchemin...
- C'est ce gitant votre indic... Moi il me fait froid dans le dos... J'en vois dans le m?tro et-
- Oui mais c'est un type qui sait des choses, et c'est ?a qui compte. Je sais pas comment il les sait, mais il les sait bien, et moi je le paye bien, et on est contents.
- D'accord. Alors vous m'appellerez ?
- Vous deviez pas voir votre m?re ce week-end ?
- Oh si, mais vous pouvez m'appeler. Regardez, je me suis fait une folie.
Elle sort alors de son sac un objet qui te semble gros comme une bo?te ? chaussure.
- Qu'est-ce que c'est que ?a ? Un radio-?metteur ?
- Mais non. C'est un t?l?phone portatif ! C'est la nouvelle mode. Je suis sure que ?a va faire fureur bient?t !
- Ah ouais, et ?a p?se combien ce truc ?
- Oh, pas loin de 4 kilos, mais c'est tellement utile.
- 4 kilos ? Eh ben, ? ce moment-l?, autant emporter toute la cabine t?l?phonique avec soi...
- Oh vous ?tes b?te patron !
- Et moi je vous dis que ce truc n'a pas d'avenir ! C'est comme leur machin l?, Internet. C'est de la poudre aux yeux. Ce truc ?a peut ?tre utile pour les entreprises ou les militaires... Mais pour les particuliers !
- Oh, vous n'aimez jamais la nouveaut? de toute fa?on...
Tu n'ajoutes rien. Tu finis ta salade, et tu t'offres un bon morceau de roquefort avec du pain de campagne.
- Tenez ! ?a c'est bon pour vivre ! Vous voyez !... c'est plus utile que tous vos bidules ?lectroniques. C'est moi qui vous le dis.
Tu hoches la t?te de l'air du type qui a le savoir et qui en montre aux jeunots. Elle change de sujet :
- Et pour ce week-end, rien de particulier pour le boulot ?
- Non... ou plut?t si ! J'attends un coup de fil d'un coll?gue qui vient de s'installer du c?t? du 20e. Alexandre Corso il s'appelle. Je dois le voir lundi. S'il appelle, dites-lui que je le recontacte lundi matin.
- D'accord patron.
- Bon, et t?chez de pas vous d?mettre l'?paule avec votre t?l?phone portatif, hein ? J'ai besoin de vous en forme : je sens que la semaine prochaine va ?tre charg?e !... Et si Chandeleur rappelle, notez bien tout : je vous appellerai demain soir d?s mon arriv?e ? Houlgate, d'accord ?
- D'accord, passez un bon week-end.

Tu sors de table, tu prends ton imper, ton chapeau mou. Tu va faire un tour dans les rues autour de la gare de l'Est. Tu tue le temps ? observer les voyageurs press?s, les couples d'amoureux qui se sautent au cou ou qui pleurent en s'embrassant, la valse des taxis qui s'?parpillent sur les boulevards.
Tu rentres, tu fais ta valise. Tu passes une soir?e ? fumer et ? picoler en regardant des t?l?films ineptes ? la t?l?, tu passes une courte nuit, et le lendemain, tu pars en voiture ? Saint-Lazare, et tu prends le premier train ? destination du Calvados.
Le soir pr?c?dent, Saint-Luc t'a rappel?. Tu l'as mis au courant de ta piste normande. Il a approuv?, il t'a demand? de passer le voir dans le courant de la semaine prochaine, et il a raccroch?, depuis le bureau de son manoir impasse Saint-Paul, froide comme le p?le, tout au long de l'ann?e...

WEEK-END NORMAND

A suivre... diablotin
Reply
#2
Nico, tous tes textes, tu pourrais me les envoyer par mail?
Idem pour ton historique Seb?
Reply
#3
Pour finir ce texte que je n'avais pas eu le temps de lire en entier, il est 3h du matin biggrin .
Que dire sinon Applause ? Les ambiances sombres de Vampire et de la s?rie noire se m?lent si bien qu'on les croirait fait l'un pour l'autre Bisou , surtout quand Nico est ? la plume bravo2 .

Quote:Tu as tes entr?es au 36, quai des Orf?vres

En 1995 je vois bien quelles entr?es tu peux avoir, vous avez dit crossover Virus boire ?
Reply
#4
Quote:En 1995 je vois bien quelles entr?es tu peux avoir, vous avez dit crossover

J'ai pas compris l? ??? confus
Je vois d'ici le Sebmaster me traiter de busard pour le d?clenchement ? retardement de mes neurones. J'ai pourtant cherch?, mais l?, je ne capte pas l'allusion. Benon

Je_sors
Pleurnichard

EDIT
Je viens de rajouter un 3e chapitre au conte de la Canine. Bonne nuit les petits. : baille:
Reply
#5
Quote:Je vois d'ici le Sebmaster me traiter de busard pour le d?clenchement ? retardement de mes neurones.

