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19e Episode : Les seconds rôles
#1
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE

<span style="color:orange">Les 5 Rônins : 19ème Episode</span><!--/sizec-->
Tigre 402



LES SECONDS RÔLES<!--/sizec-->


Samurai


1- Le dramaturge

2- Le conseiller

3- Le juge

4- Le rônin

5- Le prince

6- L’inquisiteur

7- Le shugenja

8- Le moine

9- Le scribe

10- Le saint

11- Le senseï

12- Le poète
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Reply
#2
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE


1 – Le dramaturge

- Bon, allez en place les enfants, en place !

Ikoma Noyuki souffla dans ses mains pour se réchauffer.
Le soleil se levait timidement. Il ferait encore froid pendant des heures dans le théâtre, avant qu’on ne puisse profiter d’un rayon de lumière et que la cheminée chauffe suffisamment.
- Nous ne serons jamais prêts à temps, murmura-t-il à Togashi Ojoshi.
L’ambassadeur allait et venait sur scène et dans la salle.
- Les lanciers, en place. Fond de scène. Les serviteurs, vous êtes en coulisses. Les danseurs, vous êtes dans les paniers là-haut. On vous descend, si seulement on trouve le technicien… Et les chanteurs, ils sont où ? Ah… Vous rentrez par la porte du fond. Vous jaillissez sur scène ! Et je veux du jaillissement, hein ! Pas comme on entre dans une cérémonie de thé. Vous sautez à la gorge du public, vous l’agressez…

L’Ize-Zumi était au fond de la salle, où il aidait le chœur des enfants à se chauffer la voix.
- La, laaa, la ! Lala !... Plus haute la voix. Plus posée… La, la…
Il laissa un moment les élèves continuer seul. Il venait de voir entrer deux membres de son clan, le duelliste Mirumoto Robun, qui accompagnait Togashi Honchu, l'aìné de la délégation des Dragons à la cour d'hiver.
- Ne vous déranger pas pour moi, dit-il à Ikoma Noyuki. Je ne vous dérangerai pas longtemps.
Les enfants s'inclinaient devant le vieil homme.
- Qu'ils sont adorables... Continuez à chanter, ne vous occupez pas de moi.

Les trois Dragons s'éloignèrent de quelques pas :
- Nous ne pouvions manquer de l'exclure, dit le vieil homme presque aveugle. Ce qui est fait, est fait. Seulement, nous devons penser à la protéger... A lui trouver un refuge le cas échéant.
- J'y réfléchis, dit Ojoshi. Ce ne sera pas simple de la protéger sans lui dire.
- Nous ne pouvons pas non plus la mettre dans un palais, dit Robun.
- J'ai pensé à l'ambassade des Lions, dit Ojoshi. Mais ils ne seraient pas contents.
- S'il le faut, j'irai leur parler.

Ojoshi salua les deux hommes. Il reprit les répétitions avec les enfants.

Noyuki s’était assis sur un tatami devant la scène :
- Allez, la scène de bataille, on la reprend entier...
Il toussa et se servit du thé.
- Et remettez-moi du bois dans cette cheminée !
Les acteurs ne commençaient pas.
- Alors, qu’attendez-vous ?
Noyuki voyait qu’ils hésitaient, qu’ils étaient gênés. Il se frappa sur le front :
- Où est le récitant ?... Personne n’a vu Shosuro Jotaro ? On ne peut pas faire la scène sans lui, il joue le général des démons ! Où est Jotaro-san !
Noyuki ordonna à un serviteur de courir voir dans les loges. Il revint en hochant la tête.
- Où est-il alors ? C’est incroyable.

Noyuki avait dû faire des pieds et des mains pour obtenir ce grand acteur Scorpion dans sa pièce, dans un des rôles principaux. Il avait contracté des faveurs envers les Shosuro et avait payé cher pour lui faire tailler des costumes à sa mesure.
- Ahlala, ces personnages principaux, c’est capricieux, imprévisible… Heureusement qu’il y a les seconds rôles, eux au moins sont toujours à leur poste, on peut se fier à eux !


Samurai


2 – Le conseiller

Un rayon de soleil apparut et lui caressa le visage. Hanteï Tokan ouvrit un œil.
Il eut de la peine à se lever. Il alla se regarder dans le miroir. Une mauvaise barbe poussait. Il avait des cernes, le fond de l’œil jaune. Il avait un mal de crâne insupportable.

Une servante entra sans bruit et lui posa un plateau-repas.
- Merci…
Il huma l’odeur du bon thé, qui l’aida à s’éveiller. Il avala quelques bouchées de riz. En réalité, il n’avait pas faim.
La servante revint peu après pour desservir et repartit.
Tokan enfila son kimono et ouvrit la porte de la pièce. Il fit coulisser le panneau et eut un haut-le-cœur : une tête de démon grimaçant le fixait !
Il recula d’un pas, avant de mieux ouvrir les yeux :
- Un masque… Qui est l’idiot qui… ?
Le couloir était encombré de costumes, d’accessoires et de panneaux de décors. Il continuait à traîner des sandales dans le couloir, sans comprendre.
D’une petite pièce provenait une délicieuse odeur de soupe. Trois servantes s’affairaient :
- Excusez-moi… Bonjour, mesdemoiselles… Où sommes-nous au juste ?
Elles rirent comme des petites filles.
- Vous êtes au grand théâtre des Marronniers, mon seigneur. Vous êtes arrivé hier soir avec le seigneur Ikoma Noyuki. Il a ordonné de vous faire installer dans la petite salle du fond dont on ne se sert pas. Nous vous avons mis un lit et le seigneur Noyuki vous a aidé à vous coucher.
Tokan eut une poussée de mal de crâne et revit la scène. Ils étaient sortis en milieu de nuit de leur maison de plaisir préférée. Il avait bu nettement plus que de raison.
- Je ne savais pas que nous étions juste à côté de ce théâtre.
- Autre chose pour vous, monseigneur ?
Elle y allait de leur petit rire.
- Non, merci…

