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25ème Episode : Les trois lions
#1
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE

Les 5 Rônins : 25ème Episode

Lièvre 403




Les trois lions



Samurai


Le soleil venait d'apparaître à la Cité du Levant. La radieuse lumière de printemps nimbait le ciel, les toits où flottaient l'étendard de la famille Shiba, toute la plaine à l'ouest de la ville. Le gouverneur Anzaï venaient de grimper sur les remparts, pour v découvrir le spectacle de l'armée aux teintes fauves qui avançait résolument vers eux. Shiba Anzaï voyait revenir à lui son cauchemar : l'arrogant Mitsurugi, cet imposteur qui, après la capture de la Cité des Apparences par le général Kokatsu, avait effrontément pris possession de la petite Cité du Levant ! Il en avait fait son fief personnel...
- Le propre des imposteurs est de ne jamais renoncer à leur double jeu, dit Anzaï. Cet aventurier a réussi à séduire le général Kokatsu, alors qu'il n'était qu'un samuraï sans maître...
- Gouverneur, pourquoi ne pas défier en duel ce bandit ? Révélons à tous qui il est vraiment...
Le gouverneur dit, assez bas pour n'être pas entendu des autres soldats :
- Je t'excuse car tu es ignorant. Tu ne sais pas qui est ce Mitsurugi. Il s'est taillé une réputation incroyable à la dernière cour d'hiver. Il a scandalisé les uns, fait l'admiration des autres, mais s'est attiré un certain respect de la part de tous.
- Il faut que les dieux soient avec lui ! Ou les démons !
- En attendant de savoir quelle divinité veille sur lui, nous allons devoir plier face à la loi des armes... Nous ne sommes pas de taille...
- Gouverneur, prévenons le clan !
- Oui, nous allons le faire, bien sûr. Seulement, il ne faudra pas attendre d'aide immédiatement. Quelque chose de bien plus gros se prépare.
- Je ne comprends pas.
- Viens...
Ils descendirent à l'échelle et allèrent au palais.
- Le général Kokatsu est de retour à la Cité des Apparences, après une très longue cour d'hiver et un séjour à la Cité des Mensonges. Il a dû demeurer chez les Scorpions car c'est là-bas que se joue la guerre de succession pour le clan.
- Comment les Scorpions ont-ils réussi à faire que le prochain daimyo des Lions soit désigné chez eux ?
- Parce que ce sont les Scorpions, tout simplement... Et que ce sont les Kitsu qui ont provisoirement la tête du clan.
- J'aurais presque de la peine pour nos ennemis, gouverneur.
- Il y aurait de quoi, oui. Sauf qu'en face de nous, nous avons la crême des Lions : les Matsu ! Le général Kokatsu en l'occurrence. S'il n'est pas chef de sa famille, il en est pour le moment l'officier le plus réputé. Nos amis de la Grue vont déclarer très bientôt les guerres de printemps. Or, notre clan va se joindre à eux. Il se pourrait même que les Scorpions entrent dans la coalition.
- Tout le Gozoku contre le général Kokatsu ?
- Tu as compris. Que le drapeau des Lions flotte sur la Cité des Apparences est un affront quotidien !
- Et nous, au milieu de cela, devrons plier le genou face à Mitsurugi l'imposteur...
- Nous lui ferons comprendre que sa victoire sera de courte durée ! Il va s'emparer de notre Cité pour la deuxième fois... Qu'il en profite avant que les armées du Gozoku ne déferlent sur lui !

Anzaï avait encore en travers de la gorge les humiliations subies de la part du conseiller Sasuke et de ses aides. Comment ils l'avaient interrogé sans ménagement sur le Scorpion déchu Tange Sazen... Anzaï avait été vengé de ce traitement et se souvenait de la déchéance de Mitsurugi, envoyé par son général comme ambassadeur chez les Crabes !... Une déchéance que Mitsurugi allait lui faire durement payer à coup sûr.


Samurai


Mitsurugi accorda une halte à son armée, pour contempler à loisir la petite Cité qui se dressait devant eux. Il descendit de cheval et fit venir Hida Yasashiro. Le grand Crabe, qui accompagnait notre héros en remerciement des services rendus au clan, mit sa main sur le front et toisa les murs derrière lesquels montait le soleil.
- Qu'en penses-tu ? lui dit Mitsurugi.
- Ma foi, j'ai plus l'habitude de défendre un mur que d'en abattre... Mais je dirais que ces fortifications céderaient au premier assaut... Je les abattrais d'un coup de tetsubo !
- Parfait... Les Phénix doivent bien le savoir. Inutile de provoquer des violences inutiles quand ce clan préfère toujours les solutions pacifiques...
Mitsurugi le savait assez, pour avoir souffert toute sa jeunesse, comme la famille Shiba dans son ensemble, des discours lénifiants de la famille Isawa sur la paix et l'harmonie ; pour avoir vu gâchées nombres d'occasions d'en découdre par les armes avec une cité voisine. Tant pis pour eux aujourd'hui : il leur proposerait de se rendre sans combattre, puisque c'était là leur idéal !

Suivi d'Ikoma Noyuki, qui était de bon conseil et habile à la parole, Mitsurugi avança vers la Cité, précédé d'un porteur de drapeau blanc. Il fit venir Yasashiro avec lui :
- Tu vas voir, ami Crabe, comment on gagne une guerre contre les Phénix... C'est autre chose qu'un combat contre une armée de démons !

Shiba Anzaï et sa garde attendaient à la porte. Ils n'avaient pas fier allure face aux Lions dans leurs armures rutilantes. L'ombre de la défaite était déjà sur eux.
- Salutations, gouverneur, dit Mitsurugi, la poitrine gonflée. Je viens t'adresser mes remerciements.
- Tes remerciements ? dit Anzaï, qui s'attendait à tout sauf à cela, et qui craignait le pire.
- Oui, mes remerciements pour avoir dirigé cette ville en mon absence, pendant que de plus hautes responsabilités m'appelaient loin d'ici, sur le front de guerre le plus dangereux de l'Empire.
Anzaï déglutit et répondit posément :
- Ta réputation te précède déjà, Mitsurugi-san. On dit que tu as vaillamment combattu les démons.
- C'est exact. Et toi, pendant ce temps, tu as veillé, avec ton sens de la justice et de la droiture, sur cette bonne Cité.
- Entre donc prendre un verre, Matsu Mitsurugi. Mais de grâce, viens sans ta soldatesque.
- D'accord, répondit Mitsurugi sans hésiter. Tu me permettras juste de faire venir mes deux amis et conseiller : Ikoma Noyuki, le grand poète lyrique et Hida Yasashiro, un grand combattant qui a repoussé à lui seul des vagues et des vagues de démons.
- Tes amis sont mes amis...
Mitsurugi dit à ses officiers que tout se passerait bien. Les trois samuraï entrèrent dans la Cité, dont notre héros huma l'air comme s'il retrouvait sa ville natale. Ikoma Noyuki prenait mentalement des notes sur ce qu'il relaterait de cette journée. Yasashiro trouvait l'endroit mignon, joli, un peu comme une maison de poupée. On n'était bien loin des villes fortifiées et massives de son clan. C'était à se demander s'il n'y avait pas que des femmes qui vivaient dans une cité si peu défendue et si propre !
On servit aux invités le thé de bienvenue. Mitsurugi avait à peine eu besoin de préparer son argumentaire : en pareilles circonstances, il n'avait pas son pareil pour faire preuve d'un culot inouï dans ses demandes. Jouer les bravaches était une seconde nature pour lui, ou même désormais sa première nature, tant il se sentait à l'aise dans l'uniforme des Lions !


Samurai


- La Cité du Levant a toujours été comme un prolongement de la Cité des Apparences.
Mitsurugi savait qu'il jouait gagnant. Après un hiver de rude diplomatie, il avait perdu son côté diplomate et gagné en rudesse. Il venait pour reprendre sa ville et ne ferait aucun quartier à Shiba Anzaï.
- Tu arrives ici en territoire conquis, dit amèrement le Phénix, alors que tu as quitté bien brusquement cette Cité.
- Je te l'ai dit, des affaires plus urgentes m'appelaient sur la Muraille. Comme la première fois, je ne serai pas ingrat envers vous. Vous êtes d'excellents administrateurs, vous les Shiba. Les Isawa, j'imagine, vous ont appris l'art de la patience et du compromis...
Anzaï devait avaler sans broncher cette nouvelle vacherie.
- Mais quand il s'agit de commander, ce sont les Matsu qui sont les mieux désignés, chacun en convient.
- Tu n'ignores pas que dans moins d'un mois, les Grues vont marcher sur vous.
- Ils vont marcher "vers" chez nous, nuance. "Sur" nous, je demande à voir, Shiba Anzaï. Et puisque tu évoques le sujet, je compte bien faire de la Cité du Levant l'avant-poste de la Cité des Apparences.
Anzaï savait bien qu'il était inutile de discuter.
- Vous devriez me remercier de vous décharger des dures tâches du gouvernement de cette ville. Vous pourrez retourner tout à votre aise à vos études, là où les Shiba, de l'avis de tous, excellent... De plus, contrairement à certains seigneurs de mon clan, je ne suis pas si cérémonieux. Je ne désire pas que la remise des clefs de la ville se fasse en grande pompe. Je ne fais que reprendre le trône que j'avais laissé vacant pour l'automne et l'hiver... Je me contenterai de traverser la ville, afin que tout le monde soit bien au courant de mon retour, et dès que notre étendard flottera sur la plus haute tour, c'en sera terminé de ces formalités... Tu vois, je respecte au mieux la manière conciliante de la famille Isawa. J'espère que tu m'en sauras gré.