...Bu...Bus...Non. Je resterai digne. Rofl

Teach Crossover c'est le terme consacr? pour un ?pisode d'une s?rie o? apparaissent les protagonistes d'une autre s?rie.
En 1995 un certain Alexandre Corso faisait encore parti de la maison police , il y a bien eu un jour une rencontre dans un couloir, ou plus boire, non ?
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#6
Voil? qui serait int?ressant pour la suite de vos aventures.

Je vois bien l'embrouille entre le jeune gangrel et le jeune tor?ador.
Mmmmm, qui l'emporterait?
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#7
Quote:Crossover c'est le terme consacr? pour un ?pisode d'une s?rie o? apparaissent les protagonistes d'une autre s?rie.
Ah ouais d'accord !
Moi j'?tais parti sur le crossover des chromosomes !
Je croyais que tu me parlais de la reproduction, des anomalies g?n?tiques etc. J'?tais loin du compte. Benon

Quote:En 1995 un certain Alexandre Corso faisait encore parti de la maison
idea Bon sang mais c'est bien s?r ! bravo
J'avais oubli? ce d?tail. Alors, l'ami Corso ?tait un poulaga au "36" ? police
Int?ressant. Quand il rencontrait Naundorff, j'esp?re que c'est lui qui payait les consos Drunk , parce que les bistrots du bord de Seine, pr?s de Notre-Dame, ?a douille !
Et en quelle ann?e Corso s'est-il mis ? son compte ? (je ferai les corrections en cons?quence dans mon histoire).

Miracle

Hum

Bug

Twixy

Chilperic

:LeLudwig:
Hum hum !



NB : Pour l'histoire de Crossover, je plaisantais. Chinese Je ne savais simplement pas de quel crossover tu parlais...
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#8
HISTOIRE DE MATHIAS NAUNDORFF (suite) Kopikol

[b]HOULGATE, LE JOUR


Quote:Demain, d?s l?aube, ? l?heure o? l?aube blanchit la campagne?

Tu es parti avec le train, qui passe dans les tunnels sales, puis quitte l??touffante cuvette parisienne pour rejoindre la campagne qui hiverne. Tu as dormi dans le compartiment, puis, vaseux, tu t?es r?veill?, tu as pris l?air dans le couloir, et tu as observ?, fatigu?, la campagne qui roule, recouverte de neige grise.
Tu arrives ? Lisieux en fin de matin?e. De l?, tu ne prends pas le temps d?admirer la basilique, et tu montes dans le premier car ? destination de Houlgate. Tu es en pleine morte saison.
Enfin la mer, grise comme un plateau d?argent, sous un ciel d?Angleterre. Quelques cerfs-volants se battent en altitude contre les bourrasques de vents qui frisent la mer de vagues nerveuses. Tu entends les fils des drapeaux qui choquent leur poteau, et tu regardes la plage, endormie du port de Cabourg aux roches noires qui pointent vers Deauville. A l?horizon, un b?timent affronte les vagues montagneuses. Le cri des mouettes, qui secouent leurs plumes au couleur de nuage sal?e, se perd dans ce fracas.