Tokan continua dans le couloir. Il se cogna au passage contre une hallebarde et se prit les pieds dans des vieux kimonos qui traînaient. Il approcha des coulisses. Il entendit Noyuki qui faisait répéter les acteurs, les enfants qui chantaient. Il décida de ne pas les déranger.
Il se fit apporter une bassine d’eau, se refit une tête à peu près convenable pour rentrer. Il serra sa ceinture et mit ses sabres correctement. Il dit aux servantes de remercier pour lui l’ambassadeur.

Il ouvrit la porte, frissonna, resserra ses vêtements. Il monta la petite rue enneigée, dans l’air vivifiant. Le soleil pointait par moments au travers des nuages gris. Il vit un palanquin à deux porteurs arriver derrière lui.
- Hep, toi là !
Les porteurs s’arrêtèrent, tout en continuant à faire de la course sur place.
- Qui est dans ce palanquin ?
- Le seigneur Yasuki Koaratamachi.
- Arrêtez-vous, posez ce palanquin.
Ils obéirent. Le rideau s’ouvrit et un gros samuraï patibulaire, avec des bagues en or et un fond de teint, grogna :
- Que veux-tu ?
- Hanteï Tokan, conseiller impérial, dit le jeune homme fièrement. J’use de mon droit de préséance pour réquisitionner ton palanquin.
- Comment ?
- Je te prie de descendre, samuraï. J’ai rendez-vous à la maison impériale
- C’est… c’est scandaleux…
Le gros marchand dut sortir.
- Va donc boire un verre à l’auberge ici. Je te fais renvoyer ton transport dès mon arrivée. Ce ne sera pas long.
Le marchand se retint de jurer et entra, rageur, dans la taverne.
Tokan prit sa place à l’intérieur :
- En route, vous autres !
Les porteurs soulevèrent et partirent au petit trot. Ils montèrent la rue en pente, entrèrent dans les quartiers réservés aux familles impériales et posèrent le palanquin devant la demeure réservée aux Hanteï.
- Merci mes braves. Courez donc chercher votre passager d’avant !
Ils s’inclinèrent et repartirent en cadence.

Hanteï Tokan passa les antichambres pour les invités et se pressa de rejoindre sa chambre. Il croisa un autre conseiller, qui lui annonça sèchement que Norio-sama l’attendait.
Tokan accéléra. Le Vieux n’allait pas être content ! Il n’existait pas plus strict sur la ponctualité et le comportement.

Tokan ne parvenait pas à se faire à cette discipline. Dans sa jeunesse, il avait été élevé dans le luxe et le plaisir. On lui passait ses caprices. Quand il avait fallu devenir conseiller du vénérable Hanteï Norio, il avait senti la différence !
Tokan en avait souvent discuté avec son ami l’ambassadeur Ikoma Noyuki, lors d’une de leurs soirées de fêtes. Noyuki avait eu la vie facile, lui aussi. Né d’une bonne famille, il songeait à devenir poète. Il l’était devenu, avait remporté quelques succès dans les cours. Les femmes l’appréciaient, les hommes le trouvaient divertissant.
Jusqu'à ce jour où il avait entrepris de séduire la femme d’un autre… et y avait réussi. Le mari était un puissant Daidoji. Les amants avaient été découverts. Scandale. Humiliation de la famille Ikoma pour tenter de calmer les belliqueux Daidoji.
Des excuses, des réparations… La femme envoyée dans un temple pour la fin de ses jours. Noyuki qui pouvait tirer un trait sur sa carrière de courtisan. Il partait méditer sur la versification et l’adultère chez les Crabes.

Trois nuits sur la Muraille l’avaient marqué à jamais. On lui trouvait ensuite une place à l’ambassade, la moins courue de celles des Lions bien sûr. Le jour où l’ambassadeur auprès des Hida partait, on laissait simplement la place à Noyuki, qui avait appris à connaître la principale famille des Crabes.
Les privilèges de naissance jouaient beaucoup moins pour les nominations dans cette ambassade, dans la mesure où c’était bien souvent une punition. On faisait aussi preuve de plus d’esprit pratique, cela plaisait aux Hida. Les relations avec ces derniers étaient du reste ténues. Les Crabes, occupés en permanence à défendre la Muraille, n’avaient pas le temps de converser avec les Lions, bien qu’ils les respectassent comme guerriers.

Un autre puni était arrivé, Matsu Mitsurugi. Lui et ses amis avaient eu droit à leurs nuits sur la Muraille ; puis Mitsurugi avait obtenu le poste d’ambassadeur auprès des Yasuki [voir épisodes #8-9]. Il était un peu plus âgé que Tokan et Noyuki, mais n’avait pas oublié non plus d’être un fêtard. Seulement, Mitsurugi aimait un batailleur ; il aimait forfanter, placer des attaques dans les cours ; il aimait se frotter directement au Gozoku. Alors qu’eux deux ne voulaient pas d’ ennuis.