Ikoma Noyuki notait les paroles de Mitsurugi, stupéfait et amusé du culot incroyable de son ami.
Pour la forme, Mitsurugi ressortit de la ville et rejoignit son armée :
- Avant le coucher du soleil, nous rentrerons pour de bon, dit notre héros, avec assurance. Sinon, gare à eux.
Alors que les ombres s'allongeaient en fin d'après-midi, Yatsume revint du chemin de l'est. Elle avait passé la journée sur les frontières des Phénix et des Grues, pour observer les mouvements de troupes :
- Je viens rendre compte, dit-elle, en s'agenouillant devant Mitsurugi qui attendait l'heure de la reddition devant un feu, entouré de ses lieutenants.
- Nous t'écoutons.
- Des Shiba font route vers nous.
- Ont-ils franchi la frontière ?
- Ils ne sont qu'à une demi-journée de cette Cité.
- Donc ils ont franchi notre frontière, dont je viens de rappeler le véritable tracé, c'est-à-dire après la Cité du Levant.
- C'est exact.
- Bien, alors nous allons presser un peu l'ami Shiba Anzaï, car je compte bien prendre le souper dans mon palais. Et recevoir cette délégation de l'est avec les honneurs qui lui sont dûs... C'est-à-dire une réception s'ils viennent amicalement, avec une volée de flèches dans le cas contraire !
Tout le monde rit. Mitsurugi se leva avec entrain. Ce fut le signal de la mise en branle de l'armée. On allait secouer les puces de ces Shiba trop mous ! Les faire aller à la cadence Matsu ! Qu'ils prennent le rythme, car le printemps promettait d'être guerrier !

Mitsurugi traversa la Cité, en fanfaronnant juste comme il faut. Il reçut les clefs de la ville de Shiba Anzaï. La garnison de soldats Phénix fut invitée à aller loger à l'auberge, avant son départ le lendemain. Les Matsu prirent possession des lieux et Mitsurugi invita les dignitaires Phénix à sa table le soir. Plusieurs se firent porter pâles, prétextant une période de jeûne.
- Voilà une affaire rondement menée, dit Mitsurugi, comme on allumait un bon feu dans la cheminée.
- Les Phénix vont être furieux, dit Yasashiro.
- Bah ! Des Phénix furieux, c'est plus calme qu'un Lion endormi ! Ils vont un peu froncer les sourcils puis repartir chez eux, méditer sur les vertus de l'apaisement et de l'harmonie universelle ! Crois-moi, j'en sais quelque chose !...
Mitsurugi avait souffert toute sa jeunesse de ces discours lénifiants ! Encroûté à son poste de sergent de la Cité de l'Or Bleu, il s'apprêtait à mener la vie sans surprise d'un petit officier de la côte, à regarder le bon peuple pêcher son poisson et boire des coups à l'auberge !
- Je dois retourner demain à la Cité des Apparences, dit Noyuki. Le général Kokatsu me réclame auprès de lui au plus tôt.
- Va, va ! Il ne se passera rien d'épique dans les jours qui viennent ! Garde ton encre de poète pour raconter les batailles furieuses qui vont se dérouler quand les Grues vont arriver en nombre !
- Je demande la faveur de retourner aussi à la Cité des Apparences, dit Yatsume.
- Alors quoi, mes amis ? Vous m'abandonnez tous ? Vous n'êtes pas bien ici, non ?
- Moi, je reste, dit Yasashiro.
- J'ai besoin de toi pour servir de muraille est à la ville, ami Crabe !
- D'accord.
Ces Hida, toujours à tout prendre au premier degré !

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#2
Haha, bien vu le coup des remerciements, bien dans l'esprit Mitsu lol
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#3
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE


- La Cité du Levant a toujours été comme un prolongement de la Cité des Apparences.
Mitsurugi savait qu'il jouait gagnant. Après un hiver de rude diplomatie, il avait perdu son côté diplomate et gagné en rudesse. Il venait pour reprendre sa ville et ne ferait aucun quartier à Shiba Anzaï.
- Tu arrives ici en territoire conquis, dit amèrement le Phénix, alors que tu as quitté bien brusquement cette Cité.
- Je te l'ai dit, des affaires plus urgentes m'appelaient sur la Muraille. Comme la première fois, je ne serai pas ingrat envers vous. Vous êtes d'excellents administrateurs, vous les Shiba. Les Isawa, j'imagine, vous ont appris l'art de la patience et du compromis...
Anzaï devait avaler sans broncher cette nouvelle vacherie.
- Mais quand il s'agit de commander, ce sont les Matsu qui sont les mieux désignés, chacun en convient.
- Tu n'ignores pas que dans moins d'un mois, les Grues vont marcher sur vous.
- Ils vont marcher "vers" chez nous, nuance. "Sur" nous, je demande à voir, Shiba Anzaï. Et puisque tu évoques le sujet, je compte bien faire de la Cité du Levant l'avant-poste de la Cité des Apparences.
Anzaï savait bien qu'il était inutile de discuter.
- Vous devriez me remercier de vous décharger des dures tâches du gouvernement de cette ville. Vous pourrez retourner tout à votre aise à vos études, là où les Shiba, de l'avis de tous, excellent... De plus, contrairement à certains seigneurs de mon clan, je ne suis pas si cérémonieux. Je ne désire pas que la remise des clefs de la ville se fasse en grande pompe. Je ne fais que reprendre le trône que j'avais laissé vacant pour l'automne et l'hiver... Je me contenterai de traverser la ville, afin que tout le monde soit bien au courant de mon retour, et dès que notre étendard flottera sur la plus haute tour, c'en sera terminé de ces formalités... Tu vois, je respecte au mieux la manière conciliante de la famille Isawa. J'espère que tu m'en sauras gré.

Ikoma Noyuki notait les paroles de Mitsurugi, stupéfait et amusé du culot incroyable de son ami.
Pour la forme, Mitsurugi ressortit de la ville et rejoignit son armée :
- Avant le coucher du soleil, nous rentrerons pour de bon, dit notre héros avec assurance. Sinon, gare à eux.
Alors que les ombres s'allongeaient en fin d'après-midi, Yatsume revint du chemin de l'est. Elle avait passé la journée dans les collines, sur les frontières des Phénix et des Grues, pour observer les mouvements de troupes :
- Je viens rendre compte, dit-elle, en s'agenouillant devant Mitsurugi qui attendait l'heure de la reddition devant un feu, entouré de ses lieutenants.
- Nous t'écoutons.
- Des Shiba font route vers nous.
- Ont-ils franchi la frontière ?
- Ils ne sont qu'à une demi-journée de cette Cité.
- Donc ils ont franchi notre frontière, dont je viens de rappeler le véritable tracé, c'est-à-dire après la Cité du Levant.
- C'est exact.
- Bien, alors nous allons presser un peu l'ami Shiba Anzaï, car je compte bien prendre le souper dans mon palais. Et recevoir cette délégation de l'est avec les honneurs qui lui sont dûs... C'est-à-dire une réception s'ils viennent amicalement, avec une volée de flèches dans le cas contraire !
Tout le monde rit. Mitsurugi se leva avec entrain. Ce fut le signal de la mise en branle de l'armée. On allait secouer les puces de ces Shiba trop mous ! Les faire aller à la cadence Matsu ! Qu'ils prennent le rythme, car le printemps promettait d'être guerrier !

Mitsurugi traversa la Cité, en fanfaronnant juste comme il faut. Il reçut les clefs de la ville de Shiba Anzaï. La garnison de soldats Phénix fut invitée à aller loger à l'auberge, avant son départ le lendemain. Les Matsu prirent possession des lieux et Mitsurugi invita les dignitaires Phénix à sa table le soir. Plusieurs se firent porter pâles, prétextant une période de jeûne.
- Voilà une affaire rondement menée, dit Mitsurugi, comme on allumait un bon feu dans la cheminée.
- Les Phénix vont être furieux, dit Yasashiro.
- Bah ! Des Phénix furieux, c'est plus calme qu'un Lion endormi ! Ils vont un peu froncer les sourcils puis repartir chez eux, méditer sur les vertus de l'apaisement et de l'harmonie universelle ! Crois-moi, j'en sais quelque chose !...
Mitsurugi avait souffert toute sa jeunesse de ces discours lénifiants ! Encroûté à son poste de sergent de la Cité de l'Or Bleu, il s'apprêtait à mener la vie sans surprise d'un petit officier de la côte, à regarder le bon peuple pêcher son poisson et boire des coups à l'auberge !
- Je dois retourner demain à la Cité des Apparences, dit Noyuki. Le général Kokatsu me réclame auprès de lui au plus tôt.
- Va, va ! Il ne se passera rien d'épique dans les jours qui viennent ! Garde ton encre de poète pour raconter les batailles furieuses qui vont se dérouler quand les Grues vont arriver en nombre !
- Je demande la faveur de retourner aussi à la Cité des Apparences, dit Yatsume.
- Alors quoi, mes amis ? Vous m'abandonnez tous ? Vous n'êtes pas bien ici, non ?
- Moi, je reste, dit Yasashiro.
- J'ai besoin de toi pour servir de muraille est à la ville, ami Crabe !
- D'accord.
Ces Hida, toujours à tout prendre au premier degré !