Pas un chat dans les rues. Dans l?art?re principale, qui va de l?agence immobili?re au casino, tu ach?tes le journal et des cigarettes. Tu t?offres la pizzeria, puis tu fais le tour du pays ? pied. La gare d?saffect?e en cette saison, les riches demeures ? l??cart du centre, le gar?on qui plie les tables du casino, le marchand de cerfs-volants qui pr?parent de nouvelles m?thodes de glisse r?volutionnaire, et un groupe d??tudiants en vacances.
A c?t? du parking et du poste de secours vide, des cabines t?l?phoniques. Tu appelles ta secr?taire rapidement : tu tombes sur le r?pondeur, tu laisses un message et le num?ro de la cabine. Tu te renseignes ? la mairie sur les lieux ? voir.
Muni d?une carte, tu montes sur les hauteurs, et tu arrives ? un point de vue, avec une table d?orientation presque effac?e. Vu d?ici, la mer est un plus grand rectangle, et la c?te est un sinuosit? profonde, qui caresse les villes de loin en loin. En montant encore, tu arrives dans un bois, qui doit servir de refuge aux clochards, et sans doute de pissoti?re?
Tu refais un tour sur la promenade le long de la plage. Pour un peu, les toboggans et les balan?oires abandonn?es, dont le bois craque au vent, te donnerait le cafard. Les cabines de bains grelottent de froid.
Tu as pris une chambre ? l?h?tel, au-dessus du casino et du parcours de mini-golf. Tu restes dans ta chambre pour laisser couler la fin de l?apr?s-midi, dans un robinet d?images de t?l? et de volutes de tabac? Tu t?endors doucement, berc? par le souvenir du roulis du train et par le tangage que le vent imprime ? la ville.
Tu te r?veilles, tu prends une douche pour te sortir de la torpeur, tu te rases, et tu descends demander au patron de l?h?tel l?adresse que tu es venu chercher. Tu n?es pas quelqu?un de presser, tu prends ton temps. Tu laisses le temps rouler comme une vague charg?e d??cume.
Le patron r?fl?chit un moment, puis pointe un lieu sur ta carte. C?est ? cinq minutes d?ici. Il te propose de t?attendre pour le d?ner : ce soir, tu es le seul client.
Tu le remercies, et tu pars visiter le lieu. Tu longes la plage, traverse la voie de chemin de fer pr?s de la plage. Tu passes devant une boutique calcin?e.
- Tous ceux qui ont voulu mettre un commerce dans cette bicoque ont fait faillite?. Comment vous voulez faire des affaires, c?est ? l??cart de tout ?
Tu te souviens bien des paroles de l?h?telier. Tu passes ? c?t? de la bicoque, et derri?re, tu trouves un chemin qui monte la pente, vers une autre colline. C?est le chemin des Douaniers, qui doit servir de pissoti?re ?galement?
En haut, de l?autre c?t? de la rue, tu trouves un alignement de maison. Tu sonnes ? l?une d?elle, chez un certain Bernard.
Il doit avoir ses sept d?cennies bien tap?es, et ses quelques litrons de rouge par jour. Au bout du chemin, pr?s d?une grande haie, plusieurs voitures sont gar?es. La maison que tu cherches est ? c?t?. C?est une maison aux murs blancs, ? un ?tage. Les volets sont clos. Tu demandes aux autres voisins s?il n?y a personne, o? si les occupants sont sortis.
Ces voisins te rappellent la famille Groseille : la m?re s?occupe des trois lardons, de toutes les t?ches m?nag?res, pendant que le p?re est devant la t?l?, ? boire des bi?res et ? gueuler si le d?ner n?est pas servi ? temps.
La m?re te dit qu?elle ne sait pas. Tu la remercies, et passes ? la maison en haut du petit chemin ; un vrai petit manoir. A entendre le reggae qui cogne ? l?int?rieur, tu imagines d?j? qu?il est occup? par une bande de jeunes qui passent leur journ?e ? fumer du cannabis.
Tu sonnes, tu dis que tu cherches untel ; tu entends qu?on baisse la musique, et un grand ?chalas avec des dreadlocks blondes vient te r?pondre : il te dit qu?il a vu du monde r?cemment, le soir surtout, mais qu?il ignore s?ils sont encore l?.
Tu le remercies, tu lui assures que tu n?es pas de la police, et que tu ne vas pas aller les d?noncer pour leur herbe.
Tu d?cides de rentrer dans le jardinet de la maison. Les voisins ? groseilles ? sont tous ? table, ils ne te voient pas enjamber la grille.
Tu as demand? aux voisins quelle ?tait leur voiture ? chacun, et tu en d?duis que la 4e voiture gar?e ne peut appartenir qu?? d??ventuelles occupants de la maison aux murs blancs.
Tu es dans le jardin. Il fait d?j? nuit noire, tu fr?les un grand sapin, et tu arrives devant l?entr?e.
Tout est ferm? : tu prends le risque d?allumer ta lampe de poche, mais tu ne d?couvres rien de probant. Il y a un petit escalier qui descend vers la cave, ? laquelle on doit acc?der par une porte vermoulue. Tu ne t?attardes pas plus, et tu quittes les lieux.