Hanteï Tokan frappa à la porte. Il attendit. Il frappa une seconde fois. C’était le Vieux qui l’exigeait ainsi. Il ouvrit, entra incliné, s’assit et releva la tête seulement quand Norio lui souhaita une bonne journée.
Timidement, Tokan se redressa. Norio vit aussitôt à quoi il avait occupé sa nuit. Ils prirent le thé en silence. C’était le rituel du matin et Norio détestait devoir le retarder. Tokan s’attendait à la réprimande habituelle.
Au lieu de cela, le vieil homme dit doucement, en soufflant sur son thé :
- Je ne serai pas toujours là, Tokan-san… Je me fais vieux.
- Seigneur, voyons, que dites-vous ?
- J’ai presque soixante ans…
- Justement ! Tenez, pour votre anniversaire, j’avais pensé…
- Il ne s’agit pas de moi, mais de vous, Tokan-san… Vous qui êtes si dispersé, si insouciant…

Il le regarda sévèrement, inquiet.
- Quand vous prendrez ma place, Tokan, vous hériterez d’une charge bien plus lourde que la mienne. J’ai fait ma vie dans une autre époque. Du temps de l’ancien Empereur, nous les Hanteï étions respectés. Les clans obéissaient aux volontés du Divin Fils du Ciel. Quand Il décida de mener l’armée au combat sur la Muraille, tous les clans marchaient derrière lui.
« Aujourd’hui, les coutumes ont bien changé. L’Empire vit une période troublée. On plie l’échine moins bas devant les Hanteï. On écoute moins l’Empereur que ses trois honorables conseillers qui prétendent gouverner à sa place. C’est dans ce monde-là que vous allez vivre. C’est le vôtre, pas le mien. Moi je suis déjà une relique.
« On me trouve touchant avec mes manières à l’ancienne. On plaisante de mes habitudes rigides. On m’écoute poliment quand j’évoque le passé. Mais je pourrais aussi bien parler à mon cheval.
- Seigneur, voyons, vous…
- C’est tout vu. Je pèse mes mots, vous le savez. J’aimerais juste quitter ce monde en sachant que mon successeur est à la hauteur. Pour le moment, je n’en ai pas l’impression...
- Mais, seigneur, je…
- On ne peut se faire respecter, Tokan-san, en étant seulement plus « fêtard » que les autres.
Tokan serra les poings et inclina la tête.

Ils finirent leur thé en silence. Au moment de partir, Norio rappela seulement à son conseiller quels entretiens ils avaient dans la journée. Ils se séparèrent dans le couloir.
Hanteï Norio alla marcher dans le parc, pour méditer. Il croisa le maître de cérémonie Seppun Tokugawa, qui discutait avec le juge Otomo Kempô.
- Bonne journée à vous, seigneur.
Norio les salua poliment, mais avec toute la distance requise.
A son âge, il n’avait plus peur de personne. Pas même des Scorpions ; ni de leur maître, Bayushi Atsuki, ni de son redoutable conseiller Bayushi Tangen (qui était en quelque sorte son ennemi intime). Non, s’il craignait encore quelque chose en ce monde, c’était de voir son conseiller Tokan finir comme eux, comme le maître de cérémonie, comme le juge. En décadent...


A suivre...Samurai
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#3
Classe classe tout çaaime


Par contre non pour les Dragons, désolé mais non, vraimentSpamafote
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#4
Il ne faut pas ignorer les DragonsYodaloy

A suivre : du courtisan inféodé au Gozoku, puis du rônin qui fait à Yatsume une proposition qu'elle ne peut refuserredaface2
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#5
Très bon ces petÿs portraitssmile
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#6
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE



3 – Le juge

Le maître de cérémonie Tokugawa s’inclina devant la statue de Shinsei qui ornait l’allée. Il laissa ensuite le juge Kempô s’incliner pareillement.
- Le vieux Norio ne craint pas le froid.
- Il se croit au-dessus de tout le monde, dit le juge en haussant les épaules. Il joue au sage impassible.

Les deux hommes sortirent des jardins impériaux. Ils partirent en palanquin dans leur maison de thé favorite, Le parfum céleste. Ils y retrouvèrent plusieurs hommes en vue en ce moment. C’était pratiquement une promotion sociale d’être admis dans cette maison, car c’est ici que les courtisans qui cherchaient les faveurs du Gozoku se rencontraient, formaient des alliances.

On salua Seppun Tokugawa. Il faisait en quelque sorte partie des meubles de la cour impériale itinérante. De part sa naissance, il était devenu maître de cérémonie très jeune, à dix-sept ans. Il organisait depuis longtemps le protocole de la cour. Il parlait de façon volontiers pompeuse. Il aimait le grand style, les décorations somptueuses. Lui, en revanche, savait se faire transparent. Il disparaissait dans ses décors. Nul plus que lui ne connaissait l’art de la docilité.

Les deux hommes commandèrent à manger.
Un gros Yasuki –c’était le marchand Koaratamachi – racontait à l’assistance ce qui lui était arrivé en début de matinée :
- Je me rendais chez un me des bons clients, quand ce jeune coq de conseiller impérial m’ordonne de descendre ! Et il se moque de moi, me dit que je n’ai qu’à continuer à pied ! Il m’a presque menacé de la bastonnade si je n’obtempérais pas immédiatement !... Je crois l’avoir vu donner des pièces à mes porteurs pour qu’ils s’arrêtent.