Samurai


La horde ténébreuse de cavaliers était ranimée. La nuit sans lune éclairait de ses mille étoiles ces spectres de la grande ombre vivante, qui formaient un demi-cercle face à nos héros. Comme ils s'apprêtaient à charger, armés de leurs lances pleines d'épines, Sasuke pratiqua une rapide invocation et fit jaillir une barrière de flammes. Les cavaliers reculèrent en sifflant comme des serpents.
- Cela devrait les retenir un moment.
Yojiro regarda le fossé qui s'était ouvert derrière eux, qu'ils avaient peu de chances de franchir en sautant :
- J'aperçois une "table" naturelle, à quelques pieds en-dessous...
Le rônin sortit de la corde de son sac.
- Tu avais tout prévu, dit Sasuke.
- Je déteste la montagne, et c'est pour cela que je prévois tout.
Il enroula en vitesse la corde autour d'un rocher et autour de la taille de la fille.
- Je vais la descendre la première...
- Fais attention à elle, hein !
C'était vraiment la première fois que Sasuke se souciait autant de quelqu'un... Il avait dit que c'était sa cousine, cette fille...
- Elle s'appelle comment ?
- Isawa Ayame...
- Bien, alors nous allons faire attention à mademoiselle Ayame...
Sasuke gardait l'oeil sur les cavaliers. Sa barrière de flammes diminuait déjà. Il vit quelqu'un se précipiter sur les cavaliers, en frapper un à la jambe de son yari, puis sauter au travers des flammes.
Sasuke recula et se mit en garde : c'était un samuraï portant une armure de la famille Shiba. Il se releva péniblement :
- Qui es-tu ?
Le bushi paraissait humain. Il enleva son masque, révélant un visage de femme :
- Shiba Ikky, pour te servir... Je suis le garde du corps de cette femme. Hé, que fais-tu ?
Yojiro avait pris Ayame dans ses bras et s'approchait du bord de la falaise :
- Mon rônin est en train de nous trouver une sortie, dit Sasuke.
- Il va falloir nous expliquer.
- Plus tard, si tu veux bien...
Les flammes allaient s'éteindre.
Yojiro descendit Ayame, passa à la suite. Sasuke et Ikky passèrent les derniers. Tout le monde tenait sur l'étroit promontoire qui dépassait de la falaise. Les cavaliers approchèrent du bord et reçurent une déflagration flamboyante de Sasuke. Deux des monstres s'enflammèrent comme de la poix et tombèrent dans le ravin sans un cri.
- Moi aussi j'ai de la corde, dit Ikky.
Le fond n'était plus si loin. On entendait le murmure d'une rivière.
- Ne perdons pas de temps.
Sasuke fit jaillir des flammes de ses mains : il n'y avait que quelques mètres à sauter. Il se jeta dans le vide et se reçut dans l'eau.
- Envoie-la moi, dit-il à Yojiro, mais attention !
- Oui, fais bien attention ! dit Ikky.
- D'accord, d'accord, ohlala !
Il s'accroupit et fit descendre en douceur la fille.
- Toi, ma jolie, tu as un cousin et une yojimbo pour te soigner, tu ne connais pas ta chance.
- Lui, son cousin ? dit Ikky.
- C'est ce qu'il dit. Je ne suis pas au courant des histoires de famille, moi ! Je fais ce qu'on me dit, hein...
- Ayame ne me dit pas tout, c'est vrai, mais elle ne m'a jamais parlé de son cousin... Comment s'appelle t-il ?
- Matsu Sasuke.
- Un cousin Lion ?... Je comprendrais qu'elle m'ait caché ça...
- Vous descendez, cria Sasuke, ou vous campez là ?
Les cavaliers d'ombre ruaient toujours, furieux, en haut de la falaise. Yojiro et Ikky sautèrent. Le premier soin de la yojimbo fut de voir si Ayame n'avait pas reçu de coups...
- Elle a le sommeil lourd la demoiselle, dit Yojiro.
- Elle a reçu un sacré choc...
- Pressons, pressons...
Nos héros suivirent la rivière à la lumière des étoiles. Elle descendait en pente raide. Les cavaliers n'avaient pas renoncé à la poursuite, car la tenacité de l'Ombre est infinie. Maintenant, ils se liquéfiaient peu à peu et coulaient au bas de la falaise comme un sang noir épais et bouillonnant. Sasuke se retourna, invoqua les esprits de la terre : abaissant violemment les bras, il fit s'effondrer la paroi. La substance gluante fut ensevelie sous les monceaux de rochers.
- Cela ne suffira pas, mais nous donnera de l'avance.
- Nous avons des choses à nous dire, fit Ikky.
- J'ai bien l'impression...
Ils coururent de plus en plus vite. Yojiro et Ikky se relayaient pour porter Ayame. Ils couraient, couraient, dans une obscurité de plus en plus complète. Ils se retournaient pour voir si leurs poursuivants gagnaient sur eux et, dans leur empressement, ne prêtaient même plus attention à la rivière, qu'ils avaient quitté depuis longtemps. Le chemin traversait la nuit. Ils étaient en sueur et c'est Yojiro qui, d'un coup, poussa un cri :
- Arrêtez !
- Quoi ?
- Ne bougez plus !
- Mais quoi enfin ?
- On ne bouge plus, murmura Yojiro. Baissez les yeux doucement, regardez...
Nos héros s'aperçurent alors qu'ils marchaient au-dessus du vide ! Le chemin sous leurs pieds était invisible !
Ils flattaient au milieu des étoiles !
- Qu'est-ce que c'est que cette sorcellerie ! dit Ikky.
L'Ombre reformait ses créatures sous forme de samuraï. Au bord de la falaise, ceux-ci voulurent avancer mais chutèrent dans le trou sans fin.
Yojiro éclata de rire et leur envoya un bras d'honneur :
- Allez voir en bas si on y est !
Sasuke vit plus loin une grande flamme verte qui s'élevait majestueusement vers les constellations. Elle irradiait une aura où se mêlaient des esprits des quatre éléments.
- Une puissante magie... C'est elle qui nous protège, dit le shugenja. Allons-y.
Ils coururent à la flamme. Celle-ci éclairait un chemin délimité par deux rangées de lucioles. Nos héros voyaient des météores tourbillonner dans l'immense ciel nocturne, partout autour d'eux. Ce jour-là, Ikky eut une bonne idée de ce qu'Ayame voyait, du temps où elle prenait encore de l'opium !
En suivant les lucioles, nos héros arrivèrent en vue d'un temple. Le chemin les menait vers la terrasse au troisième étage. Quatre boules crépitantes, éblouissantes comme le soleil, tournaient autour du bâtiment. On apercevait le sol, bien plus bas.
- Je reconnais cet endroit, dit Sasuke...
Ils mirent pied sur la terrasse, ouvrirent le panneau en bois et entrèrent dans le temple.
- Vous croyez qu'on a le droit d'entrer comme ça ? demanda Yojiro, qui trouvait l'endroit assez à part pour être sacré.
- Nous ferons nos excuses au maître des lieux, s'il le faut, dit Sasuke, mais je suis d'abord curieux de voir à quoi il ressemble.
Yojiro ne pouvait pas reconnaître ce temple aux météores. Pour cause, il n'était jamais venu dans les Limbes. Quand nos héros y étaient entrés, le rônin traquait ailleurs l'ignoble Petite Vérité. Sasuke, lui avait reconnu le temple aérien qui flottait au-dessus de la route menant du village des Limbes au temple de l'Empereur Hanteï oublié. Ce lieu correspondait à la case en-dessous de celle de Petite Vérité, l'étrange cercle d'or sur fond bleu.

[Image: attachment.php?aid=31]


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#4
Que c'est bien, mes aïeux que c'est bien biggrin
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#5
Ça ne faut pas un bon polar japonais, mais ça se défend smile
Tu as 20 minutes pour publier la suite, histoire que je ne m'ennuie pas en attendant que les avions décollent... :(
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#6
CHRONIQUES DE L'EMPIRE DES FLAMMES ULTIMES



... Et Sasuke devint Suprême Grand Maître du Vide Enflammé et régna sur le Paradis Céleste aussi bien que le Monde du Massacre. Roxx


...


Chuis dans les temps ! biggrin
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#7
Well done my young apprentice...
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#8
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE



Nos héros firent quelques pas sur un plancher vernis. Son craquement était à peine perceptible. Ils entrèrent dans une pièce où brûlait une flamme verte semblable à celle qu'ils avaient aperçue dehors. Un panneau était ouvert sur la terrasse. Sasuke sortit et reconnu l'île grise des Limbes : au loin, l'arbre géant, le village, la maison de Neko, les falaises, le champ de bataille, les marécages, la demeure du Hanteï oublié.
Les trois météores frôlaient le temple en tourbillonnant dans son orbite, passant dans un souffle puissant, projetant leurs rayons solaires sur le temple, avant de l'abandonner à l'obscurité.
Le temple grinçait doucement,régulièrement comme un bateau sur une mer calme. Yojiro retrouvait son pied marin, comme à l'époque où il protégeait les bateaux marchands de sa famille.
Sasuke rentra et s'assit devant la flamme verte. Il lui fallait ressentir les esprits habitant ces lieux. Il se mit en tailleur et entra en une transe méditative. Il avait ordonné qu'on le laisse seul avec Ayame non loin de lui. Ikky n'avait pas voulu sortir de la pièce.
Yojiro sortit, curieux de découvrir ce temple aérien. Il sifflotait, impatient de découvrir s'il n'y avait pas des cuisines... Son estomac réclamait. Ils avaient crapahuté au grand air, fait de l'escalade, couru, ça ouvrait tout de même l'appétit !
Il entendit un puissant ronflement qui provenait de la pièce d'à côté, ainsi qu'une forte odeur, comme celle d'un ours ou d'un autre gros prédateur. Le rônin mit sa main sur sa garde et ouvrit le panneau. Ses yeux durent s'habituer à l'obscurité. Il sentait la présence d'une grosse créature. Il vit alors un énorme oeil vert dont la paupière se soulevait et qui projetait sa lueur phosphorescente. Yojiro, impressionné, recula. Il vit des naseaux fumer, sortit son sabre. Quel monstre était tapi dans ce temple hors du monde ?


