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26-11-2009, 11:17 AM
(This post was last modified: 21-12-2009, 10:00 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
<span style="color:orange">Les 5 Rônins : 15ème Episode</span><!--/sizec-->
Chien 402
Les créatures secrètes<!--/sizec-->
(2) Dans les limbes ou en-dessous<!--/sizec-->
Le bakeneko désignait un grand tourbillon au bord de l'eau, d'où sortaient de grandes créatures ailées, des vouivres noires, rouges ou vertes, qui montaient dans le ciel en hurlant.
- Je connais ce genre de monstres, dit l'Inquisiteurs, ce sont des prédateurs de l'Outremonde ! S'ils sont arrivés ici, c'est qu'Akuma n'est pas loin !
Les vouivres fonçaient comme un seul monstre sur nos héros en poussant des cris déchirants. Sasuke fit une courte invocation aux esprits du Feu et leur envoya quatre crépitantes boules de feu ! L'Inquisiteur fit une invocation aux fortunes de la Terre et envoya un tourbillon de jade qui enflamma les monstres en même temps que le sort de Sasuke !
Les samuraï avaient dégaînés leurs sabres et tranchèrent trois des vouivres. Le bakeneko avait reculé et, d'un coup, se détendit comme un ressort, sauta de plusieurs mètres pour planter ses griffes dans les yeux d'une autre créature, qui s'effondra à terre, où Mamoru lui écrasa le crâne.
- Bien joué, le chat.
Une dizaine des reptiles volants était à terre. Les autres s'enfuirent vers la mer et replongèrent dans le tourbillon.
- Bakeneko, où allons-nous ? dit tout haut Mitsurugi.
Le chat miaula et partit vers un grand temps de bois, entouré d'un jardin traditionnel à l'abandon. Mamoru y était passé la dernière fois : c'était la résidence de ce "Hanteï Ojime". Nos héros découvrirent, surpris et inquiets, que l'idéogramme "Hanteï" avait été frappé plusieurs fois, rayé délibérément. Ils se consultèrent, mais personne ne connaissait ce personnage. Mamoru et l'Inquisiteur firent comme s'ils découvraient ce nom.
- Akuma, cria Mitsurugi, main au sabre, où te caches-tu !
Ils traversèrent le jardin abandonné, avec ses bassins envahis par les lentilles et les mouches et ses sentiers boueux.
Ils pénétrèrent dans le temple, Mitsurugi en tête et regardèrent la grande pièce d'accueil : il y avait une table de banquet, avec des restes récents. Des bouteilles renversées, des assiettes cassées, des plats plein de riz moisi...
- Nous allons nous séparer en deux équipes, décida Mitsurugi. Maya et Sasuke, vous viendrez avec moi fouiller ce temple. Je propose, Inquisiteur, que vous fassiez le tour des jardins avec Goemon et Mamoru... et le chat.
Le groupe des Crabes alla observer les chemins et les différents petits bâtiments du jardin. L'ensemble était saccagé. Une petite armée avait dû piétiner l'endroit.
- Il n'y a que des barbares de l'Outremonde pour profaner un jardin comme celui-ci, appartenant à un Hanteï.
Il y avait un bois derrière le temple, dont Mamoru savait qu'il menait à la falaise qui faisait la pointe nord de l'île. Ils entendirent du bruit et y coururent. Mamoru arriva le premier et, comme il était déjà venu, trouva le chemin qui grimpait. Il vit alors, assis sur une branche, un moine au chapeau conique, à la peau blafarde et aux yeux brûlant d'une lueur écarlate.
- Chair...
C'était bien lui, le dernier membre de son groupe, l'ancien moine qui avait protégé spirituellement les samuraï quand ils étaient allés chercher Yasuki Kuma.
- Tu nous suis toujours, Yasashiro ? Pourquoi ne pas nous rejoindre ? Il est encore temps... Akuma a besoin de guerriers comme toi. Il a admiré ta bravoure folle quand tu t'es jeté dans le torrent. Il a besoin d'hommes de ta trempe.
- J'ai déjà dit non et je n'ai qu'une parole !
- Alors, ces limbes seront votre dernière demeure...
Chair bondit sur une branche plus haute et passa sur un autre arbre. Goemon et Tadao arrivaient avec le chat.
- Là-haut ! cria Mamoru.
Ils eurent le temps d'apercevoir la silhouette qui s'enfuyait.
- Va prévenir les autres, dit l'Inquisiteur. Goemon et moi allons l'attraper ! Viens le chat !
Mamoru repartit au temple en courant, fit le tour du jardin et entra dans le temple. Mitsurugi, Sasuke et Maya fouillaient ; ils s'arrêtèrent et suivirent Mamoru dans le bois.
- Ils sont partis par là ! Un des sbires d'Akuma s'enfuit !
Les samuraï escaladèrent la pente et sentirent bientôt l'air marin.
- Tadao-san ! criait Mitsurugi.
Aucune réponse. Ils avaient monté le chemin et ressortaient du bois sur la falaise nue comme la main, et qui tombait à pic dans une mer d'étoiles. Pris de vertige, nos héros reculèrent face à cette immensité.
- Quel est ce monde ? dit Mitsurugi.
- Aucune trace de l'Inquisiteur, dit Sasuke.
- Ils ne peuvent pas être loin. Redescendons et fouillons chaque recoin !
Les samuraï s'exécutèrent ; ils taillèrent dans les branches, fouillèrent, cherchèrent des trous dans le sol ou dans les troncs, des passages dissimulés par des taillis, n'importe quoi... Rien. Les deux Crabes et le chat avaient disparu.
- Misère, et c'est le bakeneko qui sait nous rouvrir le passage pour retourner chez nous...
Il fallait se rendre à l'évidence qu'ils étaient bloqués dans les Limbes.
C'est alors que trois moines semblables à Chair surgirent dans les arbres et se laissèrent tomber devant nos héros. Ceux-ci réagirent vite et engagèrent le combat. Leurs ennemis étaient des doubles de Chair, fabriqués par la maho. Ils portaient des coups très rapides, meurtriers. Maya eut l'occasion de reprendre son entraînement de kazedo, car elle avait des maîtres en la matière face à elle. Mitsurugi reçut plusieurs coups mais il se laissa pas désarmer, et un coup de lame Shiba bien placée eut raison de son ennemi ; de même, Mamoru encaissa un beau déluge de coups de poings mais rien de suffisant pour entamer sa peau tannée comme du cuir. Et quand il décolla la tête de son ennemi d'un coup de tetsubo, celui-ci gesticula soudain moins. De même, les katas traditionnels des doubles de Chair furent de peu d'effet face aux boules de feu de Sasuke !
Mitsurugi rengaina son sabre.
- Ils devaient couvrir la fuite de leur maître.
L'un était encore en vie. Mamoru le serra à la gorge :
- Tu vas parler... Où est ton maître ?
- J'ignore... j'ignore...
- Que vient faire Akuma dans les Limbes ?
- Récupé...rer des artefacts appartenants... à des créatures...
Les autres doubles tombaient déjà en poussière et celui que Mamoru serrait connut le même sort. La magie qui les animait se dispersait.
- Des artefacts de ce pays entre les mains d'Akuma, il vaudrait mieux l'éviter, dit Sasuke.
- Bon, allons-y méthodiquement, ordonna Mitsurugi. Retournons fouiller le temple.
Les samuraï finirent de faire le tour de la pièce de banquet. Ils entendirent du bruit au premier étage. Mitsurugi décida de monter avec Sasuke pendant que les autres attendraient en bas.
Un couloir étroit, trois panneaux sur le mur gauche, deux à droite. Mitsurugi ouvrit le premier, d'un coup bref : une salle de prière, avec un autel aux Ancêtres. Sasuke s'approcha d'un autre et l'ouvrit en grand, prêt à attaquer : une chambre vide.
Mitsurugi ouvrit le troisième et recula, choqué. Il avait mis la main sur le katana, par réflexe. Sasuke s'approcha. Dans la chambre, des corps ensanglantés. Des samuraï portant des kimonos de la famille Hanteï.
Nos deux héros entrèrent, stupéfaits. Il y avait une dizaine de victimes. Ils n'étaient pas mort selon le rite de l'honorable suicide. Ils avaient été tranchés, égorgés, mutilés... Nos héros se mirent un mouchoir sur le nez car l'odeur devint vite intenable. Ils refermèrent le panneau et coururent dans l'escalier qui montait au deuxième : ils venaient d'y entendre des gémissements. Mitsurugi arriva le premier, l'arme à la main. Un samuraï à l'agonie rampait à terre. Il crachait du sang et se tordait de douleur. Il se retourna et tendit une main pitoyable vers le Lion.
Mitsurugi vit qu'il portait un kimono de la famille Hanteï : il rangea aussitôt son arme et se précipita pour l'aider.
Il l'adossa à un mur.
- Seigneur, ne bougez pas, cria l'ambassadeur, nous allons nous occuper...
- Inutile, Matsu-san, ma fin est inévitable...
Sasuke arriva et les deux Lions s'agenouillèrent devant le parent des fils du Ciel.
- Mon nom est Hanteï Ojime...
Il prit un mouchoir et s'essuya le visage.