HOULGATE, LA NUIT

Tu retournes ? l?h?tel, pas f?cher de te diriger vers une bonne nuit de sommeil.
Mais d??u malgr? tout. Est-ce que tes indics t?auraient orient? vers une mauvaise piste ? Tu as peine ? t?y r?soudre. Tu d?nes frugalement avec l?h?telier. Vous discutez de la pluie et du mauvais temps.
Un coup de t?l?phone interrompt votre discussion. Le patron d?croche, dit quelques mots, puis bouche l'?couteur de sa main, et te dis que c?est pour toi. Surpris, tu prends le combin?. A l?autre bout du fil, une voix apeur?e, h?sitante, pr?te ? s?effondrer en pleurs.
C?est Raymond Chandeleur. Il te dit qu?il se trouve ? la presqu??le de Cabourg et te supplies de venir le chercher. Puis ?a raccroche.
La voix blanche de Chandeleur t?a rendu livide. Ton sang s?emballe, et tu as soudain tr?s peur pour ton indic. Un hideux frisson te prend dans tout le corps.
Sans cacher ton affolement, tu demandes au patron o? se trouve cette presqu??le.
- Si c?est celle qui est ? c?t? de Port Guillaume, elle est ? au moins une demi-heure ? pied.
- Emmenez-moi l?-bas en voiture !? c?est extr?mement important.
- A cette heure-ci ? ?a peut pas attendre demain matin ?
- Non, maintenant. Si vous voulez, pr?tez la moi ! Je vous laisse mon passeport comme caution !?
- Non, ?a va venez ! je vous emm?ne !
Il enfile son manteau. Tu montes dans ta chambre prendre ton pistolet, et tu le rejoins dehors, dans la nuit o? mugit le vent. L?h?telier d?marre aussit?t, sur la route de sable et de sel, baign?e dans la lumi?re orang?e.
- Mais il faut que je vous pr?vienne : on peut pas aller l?-bas en voiture. Apr?s ?tre arriv? au port de Dives, il faut finir ? pied, passer le pont et aller au bout de la presqu??le envahie par les herbes !
- C?est pas grave ! Vous m?attendrez au port, et j?irai seul.
- Si vous voulez !
Tu soup?onnes l?h?telier de ne pas ?tre un foudre de guerre : il a compris que quelque chose de louche guettait sur la presqu??le.
La voiture est ? peine arr?t?e que tu en sors comme un beau diable. Tu as enregistr? le chemin ? prendre.
Tu cours sur le port d?sert battu par le vent, tu passes sur le pont qui enjambe un canal envahi d?algue et de boue, tu arrives en vue de la plage de Cabourg, et tu te mets ? courir sur l?herbe, vers le bout de la presqu??le, qui referme l?entr?e de Port Guillaume.
Tu ralentis en arrivant ? la pointe recouverte d?arbres maigres. Tu allumes ta lampe de poche, et tu cries le nom ? Chandeleur ?, sans pouvoir r?primer la vive peur qui t?enlaces. A tes cris seul r?pond le vent temp?tueux.
Tu descends de la butte envahie d?herbe vers les arbres, le faisceau lumineux braqu? devant toi, le pistolet dans l?autre main.
Tu approches du couvert v?g?tal, de l?obscurit? v?g?tale sous la vasque bleue de la nuit. Tu marches sur du sable plein de salet?s, de d?tritus ?et encore une pissoti?re !
Tu braques ta lampe en toutes directions.
Et tu croises un arbre, et ta lumi?re vient soudain frapper le visage de Chandeleur, convuls? par la douleur, qui se balance au bout d?un arbre, battu par le vent comme un gros fruit.
Tu recules de quelques pas, saisi d?une peur ignoble ?celle qu?on dit bleue !
Tu vois soudain quelqu?un d?taler dans les taillis. Sans h?siter, sachant que les bourrasques de vent et le grondement de la mer te couvrent, tu tires plusieurs balles dans la direction du fuyard.
Tu te mets en chasse, tu vois les feuillages ?clabouss?s de sang dans la nuit, tu d?bouches sur une plage : le fuyard est quelques m?tres devant toi ; il est bless? ? l??paule, il titube, mais continue ? courir. Tu braques ton faisceau sur lui, tu lui tires dans les jambes. Tu le rates. L?h?telier t?a pr?venu que le bout de la presqu??le est fait de sables mouvants, et ton fuyard courent en plein vers eux. Tu sens d?j? le sable boueux sous tes semelles, tu vois le type continuer de courir, et soudain, comme bu par une immonde bouche cach?e sous le sable, il s?enfonce, se d?bat. Tu veux t?avancer, mais tu mets soudain le pied dans l?eau. En quelques coups de vagues, le type, enfonc? jusqu?au tronc, est emport? par le courant le long de la digue qui m?ne au port. Il dispara?t comme un bouchon au bout d?une canne ? p?che, happ? par les vagues mordantes.
Tu rebrousses chemin, affol?. Tu ne repasses pas devant Chandeleur, tu cours le long de la plage.
Dix minutes plus tard, tu arrives ? la voiture de l?h?telier. Tu t?engouffres ? l?int?rieur, ? l?arri?re. Il est ? l?avant, et tu lui demandes de t?emmener ? la maison de la colline.