Samurai


Sasuke entamait son rituel de prière. La flamme s'intensifia, jaillit deux fois plus forte et le spectre d'un Ize-Zumi aux yeux emplis de flammes vertes apparut :
- Je suis le gardien de ces lieux, mortel et tu as requis ma présence. Ta magie est puissante, pour avoir réussi à me convoquer.
- Je suis Matsu Sasuke, initié aux arcanes de la magie, enfant préféré du Feu.
- Les flammes te protègent, Sasuke. C'est mon maître qui a voulu t'inviter chez lui. Il t'a ouvert ce passage vers ces Limbes où les dieux l'ont reclus à jamais.
- Je serais honoré de rencontrer ton maître.
- Il va t'inviter, sois sans crainte...
L'esprit-gardien disparut dans les flammes. Ayame remuait. Ikky se précipita pour l'aider à s'adosse au mur. La shugenja gémit. Elle était bien pâle et percluse de douleurs.
- Comment allez-vous ?
- Bien, bien...
Elle se réveilla complètement en voyant les flammes vertes et ce shugenja assis en tailleur.
- Qui est-ce ?
- Il dit être votre cousin...
- C'est faux, jamais je n'ai eu...
Ikky regarda Sasuke avec méfiance :
- Ma maîtresse dit ne pas te connaître.
- Nous avons pourtant des choses à nous dire, dit Sasuke, très sûr de lui, car je suis venue à elle en rencontrant un certain Goju dans la Bibliothèque de la Cité des Mensonges...
Goju... Bibliothèque... Cité des Mensonges... Ces mots n'étaient pas tombés dans l'oreille d'une sourde !
- Ikky, il faut que tu nous laisses, dit Ayame.
- Pardon ?
- Je dois discuter avec ce Lion !
- Ce serait bien une première...
- C'est bien la première fois qu'un Matsu m'intéresse, oui...
- Vous oubliez Matsu Bashô !
Ayame n'aimait toujours pas être contrariée.
- Allons, va, je suis sure que je peux lui faire confiance...
- Mouais... Je vais aller voir où est passé le rônin...
- Quel rônin ?
- Un rônin à mon service, dit Sasuke.
- Bien, bien...
Ayame se fichait de ce rônin comme de ses premières chaussettes. Elle s'approcha des flammes, plus curieuse que jamais. Dès que la yojimbo fut sortie, elle dit, avec son air de conspiratrice aguerrie :
- Qui es-tu ?
- Mon nom est Matsu Sasuke. Un quêteur de savoir et de sagesse...
- Une drôle de sagesse on dirait, pour que tu retrouves ma trace à la Bibliothèque de la Cité des Mensonges.
- Je vais là où le savoir est le plus ancien et le plus intéressant.
- Tu as rencontré Goju ?...
- Ou un de ses amis. Brièvement, cependant. Juste assez pour qu'il me dise où se trouve l'entrée de la Cité des ombres sous la Cité des Mensonges.
- Quoi ? Tu plaisantes ?
- Pas du tout.
Ayame enrageait : jamais personne ne lui avait parlé d'une telle cité ! Ni Nahoko, ni Kitabakate, ni Emmon, ni Nakiro ne lui en avaient soufflé mot et c'était ce Lion qui lui annonçait tranquillement cela, avec ses beaux airs qui, malédiction !, n'étaient pas sans rappeler l'assurance insupportable de Kakita Hiruya !... Une cité cachée sous la capitale des Scorpions... Si elle avait su, elle y aurait passé ses nuits ! Elle aurait acheté un palais !
- C'est en voyageant dans cette Cité, continuait le shugenja, que je t'ai aperçue, entre autres visions. Je t'ai vue, enfermée dans cette pièce sertie de cristal. Qu'y cherchais-tu ?...
- Je lisais les mémoires de l'inquisiteur Kitsuki Kaagi.
- Je ne le connais pas.
- Il faisait partie des Magistrats d’Émeraude.
- Donc avant le Gozoku...
- Pardon ?
- Je dis : avant le Gozoku.
- Non, bien après voyons...
Ayame ne comprenait plus. Sasuke non plus.
- Je voulais dire, précisa Sasuke : s'il était dans la magistrature d'Emeraude, c'était donc avant que le Gozoku ne dissolve ce groupe pour le remplacer par le shinsen-gumi...
- Mais que dis-tu ?...
Ayame plissa les yeux :
- Où sommes-nous exactement ?
- Dans les Limbes, dit Sasuke. Un monde perdu, où sont envoyées des créatures déchues par les Dieux.
- Tu as parlé du Gozoku... Je ne comprends pas.
- Voyons, je parle du gouvernement formé par les Phénix, les Grues et les Scorpions !
- J'entends bien, mais...
Comme ils n'étaient pas bêtes, ils commençaient à comprendre. Ils se demandèrent en même temps :
- A quelle époque vis-tu ?...
Ils sourirent. Tous deux comprirent ce qui s'était passé, si incroyable que cela soit : ils avaient traversé les époques ! Tous deux en avaient assez vu en matière de magie et d'ombre pour envisager ce genre de choses. Au coeur des Limbes, perdus dans ce non-monde, après avoir traversé les royaumes des ombres... qu'est-ce qui pouvait encore les surprendre ?
Le coeur d'Ayame palpitait : elle se trouvait face à un samuraï ayant vécu à l'époque du Gozoku ! Elle allait enfin tout apprendre ! Les Dieux (ou l'Ombre) avaient décidé de lui faire boire à la fontaine de savoir intarissable qu'elle avait cherchée toute sa vie !... Du coup, Ayame doutait d'être encore vivante... Est-ce que seuls les morts n'ont pas accès à un tel savoir ? Est-ce qu'un vivant y résisterait ?...
- Faisons un peu mieux les présentations, proposa Sasuke.
Ils se racontèrent chacun leurs histoires.
Sasuke narra brièvement son enfance chez les tensaï de la famille Isawa, sa déchéance, son errance dans Rokugan. Puis leur entrée chez les Matsu, l'hiver terrible sur la Muraille.
Ayame frissonnait : tous les noms que Sasuke évoquait, elle les connaissait ! Elle allait tout lui demander sur chacun des personnages de la cour légendaire du Gozoku ! Quitte à y passer des mois !
- Tu as rencontré bien sûr Bayushi Tangen ?
- Je dirais qu'à l'heure actuelle, c'est un de mes pires ennemis, dit Sasuke.
Ayame ne savait vers quel dieu se tourner pour le remercier !
- Mais à toi, à présent, dit le shugenja.
Ayame raconta à son tour qu'elle avait vécu à l'époque du dernier Empereur Hanteï puis de l'avènement de Toturi Ier.
- La chute de la dynastie Hanteï, dit Sasuke. Intéressant...
Ayame continua en racontant comment elle avait eu, peu à peu, vent de l'existence de l'Ombre, ainsi que d'une conspiration vouée à renverser l'Empereur : le Kolat.
- C'est donc comme ça qu'ils se nomment, dit Sasuke. Et ils existent donc encore à ton époque, ces maîtres du Kolat... Ils sont aussi éternels que l'Empire, on dirait...
- Oui.
A eux deux, ils mirent à plat quels étaient les plans de la conspiration : renverser l'Empereur, ce pantin des dieux, libérer les hommes de ce joug et fonder enfin un Ordre Céleste parfait, une Roue du Destin où l'homme serait délivré des réincarnations sans fin.
- Mais si le Kolat faisait une chose pareille, dit Ayame, il n'aménerait pas la Roue du Destin à sa perfection, il la détruirait purement et simplement, et nous partirions dans un nouveau cycle... Le Kolat n'a pas compris que lui aussi fait partie du tourbillon des réincarnations. J'ai mis du temps à comprendre cela. Ils ne pourraient au pire, s'ils réussissaient, que provoquer de nouvelles souffrances... Le monde est bien mal fait, n'est-ce pas ?...
- Tu connais leur identité, aux maîtres de la conspiration ?
- A certains, oui. Et toi ? dit Ayame, qui n'y tenait plus.
- Je soupçonne certaines personnes, et j'en ai démasqué une.
- Dis !
- Maître Nuage... Il n'est autre que mon ancien maître, Isawa Masaakira, le Maître du Vide.
- Ensuite ?...
- Je te soupçonne d'en savoir plus que moi, chère Ayame. Tu t'es renseignée sur l'époque du Gozoku et tu ne me dis pas tout, je me trompe ?
- Non, bien sûr. Jouons franc jeu, si tu es prêt à entendre la vérité.
- Je me suis préparé de longue date à l'entendre.
- Je connais l'identité de maître Cristal !
- Cristal, hein ? dit Sasuke, qui savait conserver en toutes circonstances un calme serein. J'ai des soupçons sur lui... Plus que des soupçons...
- Dis à qui tu penses.
- Bayushi Tangen... Inutile de me confirmer, tu t'es presque trahie tout à l'heure, en me parlant de lui.
- Connais-tu les autres ?
- Nous en avons démasqué un, maître Lotus.
Ayame haussa les épaules et vit que Sasuke comprenait : Lotus était juste le trésorier de la conspiration ! N'importe quel marchand ou douanier pourrait faire l'affaire ! Ce qu'il fallait, c'était les autres !
- Il y a aussi Saphir, le chef des assassins.
Ayame ne s'intéressait pas non plus à celui-là, simple exécutant des basses oeuvres.