C’était scandaleux, l’assistance en convenait.
- Il se croit tout permis, car c’est un Hanteï…
- Il ne craint pas de s’attirer des inimités…
- Une réputation, ça va vite… L’infamie est une maladie qui s’attrape aisément…
- Plus aucune décence dans cet Empire…
On se regardait d’un air entendu.
- Vous êtes de bien mauvaise humeur ce matin, messeigneurs…
On se retourna vers la femme qui venait de parler. C’était la grande peintre Doji Shuzuka, dite « la femme-neige ». Elle était devant son chevalet, à peindre négligemment quelques arbres et des oiseaux.
- Vous ne trouvez pas scandaleuse cette attitude ? demanda le juge Kempô.
- Ce Hanteï a exagéré, c’est certain, concéda Shuzuka.
- Je ne vois pas pourquoi je tolérerais ce comportement, grognait le marchand, alors que je travaille dur pour faire vivre ma famille et mes employés – tandis que lui peut se prélasser toute la journée !
On approuvait.
- Vous êtes une grande artiste, dit le marchand Yasuki, alors sans doute flottez-vous au-dessus de ces réalités. Mais je peux vous dire que moi, qui ai hérité de la fabrique de tapis de mon père…

D’autres se mettaient à raconter des histoires semblables. Des cadets de famille déshérités ; d’autres, des ambitieux nés dans des familles humbles, qui avaient dilapidé leur maigre héritage pour s’acheter un kimono. Des aspirants artistes qui jalousaient les poètes de cour. De puissants marchands qui devaient s’incliner devant des nobles oisifs. Même des moines que leur indiscipline ou leur origine trop modeste condamnaient à être des inférieurs toute leur vie. Quelques protectrices de maisons de geisha qui s’inventaient des aspirations au mécénat...
La salle s’animait. On buvait dès le matin pour se réchauffer. Impassible, la peintre Shuzuka travaillait sur sa toile. Un admirateur s’approchait :
- Vos peintures sont toujours aussi magnifiques.
- Oh, ce n’est qu’une petite esquisse…
- Je cherchais votre ancienne apprentie, pour lui demander de me donner des cours, car je crois qu’elle est devenue senseï.
- C’est vrai. Dites-moi votre nom et je vous recommanderai à elle.
- Vous pouvez vous consacrer uniquement à votre peinture désormais…
- Pour le moment, mais bientôt j’aurai une nouvelle apprentie, bien plus jeune…
Plusieurs marchands s’échauffaient :
- Il faudra trouver le moyen de donner une bonne leçon à ce Tokan, dit Koroatamachi. Vous, seigneur juge, ne connaissez-vous pas un moyen ?...
- Je ne sais pas, je devrais y réfléchir, dit Otomo Kempô…

La porte s’ouvrit. Un courant d’air entra, éteignant plusieurs bougies. Cinq gardes du corps Bayushi firent irruption et s’installèrent autour de la salle.
Puis entrait le conseiller Bayushi Tangen, dans un kimono noir tenté de rouge, avec un masque carmin réhaussé de blanc. On s’inclinait très bas devant lui.
- Bonjour à vous, mes seigneurs…
Il s’assit à la meilleure table, sur une estrade. Les gardes du corps se rapprochèrent de leur maître. Les discussions ne reprirent que lorsque le conseiller porta un verre d’eau à sa bouche -mais un ton plus bas. Tout le monde voulait ressembler au seigneur Tangen, pas consciemment mais comme par mimétisme.
Il était un héros pour cette assemblée de seconds. Il incarnait la réussite du conseiller de l’ombre, dont on se dit qu’il gouverne réellement tandis que le dirigeant officiel n’est qu’une marionnette.
Les serveurs se pressaient pour rallumer les bougies. Les plus informés virent que le conseiller discutait avec un duelliste réputé, Bayushi Renshun. Ce dernier avait été l’élève d’un virtuose du sabre, Bayushi Natsu, qui avait connu la déchéance et qui était sûrement mort maintenant...

Le maître de cérémonie Tokugawa raconta au juge l’histoire de l’attaque des quatorze samuraï.
- Ils ont défié le senseï du dojo, qui s’était rebellé contre son daimyo. Ce félon a été justement puni. C’est grâce au courageux témoignage de Bayushi Renshun que cette trahison a pu être découverte. Et ils ne furent pas trop de quatorze pour abattre les conspirateurs !
- Oui, dit le juge, Bayushi Renshun a eu la loyauté de préférer son daimyo à son senseï. Ceux qui l’ont accompagné ont vu au-delà des intérêts de clans.
- En récompense, le daimyo Bayushi Atsuki a accueilli Renshun parmi sa garde.
- C’est ce qu’il convenait de faire.
La porte de la maison s’ouvrit.
- Et quand on parle du loup... dit le maître de cérémonie à voix basse.
C’était le capitaine Otomo Jukeï qui entrait.
- … car c’est bien lui qui a dirigé l’attaque !
- Maintenant que vous me le dites, je m’en souviens, dit Otomo Kempô. Et le samuraï qui avait trahi, ce Bayushi Natsu ?...
- Chut, il est interdit de dire son nom, dit Tokugawa. Il a été déchu. Tout souvenir de lui sera détruit, c’est la règle, comme vous le savez, votre excellence. Il est ressorti estropié du combat contre les samuraï. Certains prétendent l’avoir vu errer sur les chemins, en guenilles. On sait comment les gens comme lui finissent…
- Oh oui, bien sûr, dit le juge. A propos, avez-vous vu un prêtre pour votre arc ? Pour le faire purifier…
- Oh, ne m’en parlez pas ! Cette histoire m’est si douloureuse, gémit Seppun Tokugawa.
D’un ton plus haut, que tout le monde entende bien, il ajouta :
- Que ne ferais-je pas pour me venger de cet insolent de Matsu Mitsurugi qui m’a joué un si mauvais tour au concours de tir à l’arc…