Il se retourne vers toi, et te dis :
- Ecoutez voir, je vais pas faire le taxi toute la nuit !? Vous avez trouv? ce que vous vouliez l?-bas ?
A ce moment, tes nerfs te l?chent : tu braques ton pistolet sur sa nuque et tu cries :
- Emmenez-moi l?-bas et vite !?
Il d?marre aussi sec.
Tu t?assois ? l?arri?re, et tu avales une bonne gorg?e de la bouteille de gn?le que tu portes toujours dans la poche int?rieure de ton imper. La voiture fonce sur la route. Vous arrivez au carrefour au pied de la colline, pr?s de la bicoque calcin?e. Tu lui dis qu?il peut te laisser l?.
Tu t?excuses pour les emmerdements, tu lui files sans y r?fl?chir plusieurs billets de cent francs, tu lui ordonnes de rentrer ? son h?tel. Il ne se le fait pas dire deux fois.
Le vent souffle, plein de rage, et la nuit est un squelette qui tremble. Tu montes au pas de course le chemin des Douaniers, lampe-torche et flingues braqu?s en avant. Tu arrives en vue de la maison aux murs blancs.
Elle a perdu son aspect rassurant de bonne demeure normande. La pleine lune ?claire de ses lueurs argent?es et tragiques les murs de cette maison, comme envelopp?e d?une aura fantomatique. Tu entends Bernard qui ronfle, le p?re groseille qui engueule sa famille, le reggae qui cogne comme un sourd dans le manoir. Fracas du vent, vacarmes des hommes.
Tu p?n?tres dans le jardin, o? t?accueille, g?ant inqui?tant, le sapin.
Il y a de la lumi?re dans la maison, et une lueur jaun?tre qui transpire de la cave. Et m?me le gazon et le lierre semblent frissonner de peur.
Et l?, tu voudrais te r?veiller sur ton canap? moelleux, devant ta cuisine o? cuit ton omelette, mais tu n?es qu?un pantin tremblant de peur. La porte de la maison s?ouvre.
En jaillit une hideuse cr?ature, une horreur au visage de chauve-souris, comme le vampire Nosf?ratu. Elle brandit un couteau, et son regard est mang? par la nuit. Tu lui exp?dies deux balles en pleine t?te. Elle tombe en arri?re, en poussant un cri strident.
A l?int?rieur, une assembl?e de pareilles horreurs, ?parses dans leur laideur, morceaux d?hommes coll?s ensemble, assis ? une table envahie d?instruments inqui?tants, et au mur, des peintures hideuses, dont les tons ne sont plus ceux de la vie ; des fleurs de cimeti?re, des portraits comme des tombes.
Les horreurs vont te sauter dessus.
Tu vides ton chargeur sur elles, et elles vont s?affaler sur la table, la poitrine crev?e. Tu n?as pas le temps d?inspecter les horribles chiottes, et tu descends vers la cave, qui transpire de lumi?re pisseuse.
Tu enfonces la porte d?un coup de pied. Tu rentres dans un petit couloir humide, qui donne sous le s?jour o? sont ?tal?s les Nosf?ratus. A ta gauche, une petite pi?ce. Tu flanques un coup de pied dedans : l?int?rieur est un fourbi inextricable. Tu repars dans le couloir, au bout duquel ronronne une chaudi?re vieille comme une sorci?re.
Et dans la petite pi?ce envahie d?articles de plage et de jardinage, se balancent trois pendus. Tu te retournes : au bout du couloir, la porte s?ouvre en grand, laissant entrer le vent lunaire, et la silhouette d?une affreuse cr?ature au visage comme une gueule cass?e de la Grande Guerre. Plusieurs coups de feu partent.
Tu as plong? sur le c?t?, sous les pendus dont les cordes grincent. Tu t?allonges, tu tires dans le couloir. Tu entends la cr?ature s?affaler.
Tu te pr?cipites vers la sortie, o? le vent hurle en s?engouffrant. Et la porte du fourbi s?ouvre. Un humano?de blanch?tre te saute dessus. Tu butes sur le corps de la gueule cass?e, tu te cognes contre le mur. Pris d?un violent sursaut d??nergie (tu veux vivre encore !), tu repousses l?agresseur vampire, et tu lui loges ta derni?re balle dans la poitrine.