Sasuke parla de Rêve et des techniques d'endoctrinements à long terme et comment il avait découvert l'Oeil de l'Oni.
- Ils en avaient donc deux, dit la shugenja.
- Celui de la montagne est enseveli pour de bon.
- Ils en ont un autre, méfie-toi.
- Où ça ?
- Ils en ont un autre, dans leur temple secret. Mais j'ignore où il se trouve.
- Un temple secret ? Je le trouverai.
- Il doit être férocement gardé.
- Je serai encore plus féroce qu'eux.
Ayame tiqua : cet air-là était vraiment celui de Hiruya !
- Et toi ? Que sais-tu de plus ?
Ayame répliqua en parlant du maître Cristal de son temps, Shosuro Emmon, comment elle l'avait fréquenté presque en ami. Puis elle dit qu'elle savait, par son ancien supérieur de la Magistrature d’Émeraude (mort un peu bêtement, mais enfin, bon, c'était un imprudent) qui était le grand maître du Kolat, lui-même !
Tac, ça il ne s'y attendait pas, Sasuke !
- Incroyable... Nous n'en sommes pas encore là, dit Sasuke.
- As-tu des soupçons sur le Grand Maître de ton époque ? Moi, je ne l'ai pas découvert.
- Je pensais que c'était Nuage.
- Non, je ne pense pas, dit sévèrement Ayame, qui reprochait presque à Sasuke cette conclusion hâtive. Il faut chercher quelqu'un d'autre.
- Je serais curieux de savoir qui peut commander à Nuage en personne.
- Ne te fie pas aux hiérarchies sociales. Le grand maître de ton temps peut être aussi bien un grand seigneur que le dernier des etas...
- Revenons à l'Ombre. Je dois en apprendre plus sur elle.
- Tu sais ce que nous risquons à l'affronter, dit Ayame, qui se souvenait de la mise en garde sinistre d'Emmon à ce sujet. Tu ne risques pas seulement ta vie ou ton honneur... Tu risques d'être détruit à jamais, effacé à jamais de la grande roue des réincarnations. L'Ombre ne tue pas : elle t'efface comme l'eau dilue l'encre.
- Je serai prudent.
- A d'autres ! Tu iras jusqu'au bout.
- On ne peut rien te cacher...
- En la matière, non. Tu ne sais pas ce que c'est que d'aller au fond des ténèbres...
- Tu y es allée toi ?
- Qui peut dire qu'il est allé au fond des choses ? On peut toujours plonger plus bas.
- Ne me tente pas.
- Oh, loin de moi cette idée voyons. Au fond, qui combats-tu et pourquoi ?
- Il y a deux choses, dit Sasuke... L'Ombre, je veux la connaître et la détruire pour le danger qu'elle représente.
- D'autres s'y sont essayés... Et à mon époque, près de dix siècle après toi, nous n'avons toujours pas réussi.
- Ce n'est pas une raison pour ne pas le faire.
- Juste. Ensuite ?
- Ensuite, je veux abattre la conspiration. Le Kolat, comme ils se nomment. D'abord, parce qu'ils veulent renverser l'Ordre Céleste.
- Mais aussi parce que tu en fais une affaire personnelle, je me trompe ?
- Tu as raison. Nuage était mon maître. Il m'a manipulé avec Rêve pour faire de moi un tueur. De plus, un ami à moi s'est sacrifié pour m'empêcher de commettre l'irréparable.
Sasuke raconta l'assassinat raté sur l'Empereur.
- Donc oui, Ayame, tu as raison, c'est une affaire personnelle. Je ne suis pas le samuraï le plus dévoué au code de l'honneur, mais là, j'ai été trahi et Nuage doit payer.
- De plus, tu veux te mesurer à lui. Vaincre ton maître, hein ?
- A quoi bon le nier ?
Ayame parla des autres personnages qu'elle avait rencontrée lors de sa quête effrénée de savoir. Les Nakiro, Kitabakate...
- Des personnages uniques en leur genre, dit Sasuke.
- A côté d'eux, les hommes paraissent bien ennuyeux, crois-moi. L'honneur nous rend fades. Ceux qui cherchent la connaissance et qui sont prêts à y risquer leur âme, voilà les seules personnes que je respecte ! Les autres se contentent de vivoter, en attendant de mourir de maladie ou à la guerre. Moi je me suis sacrifiée pour la connaissance ! Qui peut en dire autant ?
- Parle-moi un peu plus de ton époque.
Ayame raconta l'effondrement de la dynastie des Hanteï et comment le général Toturi finit par monter sur le trône d'Emeraude. Elle raconta son séjour à la Cité des Mensonges, puis elle en vint au plus important : la légende des 5 réincarnations.
- Qu'est-ce que cela ?...
- Un jeu dont nous ne sommes que des pions, à vrai dire, dit la shugenja. Un moine nous a révélé le secret de notre destin, à moi et aux personnes avec qui j'ai combattu : nous sommes unis sous un même destin, la 5e réincarnation d'autres âmes dont la tâche est de combattre et vaincre l'Ombre.
- Qui sont les premiers samuraï à avoir été pris dans ce destin commun ?
- Je parierais fort qu'il s'agit de toi et de plusieurs de tes connaissances. Ou peut-être toi et ces mêmes personnes dans une vie antérieure.
- Quatre ou cinq réincarnations nous sépareraient alors ?
- Oui, et chaque fois, ces personnes se retrouvent unies et doivent s'allier pour combattre l'Ombre. A chaque fois, elles échouent partiellement et le cycle se poursuit...
- Instructif. Cela signifierait que malgré tous mes efforts, l'Ombre ne sera pas vaincue.
- Non seulement tu ne pourras la détruire, Sasuke, mais dans les siècles qui nous séparent, elle ne fera que croître et gagner en puissance. A l'époque du Gozoku, elle a beaucoup moins d'influence qu'à la mienne.
- Tant pis, cela ne m'empêchera nullement d'essayer, si c'est le destin que les dieux ont tracé pour moi et mes compagnons.
- Sur ta route, tu retrouveras Cristal, j'en suis persuadée, comme moi je l'ai trouvé. Cristal est le lien entre le Kolat et l'Ombre.
- Tout est entremêlé, hein.
- Cristal est ton ennemi mortel mais aussi ton meilleur allié. Il veut te détruire mais il peut te sauver... Voilà une chose que les demeurés qui adhèrent à l'honneur ne peuvent pas concevoir ! Nous, nous pouvons voir au-delà des oppositions trop simples...
- Je n'en veux pas à Cristal particulièrement. Il a provoqué ma chute, mais c'était dans l'ordre des choses.
- La mort de ton ami aussi.
- Certes, mais Isawa Nobuyoshi, je le vengerai en tuant Nuage. Tandis que j'épargnerai peut-être Cristal...

Sasuke, courbaturé, se leva et s'étira. Ayame aussi. Ils sortirent sur la terrasse contempler l'île des Limbes.
- Je ne soupçonnais pas l'existence de ce monde, dit Ayame. J'ai encore tant à apprendre... Il va me falloir une nouvelle vie pour tout explorer...
- Je ne pense pas que tu sois morte.
- Après ce que j'ai lu dans le testament de Kitsuki Kaagi, je me demande ce qu'il me rattache encore au monde des vivants...
- Qu'as-tu lu de si terrifiant ?
- J'ai lu la fin du monde, Sasuke. Inéluctable, réglée d'avance comme une tragédie... Le monde est sorti du néant et finira par y retourner. La peur, le désir, les regrets nous anéantiront.
- Je ne suis pas disposé à céder, Ayame.
- Tu céderas comme les autres. Et plus tu résisteras et plus dure sera la déchéance.
- Je n'ai jamais accepté ces sentiments.
- Ils nous rongent tous.
- C'est une menace ?
- Mais non... Un simple avertissement...
- Au fait, où sont nos compagnons ?
Il devait y avoir des heures qu'ils discutaient et ils avaient complètement oublié Ikky et Yojiro !
Sasuke sentait qu'il était temps de changer de conversation... Revenir à des sujets plus terre à terre. Cette Ayame se complaisait dans ces sujets malsains. Elle voulait entraîner Sasuke dans sa misère...

Ils cherchèrent Ikky et Yojiro dans les pièces et les trouvèrent, endormis, poings fermés, heureux comme des bébés. Et à côté d'eux, presque les couvant comme une mère, un Dragon, un vrai Dragon, énorme, aux écailles cuivrées, aux yeux phosphorescents, qui occupait à lui seul toute la salle de réception du temple aux météores !
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#9
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE


Le Dragon inspira par ses puissants naseaux, remua, détendit ses ailes en acier, grinça des écailles, cligna des yeux.
Fascinés, Sasuke et Ayame n'osaient pas remuer. Sans avoir besoin d'ouvrir la bouche, le Dragon leur parla directement :
- Je ne pensais pas réunir chez moi un si beau couple...
- Tu nous flattes, Dragon, dit Sasuke. Mais je devine que tu avais le pouvoir de prédire qu'un jour cette réunion aurait lieu.
- C'est exact, j'ai le pouvoir de voir clair dans la grande roue du dharma... Sais-tu qui je suis, Sasuke ?
- Un Dragon élémentaire. Pour être emprisonné dans les Limbes, tu as dû commettre un crime très grave contre les Dieux.
- C'est vrai... Mon nom est, dans la langue primordiale des dieux, Kel'welk'rgna't'ok'lâ'a-r'krt'seoc'la'tk... Je suis le Dragon du Soleil, modelé par Dame Soleil à partir de ses premiers rayons du matin. Je devais être l'aurore qui éclaire le monde, le premier de tous les Dragons... J'étais son fils aîné, son préféré en quelque sorte. Chéri, choyé, j'ai fini, dans ma jeunesse, par finir un enfant gâté. Je me suis rebellé contre ma mère. J'aurais voulu prendre sa place. Mes frères les Dragons des quatre éléments se sont ligués contre moi et après une bataille titanesque, j'ai été vaincu. Entre temps, notre combat a ravagé une partie du monde, autrefois fertile et transformé depuis en enfer stérile. Cette région que vous nommez les Sables Brûlants. Pour me punir, j'ai été exilé dans les Limbes pour y expier mon orgueil...
- Sortiras-tu un jour de cette prison ?
- Le temps de ma libération n'est plus si loin. Je retournerai dans les Sables Brûlants et c'est là que, moi aussi, je rencontrerai la mort.
- Tout est déjà joué pour toi ?
- Oui, Sasuke. Et ton destin est déjà lié au mien. Nous nous reverrons dans les Sables Brûlants. Dans plusieurs années pour moi, qui ne sera pour moi que le temps d'un clin d'oeil... Ce jour-là, toi aussi, tu rencontreras la mort. Ainsi sont tressés les fils de ton kharma.
- Je serai prêt à ce sacrifice.
- Il nous reste si peu de temps, Sasuke. Il te reste, à toi surtout, si peu de temps, pour percer les secrets des arcanes élémentaires.
- A l'école des tensaï, j'en avais découvert deux, dit Sasuke. L'arcane du feu, puis celle de la Terre. Je crois en avoir découvert une quatrième récemment. C'est Rêve qui me l'a révélée malgré lui, quand il m'a exposé à l'Oeil de l'Oni.
- La magie de cet artefact est très puissante. C'est bien pour toi la troisième arcane, qui te permet d'entrevoir l'avenir.
- Je n'ai que des visions très floues.
- Pour un mortel comme toi, c'est déjà beaucoup. A mesure que tu progresseras, les visions deviendront de plus en plus nettes. Mais sache qu'il n'est pas permis à un mortel de tout voir dans le monde et dans le temps...
- Je suis à la recherche des deux dernières arcanes maintenant.
- La quatrième, dit le Dragon, c'est moi qui l'ai forgée. L'arcane du soleil ne pourra t'être révélée que si tu te trouves un jour sous le soleil à l'heure où il atteint son apogée dans le ciel. Cela ne se produit dans ton monde qu'au solstice d'été, sur la ligne équatoriale de ton monde.
- Je me rendrai là-bas en temps et en heures.
- Pour le peu de géographie que je connais, dit Ayame, la ligne équatoriale passe sur la côte sud des Royaumes d'Ivoire, chez les barbares.
- Yojiro est déjà allé là-bas, il me montrera le chemin.
- Quant à la cinquième et dernière arcane, elle est hors de ma portée, Sasuke, dit le Dragon. Je ne l'ai pas forgée. J'ignore même qui en est l'auteur. Je sais seulement que tu ne pourras la trouver qu'en t'adressant à un personnage auquel tu n'aurais jamais pensé. Un mortel de ton Empire, déchu par les manigances de ton ancien maître, Nuage.
- Tu m'intrigues, Dragon.
- L'homme se nommait Asako Yoriku. Il était sur le point de percer le secret de la cinquième énigme, quand ce Nuage, ivre de jalousie, a voulu le forcer à partager ce secret. Yoriku a refusé et Nuage s'est vengé, en le frappant de sa magie sournoise. Depuis, ce sage n'est plus que la caricature de lui-même ; lui qui imposait la vénération à ceux qui l'entouraient, n'est plus bon qu'à faire rire...
- Le Bouffon impérial, dit Sasuke. Yoriku... Si je m'étais douté...
- C'est pourtant lui qui peut te mettre sur la piste de la cinquième arcane.
- Je vais le retrouver. Et tu viens, Dragon, de me donner une raison de plus de me venger de Nuage.
- Ton maître est puissant. Il est capable de trouver la cinquième arcane.
- Non, je ne peux pas croire qu'un homme comme lui puisse aller si loin sur le chemin de l'Illumination.
- Méfie-toi. L'Illumination est l'expérience la plus dangereuse qui soit pour un mortel. Tu ne peux pas t'y préparer.
- Lorsque le moment viendra, je ferai le grand saut pour la trouver.
- La sagesse, moi je la connais bien, dit Ayame, sarcastique. L'Ombre est toute-puissante et le soleil n'est qu'une brève lumière qui se détache sur les ténèbres. Nous retournerons nécessairement au chaos primordial...