- Mes compagnons... et moi, avons été... bannis dans les Limbes, jadis... Nous vivions... en pénitence... Puis ce démon est arrivé... Il portait un grand étendard... de Lotus aux pétales de sang...
- Nous sommes après ce démon, seigneur...
- Il a massacré mes compagnons... J'en ai réchappé de peu... Je voulais en finir rituellement, mais...
Nos héros comprirent : estropié, le seigneur Ojime ne pouvait plus se passer le sabre au travers du ventre. Il comptait sans doute se jeter par la fenêtre pour en finir...
- Puisque vous êtes là... gémit le samuraï. Mais nous n'avons pas été... présentés.
- Mon nom est Matsu Mitsurugi, ambassadeur du clan du Lion auprès de la Muraille ! Et voici mon conseiller, Matsu Sasuke !
- Je vous croyais l'ambassadeur des Limbes, sourit le Hanteï, très affaibli. Allons, vous allez m'aider... Le Lion a toujours le bras droit de l'Empereur, n'est-ce-pas ?...
Ils transportèrent le seigneur Ojime dans la chambre d'à côté, où se trouvait un autel à la famille impériale. Le samuraï récita une courte prière, et trouva encore la force d'écrire quelques mots sur le papier, puis il tira son sabre.
- Vous ferez donner... mon poème à l'Empereur, Mitsurugi-san...
Notre héros toucha du front par terre. Ojime-sama prit une profonde inspiration et s'enfonça le wakizashi dans le ventre. Il gémit, sa main et son avant-bras mutilés pouvant à peine bouger. Il serrait les mâchoires, de la sueur perlait à son front ; il pouvait à peine remuait. Mitsurugi avait tiré son sabre, ferma les yeux et lui trancha la nuque.
Nos héros se recueillirent un moment, en silence.
Mitsurugi ramassa ensuite le poème et l'enroula dans un tube en satin frappé du sceau des Hanteï et il le glissa dans sa manche. Nos deux héros redescendirent : ils dirent à Mamoru et Maya qu'il n'y avait plus rien à trouver ici. Ils ressortirent dans le jardin puis Sasuke mit le feu au temple.
Ils étaient maintenant quatre, dans cette île inconnue, à poursuivre un démon et ses âmes damnées.
Mamoru n'avait pas mentionné tout ce qui s'était passé quand il avait couru dans le bois et qu'il s'était heurté à Chair : il avait vu son daisho, perdu chez Akuma, pendre, accroché à une branche d'arbre. Cet outrage mortel, c'est Chair qui l'avait commis, promettant à Mamoru de lui rendre ses sabres s'il rejoignait leur compagnie de zombies !
Dégoûté, Mamoru avait refusé. Il savait qu'il était sans sabre, réduit à l'état de paysan s'il ne retrouvait pas d'armes bientôt. C'était pourtant impossible d'accepter de les toucher en sachant que ce démon de Chair les avait souillés de ses doigts !
En plus de ce déshonneur, Mamoru devait faire attention à ne pas montrer qu'il était déjà venu sur cette île, et rajouter un autre motif de déshonneur. Il avait, on s'en souvient, juré à la Fortune du Secret de ne pas révéler son alliance avec elle.
Nos héros se trouvaient sur la grande route qui traversait l'île des Limbes. Sasuke et Mitsurugi examinaient un parchemin usé, auquel Mamoru jeta un œil : il reconnut alors les cryptogrammes indiquant l'emplacement des Réprouvés. Le rônin se garda bien de dire quoi que ce soit.
Ils ne comprenaient rien pour le moment, pas même Maya, connue pour avoir de temps à autre des intuitions géniales incompréhensibles.
- Je propose de suivre cette grande route, dit Mitsurugi.
Il leur fallut deux heures pour arriver au village à l'abandon. Ils furent surpris d'apercevoir l'étrange masse dorée dans les airs ; Mamoru se garda bien de leur dire que c'était un temple. Ils entrèrent dans le village désert. Ils fouillèrent, trouvèrent quelques provisions de riz bien conservé au sec, ainsi que du petit matériel, tel que des couvertures, des torches, de la corde. Ils firent le tour du village et trouvèrent le temple d'entrée de l'île.
۩<!--/sizec-->
- Je suis intrigué par ceci, dit Mitsurugi en désignant la case d'Akodo Neko [neko = le chat]. Se pourrait-il que...
Avec Sasuke, ils s'étaient compris à demi-mot.
- Il y a autre chose, dit le shugenja. Sous la poigne de Mamoru, un de ces moines corrompus nous a dit qu'Akuma cherchait le temple de Petite Vérité. C'est ce lieu qu'il faut chercher.
- Rien ne dit que ces symboles forment une carte, dit Mitsurugi.
- On le dirait bien, dit Sasuke. A une extrêmité de l'île, la maison du seigneur Hojime, qui est dans un coin de ce parchemin ; et l'autre bout, sur l'île et sur le parchemin, cette forme ۩ qui représente le temple là-bas.
- Alors, la demeure de ce Akodo Neko ne doit pas être loin...
- Oui, et le temple de Petite Vérité doit se trouver à côté de la maison de Ojime. Encore que nous ne l'ayons pas vu...
Ils trouvèrent plusieurs chemins qui sortaient du village : ils prirent celui qui menait à la côte nord, celui où se trouvait l'arbre géant. Mamoru sentait déjà venir la suite... Et cela ne rata pas :
- Mamoru, dit Mitsurugi, monte donc là-haut nous orienter ! Vu la taille de cet arbre, tu verras loin !
Le rônin fit semblant de ne pas avoir idée de la taille de l'arbre, et grimpa. Il atteignit la couche de brume, et se reposa sur une grosse branche. Il savait ce qu'il verrait en allant plus haut. Il n'allait donc pas se fatiguer pour rien !
Il redescendit et raconta qu'il avait nettement vu une maison à la sortie de la ville.
- Dans quelle direction ? demanda Mitsurugi. Par là ?... Cela correspondrait en gros à la case "Akodo Neko"... Nous irons y voir.
Ils montèrent jusqu'à la côte, et se trouvèrent au bord de la grande mer étoilée, vertigineuse. Ils continuèrent le long du rivage de l'abîme, comme pour retourner au temple d'Ojime. Ils arrivèrent au bâtiment brûlé, sans avoir aperçu de temple.
- Nous n'avons pas pu le manquer, dit Mitsurugi. C'est rageant... Peut-être que ces cases ne forment pas une carte...
- Peut-être pas, fit Sasuke, fatigué.
Ils étaient bon pour reprendre la grand'route.
- Nous irons nous reposer dans le village, bâilla Mitsurugi.
Ils retournèrent user leurs sandales sur les dalles de pierre et arrivèrent, fourbus, au village. Ils se trouvèrent un bâtiment dans un état acceptable. Mamoru et Maya furent désignés pour passer un coup de balai. Nos héros s'accordèrent quelques heures de repos dans cette bâtisse en ruine, dans ce village balayé par le vent.
Au réveil, ils avalèrent du riz cuit dans une vieille marmite. Le bon feu leur fit grand bien, et ils purent repartir d'un bon pied pour leur marche. Ils étaient comme saoulés par le grand air marin, qui mugissait en permanence sur cette île oubliée des dieux. L'immense clameur du vent emplissait ces lieux et ressemblait au cri d'une foule qui gémirait dans le désert. La lassitude s'abattait sur nos héros, qui se demandaient ce que cela ferait de se retrouver prisonnier ici... Ils ignoraient que pendant qu'ils arpentaient ces terres désolées, leur ancienne amie, Yatsume, traversait trois mers et le désert étouffant à la recherche de sa famille, et qu'elle avait encore moins qu'eux l'espoir de revoir un jour Rokugan.
Une marche à travers la lande de bruyère amena nos héros à la maison désignée par Mamoru. Ils entrèrent et trouvèrent des effets de la famille Akodo : un daisho, des vêtements et un autel consacré au fils borgne de la Lune et du Soleil, le plus grand général que l'Empire ait porté.
- Je ne sais pas si c'est bien de rentrer comme ça chez un samuraï, toussota Mamoru.
- Il n'y a personne ici, dit Mitsurugi. Si cette maison était occupée, nous ne serions pas rentrés.
- Regardez ça...
Sasuke venait de mettre la main sur des parchemins reliés dans une couverture en cuir.
- "Journal d'Akodo Neko"...
Nos héros le parcoururent avec avidité. Il n'y avait hélas pas beaucoup à apprendre : la plupart des feuilles avaient disparu. Il ne restait de lisible que le début. Les quelques lignes étaient éloquentes : "Ami, ennemi, parent, historien, simple curieux... Tu tiens entre tes mains le journal d'Akodo Neko, qui, pour avoir commis une erreur de jeunesse, s'est retrouvé changé en chat... Ne ris pas tout de suite, accepte de me croire un instant, et tu découvriras une histoire bien plus triste que comique, crois-moi..."
- Je me demande vraiment si...
Mitsurugi et Sasuke se regardaient encore, d'un air entendu.
- Nous aurons à parler à ce bakeneko quand nous l'aurons trouvé...
- Après tout, dit Sasuke, qui peut faire confiance à un chat ?
