28-12-2008, 06:29 PM
(This post was last modified: 28-12-2008, 06:46 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
<span style="color:darkorange">Les 5 Rônins : 4ème Episode</span><!--/sizec-->
Sanglier 401
Les terres mouvantes<!--/sizec-->

<span style="color:darkorange">Les 5 Rônins : 4ème Episode</span><!--/sizec-->
Sanglier 401
Les terres mouvantes<!--/sizec-->

Le vent soufflait, hurlant, tranchant, sur les montagnes du toit du monde. Dans un recoin des sommets, un des lieux les plus isolés de l'Empire, trois samuraïs tournaient le dos au château perché sur son nid d'aigle. Derrière eux, le pont qui franchissait ravin pendait misérablement, le long d'une d'une des parois du gouffre.
- Impossible de savoir où mènent ces chemins, dit Yojiro. Nous pouvons passer des mois sans rencontrer âme qui vive. Je propose de descendre dans le ravin. Nous avons des cordes. En bas, nous pourrons au moins trouver du poisson dans le torrent.
Maya et Mamoru approuvèrent.
Yojiro et Maya avaient décidé, d'un commun et tacite accord, de ne s'accorder la parole que le moins possible. Cette novice dévergondée sans honneur avait osé mettre la main sur un sabre sacré de la famille Hiruma ! Et en condamnant à mort, sur un coup de folie, un homme qui était probablement un samuraï Scorpion !
Excellent pour se mettre bien avec les familles nobles qui habitaient les lieux.
- Ne le prenez pas mal mais nous avons tranché le pont qui est le seul à vous relier au reste du monde et au passage, nous avons tué le garde qui patrouillait dessus.
Yojiro n'en revenait toujours pas de ce geste mais il essayait de ne pas trop y penser. Lui et Mamoru arrimèrent les cordes à un rocher et la descente, sur une pente raide sans être verticale, put commencer. Au bout d'une heure de descente, fatigués, ils arrivaient en bas et purent se désaltérer dans le torrent glacé.
Le chemin étroit entre les deux parois abruptes descendaient le long du torrent, vers une vallée qu'on ne pouvait que deviner, dans le crépuscule. Les nuages qui flottaient sur ces montagnes solitaires, vides, prenaient une teinte dorée, puis violacée, puis brune, et la nuit fut là, tout entière.
Les deux Crabes avaient allumé un feu et mis un poisson à cuire. Ils entendirent alors des pas, à quelques dizaines de pas d'eux. Mamoru avait allumé une torche :
- Qui va là ?
Aucune réponse, que le vent qui frissonnait. Yojiro mit la main au sabre. On distinguait une silhouette, qui n'approchait pas du feu.
Nos samuraï eurent un très mauvais pressentiment. On pensait immédiatement à un esprit, un démon...
- Venez, dit Yojiro. Avalons un morceau de poisson en vitesse et continuons. Nous dormirons quand le jour sera là...
Ils étouffèrent le feu, prirent des torches avec eux et d'autres morceaux de bois et marchèrent, sous la nuit étoilée. Ils se sentaient suivis à distance par la forme inconnue. C'était sûr maintenant, qu'il y avait quelqu'un sur leurs traces.
Maya crut l'apercevoir, accroché à la paroi. Un monstre de forme humaine.
Leur marche les mena le long du torrent qui serpentait. Il fallut plusieurs fois, en pleine nuit, user des cordes pour passer des passages à pic. C'était pure folie de faire ce qu'ils faisaient. Aucune bête ne l'aurait fait, de marcher en pleine nuit. Ils pouvaient être la proie de n'importe quelle menace. Quels dangers ne prêtait-on pas à la nuit ! Des attaques de bêtes sauvages, de créatures du Dieu Maudit, ou encore voir s'ouvrir des portes vers des mondes démoniaques !
Et pourtant, ils bravaient tout cela.