Ikky et Yojiro s'étaient réveillés. Ils ne voulaient pas s'immiscer dans cette discussion entre magiciens. Ils s'étaient éloignés et discutaient dans un coin de la pièce. Ils avaient passé longtemps à se raconter leurs vies.
- Servir, toujours servir, disait la yojimbo, cela ne te pèse pas, de temps en temps ?
- Bah, dit le rônin en haussant les épaules, j'ai en quelque sorte choisi ma voie. Et quand j'ai terminé ma journée, je suis mon propre maître.
- Au fond, pourquoi as-tu refusé de rejoindre le clan du Lion ? Tu aurais pu, comme Mitsurugi et Sasuke.
- Non, non, ce n'est pas pour moi. Crabe j'ai été, Crabe je reste... Je ne veux pas renier mon passé.
- Oui, je comprends. Moi-même, j'ai enduré cent souffrances pour protéger Ayame et je ne voudrais pas m'arrêter. C'est étrange.
- C'est le destin, c'est comme ça...
- Mais toi, personne ne t'a demandé de servir les Lions, tandis que moi, j'ai été éduquée à servir les shugenjas.
Yojiro détourna la tête, soupira puis regarda avec sévérité Ikky. Il prit son fourreau et sortit son sabre :
- Regarde... Cette lame a été fabriquée il y a de cela des générations par le meilleur forgeron de la famille Hiruma. Elle a abattu plus de démons de l'Outremonde que tu n'en peux compter en une journée. Cette épée m'a été confiée quand un Inquisiteur, se penchant sur mon berceau, vit pour moi un destin hors du commun. Les dieux savent pourtant que j'ai accumulés les misères dans ma vie. D'abord, j'ai assisté à la destruction de notre château familial par l'Outremonde. J'étais là quand l'un des plus gros Onis jamais sorti du Puits Suppurants s'est attaqué à nous. J'ai fait partie du dernier carré de samuraï à fuir. Honteux, nous sommes arrivés à la Muraille. Plusieurs d'entre nous ont demandé à faire seppuku.
"Moi, on me l'a refusé, quand on a vu la lame que je portais. J'ai donc dû continuer à servir le clan, alors que j'avais fui et que mes frères d'armes étaient morts dans l'honneur. Plus tard, j'ai été chargé de conduire un navire vers les îles des Phénix, pour y prendre un chargement de bois rare... C'est ce jour-là que j'ai rencontré Mitsurugi et Sasuke, comme je te l'ai raconté, et que nous avons mis le pied sur l'île, avec le fortin des Tortues. A notre retour, nous avons été déchus.
"Depuis, je préfère vivre pour moi-même. Je n'entraînerai pas d'autres hommes dans mon malheur. Je ne veux décevoir personne. J'attends le jour où je pourrai enfin faire honneur à ma lame et retourner me battre pour reprendre le château de mes Ancêtres. C'est tout.

Yojiro rangea sa lame.
Sasuke lui faisait signe de venir.
- Yojiro, nous repartons ! Mitsurugi va finir par s'inquiéter.
On procéda au cérémoniel d'adieu : chacun s'inclina devant les autres, sous le regard protecteur du Dragon du Soleil.
- Adieu, chère Ayame, dit Sasuke, j'espère que nous aurons encore le temps de discuter.
- Ikky et moi allons rester ici quelques temps. Reviens donc nous voir quand tu veux.
- Ikky, j'ai été honoré de te connaître, dit Yojiro.
Il lui avait dit des choses qu'il n'avait jamais racontées à personne !
- Vous serez les bienvenus dans mon temple, dit le Dragon.
- A bientôt, dit Sasuke.
Il savait qu'ils ne se reverraient que dans le désert, pour l'épreuve décisive.
- D'ici là, j'aurai découvert les deux dernières arcanes. Merci pour tous tes conseils.
- J'ignores si tu me remercieras quand tu seras arrivé au bout du destin dont je t'ai montré la voie.
- Alors, mieux vaut te remercier maintenant.
- Ikky, j'ai plein de lectures devant moi !
- Et moi, qu'est-ce que je vais faire ? dit la yojimbo.
- Va donc te promener ! Il y a toute une île à explorer !
- L'endroit semble mortellement désolant... J'aimerais encore mieux faire le ménage dans ce temple !
Sasuke et Yojiro rirent et saluèrent les deux demoiselles. Ils allèrent sur la terrasse, en se forçant à rire et à jouer les fier-à-bras, alors que ce n'était pas sans émotion qu'il quittait les deux femmes. Yojiro, parce qu'il avait trouvé quelqu'un à qui se confier ; Sasuke, parce que le Dragon lui avait finalement révélé qu'Ayame était sa descendante, son arrière-arrière... petite-fille ! Même Ayame avait tressailli à ce moment et avait dû se forcer à sourire avec toute l'ironie dont elle était capable.

Le vent des Limbes balayait la terrasse.
- Tiens, qui voilà donc ? Il y avait longtemps, dit Sasuke.
Le bakeneko ! Le chat-démon était occupé à tracer la glyphe de transport sur le sol.
- Je te croyais avec Ikue, toi.
Le Dragon m'a convoqué ici pour que je vous raccompagne chez vous, dit le bakeneko. Je ne resterai pas, ma maîtresse va s'inquiéter.
- Tu vas surtout rater l'heure de la pâtée, hein ! s'exclama Yojiro.
Le chat termina les volutes complexes de la glyphe. Les deux samuraï y mirent les deux pieds. Un tourbillon de lumière surgit du sol. Ils sentirent la terre se dérober sous eux. Ils partirent en chute libre à travers les étoiles, puis ce fut le grand ciel bleu, au-dessus de la radieuse campagne rokugani, et plongèrent la tête la première dans un étang remplie de poissons !
Ils se débattirent pour sortir de l'eau, s'agrippèrent à une branche solide et se hissèrent dans l'herbe. Des tortues se chauffaient sur un rocher. Un chèvre broutait et une vache, qui ruminait, et que nos deux héros venaient de déranger, les regarda et meugla longuement.
- Elle ne manque pas d'air celle-là...
Sasuke tordait son kimono :
- Pressons ! Je suis sûr que Mitsurugi s'est mis encore dans la panade. Il ne fait rien de bien sans moi !
Yojiro regarda l'étang où les poissons avaient repris leur parcours monotone. Il regarda vers le ciel, aperçut un croissant de lune blanche dans le grand ciel d'après-midi.
- Alors, Yojiro, tu te dépêches un peu ?
- Voilà, voilà...
La servitude, la routine, les corvées... Cela aurait fini par lui manquer !


A suivre... Samurai
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#10
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE


Yatsume se rendit à la Cité des Apparences, qui était en pleine effervescence pour le retour du gouverner Kokatsu. Celui-ci avait ordonné trois jours de festivités. La liesse populaire ne connaîtrait pas de bornes. Des seigneurs affluaient des cités environnantes pour participer à ces célébrations. Kokatsu comptait bien montrer à tous qu'il était de retour et que cet hiver interminable n'avait en rien entamé ses forces. On commençait à parler de lui pour succéder à l'actuel daimyo de la famille Matsu. Le général ne répondait pas quand on l'interrogeait à demi-mot sur ses ambitions.
- Gouverneur de cette prestigieuse Cité, je compte la défendre contre nos éternels ennemis les Grues, et leurs alliés -puisqu'on parle d'une coalition du Gozoku au complet pour nous chasser d'ici.
En privé, le général était plus inquiet. Il gardait Ikoma Noyuki près de lui pour son courrier aux gouverneurs des autres Cités.
- Nous aurons besoin de leurs renforts ; le clan du Lion entier doit être uni face au Gozoku... Dire que pendant que nous préparons les guerres, les maîtres de notre clan sont chez les Scorpions. On n'a jamais vu une chose pareille !...
- Les négociations s'y déroulent à huis-clos, dit Noyuki. Peu d'informations filtrent. Je me suis renseigné auprès de membres de ma famille, mais même le chef de notre famille n'est pas invité à participer aux discussions entre les trois prétendants.
- Il nous faut pourtant quelqu'un dans la place ! Nous avons besoin d'un chef avant le début des combats ! Nous ne pouvons pas aller à la bataille en ordre dispersé...
- Les Scorpions font pourrir la situation, général. Bayushi Tangen y veille en personne... Je crains de dire que la famille Kitsu est sous sa coupe.
- Mais à quoi leur sert toute leur sagesse, à ces shugenjas, s'ils ne se méfient même pas du plus dangereux Bayushi de l'Empire !
- Leur pouvoir d'influence est très grand. Et les Kitsu ne sont pas habitués à ces négociations politiques.
- Il faut leur écrire pour les convaincre de quitter la Cité des Mensonges ! Écris-leur une lettre...
- Seigneur, nous n'avons pas le rang pour faire ce genre de demande. Elle ne pourrait venir que du daimyo Matsu...
- Juste. Alors écrivons au seigneur Torajo, qu'il prie expressément Kitsu Itsoji et les prétendants Akodo de régler la succession chez nous !
- Il faut avouer que certains, autour de nous, ne sont pas mécontents que ces négociations se passent là-bas. Pendant ce temps, ils se sentent plus libres d'agir à leur guise...
- Cela ne peut pas durer, Ikoma Noyuki ! Nous devons recomposer l'unité du clan ! Nous devons éviter la division, surtout en ce moment !