Otomo Jukeï s’était assis à sa table. On le regardait avec déférence ici, car c’était un courageux soldat, qui osait s’occuper de cette racaille de rônins.Sarko

Bayushi Renshun se leva et tapa sur son bol :
- Nobles seigneurs et amis…
Les conversations et les repas s’arrêtèrent :
- Je tenais à vous annoncer une excellente nouvelle. Certains d’entre vous étaient certainement au courant qu’il reviendrait parmi nous. Ainsi, au nom du clan du Scorpion et de son excellence Bayushi Atsuki, je me permets de saluer l’honorable capitaine Otomo Jukeï…
Tout le monde s’inclina.
- Vous le savez, une disgrâce très exagérée s’était abattue sur lui, à cause de mauvais conseillers impériaux…
Ricanements haineux. S’en prendre aux « conseillers » (fielleux, mesquins, mal informés) était toujours une façon détournée de s’attaquer au maître. Dans ce cas, l’Empereur lui-même... Il n’y aurait personne dans cette assemblée pour en vouloir à Renshun !
Jukeï était parti rouge de honte, on s’en souvient, après être arrivé devant l’Empereur avec Maya à son bras, sans savoir qu’elle allait rater de la plus belle façon sa révérence devant le Fils du Ciel. Jukeï était alors parti chasser les rônins de la région, le temps de se faire oublier. [voir épisode #16]
- Bien heureusement, continua Renshun, le seigneur Bayushi Atsuki, ému de ce sort injuste, est intervenu en haut lieu. Et la sentence a été adoucie. Or, je dois vous apprendre, messeigneurs, que c’est le conseiller Bayushi Tangen, qui a fait cette suggestion le premier à son maître.

Tangen fit un petit signe modeste, pour dire qu’il n’y était pour rien. L’assemblée leva son verre pour lui. Le marchand Koaratamachi leva le poing et dit que c’était une bien bonne chose :
- Le shinsem-gumi nous protège quand nous traversons des campagnes dangereuses. Ils ne favorisent pas systématiquement les plus nobles, mais les gens qui font vivre réellement cet Empire. Il ne s’attaque qu’à ceux qui sont un danger pour les gens honnêtes. Tous ces rônins, surtout…
- Oui, c’est vrai, c’est vrai…

Le juge Kempô dit qu'il ne devait pas tarder.
- Pour en revenir à ce que vous disiez, dit-il au seigneur Tokugawa quand ils furent dans la rue, moi aussi je n’aime guère ce Mitsurugi…
- Quand je pense qu’il était, il y a quelques jours encore, dans la maison impériale.
- Pardon ?
Le juge avait blêmi.
- Mais si, souvenez-vous, nous nous promenions dans le jardin, comme aujourd’hui. Et nous l’avons vu…
- Je ne m’en souviens pas.
- Je ne vous l’ai pas fait remarquer sur le moment, car je voulais l’ignorer. Il était pourtant bien là…
- A la maison impériale ?
- Mais oui, comme je vous le dis.
Le juge était agité de tremblements nerveux :
- Que faisait-il là ?
- Je l’ignore. Je pourrai l’apprendre facilement. Il était avec sa "fiancée". Hum, vous voyez ce que je veux dire...
- Je l’avais revu il y a peu de temps, dans une réception. Mais voilà qu’il a ses entrées chez nous ! Oh, mais je ne peux pas laisser faire ! Je ne peux pas !
- Vous le connaissez donc ?
- Un peu, un petit peu…

Kempô n’avait jamais parlé à Mitsurugi. Il n’avait fait que le condamner ! C’était lui qui avait dégradé les trois samuraï Shiba Mitsurugi, Isawa Sasuke et Hiruma Yojiro au rang de rônins [voir épisode #1] ! Ils remontèrent la rue, agacés qu’il n’y ait pas de palanquin prêt pour eux. Ils croisèrent trois hommes à la propreté douteuse, dont les manteaux cachaient mal les daisho. Des rônins !
Le maître de cérémonie et le juge se mirent bien de l’autre côté de la rue, effarouchés.
- Je pue mais je ne suis pas contagieux, monseigneur !
Les autres rigolèrent.
Kempô, indigné, passa son chemin.
- J’ai bien envie d’appeler le capitaine Jukeï pour faire enfermer cette racaille.
- Ma foi, dit Tokugawa, ce n’est pas à nous de faire la police dans cette Cité. Par contre, soyez sûr qu’avant peu, ces gueux auront été chassés !
Les deux importants personnages trouvèrent un palanquin plus haut dans la rue. Ils étaient rouges d’avoir monté cette côte.


A suivre...Samurai
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#7
Tain moi je l'ai pas encore vu ce Kempo à la cour d'hiver mais quand je vais revenir uber-cheaté, ca va chier des bulles...violent
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#8
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE



4 – Le rônin


Les trois rônins rirent encore de la tête du petit gros et du grand maigre.
- N’en faites pas trop, dit le plus âgé. Nous ne sommes pas en sécurité dans cette Cité, vous le savez. Ne donnons pas de prétexte pour nous faire chasser.
- Oui, tu as raison Juro.

C’était bien le chef du clan du Loup qui marchait avec ses plus fidèles soutiens, Ranto et Shokun, deux hommes de la première heure. Ils étaient déjà là quand le clan du Loup avait été fondé à la Cité du Cri Perdu [voir épisode #5]. Ils avaient aidé à la protection de Tange Sazen quand il avait quitté la Cité du Levant pour se réfugier sur l’île. Ils avaient suivi le vieil homme quand il avait décidé de venir sur les terres Crabes.