Les voisins groseille sont sortis, affol?s. Tu passes devant eux sans y pr?ter attention. Tu arrives sur la route qui passes devant le manoir des amateurs de reggae. Une voiture est l?, dont le moteur tourne. Elle est tout phares ?teints. Le conducteur te crie de venir.
Tu n?as plus de balles dans le pistolet. Le conducteur se braque alors une lampe-torche sous le menton : tu reconnais le domestique de Saint-Luc !
Il te crie de venir encore. Tu cherches un moyen de t?enfuir. Dans ton dos accourent soudain d?autres Nosf?ratus, qui vont te sauter dessus comme des loups enrag?s.
Mourir pour mourir, tu sautes dans la voiture du domestique de Saint-Luc, qui d?marre en trombe, juste avant que les Nosf?ratus n?agrippent la voiture. Il fait demi-tour devant le manoir, il rentre dans plusieurs horreurs, les voisins hurlent. Le p?re groseille tire un coup de carabine dans la voiture. Les vitres auraient d? exploser : elles sont blind?es.
La voiture o? tu es est une petite Mercedes, fauteuil en cuir. Et le domestique persiste ? rouler tous feux ?teints. Vous descendez la colline, passez la plage, l?h?tel, ? la vitesse folle o? la peur te prend dans tout le corps.

Il t?avertit que vous allez rouler jusqu?? Paris, et qu?il a d?j? r?cup?r? tes affaires ? l?h?tel.
Le vent semble se calmer, et maintenant, de gros paquets s?abattent du ciel, et viennent taper contre la carrosserie du v?hicule, comme si tous les nuages d?versaient maintenant des tombereaux de pleurs. L?autoroute est longue et noire. Vous ne dites pas un mot, avec le domestique, et tu ne peux fermer l??il du voyage.

Au bout de la route, Paris est une grande flaque illumin?e, scintillante, et tu as ?chapp? ? l?antre des Nosf?ratus, o? il fait froid comme la mort, toute l?ann?e.

NAUFRAGE

Tu t?es laiss? reconduire jusqu?? Paris, ?treint par une torpeur hypnotique qui t?a saisi quand tu as crois? le regard de b?te du domestique de Saint-Luc. Frapp? en tout ton ?tre de la rage animal que recelaient ces yeux, la stupeur t?a transform? en patin, et tu n?a plus pip? mot du voyage.
La nuit se d?lite peu ? peu, comme les mailles us?es d?un gilet, et bient?t, le jour percera cette fine trame de p?nombre.
La voiture s?arr?te au carrefour du boulevard Max Elskamp et de l?impasse Saint-Paul. Tu en descends, perinde ac cadaver, guid? par le domestique au visage destructur?. Tu montes p?niblement l??tage, soutenu par ton guide. Tu as froid, tu as faim, tu as soif, tu es lourd, et tu t??tonnes ? peine d?entendre le domestique murmurer :
- Ah vous les hommes, vous ?tes si faibles, vous avez si peu de ressources?
Le domestique ouvre la porte d?entr?e, sur laquelle tu t??tais appuy?, et tu t?effondres comme une grosse ?ponge gorg?e d?eau sale, sur le beau tapis de Saint-Luc.
Tu es vigoureusement soulev? par deux hommes.

- Vite, ramasse-le, Pasipha? !? Cette chiffe molle pourrait nous claquer entre les bras !
- Oui, mon sire.
- Tu vas le mettre dans le bureau pour le moment. Les autres pi?ces sont occup?es.
- Oui, mon sire.
- Vu l??tat dans lequel il est, il faut agir. Je n?ai pas envie d?aller ? le sauver de la mort?
- Entendu mon sire. Mais o? trouver de quoi le soigner ? cette heure-ci ?
- Pr?pare-lui une d?coction appropri?e. Demande ? la Torche de t?aider.