- Personne il est vrai, dit Mitsurugi.
- Hmmm, dit Maya pour approuver.
Nos héros laissèrent la maison du Akodo, et prirent le sentier qui descendait sur la côte. Ils étaient sur le rivage de la mer de brume.
Ils s'assirent pour faire le point :
- Les localisations correspondent, dit Sasuke. La case Neko, la case du petit temple, celle d'Ojime... Nous avons raté le temple de Petite Vérité mais il devait bien être là-bas. Il faudra retourner et chercher à fond !
- Si on en croit ce plan, dit Mitsurugi, nous serions proches de cette case avec ces signes étranges...
C'était la case à gauche de celle du temple ۩.
- Il n'y a aucun temple en vue.
Mamoru faisait semblant de regarder ailleurs. Ils n'étaient qu'à quelques pas du temple de la Fortune du Secret ! Il eut un coup de sang quand il vit Maya qui s'approchait du bord de la falaise, prise d'une de ses transes imprévisibles dont elle avait le secret, et grâce à laquelle elle devenait une fouineuse insurpassable... Mamoru mâchouillait un grand brin d'herbe et se désintéressait du parchemin que les deux Lions étudiaient attentivement, comme si lui, simple rônin, n'avait pas les lumières pour un sujet aussi ardu...
Et voilà que Maya continuait ! Elle se penchait au bord de la falaise, s'allongeait carrément par terre pour mieux voir et criait :
- Venez voir ! une entrée plus bas ! Et des traces !
C'était les traces laissées par Mamoru, bien sûr ! D'ici à ce qu'elle ait l'intuition de lui demander de comparer...
Les trois hommes s'approchèrent :
- Une entrée, oui, dit Mitsurugi, mais difficile d'accès... Et que peut-il bien y avoir là-dedans ?
- Le temple de la Fortune du Secret, dit Sasuke.
Mamoru dut faire un gros effort pour ne pas se trahir. Heureusement, les autres étaient à mille lieues de se douter qu'il était déjà passé par ici.
- Allons bon, Sasuke, comment sais-tu ça ?
- J'ai réussi à déchiffrer ce qui est inscrit sur la case. C'est un code universel, très vieux, mais qu'on apprend à tous les shugenjas, quel que soit leur clan.
- Tu ne séchais donc pas ce jour-là ? Hahaha...
Maya arrimait déjà une corde pour descendre.
- On la voit rarement aussi active, souffla Mamoru.
- Oui, elle va se mettre à fumer par les oreilles tellement elle a l'air de réfléchir !
- Et han !
Maya accrochait solidement la corde à un rocher et commençait à descendre.
- Le mieux serait que je l'accompagne, suggéra Mamoru.
- Oui je crois que c'est mieux, dit Mitsurugi. Elle serait capable de se casser quelque chose...
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21-12-2009, 11:37 PM
(This post was last modified: 22-12-2009, 12:18 PM by Darth Nico.)
Suite au-dessus <!--sizec--><!--/sizec-->
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Mamoru accompagna Maya dans la grotte, toujours en faisant mine de découvrir en même temps qu'elle. Ils arrivèrent dans la petite pièce de la statue de la femme en larmes. Mamoru craignit à ce moment de voir son pacte rompu. Il n'y eut aucun bruit, rien. Maya tournait, furetait, comme un chat traquant une souris... Elle finit par se décourager et consentit à remonter.
La remontée fut plus difficile que la descente. La falaise abrupte plongeait dans des nappes impénétrables de brume et le vent giflait la paroi. Sasuke et Mitsurugi aidèrent les deux acrobates à remonter.
- C'était bien la peine de prendre le risque de vous casser le coup pour une grotte inaccessible...
- Il y a une statue... dit Maya.
- Rien d'autre ?
- Non...
Le rônin et l'Ize-Zumi prirent le temps de souffler, puis le groupe se remit en route, par la grande route qui partait en direction opposée de la ville. Mamoru savait ce qu'ils allaient trouver : la grande plaine puis la plage avec le navire au large.
Quand ils traversèrent la grande étendue couverte d'herbes hautes, ils aperçurent les corps d'une armée défaite. Des squelettes entièrement décharnés, dans leurs armures barbares. Des gaijin, d'une nation inconnue à nos héros, dans de lourdes armures bleues aux liserés blancs, avec de gros glaives et de lourds boucliers rectangulaires.
Nos héros ne s'arrêtèrent pas devant ces vestiges de quelque sombre et antique bataille. Ils entendirent le vent claquer et siffler dans les armures et les casques des squelettes, et ces chocs donnait l'impression que les morts frémissaient encore de vie par delà la mort.
Ils laissèrent derrière eux cette plaine transformée en cimetière et ils arrivèrent bientôt sur la plage, battue par un grand vent. Il y avait une vraie mer, une mer soulevée par de puissants courants sous-marins et un vent cinglant dans le ciel sombre, avec de lourdes vagues d'acier qui roulaient et s'écrasaient violemment sur le rivage. Au loin, on voyait un navire danser sur les vagues. Nos héros l'observèrent, la main sur le front car un soleil éblouissant perçait au travers des nuages lourds et épais comme du charbon.
- Voilà un capitaine qui ne craint rien ! dit Mitsurugi.
Nos héros avancèrent sur la plage. Au loin, en direction du temple d'Ojime, on apercevait un tourbillon qui dansait entre la mer et la plage, bouchant la vue, brouillant tout, eau, air et sable, en une vrille mortelle.
- Dans quel monde sommes-nous ? soupira Sasuke.
Alors que nos héros continuaient à regarder l'horizon, fascinés par le navire qui défiait la tempête, disparaissait derrière une vague et réapparaissait, vainqueur de l'adversité, ils entendirent la voix d'un Rokugani qui chantonnait une vieille comptine... "Il était un petit navire ! Il était un petit navire... qui n'avait ja-ja-jamais navigué, ohé ohé..."
Ils virent deux pieds dépasser d'une vieille barque à moitié ensablée, et remarquèrent aussi un fil de canne à pêche qui trainait dans l'eau. "C'est un fameux trois-mâts fin comme un oiseau ! Hissez haut, Asano !"
Ils approchèrent et découvrirent, avec stupeur, un être d'aspect repoussant. Il était vaguement humain, mais sa peau était pleine de tâches verdâtres gluantes et de ventouses. Des algues poussaient même en plusieurs endroits ! Et ses articulations étaient couvertes d'une carapace semblable à celle des crustacés ! Son visage était rongé, comme un vieux bois usé par l'eau, et il avait de gros yeux globuleux de poisson.
Mitsurugi et Mamoru mirent instinctivement leur main sur leur sabre.
Le pêcheur gluant, surpris, se leva d'un bond :
- Ola, bonnes gens ! En voilà une surprise ! Et en voilà des manières à l'égard d'un brave homme comme moi !
- Qui es-tu, gueux ?
- Hotoro, pour vous servir ! dit-il en battant de son chapeau de paille par terre. Troisième marmiton, et présentement de corvée de pêche !
- Cuisinier de qui ?
- Cuisinier pour son excellence Ropoji, qui a lui-même l'honneur de servir le grand et noble capitaine Masasue !
- De quel clan ?
- Voyons, mais quel clan n'a aucune crainte d'affronter l'océan des Limbes ? Le clan de la Mante voyons !
Nos héros savaient que les clans mineurs comme celui de la Mante avaient moins d'honneur que les grands clans ; ils ne se souvenaient pas, en revanche, que cela donnait des maladies de peau aussi repoussantes que celle de ce Hotoro. La cuisine de son chef ne devait pas être de première fraîcheur !
- Le capitaine Masasue, dis-tu ?... Bien, mon nom est Matsu Mitsurugi, ambassadeur du clan du Lion auprès de la famille Hida, du clan du Crabe ! Je désire rencontrer ton maître !
Hotoro se plia plus bas que terre, et fit grincer ses morceaux de carapace :
- Seigneur, si j'avais su à qui j'avais affaire... Mon maître sera honoré d'accueillir à son bord un personnage tel que vous...
Il n'avait pas l'air de jouer la comédie. Il était laid, mais il avait encore le respect des grandeurs !
- Si vous désirez monter dans ma modeste barque...
Nos héros hésitèrent un peu à monter dans cette coquille de noix pour affronter la grosse mer. C'était néanmoins leur seule chance de rencontrer âme qui vive...
Ils consentirent à suivre Hotoro. Mamoru se mit aux râmes avec le marmiton, et, malgré des vagues impressionnantes, ils arrivèrent en entier près de la coque du navire, qui était un bâtiment admirable, un véritable palais flottant -mais un palais décrépit, bien loin du temps de sa gloire - 'où l'on lança de grosses cordes, que le ronin et le cuisinier arrimèrent à la barque, de sorte que celle-ci, avec un palan, fut hissé à bord du puissant navire.
Un équipage assez singulier d'êtres repoussants regarda ces arrivants avec leurs yeux écarquillés de merlans frits.
Le navire grinçait lentement sur l'eau, des cordages aux lattes du pont, et les voiles claquaient dans la brise du large. La mer était plus calme maintenant qu'on était plus au large des côtes.