Quand le jour se leva, humide, à travers les nuages gris, il dispersa la brume qui s'était épaissie ces dernières heures. Nos héros avaient entendu, presque toute la nuit, le bruit obsédant des pas de la chose qui les suivait.
Ils quittaient maintenant le rive du torrent. Cette eau impétueuse, folle, se jetait dans de vastes marécages. Le contraste était saisissant entre la clarté légère de cette eau des montagnes et l'immense bourbier, comme une grosse soupe, avec des morceaux de terres meubles en suspension, des herbes grasses, quelques rochers. Le torrent était comme englouti d'un coup dans cette bouillie.
Nos trois héros s'accordèrent quelques heures de sommeil. Il leur semblait que leur poursuivant avait abandonné la lutte. Ils avaient bien descendu, ces dernières heures. On sentait qu'on n'était plus sur les sommets enneigés et qu'on revenait dans les vallées verdoyantes.
Ils espéraient retrouver un village après ce gros marais. Quand le soleil fut haut dans le ciel, ils se lavèrent en vitesse dans le torrent, Maya étant remontée pour ses ablutions personnelles.
La route reprit, rendue pénible par un pataugeage permanent dans la terre grasse, gorgée d'eau. Ils n'avaient d'autre choix que de traverser ; les sables mouvants ne devaient pas manquer dans cet endroit.
Après des heures à avancer si lentement qu'ils avaient l'impression de faire du surplace, ils arrivèrent sur la terre ferme. Ils se retournèrent, pour contempler le chemin parcouru. Ils furent alors horrifiés de voir que, à la surface des marécages, remontaient lentement des centaines de crânes hérissés de cornes !
Ces rictus les fixaient intensément ; les crânes restaient à la surface, flottant et remuant à peine. Le marais en était recouvert ; ils étaient des milliers !
Nos trois héros grimpèrent une petite pente raide, dans les cailloux ; ils tournèrent le dos à cet endroit infernal et coururent se mettre à l'abri, plus haut, sur un grand plateau recouvert de hautes herbes. Ils étaient comme des bêtes sauvages, dans ces étendues qu'ils ne connaissaient pas, sans aucun secours humain à attendre.
Plus loin, après avoir franchi plusieurs petites collines, ils découvrirent un village abandonné. Il ne restait que des ruines calcinées. Nos héros décidèrent d'y passer le reste de la journée. Il leur restait du poisson de la veille. Dans les maisons, il n'y avait rien à glaner. A peine quelques écuelles ou des futons inutilisables.
Yojiro prit le premier tour de garde ; Maya et Mamoru dormirent avant le coucher du soleil. Pendant son tour de garde, Maya crut entendre du bruit : elle fit un tour, sans trouver personne. A l'aube, alors que Mamoru terminait son tour, nos héros trouvèrent une inscription marquée à la peinture rouge sur la porte d'une maison :
"Je vous trouverai !"
Maya, prise d'une de ses inspirations hasardeuses, prit un bout de charbon et écrivit en-dessous : "Viens donc si tu l'oses !"
Les deux Crabes ne trouvèrent pas cette remarque particulièrement judicieuse. Il n'était pas bon de provoquer les esprits ! Mais peut-être que cela, on l'ignorait dans les montagnes du Dragon !
Ils repartirent dans les hautes herbes et descendirent à travers une épaisse forêt. Ils y trouvèrent des baies et de l'eau à une source. Ils n'avaient rencontré personne depuis deux jours ! C'était affolant !
Et ils arrivaient en ce milieu de journée dans une autre vallée, aussi peu habitée, recouverte de bois touffus et de champs de fleurs. Ils ne voyaient pas le bout de leur périple. Ils pouvaient errer pendant des mois, de vallée en vallée, perdus à jamais dans ces montagnes !
La nuit tombant, ils traversaient la vallée ; le vent se levait et fut de plus en plus fort. Bientôt, nos héros devaient s'abriter derrière de gros arbres, car les rafales cinglaient plus fort que sur les sommets. Des feuilles volaient ; il y eut bientôt des branches ; ils entendirent des petits animaux, emportés à leur tour. Ils jetèrent un oeil et virent avancer un tourbillon ! Un monstrueux tournoiement aérien qui engloutissait la forêt dans sa danse !