A ce moment l?, tu trouves la force d?articuler :
- Mais qui est la Torche ?? qui ?tes-vous Saint-Luc ?
- Silence, Naundorff ! tu vas m?ob?ir, tu comprends ! L? regarde-moi dans les yeux. L?, fixe cette belle lueur rouge? tr?s bien? emplis-toi de mon regard. Et maintenant, tiens-toi tranquille !? Assieds-toi sur ce si?ge, et ne bouge plus. J?ai ? discuter avec mon domestique, Pasipha?, l?homme qui a sauv? ta pauvre vie, tu comprends ??
- Ma?tre, me revoici. J?ai la d?coction. La Torche en avait en r?serve.
Un troisi?me personnage s?approche de toi : ce n?est ni Saint-Luc, ni le domestique. Tes yeux roulent librement dans tes orbites, tu fais ? ce moment une moue stupide, tu esquisses un sourire et tu dis :
- Mais je vous connais !? Vous ?tes le gitan de la gare Montparnasse? Je vous ai parl?, vous vous souvenez ?
- Malheur mon Sire. Il se souvient de moi.
- C?est sans importance. De toute fa?on, si nous voulons nous servir encore de lui, il faudra le mettre au courant. Pasipha?, fais-lui avaler cette d?coction, et allonge-le sur le canap?.
- Oui, mon sire. Mais croyez-vous que son estomac soit fait pour avaler cela ?
- S?il est sorti vivant de l?antre des Nosf?ratus, il a le ventre pour avaler ?a !? Bon, la Torche, nous n?avons plus besoin de toi ici. Tu vas raccompagner le troupeau chez lui. Et d?p?che-toi : le soleil va bient?t se lever.
- Oui ma?tre.
- Ma?tre, je crois que Naundorff s?est endormi.
- Quoi d??tonnant apr?s toutes ces ?preuves? Raconte-moi ce qui s?est pass?.
- Quand je suis arriv? devant la maison d?Houlgate, Naundorff ?tait en train de d?camper. Pendant le trajet, je l?ai interrog? apr?s l?avoir plong? sous hypnose. Si j?en crois ce qu?il me dit, il a abattu tous les Nosf??
- Quoi ? Impossible !?
- Je puis pourtant garantir la sinc?rit? de son propos. Il ?tait trop groggy pour mentir.
- Cet humain est ?tonnant ! Nous avons p?ch? un sacr? sp?cimen? Et quoi d?autre ?
- Son indic, Chandeleur, a bien ?t? pendu par les cr?atures de la Comtesse.
- Ce qui veut dire qu?ils ont tous donn? dans le panneau. C?est parfait.
- Oui, mon sire. En portant votre choix sur ce Naundorff, vous avez eu une judicieuse intuition. Il a r?ussi ? tromper le clan Bathory ! et en toute bonne foi !
- Oui, la Comtesse doit ?cumer de rage. Je vois ?a d?ici !? Et le manuscrit ?
- Nous l?avons r?cup?r? mon ma?tre? La place ?tait libre. Tous les limiers de la Comtesse ?tait aux trousses de Naundorff et de son indic? Tous en Normandie !? Et maintenant, nous avons le manuscrit, vous rendez-vous compte !
- Oui, c?est fabuleux, Pasipha?. Proprement fabuleux. Le Prince Villon va me regarder d?un autre ?il maintenant ! As-tu pr?venu Tropovitch ?
- Non, mon sire. Le fallait-il ?
- Pas du tout. Laissons-le dans ses partitions !? Une si belle pi?ce n?est pas ? partager, m?me avec mes alli?s les plus proches?
- Mais que vont dire les Sethites ?
- Qu?importe ce qu?ils en penseront ! Ne pensons pas ? ces choses d?sagr?ables maintenant. Occupons-nous plut?t de la comtesse Bathory. Il faudra bien finir par prouver sa f?lonie !
- Oh oui? Et quel plaisir ce jour-l? mon sire !
- Un d?lice !? Et Villon en avalera ses canines !?. Allons, cessons de r?vasser. Tu vas r?veiller Naundorff, et lui donner des instructions en cons?quences.
- Oui mon ma?tre.

Tu ronflais pendant ce dialogue, et quelques claques te r?veillent rapidement. Soudain, tu sens un affreux go?t te remonter dans l??sophage. Tes int?rieurs se tordent comme des sorci?res au sabbat, et tu cours plonger la t?te dans les toilettes. Tu vomis le breuvage et ta nuit de meurtre et de pluie.
- Alors, Naundorff ? La d?coction de La Torche ne te pla?t pas ?
- ?a me rappelle la penderie qui sentait le camphre chez la grand-m?re !?
Ta voix r?sonne ? l?int?rieur de la cuvette.
- Un d?tective comme toi doit se poser mille questions?
On ne peut rien vous cacher. Saint-Luc est assis ? son bureau, comme la premi?re fois que tu es venu chez, dans cette froide rue. Tu attends impatiemment les explications qui te sont dues.
- ?a vous d?range si je fume ?
Tu n?attends pas la permission, et tu allumes une cigarette, savoureuse comme une bouff?e d?air frais apr?s des miasmes empoisonn?s.

PARIS, AU POINT DU JOUR

Quote:Il est cinq heures, Paris s??veille? Il est cinq heures, je n?ai pas sommeil?