Les marins étaient tous des hommes rendus difformes, ayant subi des métamorphoses diverses les rapprochant de plantes ou d'animaux marins, des abysses et des profondeurs du bout du monde.
Même sur le navire poussaient de partout diverses algues qui envahissaient le pont, les mâts et plongeaient vers les cales. Une rumeur arrivait de la poupe et tous les hommes, massés près de nos héros, s'écartaient peu à peu, et on entendait crier : "Attention, voilà le capitaine ! Poussez-vous !"
Les hommes refluaient, comme pour éviter un courant dangereux et on entendait un pas lourd, qui martelait le pont, accompagné d'un fort claquement de pinces.
- Mille millions de mille tonnerres d'Osano-Wo, que se passe-t-il à bord de ce rafiot ? 
Le capitaine Masasue apparut, le légendaire Masasue qui s'était acquis une réputation de requin des sept mers (le titre le plus prestigieux parmi la noblesse marine de toutes les nations du globe). Masasue était d'une taille et d'une carrure impressionnantes, comme Mamoru. Il avait une longue barbe de tentacules et d'algues, une peau couleur de seiche, de longs cheveux ; une de ses mains était une redoutable pince couleur cuivre.
Il enleva son chapeau à plume gaijin de sa bonne main et salua ses invités :
- Je suis le capitaine de ce navire, l'Enragé ! déclama le fantasque personnage. C'est moi qui ai l'honneur de commander à ce ramassis de canailles ! Sur terre, ils ne vaudraient pas la corde pour les pendre mais qui, sur mer, sont les plus enragés prédateurs qu'on puisse trouver !
L'équipage poussa un énorme "Hourrah !"
- Nous avons navigué sur les sept mers, et nous avons fini par en trouver une huitième !
- Hourrah pour Masasue !
- Nous avons croisé vingt nations, récolté cent trésors, défié les dieux des antipodes, et comme cela ne nous suffisait pas, nous avons fâché une divinité barbare qui nous a plongés corps et biens dans les limbes !
- Hourrah pour Masasue ! Vive l'Enragé !
- Je vous souhaite la bienvenue à bord de mon navire ! Qui êtes-vous donc ?
Puisque l'humeur était à la fanfaronnade, Mitsurugi s'avança :
- Je suis Matsu Mitsurugi, ambassadeur du clan du Lion auprès de la famille Hida ! J'ai combattu et vaincu pour mon clan à la Cité des Apparences ! J'ai combattu sur la Muraille et j'ai traversé l'Outremonde !
- Excellent ! Et on dirait que, dernièrement tu es devenu ambassadeur des Limbes !
L'équipage partit d'un gros rire.
- Allons, suivez-moi ! Je vous offre le verre de bienvenue !
Nos héros eurent les larmes aux yeux. Il était costaud, le verre de bienvenue de Masasue, même pour des fêtards endurcis comme Mitsurugi et Sasuke !
- C'est de l'alcool de whisky de la lointaine nation de Merenae... J'en ai plusieurs bouteilles. Ils appellent cela du rhum.
Ils étaient assis à la table du capitaine, dans la petite cabine envahie par les algues et par les coffres, des cartes, et toutes sortes de babioles exotiques.
- Qu'avez-vous donc fait aux dieux, dit Masasue, d'une voix grave et posée, mais sans affectation, pour vous retrouver dans cet endroit misérable ?...
- Nous sommes venus volontairement, dit Mitsurugi. Nous traquons un démon échappé de l'Outremonde, qui s'est réfugié ici...
- Ah, je comprend ce qui s'est passé, fit le capitaine, la tête basse en contemplant son verre... Vous avez sûrement vu les corps de ces barbares de Yodataï...
- L'armée de squelettes décomposés ? dit Mitsurugi, moqueur.
- Oui. Les Yodataï vivent dans un pays glacé, très loin au nord-est de Rokugan.
Nos héros détournèrent la tête : il était connu que le nord-est était la direction porte-malheur. Alors des barbares vivant dans cette direction...
- Ce sont malgré tout de formidables guerriers, parfaitement organisés... Nous les avons combattus plusieurs fois, afin de pouvoir nous installer à terre. Ils étaient bien plus nombreux et nous ont repoussés. Et eux ont voulu prendre d'assaut mon navire quand il était sur la côte, pour s'échapper d'ici, mais nous les avons rejetés à terre à chaque fois ! Et nous avions beau les tuer jusqu'au dernier, ils finissaient par revenir à la vie, frais comme l'œil !... C'était rageant, sourit Masasue.
"Cela aurait pu durer une éternité... s'il n'y avait pas eu cette armée monstrueuse, qui est arrivée et a piétiné pour de bon les Yodataï. Je n'avais pas vu les horreurs de l'Outremonde depuis bien longtemps, et je peux vous dire que cela a achevé de glacer notre sang-froid de poissons !
Masasue ricana, vida un autre verre et resservit nos héros.
- 'm'étonnerait bien que nos amis Yodataï se relèvent de sitôt d'un pareil massacre !... Heureusement, ces démons n'ont pas pu traverser la mer et donner l'assaut à mon navire... La mer était trop grosse, même eux auraient été noyés.
- Où sont-ils partis ?
- Je l'ignore... Enfin, si... Ils ont continué le long de la rive, et ont disparu dans la tempête...
- Alors c'est là-bas qu'il faut aller, dit Maya en cognant du poing sur la table.
Avait-elle bu un verre de trop ? Cette abstinente forcenée ne devait pas tenir l'alcool d'hommes de Masasue !
- Dans la tempête ! s'exclama Masasue. Tu as perdu l'esprit, ma jolie !... Oh, mais je vois tes tatouages ! Tu es un de ces moines du clan du Dragon, n'est-ce pas ?... Décidément, il y a trop de monde dans ces Limbes ! On n'est plus chez soi !
- C'est dans cette tempête qu'il faut aller, répéta Maya, obstinée.
Mitsurugi avait rempli le verre du capitaine.
- Masasue, les visions de Maya sont rares mais souvent exactes ! Un capitaine de ta trempe reculerait-il devant cette épreuve !
- Qu'oses-tu dire ? tonna Masasue.
- Je dis que nous devons affronter ce tourbillon pour retrouver le démon que nous pourchassons, au nom de l'Empereur !
Le capitaine s'essuya les tentacules de la barbe, jura et se leva :
- Bien, tu as gagné, ambassadeur ! On ne dira pas que le capitaine Masasue, le vainqueur de l'Hydre de Thrane, de l'Araignée géante de l'île mouvante et des buveurs de sang de la rivière de feu, se laissera intimidé par un simple petit tourbillon !
Masasue se leva et alla gueuler ses ordres à son équipage, qui fut réuni en deux temps trois mouvements sur le point principal, d'où il les harangua, avant que Mitsurugi n'y aille de son petit discours au nom de l'Empereur sur la nécessité impérieuse de détruire ce démon !
- Hissez les voiles !
C'est ainsi que le plus terrible navire du monde connu, l'Enragé, se mit en marche pour plonger dans un vortex qui pouvait le déchirer comme un fétu de paille !
A suivre...
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22-12-2009, 01:09 PM
(This post was last modified: 22-12-2009, 08:05 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Nos héros avaient déjà eu l'occasion de se lancer dans des aventures insensées et des tentatives desespérées, mais rarement à ce niveau-là d'inconscience ! L'Enragé grinçait de toutes ses planches et de toutes ses cordes, comme s'il gémsisait d'avance du sort misérable qui l'attendait, d'être emporté aux quatre vents, déchiqueté, broyé par l'énorme tourbillon qui se déhanchait entre ciel, mer et terre face à lui !
Le vent devenait insupportable et avait déjà décroché la cabine de vigie, et emporté des cordages, et des morceaux de voile. Nos héros s'accrochaient comme ils pouvaient, tandis que l'équipage de Masasue maintenait vaillamment le cap.
- Ah, la folle et méchante aventure où vous m'avez entraîné ! hurlait le capitaine.
La tornade était une énorme bouche d'ombre, une trombe monstrueuse au cœur noir et impénétrable, et le tourbillon dans l'eau aspirait à lui les vagues et les engloutissait ; déjà l'Enragé entrait dans cette danse démente des éléments, plongeait peu à peu l'horrible trou aquatique que formait le vortex. Le mât de misaine craqua affreusement, et le haut se décrocha, tomba lentement en brisant les échelles, craquant les attaches des voiles, et troua le pont, avant de rouler dans la cale.
Le navire misérable approchait du centre du tourbillon, et allait soi finir englouti sous l'eau, soit aspiré dans la colonne d'air furieuse... Une lueur spectrale éclaira le navire, lueur qui rayonnait d'une créature logé dans " l'œil" du tourbillon, et qui frappa de stupeur l'équipage. Plusieurs marins tombèrent dans des convulsions effroyables face à cette chose indescriptible qui se cachait au point où la tornade touchait l'eau. Les marins bavaient, illuminés par une sorte de rayon lunaire maintenant éblouissant. C'était la panique généralisée, le sauve-qui-peut, la débandade complète ! La lumière devint intenable sur ces parages des abysses et soudain, les hurlements du vent, du navire et de l'équipage furent assourdis et ce fut soudain un immense silence. Un immense angoissant, un silence de solitude infinie...