Samurai


Yatsume était revenue elle aussi à la Cité des Apparences, pour retrouver Avishnar et sa fille Yutsuko. Ils avaient trouvé un modeste logement au milieu du quartier des restaurants. La rônin séjourna auprès d'eux plusieurs jours. Sa fille continuait de lire sans cesse le Tao et d'autres écrits religieux. Elle avait été remarquée par des moines de la famille Kitsu, qui envisageaient de la prendre comme novice dans leur temple.
- Tu seras une grande intellectuelle, ma fille !
La petite Yutsuko, du haut de ses sept ans, parlait déjà comme une adulte, avec la même gravité, la même conscience des questions sérieuses de l'existence. Yatsume n'avait qu'une idée pour le moment : la protéger. La tenir à l'écart des tragédies qui se préparaient, et la tenir surtout loin de son véritable père, que Yatsume craignait de voir surgir de n'importe quelle ombre autour de la maison.

Le soir, elle descendit dans les bas-fonds, où elle ne tarda pas à trouver la cour des miracles qui était l'envers du décor de la belle Cité, et qui nous rappelait que le nom complet de celle-ci était la Cité de la Violence derrière la Courtoisie. C'était un quartier sale, lépreux, en proie à une misère affreuse, où se retrouvaient les parias que le clan du Lion confinait loin de ses palais fortifiés. Les rebuts de la société se voyaient interdits de sortir de ce ghetto misérable, où s'était organisée une vie parallèle. Même les etas au service du clan méprisaient cette engeance, qui n'avait aucun droit à l'existence dans l'Ordre Céleste, qu'il était interdit de regarder sous peine d'être souillé, à qui on interdisait l'accès à l'eau pour se laver ou à la nourriture fraîche.
- Salutation à vous, gueux !
Les loqueteux, souffreteux, et autres scrofuleux repoussants reculèrent devant cette samuraï.
- N'ayez crainte de moi, déclara Yatsume, car je suis une amie de votre Empereur à tous, le grand Bouffon impérial.
Cela n'atténua guère la méfiance des gueux, qui attendirent d'en entendre plus. Yatsume raconta en quelques mots son hiver à la cour de Yoriku, décrivit avec précision le personnage. On commençait à la croire.
- Que viens-tu faire, toi, parmi la lie du peuple ?
- Je viens chercher votre aide.
Ils éclatèrent de rire, d'un rire édenté, vulgaire. Il y avait longtemps qu'ils n'avaient pas eu l'occasion.
- Je viens vous demander votre aide pour sauver la plus belle et la plus raffinée jeune demoiselle de cet Empire !
Les rires redoublèrent. C'était trop tordant !
- Le Bouffon t'a bien entraînée ! Tu es presque aussi drôle que lui !
- Vous vous méprenez ! Je suis sérieuse...
Yatsume s'assit, attendit qu'on ait formé un cercle autour d'elle et dit :
- Vous allez m'aider à réparer une grande injustice...
Elle leur expliqua l'histoire de Mitsurugi et d'Ikue, comment celle-ci avait été enlevée par les troupes du shinsen-gumi.
- C'est une belle histoire mais pourquoi veux-tu notre aide ? Même si nous t'aidons, ton beau seigneur Mitsurugi se fiche de nous ! Il ne fera rien pour nous !
- Vous vous trompez... La générosité de Mitsurugi est grande !
Yatsume se dit qu'au point où elle en était, un mensonge de plus, à des sans-rangs, n'entacherait pas plus son kharma. Elle leur dit qu'en l'aidant, ils feraient un pas vers la lumière, que dans leur prochaine vie, ils souffriraient moins, que la divine lumière de l'Empereur brillait, même pour eux.
- Le divin fils du Ciel n'oublie pas même les plus humbles tant sa générosité est immense !
Les gueux restaient sceptiques.
- Bon, tu nous a bien amusés, dit un vieillard, et personne ne va vraiment te croire. Je vais te dire une chose quand même. Tu te trompes en venant nous voir. Tu es folle si tu crois que nous allons t'aider. Nous ne pouvons rien pour toi. Si nous mettons un pied hors de notre quartier, les Lions nous massacreront. Il n'y a rien à attendre de nous. Ta seule chance, c'est d'aller voir à la capitale la cour des miracles. Le Bouffon s'y trouve souvent. Je le sais, j'y ai vécu, il y a longtemps. Là-bas, ils sont mieux lotis que nous. Les lois contre les gueux sont plus douces qu'ici, où nous vivons un enfer pour expier les fautes de nos Ancêtres. Ceux de là-bas ont plus de chance et nous espérons, dans une prochaine vie, être là-bas...
Yatsume sentait monter l'hostilité contre elle. Elle savait que les gueux ne sortaient pas de chez eux mais qu'en retour, personne n'entrait dans leur quartier. Ils y faisaient leur loi. Elle remercia le vieillard du conseil et repartit dans sa famille.
- Je dois repartir, Avishnar !
- Déjà ? Et ta fille ?
- Écoute-moi : pour une fois, j'essaie de faire une chose noble. Je veux aider Mitsurugi mais il n'y a que moi qui puisse le faire, car cela nécessite d'avoir recours à des moyens que les samuraï réprouvent.
- Que vas-tu encore faire ?
- Je pars à la capitale.
- Tu crois pouvoir y aller sans problème ?
- J'y arriverai. Je suis déjà rentrée dans la Cité des Mensonges, je me ferai un chemin pour entrer dans la capitale.
- Et ta fille ?
- Tu vas veiller sur elle. Quand je reviendrai, je ne vous quitterai plus. Mais je veux que Yutsuko soit fière de sa maman, qu'elle sache que je peux me dévouer pour une cause honorable.
Avishnar se demandait si Yatsume était sincère ou s'il y avait un autre coup fourré derrière ces belles intentions. Yatsume elle-même ne comprenait pas ce qui lui arrivait : elle voulait sincèrement servir Mitsurugi !
Evidemment, elle ne lui dirait rien... Elle ne voulait pas le compromettre. Elle avait compris que Sasuke faisait pareil, et c'était sûrement le lot des humbles serviteurs d'accomplir les basses tâches pour leurs maîtres, sans se plaindre et sans importuner celui-ci avec des détails trop indignes pour qu'on les lui raconte ! Peu importe comment elle s'y prendrait, mais elle délivrerait Ikue, la ramènerait à Mitsurugi... Oui, elle imaginait déjà la surprise radieuse du samuraï, en voyant revenir sa fiancée. A ce moment-là, il ne penserait même pas à demander comme Ikue avait pu échapper aux Grues ! Il serait tellement heureux qu'il ne considérerait que le résultat. Il serait même bien content que les Doji et le shinsen-gumi aient été ridiculisés !

Yatsume consentit à rester plusieurs jours avec sa fille. Elle l'écouta réciter le Tao, elle lui raconta l'histoire du clan du Scorpion, des autres clans aussi. Comme elle grandissait vite ! A bientôt sept ans, c'était presque une adulte dans sa façon de parler. Yatsume se promettait qu'elle rattraperait le temps perdu très bientôt. Elle se comporterait enfin en vraie mère.
Elle prit sa fille dans ses bras, dit qu'elle repartait. Yutsuko protesta mais Yatsume se sentait investie d'une mission trop noble pour hésiter. Elle fit jurer à sa fille de bien étudier, d'être sage, d'obéir à Avishnar.
- Je suis venue te sauver de l'orphelinat, maintenant, on ne se quitte plus. Je serai avec toi par la pensée. Tu verras, ce ne sera pas long. Le temps que tu apprennes un nouveau livre par coeur et je serai de retour.
Elle savait qu'elle ne pouvait pas mentir à sa fille. D'abord, elle n'en avait pas le coeur et de plus, Yutsuko ne s'y serait pas laissé prendre. Il n'y avait qu'avec elle qu'elle était sincère. Aucun voile de mensonge ne s'interposait entre elles.
Yatsume fit son baluchon. Elle laissa son yari serti de cristal à Avishnar, en cas de malheur, et prit au palais des Lions une lance ordinaire. Elle n'eut pas trop de mal, en invoquant le nom de Mitsurugi, à obtenir de l'équipement. On lui laissa une vieille armure abîmée, des poignards.
- De toute façon, ils rouillent ici depuis des années... Autant que quelqu'un s'en serve...
- Au nom du grand Mitsurugi, merci !
On ne pouvait rien refuser à une guerrière qui se battait pour le gouverneur de la Cité du Levant, porte-parole du général Kokatsu !