Ranto était le plus aventureux des deux : il avait été remarqué par Manji à l’époque, qui lui avait accordé sa confiance pour retrouver le cinquième repaire des Loups [voir épisode #5]. Il avait plus tard aidé Yojiro à retrouver Petite Vérité [voir épisode #17].

Les rônins pressèrent le pas quand ils virent la maison Le parfum céleste, car on les avait informés que c’était un repaire de suppôts du Gozoku.
Ils continuèrent leur descente.
- Je ne sais pas si c’est une bonne chose de lui demander si tard, dit Shokun.
- Nous venons seulement d’apprendre son retour, dit Ranto. D’aucuns la croyaient morte ou partie à jamais.
- Tout cela serait allé plus vite si nous avions obtenu l’aide de l’Ize-Zumi…
- D’un autre côté, dit Juro, Maya est connue comme le loup blanc. Elle, beaucoup moins…
Ils entrèrent dans le quartier des marchands. A la limite avec le quartier eta, ils trouvèrent une petite maison d’où sortait une bonne fumée.
Juro frappa. Des pas derrière. C’est un jeune homme plus bronzé qu’un paysan qui ouvrit. Il avait la peau très foncée, de grands yeux. Juro recula, choqué.
- D’où tu viens, toi ?
- Mon nom Avishnar. Que veux-tu ?
- Voir Yatsume.
Il parlait avec un drôle d’accent et il avait un drôle de nom.
- On peut rentrer ?
Une voix dit oui de l’intérieur. Les rônins se baissèrent pour passer la porte. Yatsume était assise sur une natte avec une petite fille. Elles lisaient une histoire.
- Pardon de vous interrompre, dit Juro.
Yatsume le reconnut.
- Le clan du Loup...
La maison n’était pas grande. Elle dit quelques mots à sa fille, qui alla dans la ruelle derrière la maison.
- Nous ignorions que tu avais fondé une famille…

Yatsume les invita à s’asseoir. Avishnar sortit jouer avec Yutsuko.
- Tu as fait un long voyage à ce qu’on dit ?
- Oui, dit Yatsume.
- Yojiro nous a dit que tu étais allée plus loin que les Royaumes d’Ivoire. Tu as trouvé ce que tu cherchais ? demanda Juro.
- Oui…
- Tu n’es plus dans le clan du Lion ?
- Comme tu vois. Je me débrouille moi-même.
- Et lui, qui c’est ? Une pièce rapportée des pays gaijins ?
- Il vient des Royaumes d’Ivoire.
Ils ne se connaissaient pas bien. Ils avaient fait partie en même temps du clan du Loup à l’époque où Manji en était le chef.
- Bon, ne tournons pas autour du pot, dit Juro. Nous venons te voir de la part du vieux senseï.

Yatsume s’en serait doutée. Elle n’aimait pas cette part d’elle-même. Elle avait trahi Tange Sazen, sur la demande de Kokamoru, à l’époque où celui-ci était encore fidèle à son clan. En échange, elle avait obtenu du Scorpion des informations –trompeuses ! [voir épisode #9]
- Il est de retour, dit Juro. Il a besoin qu’on lui ouvre une porte…
- Cela dépend quelle porte…
- Nous parlons d’une dette d’honneur que tu as contracté envers lui, le jour où il s’est abstenu de représailles contre toi.
- Je sais, je sais…
Yatsume avait au fond du respect pour le vieil homme. Tout avait été gâché par cette trahison ! Elle s’en voulait...
- Nous venons te délivrer de cette dette.
- Bien, dites-moi ce que vous attendez de moi…
Elle leur dit de patienter un moment. Elle sortit parler à sa fille et Avishnar :
- Vous voudriez aller acheter un ballot de riz ? Et un poisson pour ce soir ?
- Oui, d’accord.

Elle rentra :
- Je vous écoute.
- Prends bien note, dit Juro, le vieux senseï a des instructions précises…
Yatsume servit du thé.
- Merci, il est très bon… Tu connais le chemin de ronde qui va de la Cité à la Muraille ?
- Oui, je crois bien…


Samurai


5 – Le prince

Avishnar et Yutsuko descendirent au port. Il valait mieux ne pas s’y rendre de nuit.
- Je n’aime pas la neige, dit Yutsuko.
Elle se serra contre Avishnar.
- Comment ça se fait que tu ne sais ni lire ni écrire ?

L’ancien prince fut vexé. Dire qu’il avait eu dès le plus jeune âge un talent exceptionnel pour la calligraphie et qu’il écrivait, tout jeune, des histoires épiques. Le voilà qui devait tout reprendre du début.
- Si tu veux, je te donnerai des leçons…
- Merci, dit-il.

Aux Royaumes d’Ivoire, il avait appris l’art de la conversation raffinée avec les meilleurs précepteurs. Il connaissait vingt mots différents pour dire « plaisir », trente façons de désigner la beauté des yeux de la femme et autant pour décrire la douceur de l’air ! Il pouvait réciter pendant une soirée entière les aventures de ses ancêtres légendaires… Ici, il parlait moins bien qu’un fils de charbonnier.

Ils achetèrent un beau poisson que la petite choisit elle-même.
- C’est une truite, tu vois…
Au palais d’Emeraude, Avishnar avait appris cent noms de dieux-poissons et de leurs différentes métamorphoses dans la légende de l’Océan Sublime !

