20-06-2006, 06:41 PM
(This post was last modified: 22-06-2006, 07:07 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
La 5e Réincarnation : 20e Episode (II)<!--/sizec-->
Rat 1127
Trois contes d'hiver<!--/sizec-->
Le visiteur du soir<!--sizec--><!--/sizec-->
![[Image: ninja.jpg]](http://www.sdm-ftp.homelinux.com/L5R/ninja.jpg)
La 5e Réincarnation : 20e Episode (II)<!--/sizec-->
Rat 1127
Trois contes d'hiver<!--/sizec-->
Le visiteur du soir<!--sizec--><!--/sizec-->
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Le crâne dégarni, les traits tirés, les yeux creusés, la bouche noire et vide comme un trou, les mains maigres comme celles d'un squelette, il s'approcha d'Ikky et lui saisit le poignet. Elle ne l'avait pas vue venir : elle sentit ses doigts glacés et le repoussa vivement.
Un autre s'approchait, plus mort que vif, la bave aux lèvres, l'air ahuri. La yojimbo fit reculer Ayame de quelques pas et envoya son poing dans la figure du premier, qui alla rouler à terre. Les autres hésitèrent un moment, leurs loques frissonnant dans le vent d'hiver. Dehors, de lourds flocons s'abattaient dans le petit jardin.
- Reculez ! reculez !
Ikky était comme folle : elle suait pour tenir éloignés ces drogués, pour tenter de préserver le peu de puretés qu'il leur restait.
Bientôt une heure qu'elle et Ayame devaient attendre, parmi cette assemblée de fantômes. Les pires intoxiqués de la ville avaient rendez-vous ici : on disait que certains avaient été samuraï, d'autres marchands, d'autres etas, mais à présent, cela ne faisait plus grande différence. La nuit tombait sur le jardin blanc ; entre chien et loup, ces grisâtres fantoches devenaient encore plus inquiétants. Ils n'avaient pas vu de femmes nobles comme elles depuis longtemps.
Ayame, pâle, malade, s'appuyait contre le mur, pendant que la solide Ikky défiait l'assistance du regard. Le vieux parquet grinçait au moindre mouvement.
Enfin un moine entra, et ordonna aux locataires des lieux de déguerpir. Un solide moine, bâti d'une pièce, dans ses rudes habits, qui rentrait de couper du bois. A la lumière mourante de ce jour d'hiver, le lieu avait perdu de ses couleurs ; tout devenait couleur grisaille, puce. Lieu morne et déjà inquiétant.
Apeurés, les pauvres hères partirent à l'autre bout de la pièce. Le moine les couvrit de son regard quelques instants. Puis, sûr qu'ils se tiendraient tranquilles :
- Suivez-moi, honorables samuraï. Mon nom est Heiji et je serai votre serviteur pendant la durée de votre séjour.
Un rude gailllard, avec les jambes arquées et parlant avec un fort accent de l'ouest : sans doute un ancien cavalier Licorne.
- Rassurez-vous : nous ne vous logerons pas avec eux.
Et pourtant, les deux femmes auraient pu jurer que c'était exprès qu'on les avait laissées là, pendant tout ce temps, pour qu'elles se rendent bien compte de ce qu'on devenait, à force de consommer de l'opium !
Le moine les mena dans une autre aile du temple et leur présenta une petite chambre, propre et modeste, où deux servantes s'occupaient de chauffer les draps.
C'était donc là que les deux femmes passeraient au moins un mois, en pénitence, loin du monde. Et pourtant, elles étaient encore bel et bien dans la Cité des Histoires, mais l'agitation, la rumeur, les vices, les mesquineries et les dangers de la ville semblaient bien loin, contenues derrière le mur d'enceinte. Ici, dans ce petit monde de neige et de nuit, on respirait la pureté. Durant la journée, le ciel avait été gris et lisse, comme un lac de glace ; après le coucher du soleil, il serait noir et lourd, sans espoir. Oui, les nuits allaient être longues à partir de maintenant.
Heiji s'inclina et laissa les deux femmes prendre possession des lieux. Dans un coffre, quelques affaires. Un baquet pour leurs nécessités. Deux exemplaires du Tao de Shinsei, et d'autres livres de piété mystique. Des lectures bien trop négligées par Ayame !
La shugenja se sentait épuisée. Ce soir-là, elle et Ikky ne se rendirent même pas au repas en commun. Heiji passa dans la soirée, toqua, puis ouvrit légèrement le panneau : elles dormaient à poings fermés, comme si c'était la première fois depuis des années.
Le moine s'éloigna en silence et traversa la cour encotonnée par la neige, le bruit de ses pas assourdis. Il frissonna quand une bise aigre s'infiltra en sifflant dans la cour ; il était pressé d'aller profiter de la cheminée du réfectoir.
![[Image: ninja3.gif]](http://www.sdm-ftp.homelinux.com/L5R/ninja3.gif)
Certainement inspirée par l'esprit d'un Ancêtre ou par un divin signe des Dragons élèmentaires, Ryu avait commencé à s'occuper d'un petit carré de jardin, au palais de la Magistrature. Dès le lever, elle allait s'y promener et y méditer. Elle s'y prenait trop tard pour espérer le voir fleurir. Mais elle se sentait en harmonie avec ces lieux.