Samurai

Les festivités se terminaient à la Cité des Apparences. Le général Kokatsu s'accorda une journée pour se remettre des excès de ces trois jours, puis il remit tout le monde sérieusement au travail. Il convoqua son état-major à l'aube.
- Aujourd'hui, nous parlons de guerre. Nos ennemis vont être nombreux, déterminés à se venger, très bien organisés. Le Gozoku ne peut laisser impuni les humiliations qu'ils ont subies à la cour d'hiver. Comme je vous l'ai raconté, ils ont voulu faire accuser certains des nôtres d'un ignoble assassinat, celui du vénérable Hanteï Norio. Oui, on a voulu accuser les Lions, bras droit de l'Empereur, de s'en être pris à un membre de la famille céleste ! Alors que c'est sur nous que repose le pouvoir de l'Empereur ! Nous qui nous ouvririons le ventre si cela devait l'aider ! Nous dont la détermination infaillible est crainte d'un bout à l'autre de l'Empire ! Et ce sont eux, ces hypocrites, qui viennent nous accuser ! Mais nous, nous ne poignardons pas dans le dos !... Quand nous les aurons face à nous, nous chargerons de front, unis !
Murmure d'approbation générale.
- Bien, ceci étant dit, nous allons faire un état des lieux de nos troupes... Ikoma Noyuki, as-tu une réponse du seigneur Torajo ?
- Pas de réponse précise de sa part, hélas. Il nous soutient dans notre combat, sait à quel point la Cité des Apparences est une ville stratégique, mais il ne s'engage pas sur un nombre de renforts à nous envoyer.
- Mauvaise affaire... Si mon seigneur n'est pas derrière nous, les autres gouverneurs ne vont pas nous soutenir fermement... Nous allons nous retrouver seuls. A ce sujet, voyons un peu nos effectifs.
Les officiers commencèrent à énumérer les forces disponibles.
- C'est peu, c'est trop peu, maugréait Kokatsu à mesure que ses lieutenants égrénaient les chiffres. Non, il nous faut obtenir le soutien de Torajo... Contre les Grues seuls, nous pourrions résister mais avec une coalition du Gozoku en face de nous, c'est trop peu...
L'après-midi, Kokatsu passa en revue les troupes, ainsi que les fortifications et les réserves de la Cité.
- C'est vraiment trop peu... Il faut convaincre Torajo... Ikoma Noyuki, tu vas écrire à Mitsurugi. Qu'il vienne le plus vite possible. Fais partir un messager cette nuit, avec une autorisation spéciale. Qu'il crève sa monture mais qu'il atteigne la Cité du Levant demain matin. Que Mitsurugi arrive demain soir au plus tard !
- Bien seigneur...

Le messager partit au crépuscule. Sur la route, il dépassa Yatsume qui allait dans le même sens que lui et qui allait dormir à l'auberge. Le cavalier continua sa chevauchée éperdue, changea de monture en plein milieu de la nuit dans un relais et atteignit, épuisé, la Cité du Levant alors que le soleil apparaissait sur la grande plaine.
- J'ai un message urgent pour le gouverneur, dit-il à l'entrée.
Comme il entrait, Sasuke repartait de la Cité : il avait séjourné quelques jours auprès de Mitsurugi. Ils avaient fêté la victoire puis le shugenja avait fait part de son intention d'aller à la capitale.
- Je dois retrouver le Bouffon. J'ai appris de nouvelles choses sur lui. Je dois le revoir. C'est pourquoi je vais à Otosan-Uchi.
- Tu n'auras pas l'autorisation d'entrer dans la Cité Interdite, Sasuke. Même moi je ne peux pas t'obtenir un laissez-passer. Tu auras même du mal à passer le mur d'enceinte extérieur de la Cité.
- Inutile, je rencontrerai le Bouffon dans les faubourgs. J'ai de quoi l'attirer dehors.
- Je te fais confiance.
- Je repars avec Yojiro.
- Ne me l'abîme pas, hein !
- Tu me connais. Regarde comme il est revenu de chez les Dragons : frais comme un gardon, vivifié par le bon air de la montagne !
- L'air ne doit pas être si sain à Otosan-Uchi... Et Yojiro préfère les grands espaces.
- Ne t'en fais pas, va... C'est l'affaire de quelques jours. Et puis, qui sait si en chemin je n'en apprendrai pas plus sur l'armée que le Gozoku va nous envoyer sur la figure ?
- Va, va, puisque tu ne tiens pas en place !

Le messager salua bien bas Sasuke et se rendit au palais.
- Message urgent pour le gouverneur !
Yasashiro arrivait à la poterne et demanda au soldat :
- De quoi s'agit-il ?
- Le gouverneur Kokatsu envoie un message.
Le Crabe dit qu'il allait porter le message lui-même.
Le messager fut choqué qu'un Crabe soit autorisé à porter une missive cachetée par un général d'Empire.
- Ne t'en fais pas, dit le planton au messager, ce rônin-là, Mitsurugi a toute confiance en lui ! Ils ont combattu ensemble sur la Muraille et notre gouverneur a tellement rendu service aux Hida que ceux-ci ont mis Yasashiro à son service pour rembourser leur dette.
- C'est bien vrai ce qu'on me disait, qu'il est un peu excentrique ce gouverneur.
- Des excentriques comme lui, on en voudrait plus ! La paye est bonne, la discipline est rude mais pas injuste et crois-moi qu'il ne se laisse marcher sur les pieds par personne !

Yasashiro monta porter la missive au gouverneur. Celui-ci la décacheta, la parcourut et soupira :
- Bon, la tranquillité ne pouvait pas durer... Allons, qu'on fasse seller mon cheval, je dois partir sur-le-champ !
Notre héros prit une escorte de trois samuraï avec lui, dont Yasashiro. Comme il partait vers l'ouest, il croisa Yatsume qui arrivait.
- Seigneur, je suis enchantée de vous voir ! Je voulais vous dire...
- Plus tard, Yatsume ! Nous sommes pressés ! Quelle est la situation à la Cité des Apparences ?
- Tout va bien, les festivités sont terminées et à présent, la ville est sur le pied de guerre.
- Parfait !
Mitsurugi piqua sa monture.
- A bientôt Yatsume ! dit Yasashiro.
- A bientôt !
Confiante, Yatsume sut que lorsqu'elle reviendrait, elle serait accueillie en triomphe. Elle fit une courte étape à la Cité du Levant. Elle crut qu'elle allait repartir le lendemain. Hélas, elle s'aperçut qu'elle n'avait plus un sou vaillant. Elle alla quémander auprès de Sasuke, qui accepta de la payer mais exigea d'elle plusieurs travaux de renseignement dans la ville.
- J'ai besoin de savoir quelle est l'opinion des habitants concernant les Lions.
- Bien, Sasuke-sama.
- Et s'il y a des mouvements séditieux, susceptibles d'aider l'ennemi lorsque l'armée du Gozoku approchera.
Elle allait jouer l'espionne du conseiller, cela lui allait bien mais elle allait la retarder de plusieurs jours.

Quand Mitsurugi arriva, le lendemain matin, à la Cité des Apparences, il n'eut pas le temps de se reposer. Il était convoqué séance tenante chez Kokatsu, qui réunissait ses meilleurs officiers.
- Assieds-toi, Mitsurugi. Nous allions commencer.
A peine si notre héros avait pu secouer la poussière de la route.
Un capitaine qui revenait de la capitale raconta la haine du Gozoku contre les Lions.
- Ils ne veulent pas seulement la Cité. Ils veulent nous anéantir. Le shinsen-gumi est mené par des fous furieux ! Ce n'est pas la guerre qu'ils veulent, c'est notre tête à tous, au bout de leurs piques...
- Bah, ce sont leurs rodomontades habituelles, dit Kokatsu.
- Je t'assure, général, que les dirigeants du shinsen-gumi n'ont aucune mesure, aucun sens de l'honneur. Parmi eux, le capitaine Otomo Jukeï nourrit une rancune particulière... Même les Scorpions, même les Scorpions !, ont dû le rappeler à une certaine modération dans les paroles et les intentions ! Entendre les Bayushi parler de compassion et de discernement, j'aurais vu cela dans ma vie !
- Ce sont les petits roquets qui aboient le plus fort, sinon personne ne fait attention à eux. Otomo Jukeï m'en veut toujours de l'avoir chassé d'ici quand j'ai repris la ville. Ça et d'autres choses qui se sont ajoutées pendant la cour d'hiver. Ce qui m'intéresse, ce sont leurs effectifs... C'est avec des soldats, pas avec des injures, qu'ils vont faire la guerre...
- A ce sujet, les nouvelles ne sont pas bonnes... Les dirigeants du Gozoku ont débloqué des crédits de guerre exceptionnels.
- Bien, tu vas faire une copie de ces chiffres, capitaine. Et tu vas les confier à Mitsurugi, qui va partir demain matin voir notre daimyo, Matsu Torajo. Je te confie une nouvelle mission diplomatique, Mitsurugi ! Rencontrer le chef de notre famille et le convaincre de nous aider face à la déferlante qui s'annonce.
- L'arrogance du Gozoku n'a plus de limites, dit le capitaine. Il faut que cela soit rapporté au seigneur Torajo, je pense. Sachez en effet que le triumvirat dirigeant vient de décider de la construction d'une nouvelle cité, à l'ouest de la capitale, au pied des montagnes, juste à l'est de la Cité des Mensonges par rapport à la chaîne du toit du monde...
- Quel orgueil fou !
- Ce n'est pas tout, général : le Gozoku compte s'installer dans cette nouvelle Cité, nommée Bakufu, et qui sera, à les entendre, la plus fortifiée du pays. Ils veulent ni plus ni moins en faire leur nouvelle capitale !
- C'est un affront au Fils du Ciel ! s'exclama Kokatsu, soutenu par tous les officiers présents. Quel scandale ! Mitsurugi, tu dois partir sur l'heure, rapporter cet acte inqualifiable à notre daimyo !
- Bien, général Kokatsu !
Notre héros retrouva Yasashiro dans la cour :
- Pas le temps de se reposer, mon ami... Viens, suis-moi. Nous allons au château ancestral des Matsu !... Tu ne seras pas venu chez nous pour rien, tu vas rencontrer le chef de ma famille !
- J'en serai honoré.
- Imagine-toi qu'il est encore plus puissant que le général Kokatsu !
- J'en aurai des choses à raconter en revenant chez moi.
- Nous sommes en service pour abattre le Gozoku ! Pour défendre cette cause, je n'aurai pas trop à préparer mon discours. Étrangement, les mots me viennent facilement dans ce cas-là. Il faut y mettre la conviction de Kokatsu... et le culot de Sasuke ! Voilà les qualités d'un bon diplomate Matsu.
- C'est la diplomatie en force. Chez nous aussi on fait comme ça.

Mitsurugi fit préparer quelques affaires et il reprit la route alors que le soleil commençait à disparaître derrière les murailles de la ville.
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