Nos héros coururent aussi vite qu'ils le pouvaient ; ils trébuchèrent sur les branches, se cognèrent, glissèrent sur des feuilles humides, peu à peu rattrapés par les esprits des airs ! Ils pouvaient être emportés comme des fétus de paille d'un moment à l'autre. Mamoru et Yojiro couraient l'un à côté de l'autre mais ils avaient perdu Maya. Celle-ci avait été ralentie par le passage dans des buissons. Soudain, le tourbillon fut sur elle et elle fut happée ! Elle étouffa, cria, n'entendit pas sa voix.
Les deux Crabes coururent encore longtemps ; le vent retombait, et n'avait pas réussi à les rattraper. D'un coup, le silence revint. Le vent était tombé comme par miracle. Mais des branches tressaillaient encore. Les Crabes se sentirent en sûreté. C'est à ce moment que plusieurs branches griffues les attaquèrent par surprise. Les Crabes se jetèrent à terre, prirent leurs armes ; les branches poussaient en tous sens, se développant en dizaines de griffes et de serres. Les katanas tranchèrent dans ces monstres de la forêt. Il en venait en tous sens !
Maya, qui se trouvait dans une nuit noire impénétrable, vit une lueur rouge avancer sur elle ; elle eut alors juste le temps d'éviter un coup de sabre sanglant !
Elle passa à côté d'un second coup ! Elle discernait la silhouette fantomatique d'un samuraï, dans une armure bleu nuit.
Elle frappa, frappa encore, des mains et des pieds, repoussa son adversaire, qui revenait à la charge en poussant des cris rauques !
La nuit s'éclaircit un peu, et Maya se vit dans une immense vallée vert-noire, sous un ciel blanchâtre, au milieu d'une végétation morte. C'était une représentation de ce que pouvait être Jigoku, le royaume du Dieu Maudit !
Elle était prisonnière ! Elle se battit encore et encore contre l'esprit fou, qui s'acharnait sur elle et hurlait. Il ne parvenait pas à l'atteindre de son katana mais il continuait de lui tourner autour. A bout de force, Maya trébucha. Elle se sentit alors emportée, comme si le sol se dérobait sous ses pieds. Elle chuta, dans le noir et se rattrapa au dernier moment à une corde et à un bout de planche en bois !
Elle était le long de la paroi, accrochée au pont qu'elle avait tranché ! Elle ne tiendrait pas longtemps. En haut, au bord du précipice, elle vit un samuraï de la famille Bayushi qui la toisait fixement, le regard haineux, la face livide d'un mort.
- Je sais ce que tu vas faire, maintenant, gémit l'Ize-Zumi.
Elle ne se trompait pas : le samuraï mort trancha les cordes qui retenait encore le pont à ses attaches, et Maya partit dans le vide...

Nos trois héros se réveillèrent, plusieurs heures plus tard, à la sortie des bois. Ils avaient dormi sur de la mousse. Maya n'avait rien de cassé ; elle avait quand même eu la plus belle peur de sa vie. Mais le combat contre le samuraï et sa chute ressemblaient à un mauvais rêve. Mamoru et Yojiro avaient tranché de leurs lames plus de branches qu'un bûcheron en un an !
Les trois samuraï aperçurent derrière un autre bois une fumée. Ils coururent à travers champ ; des enfants jouaient sur le gazon, surveillés par leur parents. Ceux-ci ordonnèrent à leurs bambins de rentrer en apercevant les trois créatures qui sortaient des montagnes.
A la sortie de la vallée se trouvait un hameau perché sur une hauteur, d'où l'on apercevait les grandes plaines de l'Ouest, jadis occupées par le clan de la Licorne, et de l'autre côté, les vallées peuplées du clan du Lion.