L'Enragé traversa des nappes de mer d'étoiles, l'océan sans fond de la galaxie, des cités de lumière pure qui défilèrent dans un chatoiement de couleurs insensées.
Puis il y eut un choc sourd, et ce faillit être les derniers instants du navire, qui venait de toucher le fond. Un raclement affreux retentit, qui paraissait être le chant d'agonie, puis le bruit de l'eau, du clapotis, d'un tonneau qui se vide, et le navire fut soulevé comme par une main invisible, remonta d'un coup, redescendit ensuite, et se stabilisa.
Il faisait nuit noire. Très loin, quelques étoiles éparses dans un ciel d'encre. Les voiles meurtries, affaissées, grises dans cette nuit, pendaient aux mats craquelés. Le pont était presque désert. Tout le monde avait sauté dans le trou créé par le chute du mât d'artimon et s'était réfugié dans les cales. Quelques trognes velues, difformes, surgissaient de derrière des caisses et des tonneaux, et les rebuts de la société qui constituaient le gros de l'équipage de Masasue se regardaient entre eux, se pinçaient et réalisaient qu'ils étaient encore en vie. Les borgnes ramassaient leurs yeux de verre, remettaient leurs écailles à l'endroit, redressaient leur carapace, nettoyaient leurs pinces... Il y eut quelques rires et des cris de joie et les malfrats-poissons se tombèrent dans les bras l'un de l'autre.
Masasue recracha un poisson, s'essuya la barbe et remit son chapeau à l'endroit. Il tituba, resserra la ceinture de son sabre et passa la tête par le plancher, observant le pont désert.
- Mille millions de mille milliards de poils de la moustache d'Osano-Wo...
Il se hissa sur le plancher, fit le tour du pont et trouva nos héros, étendus près du gouvernail.
- Par les tripes d'Akodo-le-Borgne...
Il souleva un peu Mitsurugi et claqua de la pince :
- Debout là-dedans ! Ho, moussaillon ! Ici le capitaine !
Notre ambassadeur ouvrit un œil.
- Nous sommes arrivés, Matsu-san... Je ne dirais pas que nous sommes à bon port... Je ne dirais pas que nous avons touché terre, non... Ça non, par les pertes menstruelles de toutes les harpies du globe, je ne le dirais pas... Je ne dirais pas non plus que je sais où nous sommes... Que je sois englouti par un kraken si j'en ai la moindre idée... Mais ce que je peux affirmer, garçon, c'est que nous sommes en vie. Et après cette plongée, nous pouvons en remercier les dieux...
Mitsurugi, abruti, se releva et réveilla d'un coup de pied ses compagnons.
- Debout, tas de paresseux...
Mamoru se leva en grognant. Il rêvait qu'il était sur une île paradisiaque, entouré de sirènes peu farouches... Maya se rhabilla comme elle put avec les morceaux de fripes trempées qu'elle trouva sur le pont.
Masasue se moucha et gueula un coup sur son équipage :
- Allez, tas de paresseux ! Lavez-moi ce pont et remettez de l'ordre dans la cale ! De la discipline, de l'entrain !
Un marin avait la tête coincé dans un tonneau. Masasue mit deux coups de pince dans le couvercle et délivre le pauvre imbécile.
- Au travail, allons au travail...
Lui-même était encore éberlué. Il donnait des ordres, machinalement, sans savoir où on se trouvait...
Un homme remontait un fil plombé :
- Trois brasses de fond, capitaine !
- Seulement ? Alors je vais vous mettre à l'eau pour pousser, mes gaillards !
On y voyait goutte. Une mauvaise lumière grise tombait du ciel. Masasue allait et venait, tandis que la vie reprenait à bord du navire, lentement. Chacun se remettait à son poste et tentait de réparer les dégâts. L'espoir revint quand Sasuke arriva avec une torche allumée, et qu'on fit passer le feu d'un bout à l'autre du navire. Bientôt, il y eut de la lumière de la proue à la poupe, de la vigie à fond de cale. Le capitaine observait à la lunette télescopique les alentours.
- Plus que deux brasses de fond !
- Jetez l'ancre, dit Masasue.
- Ancre jetée !
Le bateau stoppa dans un autre grincement. Au loin, sur la mer noire, on apercevait des traînées épaisses et rougeoyantes.
- De la lave... Regardez donc, dit Masasue en tendant sa lunette à Mitsurugi.
Notre héros, qui n'avait jamais vu ce genre d'instrument, y colla son œil, curieux. Il y avait plusieurs ilots volcaniques, et de nombreux récifs qui les entouraient. Masasue reprit son observation :
- J'aperçois une bâtisse sur l'île là-bas... C'est extraordinaire ! Quel ermite cinglé a pu venir construire un bâtiment ici ?... Mais non ! C'est un temple ! Ça alors ! Quelle divinité peut-on prier là-dedans ?
- Il faut que nous y allions, dit Sasuke.
- Mon navire ne peut approcher davantage ! En plus, nous avons déjà plusieurs brèches à colmater et un mat à remonter, je vous signale.
- Donnez-nous une barque !
- Je ne laisserai pas un seul de mes hommes monter dans cette barque ! Je n'ai même pas encore compté combien j'en ai perdu à cause de vous !
- Nous irons seuls, dit Mitsurugi. Le capitaine Masasue a déjà fait beaucoup pour nous.
Nos héros descendirent dans le frêle esquif. Ils sentirent que la mer était tiède. On leur descendit une torche. Mamoru repoussa la barque en poussant avec sa rame sur la coque du navire, puis la barque partit vers les récifs.
- Bon courage ! Que les dieux, s'ils veillent même sur cet enfer, vous gardent !
- Merci capitaine !
L'équipage regarda nos héros s'éloigner.
- Vous croyez vraiment que nous sommes en enfer, capitaine ?
- En enfer, ou bien juste en-dessous, moussaillon ! Je dirais que même les démons ne s'aventurent pas dans ces parages !...
Mamoru amena la barque à l'îlot, en évitant soigneusement les récifs. Sasuke mit le pied à terre le premier. La terre fumait, elle était chaude. La mer était presque brûlante. Au milieu de ces noirceurs, les traînées folles de lave formaient des chevelures ardentes qui éclairaient de leur rougeoiement sinistre cet archipel.
Nos héros montèrent sur un tertre et virent le temple dont avait parlé Masasue, droit devant eux. Une odeur de soufre, et des relents âcres qui montaient du sol rendaient l'atmosphère nauséabonde. Il semblait miraculeux que le petit temple en bois ait échappé aux secousses légères qui agitaient le sol, aux chutes de rocher, que projetaient au loin les cratères de volcans et aux coulées de lave.
Sur le fronton du temple nos héros lurent une inscription qui les fit frémir : "Petite Vérité".
- La carte ne mentait pas, dit Sasuke. Nous devons être sous la mer d'étoile, au large de la côte près du temple d'Ojime ! Nous sommes descendus sous les limbes...
Nos héros ne pensaient pas qu'on pouvait tomber si bas. Ils entrèrent prudemment dans le temple, la main sur leur arme. Le temple était minuscule, à peine plus grand, Mamoru et Maya purent le constater, que celui de la Fortune du Secret. Des inscriptions dans les murs en bois avaient été faites au poinçon. Un coffre était caché dans une niche sous un petit autel. Mamoru le tira, et sentit qu'il était plein.
Curieux mais inquiets, nos héros s'approchèrent, et le rônin ouvrit lentement le coffre : une lumière blafarde en sortit, puis un rayon éblouissant, comme au passage du tourbillon, et nos héros découvrirent le cadavre d'une vieille femme, couchée en chien de fusil. Mamoru referma, dégoûté.
- Akuma est déjà passé par là... Ce ne peut être que cette Petite Vérité, dit Sasuke.
- Comment le sais-tu ?
- Pour le peu que je sais, "Petite Vérité" était la servante fidèle de Shosuro... Une vieille femme ridée qui a entendu bien des secrets inavouables... Akuma la cherchait, nous le savons...
- Que venait-il chercher ? demanda Mitsurugi.
- Sûrement des documents lui appartenant...
Mal à l'aise, en proie à une angoisse sourde, nos héros ressortirent du temple. Ils virent des traces de pas dans la cendre noire, et les suivirent. Ils perdirent de vue l'Enragé et trouvèrent un grand puits naturel.
- Comme quoi, on peut toujours descendre, dit Mamoru.
On ne n'apercevait qu'à grand'peine le fond de ce trou. Ils descendirent en rappel et trouvèrent une rivière souterraine, qui passait sous l'île volcanique et partait en pente douce, presque en ligne droite. Mitsurugi passa le premier avec une torche, suivi de Sasuke, Maya, puis Mamoru qui fermait la marche. Pendant longtemps, ils n'entendirent que le bruit de leurs pas et des infiltrations d'eau qui résonnaient lentement.