Quand il était arrivé à Rokugan, après une échappée magique depuis les Sables Brûlants [voir épisode #17], Avishnar n’avait pu retenir Yatsume. Elle était partie chercher sa fille dès leur retour. Il avait dû apprendre à se débrouiller seul. Il avait erré de par la ville, près du port. Avec le peu d’argent laissé par Yatsume, il avait acheté un repas et à boire. On le regardait comme une bête curieuse. Il avait son cimeterre à portée de mains (une belle lame, achetée à Medhin). Soudain, trois gros soldats avaient fait irruption dans la taverne. Ils l’avaient immobilisé avec de grandes fourches, puis emmené dans une tour de pierre à plusieurs étages.

Il avait compris qu’on lui demandait où se trouvait Yatsume. Ces soldats portaient des uniformes avec un crabe dessiné dessus. Avishnar avait également compris que l’homme qui s’adressait à lui se nommait Tadao. C’était sûrement un sorcier.
On avait fait marcher Avishnar sur un cercle de peinture. Il ignorait de quel rituel il s’agissait. Rien ne s’était passé. Les soldats avaient eu l’air rassuré. On l’avait raccompagné près du port, où on lui avait désigné une minuscule maison où s’installer.

Depuis, il savait qu’il était surveillé par les hommes de ce sorcier, qui s’habillaient comme des pêcheurs. Yatsume était arrivée quelques jours plus tôt; de son périple en terres Scorpion. Elle y avait retrouvé sa fille. Elle n'en avait pas dit plus à son ami. Simplement qu'ils l'élèveraient ensemble.

Avishnar et Yutsuko quittaient le port, quand ils croisèrent une patrouille de soldats Crabes. Ceux-ci entrèrent dans la taverne où plusieurs espions de Tadao passaient leurs journées.


A suivre...Samurai
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#9
C'est plus ce que c'était la police Crabe, on laisse courir les sans papiers...

J'te foutrais ça dans un charter pour Bangalore [Image: sarkomain.gif]
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#10
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE



6 – L’inquisiteur

Hida Goemon poussa la porte de la taverne. Le yojimbo savait à quelle table s’asseoir. Les agents de l’Inquisiteur y passaient leur journée. Ils ne se cachaient pas de la population, qui savait très bien qu’elle était surveillée de près.
- Alors, pas de problème avec le gaijin ? demanda Goemon.
- Non, dit un des hommes en se curant les dents, il habite la maison. Yatsume l’y a rejoint avec cette fille.
- Vous continuez à planquer ici.
- On connaît la consigne.
Goemon leur offrit sa tournée.
- Je ne reste pas, le patron m’attend…
Il remonta avec ses hommes à la tour des Inquisiteurs. Tadao le reçut. Yasashiro était là.
- Rien de nouveau, seigneur. La maison Yatsume se tient tranquille.
- Tu m’as bien dit, Yasashiro, que tu as vu le conseiller Kokamoru dans les Sables Brûlants ?
- Oui.
- Et que Yatsume et lui se sont parlé ?
- Oui, tout à fait.
Depuis qu’il avait appris dans quelle magie noire l’ancien conseiller Scorpion trempait, Tadao cherchait à le retrouver. L’Inquisiteur surveillait Yatsume pour cette raison, et aussi parce qu’elle avait voyagé dans les Sables Brûlants -qu'elle avait donc pu être mise en contact avec cette magie noire. Pour ne rien arranger, elle était revenu avec cet Avishnar. Si les étrangers n’étaient pas interdits dans Rokugan, on s’en méfiait quand même.
Les responsabilités qui pesaient sur l’Inquisiteur étaient les plus lourdes qui soient. Parce que c’était à lui qu’on laissait les affaires les plus sales, les plus inhabituelles. C’est Tadao qui avait en grande partie permis, trois ans auparavant, de découvrir que le capitaine Yasuki Kuma faisait partie de la conspiration du Lotus, qui avait ensuite envoyé Yasashiro en tant que rônin traquer le Lotus.

C’est l’Inquisiteur qui avait été chargé de l’enquête sur la vallée de la Honte. Ne pouvant entrer en territoire Scorpion, il y avait envoyé Mitsurugi et ses amis [voir épisode #8]. Il avait ensuite continué à enquêter sur la conspiration du Lotus. Enfin, il avait découvert grâce à Mamoru / Geki ce qui se tramait au château de la pointe qui touche la lune [voir épisode #17]. Bien sûr, aucun Inquisiteur ne voulait enquêter ni sur une conspiration ayant infiltré le clan du Crabe par l’intermédiaire des Yasuki, ni sur une magie inconnue, sans lien avec l’Outremonde. Les autres Inquisiteurs préféraient les affaires plus « classiques » de traque de monstres et d’invocations maléfiques.
- Ils veulent du démon « à la papa », grognait l’Inquisiteur.
Tadao encore, qui s’était occupé d’étouffer la présence d’un shuten-Doji [démon primordial lié à une émotion] qui avait été emprisonné par Akuma près de la Vallée aux Esprits, et détruit par Mitsurugi et Sasuke [voir épisode #13]
Et c’était Tadao qui était mal vu au grand conseil inquisitorial ! Le chef de la famille Kuni, le Grand Inquisiteur, ne comptait pas le favoriser pour les services exceptionnels rendus au clan et à l’Empire.