Alors que la nuit vire au gris clair, que quelques voitures commencent ? rouler dans les rues, que l?air frais t?accueille alors que tu quittes le boulevard Elskamp, tu peines ? reprendre pied sur terre.
Tu ne t?es pas retourn? vers le manoir de Saint-Luc, d?o? je te regardais, dans l?ouverture des rideaux cramoisis. Tu as march? sur le long trottoir du boulevard, et tout au bout, tu as bifurqu? pour retrouver la rue du Bac, puis le Panth?on.
Il te semble que les morts c?l?bres frissonnent ? cause de ce petit vent aigre qui suinte dans les rues, et cette bruine mesquine qui te trempe les cheveux.
Tu fumes une cigarette mouill?e. Sa cendre se liqu?fie rouge. Tu as ?cout? mes explications sans rien dire. Tu ?tais abattu. Tu croyais y voir clair, plus ou moins, dans l?existence, et voil? que je te parles de mascarade, de faux-semblants, d?intrigues et d?hypocrisie.
Tu sais que je sais tout de toi, Mathias Naundorff. Tu sais que je n?ob?is qu?? mon ma?tre, dont par trois fois j?ai bu le sang. Nous ne t?avons pas laiss? repartir intact : tu es ? notre service maintenant.
Tu es une goule toi aussi. Un peu du sang de mon sire coule dans tes veines, et ton c?ur le pompe et l?expulse. Le soleil ne tardera pas ? se lever. La torpeur commence ? m??treindre, et pour toi, la journ?e commence.
Tu vas retrouver ton bureau, appeler ta secr?taire. Tu sais que les flics ne viendront pas te poser de question. Mon ma?tre y veillera. Du reste, toute trace de meurtre doit avoir d?j? disparu ? Houlgate. Les voisins tiendront leur langue? ou bien on leur arrachera, en attendant mieux !
Il est cinq heures, tes ?ufs blanchissent d?j? dans la po?le, et tes yeux sont jaunes comme ton imper est gris. Tu es affal? sur une chaise.
Que peut penser un mortel comme toi, quand il vient d?entrer dans la mascarade, la ballade des pendus, sur le territoire de chasse de mon sire, le pr?dateur et l?illusionniste, le fauve et l?ensorceleur? Hieronymus Lucien ! ?le prochain Prince de la Camarilla parisienne [size=18]?
...

diablotin diablotin diablotin

Fr?res humains qui apr?s nous vivez,
N'ayez les cuers contre nous endurcis,
Car, se piti? de nous povres avez,
Dieu en aura plus tost de vous mercis.
Vous nous voiez cy attachez cinq, six:
Quant de la char, que trop avons nourrie,
Elle est pie?a devoree et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et pouldre.
De nostre mal personne ne s'en rie;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absouldre!

Fr?res humains qui nous survivez,
N'ayez pas vos coeurs durcis ? notre ?gard,
Car si vous avez piti? de nous, pauvres,
Dieu aura plus t?t mis?ricorde de vous.
Vous nous voyez ici attach?s, cinq, six:
Pour ce qui est de la chair, que nous avons trop nourrie,
Elle est depuis longtemps d?vor?e et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poussi?re.
De notre malheur que personne ne se moque,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absouldre!

Se vous clamons, freres, pas n'en devez
Avoir desdaing, quoy que fusmes occis
Par justice. Toutefois, cous s?avez
Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis;
Excusez nous, puis que sommes transis,
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa gr?ce ne soit pour nous tarie,
Nous preservant de l'infernale fouldre.
Nous sommes mors, ame ne nous harie;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absouldre!

Si nous vous appelons fr?res, vous n'en devez
Avoir d?dain, bien que nous ayons ?t? tu?s
Par justice. Toutefois vous savez
Que tous les hommes n'ont pas sens bien rassis.
Excusez-nous, puisque nous sommes tr?pass?s,
Aupr?s du fils de la Vierge Marie,
De fa?on que sa gr?ce ne soit pas tarie pour nous,
Et qu'il mous pr?serve de la foudre infernale.
Nous sommes morts, que personne ne nous tourmente,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absouldre!

La pluye nous a buez et lavez,
Et le soleil dessechiez et noircis;
Pies, corbeaulx nous ont les yeux cavez,
Et arrachi? la barbe et les sourcis.
Jamis nul temps nous ne sommes assis;
Puis ?a, puis la, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charie,
Plus becquetez d'oyseaulx que dez a couldre.
Ne soiez donc de nostre confrarie;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absouldre!


Fran?ois Villon, L'?pitaphe Villon, dite La Ballade des Pendus



Emperor [i]A suivre dans le prochain conte? Strygger

Terreur
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#9
Moi je dis : Cher ami jardinier, j'attend de recevoir ce charmant document par mail.
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