De la brule envahissait le bout du tunnel : le sol remontait peu à peu. Nos héros entrèrent dans le nuage blanc, et virent devant eux un pont de corde grinçant, qui était tendu au-dessus d'un vide d'autant plus inquiétant qu'on avait pas idée de sa profondeur. Le brouillard était agité par une brise marine, et on devinait aussi le ronflement continu de la houle et le ressac des vagues qui s'écrasaient contre des falaises. Mitsurugi s'engagea le premier, bravement, sur le pont fragile. Il agrippa fermement les cordages mouillés par une pluie diffuse en suspension dans la brume. Le pont montait vers on ne savait où. Et quand un coup de vent secoua la brume, c'est parce qu'ils avaient le coeur bien accroché que nos héros ne tombèrent pas, attirés dans le gouffre par le vertige. Ils étaient en effet au-dessus de la mer d'étoile, à un demi-pas de tomber dans le vide interstellaire ! Ils s'efforcèrent de regarder droit devant eux. Le pont de corde, fragile fil, montait vers une falaise qui devenait de plus en plus net, et arrivait même au-dessus, en tour d'une maigre tour aux pierres bleu marine. Seul le sommet de cette tour émergeait franchement de la brume. La pointe en était branlante.
Il n'était plus possible de reculer désormais. Le pont terminait en montant très raide. Fatigués, nos héros mirent le pied sur la terrasse, trop heureux de toucher à nouveau la terre ferme. Ils n'avaient pas le pied marin, et ils avaient connu en quelques heures le plus mouvementé des voyages en mer !
Ils en avaient assez pour une vie !
Depuis cette tour, ils voyaient l'île entière des Limbes, avec l'arbre géant, le village désert, les ruines du temple d'Ojime et le grand temple doré dans les airs. Mais eux étaient au milieu de la mer, entre l'île principale et une autre île, séparée de l'autre par un étroit bras de mer entre deux falaises abruptes. Et la tour se dressait au milieu de ce détroit !
Sur la seconde île, ils apercevaient d'un côté un gros volcan, dont le sommet disparaissait dans une brume épaisse, et d'un autre côté, une pointe qui se terminait en presqu'île, avec une bâtisse à son bout.
- Je crois que la seule chose à faire est de descendre, hein...
Mitsurugi passa le premier dans l'escalier en colimaçon étroit. Ce n'était ni plus ni moins sinistre que ce qu'ils avaient vu avant, avec ces marches humides, ces fenêtres ouvrant sur la brume épaisse, et des échos assourdis provenant d'on ne sait où.
Ils trouvèrent une première porte et, poussés par une curiosité irrépressible, entrèrent. Il y avait une grande pièce, sans éclairage (mais Sasuke y remédia d'un claquement de doigt, allumant de nouvelles torches). Sur les murs, plusieurs miroirs identiques, et au centre de la pièce, ce qui ressemblait à une pierre tombale, avec des inscriptions hiéroglyphiques. Même Sasuke aurait été bien en peine de les déchiffrer. Des couches de poussières ternissaient les miroirs. Machinalement, Mamoru en essuya un et vit que les reflets s'animaient : son propre double disparaissait, et il voyait une autre pièce, semblable à celle où il se trouvait.
- Venez voir !
Maya, Sasuke et Mitsurugi approchèrent. Ils scrutèrent dans le miroir, et ils virent alors... Yatsume !
Yatsume qui se promenait dans une pièce semblable à la leur... Etait-ce au même moment ? Une vision d'avenir ? Une hallucination ?
Nos héros essayèrent de la prévenir en tapant contre la glace. Elle n'entendait rien. Par inadvertance, elle jeta un œil au miroir et vit nos héros. Elle se précipita de son côté du miroir, tapa contre la glace. Aucun son ne passait. C'est alors que, du tombeau de sa pièce, s'écoula une forme noire visqueuse, qui prit peu à peu forme humaine derrière elle. Nos héros le virent à peine ; mais ils virent l'agresseur s'approcher en rampant d'elle et lui firent de grands signes pour la prévenir. Yatsume ne comprit qu'au dernier moment, se retourna en sortant d'un coup son naginata et fit face à la chose sans nom. Le miroir fut soudain rayé de part en part, et l'image de Yatsume disparut.
Terrifiés, nos héros reculèrent ensemble. Ils ne pouvaient rien faire pour venir en aide à leur amie, dont ils ignoraient jusqu'à la localisation. Était-elle encore en vie ? Avait-elle pu faire face à cette créature d'un autre monde ? De leur côté, nos héros prirent garde de ne pas toucher à ce tombeau. Sasuke consulta le plan et frissonna encore : il n'était pas impossible qu'ils se trouvent à l'emplacement indiqué par la case "Yogo".
Yogo... Ancien shugenja de la famille Isawa, touché par une malédiction, selon la légende, qui l'obligerait à trahir la personne qu'il chérissait le plus. Fondateur de la famille Scorpion du même nom, la famille qui avait hérité, au moins en réputation, de cette malédiction, qui voulait qu'un Yogo doive trahir l'être le plus aimé. Etaient-ils donc, dans cette tour, au tombeau de Yogo ?...
Ils ressortirent de la pièce, desespérés pour Yatsume, et effrayés de ces mystères qui leur échappait. Ils sentaient peu à peu les limbes se resserraient sur eux, comme si le désespoir qui flottait sur ce monde pénétrait en eux comme une mauvaise pluie qui vous glace jusqu'aux os. Ils
continuèrent leur descente, et virent dans l'escalier plusieurs cadavres. Des cadavres des doubles du moine maudit Chair. Qui avait bien pu tuer ces serviteurs maléfiques ?...
Dégoûtés, épuisés, accablés par ces épreuves, cette incertitude, la peur de l'inconnu, ils arrivèrent au pied de la tour. Mais ce n'était qu'un piton rocheux, très maigre, attaqué par les vagues, dans lequel la tour s'enfonçait. A quelle profondeur ?... Ils ne le surent pas.
Un second pont menait à la deuxième île. Il était heureusement bien plus court. Ils retrouvèrent avec réconfort la terre ferme, et bien ferme cette fois. Ils descendirent la pente, vers la presqu'île, et trouvèrent la bâtisse : elle portait des ornements délicats, des motifs aquatiques, de plantes et d'oiseaux. Un nom était gravé sur un cartouche à l'entrée : Asahina Jotemon.
Sasuke consulta la carte : c'était toujours cohérent.
Ils étaient passés par la case de Ojime, Akodo Neko, de la Fortune du Secret, du petit temple. Le "général Maximus" devait être le chef des Yodataï ; puis Masasue. La case d'au-dessus devait correspondre à un tombeau marin aperçu brièvement lorsqu'ils avaient foncé dans le tourbillon : Masasue prétendait que c'était un guerrier Naga qui était enfermé dedans, mais qu'on ne pouvait accéder dans ce tombeau que par une entrée sous-marine. Peut-être que la tornade correspondait à la case aux cercles alignés ? Le cercle doré devait être le temple flottant dans les airs. La flèche ne leur disait en revanche rien. Pas plus que l'inscription "ke'nku", ni celle avec la tête de mort ou les sigles étranges. Ils avaient vu Petite Vérité et probablement le tombeau de Yogo.
- Allons voir ce Asahina Jotemon, dit Mitsurugi, toujours volontaire, malgré la fatigue.
Notre ambassadeur ouvrit le panneau de la maison. A l'intérieur régnait un grand désordre. Dans la salle de réception était installée une scène de théâtre fort dérangée. Et dans la pièce à côté, des coulisses. Mais les rideaux de scènes avaient été lacérés, et les costumes, les déguisements, les accessoires, tout était répandu au sol. Les tatamis étaient tâchés de sang. Dans la cuisine régnait aussi le plus grand désordre. Nos héros se séparèrent pour faire le tour de la propriété : un petit jardin, installé au bord de la falaise, avait été épargné. Quelques légumes poussaient, ainsi qu'un ginkgo.
Maya fouillait dans la chambre. Elle vit des traces de lutte, des taches de sang. Elle regarda dans la réserve des coulisses, souleva un drap et poussa un cri : nos héros arrivèrent. Deux corps inanimés se trouvaient là, l'Inquisiteur Tadao et son garde du corps, Goemon.
Mitsurugi les secoua. Il craignait le pire ; mais Goemon remua, ainsi que son maître. Ils avaient été assommés : leur tempe était encore sanguinolente.
Les deux Crabes gémirent pour se relever, et durent s'asseoir. Maya fouillait toujours, et trouva, sous un costume de scène, le bakeneko assommé. Maya prit soin du pauvre animal, qui se réveilla, groggy.
- Bon, nous sommes au complet, dit Mitsurugi. Si vous êtes là, je pense qu'Akuma ne doit pas être loin...
- Non, dit Tadao. Il avait besoin du chat pour quitter les Limbes ; il a obligé le chat à nous aider en échange de notre vie... Akuma a ensuite fait l'erreur de vouloir nous faire jeter de la falaise par ses serviteurs... Nous les avons combattus... Akuma était déjà partis avec ses deux lieutenants... Nous avons été frappés par ces espèces de caricatures de moines. C'est finalement nous qui les avons envoyés se baigner... Nous nous sommes réfugiés ici, solidement amochés. Nous avons dû perdre connaissance... Il faut dire qu'ils cognaient comme des sourds... Bref, assez pleurniché ! Vous avez raison : Akuma n'est pas loin !