S’ils savaient ce que Tadao avait réellement fait pour l’Empire... Il y avait la partie secrète. Alors qu’il rentrait d’une visite d’amabilité aux Lotus, Yasashiro avait demandé :
- Comment se fait-il, maître, que vous puissiez être au courant pour Geki ? Alors que la Fortune du Secret ne m’accorde sa protection qu’aussi longtemps que je n’en dévoile le secret à personne…
- La voie des Fortunes est souvent incompréhensible aux hommes.
- Je crois, avec tout votre respect, comprendre ce qui s’est passé. Vous avez déjà lié un pacte avec cette Fortune…
L’Inquisiteur regardait son samuraï enlever son costume nocturne. Il sourit.
- Je me demande bien, seigneur, si vous n’avez pas porté le costume de Geki dans votre jeunesse…

Tadao n’avait rien répondu. Il était monté se coucher. Yasashiro n’avait pas insisté.

L’après-midi se terminait. L’Inquisiteur décida d’aller se montrer dans le monde. Il mit ses beaux habits, qui ne lui enlevaient pas son air farouche. Il traversa le passage fermé qui reliait la tour des Inquisiteurs au palais de la famille Hida, traversa le bâtiment, qui était le plus fortifié de l’Empire, puis emprunta un second passage. Il entrait dans une salle où quelques courtisans commençaient tôt leur soirée. Des geishas dansaient sans entrain excessif. Des serveurs passaient avec du sake. Les samuraï présents tentaient d’échapper à l’ennui et à la peur qui imprégnaient ce pays.
Tadao vit justement quelqu’un à qui il désirait parler…


Samurai


7 – Le shugenja

Les tensaï rentraient de leurs journées d’entraînement. Isawa Masaakira avait emmené ses élèves, y compris Matsu Sasuke, à l’ouest de la Vallée aux Esprits, dans les contreforts des montagnes barbares séparant l’Empire du désert. Ils avaient atteint une région volcanique où les kamis étaient très agités.

Isawa Nobuyoshi, tensaï de l’Air, regardait distraitement les danseuses. Isawa Ichibei, tensaï de la Terre, discutait avec un capitaine Hiruma. Isawa Mizu, tensaï de l’Eau, lisait un parchemin à son maître. Masaakira l’interrompit quand il s’aperçut que l’Inquisiteur Tadao souhaitait s’asseoir à sa table.
- Prenez place…

Tadao ne savait pas comment parler aux Phénix. Il savait qu’il passerait immanquablement pour un amusant rustre à leurs yeux. C’était encore plus vrai quand il parlait à un tensaï du Vide comme Masaakira. Bien qu’ils fussent des shugenjas tous les deux, il y avait peu en commun entre un Inquisiteur lié à la magie de la terre pour détruire les démons, et un seigneur Phénix capable de se plonger en esprit dans les étendues mouvantes et sublimes du Vide, cet élément primordial d’où provenaient tous les autres, et où ils finissaient tous par retourner.

- Avez-vous fait bon voyage ?
Tadao essayait de s’exprimer poliment. Il voyait bien que les autres trouvaient ces manières artificielles ! Quelle bande de pédants !... Dire que, même s’ils avaient le pouvoir de détruire à eux quatre une armée de l’Outremonde, ils trouvaient indignes de leur statut d’invoquer leur magie à des fins guerrières !
- Un voyage d’étude fort enrichissant, oui, dit Masaakira.
Tadao se demandait quel genre d’entrainement il faisait suivre à ses élèves… Chez les Kuni, les apprentis suivaient un Inquisiteur dans une mission de destruction d’une secte d’adorateurs du mal, ou bien faisaient des nuits sur la Muraille. Ceux qui revenaient vivants recevaient leur titre ! Que fait-on pour découvrir le Vide ? Les pieds au mur ?... Tadao se moquait, mais il respectait cet art, qu'il aurait voulu étudier, s'il en avait eu le luxe.

Il était de notoriété publique qu’Isawa Masaakira attendait de succéder à l’actuel Maître du Vide au conseil élémentaire. Ce qui signifiait que plusieurs, sinon tous ses élèves, l’y suivraient. Peut-être pas tous, car il y avait des rivalités, d’autres senseï qui défendaient leurs élèves. C’est pourquoi Masaakira voyageait beaucoup pour un Phénix. Capable de se retirer en méditation intérieure pendant des jours, il soignait aussi la partie mondaine de son être ! Il avait la réputation d’être plus ouvert aux enseignements des autres clans. Alors que la règle voulait qu’un shugenja Phénix trouve la magie des Crabes grossière, celle des Dragons incompréhensible, celle des Scorpions déshonorante, celle des Lions insignifiante, celle des Grues futile !

Le mauvais coup qui avait été porté au tensaï du Vide, c’était la déchéance de Matsu Sasuke, son élève du feu. On s’étonnait que Masaakira tarde à lui trouver un remplaçant. Son choix de l’emmener avec les autres élèves, alors qu’il était d’un autre clan, avait dû faire jaser dans le clan du Phénix. De même que le combat spectaculaire qui avait été organisé naguère entre Sasuke et l’élève de la Terre [voir épisode #11]. C’était Tadao, après l’affaire de l’effondrement de la nécropole, qui avait demandé à Sasuke de se faire le champion des Crabes, parce que c’était un shugenja de la Terre qui était en face, et que les Crabes respectaient trop les suivants de cette voie –et parce que Sasuke était le seul shugenja présent à la Cité de la Pieuvre capable de rivaliser avec un tensaï Phénix !
Masaakira n’en avait pas voulu à l’Inquisiteur de mettre Sasuke face à Ichibei. L’occasion avait été parfaite pour lui de montrer la puissance de ses élèves. Tadao avait contribué, sans le vouloir, à la réputation de Masaakira.


A suivre...Samurai
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