Hiruya, de retour de ses exercices matinaux, la regardait prier, près du petit étang gelé.
Ils n'étaient plus que trois maintenant : eux deux et Shigeru.
Riobe parti sur les routes ; Bayushi Bokkai et Shinjo Kohei à la guerre ; et les deux Phénix, recluses au temple jusqu'à nouvel ordre.
Ils prenaient leurs repas en silence, recevaient peu de monde et surtout pas de Scorpions. On festoyait sur l'île de la Larme, malgré l'hiver et la menace de l'Outremonde, on vivait dans une belle inconscience et on essayait de retrouver un peu de cette atmopshère de folie et de fantaisie d'il y a quatre ans. Asahina Masumi faisait revivre la mode, les Scorpions fomentaient des intrigues amoureuses, Doji Itto se disait intéressé par le patronage d'une ou deux geisha de luxe ; les Dragons prenaient part à la fête, eux qui vivaient d'habitude comme des moines.
Mais on voyait peu la Magistrature d'Emeraude.
- Nous avons été ridiculisés, répétait Ryu. Nous avons perdu toute crédibilité.
Hiruya soupira, d'entendre cette rengaine pour énième fois !... Et Miya Katsu qui était toujours à Shiro no Soshuro. Shigeru n'osait rien dire : mais il avait complétement arrêté la boisson.
A défaut d'être sociables, nos héros étaient au moins vertueux !
Pour un Grue comme Hiruya, cette situation était difficile : c'était instinctif, chez les gens de son clan, de se mêler au monde, de briller, de plaire. Mais il devait rester dans cet austère palais, à pratiquer ses exercices rituels au lieu de rivaliser avec Doji Itto, Jocho et d'autres pour le coeur d'une femme ou une compétition artistique !
Il fallait l'accepter, c'était ainsi. Il payait pour Ayame son assistante. Depuis que celle-ci avait abusé de l'opium en public, Hiruya avait interdit l'île de la Larme à ses assistants sans autorisation.
- Je pense qu'il nous faut d'autres assistants, remarquait Ryu.
Elle prenait du poil de la bête, ces temps-ci.
- Si je puis me permettre, je recommande l'excellent et honorable Kitsuki Hanbei. Un très grand magistrat.
Hiruya hocha la tête en avalant son riz à la vapeur : honorable, honorable, c'était bien vite dit ! On sait qu'il en avait après les secrets pas franchement honorables d'Ayame et qu'il avait magouillé avec les Scorpions, au moment du procès Kumanosuke.
Mais Hiruya ne fit pas plus de remarques à ce sujet. Il dit juste :
- A ma connaissance, Kitsuki Hanbei est d'esprit indépendant. Il travaille seul. Je ne pense pas qu'il accepterait de se mettre au service de Katsu-sama. Eux deux sont égaux ou presque dans l'Ordre Céleste.
- Je pense qu'il nous faut aussi un shugenja. Car Ayame nous a rendu ridicules !
Elle pesait bien ses mots pour administrer sa leçon.
- Pourquoi pas un shugenja du clan du Scorpion, Hiruya-sama ?
- Ah non !...
C'était le cri du coeur ! Et pourquoi pas avaler la fiole de poison directement ?
- J'ai une autre idée, dans ce cas...
La question était : combien en avait-elle ?
Shigeru gardait le nez dans son bol.
- Nous pourrions écrire au clan de la Licorne et demander la femme de Shinjo Kohei. Elle se nomme Iuchi Shizuka et c'est une shugenja.
Ryu était agaçante à répéter ce que tout le monde savait. Hiruya avait eu l'occasion, plusieurs fois, de rencontrer la femme de son ami Kohei. C'était une bonne maîtresse de maison et, avec son mari, un tyran domestique. Le pauvre Kohei devait jouer d'inventivité pour trouver une excuse pour sortir, et aller retrouver ses amis !
Et il n'était pas rare qu'il se fasse mettre à la porte, pendant que sa femme organisait le grand ménage.
- Cette idée me plaît davantage, concéda Hiruya. Je songeais aussi à envoyer une missive à Bokkai. Pour savoir si son général consentirait à me l'envoyer.
- Il serait utile pour faire le lien avec le palais Shosuro, nota Shigeru.
Et c'était bien ainsi que Hiruya l'entendait.
- Bon, je déciderai plus tard. Ryu, j'ai une mission à vous confier !
Fini de bavarder !
- J'ai reçu d'inquiétantes nouvelles, d'une petite vallée encaissée, au nord-est de la ville. C'est au village dit de la Pierre Rouge. On signale des morts suspectes. Vous allez vous y rendre, avec Shigeru.
Les deux samuraï s'inclinèrent, ravis d'avoir une mission à accomplir.
De fait, la Magistrature retrouvait sa raison d'être.
Hiruya savait vraiment le minimum de choses sur cette affaire, mais il savait que la Dragon et le Crabe ratisseraient la région et ne reviendraient pas sans avoir découvert de quoi il retournait !
- Vous avez trois jours !
Ryu et Shigeru partirent sur l'heure. Hiruya les salua puis aller rédiger deux lettres, la première à l'intention de l'armée du clan Bayushi et la seconde à Shinjo Zenzabûro, daimyo de la Cité du Lac aux Rives Blanches.
A suivre...
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