- Bien, dit Mitsurugi en tapant dans sa main. Nous sommes six, ils sont trois ! Nous allons leur faire rendre gorge pour leurs exactions !
Les deux Crabes se passèrent des onguents sur le visage ; tout le monde but un coup de saké (de la réserve d'Asahina Jotemon !  puis nos héros sortirent et commencèrent à monter la pente qui menait au volcan.
A suivre...:sayen:
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22-12-2009, 07:12 PM
(This post was last modified: 22-12-2009, 07:13 PM by sdm.)
Bravo bravo pour ce voyage exotique qui nous vaudra un procès de Disney pour l'équipage de l'enragé
(à moins d'une perte de connaissance soudaine et de très courte durée en pleine partie, chose qui peut arriver, je n'ai pas souvenir d'avoir hérité d'un poème à transmettre à l' Empereur de la part d'un Hantei des Limbes :shock
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Ah, tu es là
Je viens d'en ajouter un peu.
Pour le poème, possible que je l'ai ajouté pour la cohérence. Hé, maintenant que tu as tes entrées dans les quartiers impériaux, tu as de quoi faire ton petit effet avec ce poème  A toi de voir
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Ah oui ça c'est sûr que ça peut faire son petit effet
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22-12-2009, 08:06 PM
(This post was last modified: 22-12-2009, 08:07 PM by Darth Nico.)
"Moi, pour le concours de poésie, je vais chercher mon inspiration dans les limbes en combattant un démon"
Suite ci-dessus
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27-01-2010, 11:40 AM
(This post was last modified: 27-01-2010, 09:32 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Le volcan grondait, et la terre frémissait sous les pas de nos héros. La pente était rude, des éboulis gênaient leur montée. Ils voyaient des filets de lave, puis des coulées de plus en plus importantes, de gros blocs de roches engloutis dans ce feu liquide et des geysers ardents, des feux d'artifices tous oranges, des éclats et des fracas de boue et de flammes.
Ils virent, perché sur un monticule, un être humanoïde qui les observait, une lance à la main. C'était un Nezumi borgne, habillé de haillons, d'un collier de dents, les poils peints de sigles barbares. Devant l'entrée d'une grotte, plus haut dans la montagne, on devinait un petit village où fumaient plusieurs maisons. Vigilant, le Nezumi poussa un cri à l'approche de nos héros et on vit des humanoïdes s'affairer au village.
Mamoru passa le premier, car il connaissait un peu le langage de ces habitants de l'Outremonde. Nos héros détournèrent le regard pendant que le rônin s'adressait à cette créature ignoble.
- Il dit qu'un démon s'est attaqué à leur village, dit Mamoru. Il a ravagé les habitations puis il est monté vers le sommet.
- C'est bien notre piste, dit Sasuke. Qu'il nous indique le chemin suivi par Akuma !
Mamoru posa la question. Le Nezumi siffla, haineux et pointa une route de son ongle long et sale.
Nos héros montèrent aussi vite qu'ils pouvaient. Ils devaient circuler entre des chevelures de laves et des chutes de caillasses, alors que le sol tremblait de plus en plus fort. Assis sur de gros rochers encore stables, ils virent alors des zombies en habits de samuraï, armés de sabres à la lame brisée. Ces êtres morts dans le déshonneur étaient condamnés à se battre et à souffrir pour expier.
Mitsurugi avança sur eux sans peur, épaulé par Goemon et Mamoru, et ils en terminèrent vite avec cette bande d'éclopés damnés. Ils fracassèrent leurs os, dans le bruit assourdissant du volcan, et envoyèrent leurs os se briser dans la lave.
Sasuke repassa devant pour laisser aux autres le temps de se reposer. Avec l'Inquisiteur Tadao à ses côtés, ils virent alors une femme à la peau flasque et bleue comme celle d'un poisson, des mains en nageoires, qui les attendait, plus haut sur la pente. Sasuke la reconnut : c'était celle qui l'avait attaqué dans le bois des esprits enragés, entre la Vallée aux Esprits et la grotte où avait été enfermé le Shuten-Doji.
La shugenja maudite, qui était l'une des anciennes membres du groupe de Mamoru, lança une lame de glace, qui érafla l'épaule de Sasuke. Celui-ci tomba, et répliqua dans sa chute par une boule de feu, qui enflamma son adversaire. L'Inquisiteur Tadao monta encore et envoya une pluie de jade sur elle. Elle fut brûlée des pieds à la tête. Goemon chargea, furieux et lui brisa le crâne d'un coup de tetsubo.
Le gros yojimbo fut alors assailli par un moine au chapeau conique, une lueur démoniaque dans le regard. C'était Chair, le dernier sbire d'Akuma, virtuose du jiujutsu lui aussi corrompu par la Souillure ! Goemon fut jeté à terre par le coup de pied aérien du moine fou. Maya se lança au combat sur lui, mais son kazedo n'était pas encore suffisant face au senseï qu'était Chair. Maya lui donna plusieurs coups, qui ne lui firent aucun effet. Chair la repoussa habilement, et soudain agrandit démesurément ses bras pour la jeter à terre. La chair craqua horriblement, et les bras du moine atteignirent près de deux mètres de long ! Goemon et Mamoru voulurent attaquer aussi, mais Chair leur expédia un coup de pied de sa jambe pareillement agrandie. Mitsurugi arriva, le sabre au clair, et trancha le bras du moine. Mamoru fit de même avec la jambe.
Chair, vaincue, tomba et roula dans la pente. L'Inquisiteur Tadao le bannit des limbes par un sort de révocation : Chair disparut dans un cri atroche, transformé en un nuage de sang et de poussière qui le dispersèrent aux quatre vents.
Nos héros n'avaient pas le temps de reprendre leur souffle. Ils craignaient le pire. Ils approchaient du cratère, et virent Akuma, au bord du trou monstrueux qui devait mener directement dans le monde des massacres. L'ancien capitaine, transformé en démon du Dieu Maudit, récitait des incantations au volcan. Nos six héros formèrent un demi-cercle devant lui, et Mitsurugi le somma d'arrêter immédiatement ses invocations. Akuma, robuste, massif, et aussi puissant que le volcan, jeta un regard de mépris sur les pauvres humains qui voulaient l'arrêter. Comme ils ne pouvaient le combattre tous de front, Goemon, Mamoru et Maya foncèrent sur lui, au péril de leur vie. C'était trop peu pour arrêter un démon dont la chair était mêlée de la souillure du Puits Suppurant. Les trois courageux frappèrent ensemble, mais c'est à peine s'ils blessèrent le démon, alors qu'ils auraient tué chacun un homme tant leurs coups furent meurtriers. Akuma repoussa ses ennemis, les blessant grièvement. Goemon prit Mamoru avec lui en se jetant sur le côté, pour éviter un coup de sabre fatal d'Akuma. Maya dévala la pente, se raccrochant à un rocher avant de tomber trop bas.
Derrière, Mitsurugi, Sasuke et Tadao s'étaient mis en garde. L'Inquisiteur utilisa son sort de jade le plus puissant : il lança un météore de jade qui transperça le démon de part en part, le trouant comme une passoire. Déjà, Akuma chargeait, transformé en un zombie ardent par le jade. Mitsurugi s'interposa et lui passa son sabre en travers du ventre, avant de recevoir la lame meurtrière d'Akuma en pleine poitrine. Il ne restait que Sasuke derrière, qui repoussa la charge d'Akuma d'une énorme boule de feu plus grosse que lui ; Sasuke trancha alors cette torche démoniaque qu'il avait devant lui, et l'envoya dans le cratère. Ravagé par les flammes, Akuma chuta, mais se rattrapa au dernier moment, de sa main droite, alors que son poignet allait se dilacérer et son bras se déchirer.
Sasuke, épuisé, s'approcha et hurla :
- Tu es vaincu...
Akuma rôtissait littéralement, et pourtant, il ne poussait aucun cri.
- Dis-nous qui sont tes ennemis... le Lotus ! Dis-nous, Akuma !...
C'était leur dernière chance... Si Akuma ne parlait pas, c'en serait fini du combat contre la conspiration, car il n'y avait que l'ancien maître du Lotus en personne qui pouvait les guider.
- Maudits, maudits ! hurla, la bouche ravagée, Akuma... Vos ennemis sont les miens... Je reviendrai tous vous détruire... Mais sache, maudit shugenja, que Hida Torazo fut mon bras droit... Vous mourrez tous...
Le bras finit de craquer, et Akuma partit dans le cratère, alors que sa main noircie et squelettique restait agrippée. Après une brève chute, le démon tomba dans la lave, où il fut englouti par les milles yeux éclatants du bassin de feu liquide.
Torazo... C'était le cousin de Goemon ! L'ancien bras droit de Lotus ! C'était inespéré !
Le bakeneko avait bravement suivi nos héros. Il était déjà en train de tracer au sol un passage de retour vers Rokugan, autant que le lui permettait le terrain tremblant. Nos héros se supportèrent les uns les autres pour atteindre la glyphe du chat. Mamoru et Goemon, les plus touchés, passèrent les premiers : ils disparurent dans un bref tourbillon de lumière.
- Allez-y, Inquisiteur, dit Mitsurugi.
Tadao passa, puis l'ambassadeur derrière lui. Alors que Sasuke allait partir, il aperçut, accroché à un rocher, le sac rempli qui appartenait à Akuma ! Les yeux du shugenja brillèrent et il courut l'attraper. Maya ne put l'en empêcher. C'est alors que le volcan trembla plus fort. Sasuke fut jeté à terre, ayant juste eu le temps d'attraper le sac. Mais le sol se dérobait sous ses pieds, et l'entrainait loin de la glyphe ! Il allait même tomber dans un bassin de lave ! Maya courut à sa rescousse, et le rattrapa au dernier moment. Elle dut le tirer avec ses dernières forces, et ramena le shugenja à la glyphe. Celle-ci commençait à s'effacer. Le chat, furieux, ne parvenait plus à la maintenir. Maya et Sasuke sautèrent et roulèrent dans l'herbe neigeuse de Rokugan, aux pieds des murs de la Cité de la Pieuvre. Le chat arriva juste derrière eux.
Il faisait nuit et silencieux. Les étoiles scintillaient dans le ciel. L'air était pur et coupant. L'herbe bruissait là où la neige ne l'écrasait pas. Un garde faisait une ronde à la porte de la Cité. Il leva sa lanterne, affolé, et vit six samuraï et un chat, épuisés, les habits en loques, qui se tombaient mutuellement dans les bras.
- Ouvrez cette porte, tonna Mitsurugi, au nom de l'ambassade du Lion ! Vous ne me reconnaissez donc pas ! Je suis accompagné de l'Inquisiteur Tadao !
Ne jamais se laisser démonter... Ne pas perdre la face devant un simple soldat !... Mitsurugi n'avait pas perdu ses réflexes à cause d'une stupide blessure qui le faisait atrocement souffrir...
FORCE ...<!--/sizec-->
Une nouvelle nuit était tombée sur la cité tentaculaire, la plus grouillante de l'Empire, celle où certains quartiers ne dorment jamais, où la chaleur moite du sud de l'Empire imprègne les rues et ne laisse ni les cœurs ni les têtes en repos.
Dans un des quartiers tortueux près de la rivière, dans ces recoins où la milice des Crabes ne va jamais, Geki était de sortie... Mamoru avait repris le masque de la Fortune du Secret et son costume d'enfant de la nuit. Il avançait lentement sur les toits, à l'insu des ivrognes qui se battaient dans la rue et des patrouilles de yakuzas qui accouraient pour rétablir l'ordre. Le justicier nocturne sauta plusieurs toits, et trouva la trace du criminel le plus célèbre de l'Empire. La Grue Noire, le tueur au service de la conspiration du Lotus.
Geki entra par une lucarne dans le grenier d'une habitation de gros commerçant et avança sur ses semelles de crêpe. A l'étage d'en-dessous, la Grue Noire, masqué et vêtu semblablement de noir, rencontrait un homme de forte stature, vêtu d'une robe pourpre foncée, portant un masque intégrale de couleur cuivre avec un cristal stylisé gravé dessus.
- Seigneur, disait la Grue Noire, je suis certain qu'il est temps d'agir... Il est trop dangereux d'attendre davantage.
- Je ne crois pas, répondait son maître. Tu continueras à surveiller ce conseiller Kokamoru. Nous ne pouvons pas agir à la légère avec les Scorpions...
Gei entend les deux hommes se séparer et il repart de son côté, retournant jusqu'à une entrée dérobée de la Carapace.
Mamoru enlève son masque, en sueur, et entre dans les appartements de l'Inquisiteur Tadao, qui veille tard. Il s'agenouille et le met au courant. Tadao écoute, pose sa plume, et répond posément :
- Demain, tu retourneras suivre la Grue Noire. Nous devons savoir ce qu'ils font... Il faut frapper un coup pour les impressionner, Mamoru. Pour qu'ils sachent qu'ils ne sont plus seuls dans la nuit...
Le lendemain, Mamoru passe la journée à dormir et le soir, il fait sa prière à la Fortune du Secret, remet son habit et son masque, puis part en chasse. Il a repéré, dans le dédale de rues, l'endroit par où la Grue Noire arrive : une bicoque à l'abandon, près des marécages. Il doit y avoir un réseau souterrain que le tueur de la conspiration connaît par cœur. Il se met sur ses traces, comme son ombre.
La Grue Noire, manifestement inconsciente d'être suivie, se dirige vers les quartiers nobles, par des petites rues ; impressionné, Geki retient le trajet car il est très malicieux et permet de s'approcher des palais des clans sans être vu... Et c'est vers le palais du Scorpion que le tueur se dirige... Méfiant, Geki ralentit le pas. Il retient son souffle en voyant la Grue Noire passer un muret mal gardé, et entrer à pas feutrés dans le jardin de l'ambassade des Bayushi !
C'est un danger mortel qu'il court... Il est impensable que les Scorpions ne puissent pas découvrir un intrus... Geki hésite, sait qu'il prend le risque de sa vie... Et pourtant, la témérité est la plus forte. Il enjambe le muret à son tour, fasciné, défié involontairement la Grue Noire. Il franchit à son tour le jardin ; à l'autre bout, un garde veille, et tourne le dos à notre héros nocturne. Geki s'agrippe à l'appui d'une fenêtre, et attrape ensuite prestement celle du deuxième étage. Il atteint un toit ; le garde à l'entrée s'éloigne. Geki s'est approché, descend derrière lui, passe la porte, le cœur battant à tout rompre, et il entre dans les couloirs silencieux de l'ambassade.
C'est tout à la fois un nid de vipère et une toile d'araignée... Il est dans un des endroits les plus dangereux du monde... Une ambassade Scorpion.
Il a perdu de vue la Grue Noire. Soudain, sous un rayon de lune favorable, il la voit, de l'autre côté d'une cour intérieure, passant rapidement dans un couloir, en un éclair noir. Geki s'est fait distancer... Il court en silence, passe dans le dos d'un garde endormi, et s'arrête au coin d'un mur, observant agenouillé. Il voit de la lumière dans une pièce : l'odeur lui indique que ce sont les cuisines... C'est insensé, la Grue Noire est à l'intérieur !... L'assassin doit se restaurer comme s'il était un familier de la maison... Qui se cache derrière son masque ? Qui est son maître, le sinistre Cristal ?...
Geki entend alors quelqu'un entrer et tremble que ce ne soit précisément Cristal... Geki est plaqué au mur, et entend le bruit de son sang qui bat dans ses veines. Les deux complices discutent, et la porte s'ouvre. La Grue Noire ressort, Geki lui emboite le pas, à distance respectueuse. Au bout d'un couloir perpendiculaire, un garde fait une ronde. Les deux infiltrés passent devant lui sans qu'il s'en aperçoive, dans les ténèbres... Il y a alors quelqu'un qui passe en face, encore de l'autre côté de la cour intérieure, qui vient de quitter sa chambre. Il y en a du monde de réveillé dans cette ambassade ! Et la Grue Noire s'approche de cette silhouette... Et Geki suit. Ils sont maintenant trois ; le premier, inconnu de Geki, se dirige vers une autre sortie de l'ambassade. La Grue Noire s'approche peu à peu... Un tournant. L'homme se retourne d'un coup. Il ne voit personne. La Grue Noire s'est plaquée à temps contre un mur, et Geki a bondi au plafond, bras et jambes écartés pour se maintenir entre deux poutres, comme une araignée. Il est parfaitement immobilisé, mais il ne va pas tenir longtemps. Il entend le premier homme qui se méfie, qui tire lentement un katana...
Et Geki, perché au plafond, voit la Grue Noire, qui se sent repéré et qui tire un long poignard de sa manche... Il va avoir le temps d'un battement de cil pour agir. Tout se passe plus vite que la pensée... L'homme revient un pas en arrière, la Grue Noire bondit sur lui, on entend une lame déchirer un kimono ; Geki atterrit souplement derrière la Grue Noire, l'attrape et le projette en arrière en roulant avec lui et en l'envoyant dans la fin de sa roulade ! Tout se passe si vite que l'autre homme ne comprend rien, et s'enfuit en courant. La Grue Noire, atterrit dans la cour, dans un buisson. Des gardes accourent !
L'homme s'enfuit, Geki lui court après, mais ce dernier a déjà passé le garde, qui l'a laissé sortir sans problème. Trop tard pour Geki, qui se retrouve dans une petite cour où on va pouvoir l'encercler sans problème !
Geki bondit alors sur un mur, repéré au dernier moment par un garde qui donne l'alerte. Trop tard, notre justicier saute dans la rue ; il est libre, et il s'enfuit de son côté... L'homme l'a vu, à l'autre bout de la rue... Aucun n'a reconnu l'autre...
Mamoru rentre à la Carapace, épuisé...
- Tu as bien travaillé, conclut l'Inquisiteur Tadao. Demain, nous allons écrire au conseiller Kokamoru... Nous devons découvrir si c'est bien lui que la Grue Noire traquait...
... ET HONNEUR, SAMURAÏ ! <!--/sizec-->
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"Ne jamais se laisser démonter."
C'est la seule règle
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