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17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - Darth Nico - 25-06-2010 CHRONIQUES DES SABLES BRÛLANTS
Les dromadaires avançaient avec peine. Le ciel étincelait comme du marbre blanc. Le désert ressemblait à mille disques d’or tournoyants. L’air frémissait, prêt à entrer en ébullition. Les traces des deux montures s’étalaient à perte de vue, entre les dunes. Avishnar et Yatsume somnolaient, secoués par la bosse amaigrie de leur monture respective. Ils avaient les paupières lourdes comme du plomb, les lèvres dures comme du cuir ; autour d'eux, des dunes et des dunes, balayées par un vent lent et tourmenté, qui allait, venait, abrutissant. Avishnar tomba dans le sable mou, grogna comme quelqu’un qu’on réveille en sursaut, se releva, cracha et agrippa les rênes. Le dromadaire de Yatsume décida qu’il n’en pouvait plus, et s’arrêta net, grogna et s’allongea. - Non !... Non, tu ne vas pas rester là… Elle tira par les rênes, contre le vent, avec sa tunique qui se prenait dans ses jambes, son foulard qui allait s’envoler. Elle tirait comme elle pouvait, la bête ne voulait plus rien entendre. - Crétin ! tu vas rôtir ici ! Il faut avancer !... Avance ! Mais avance ! Yatsum s’assit, écouta le vent, lassée à mourir. Avishnar descendit de sa monture : - Monte avec moi ! Il aida son amie à se relever. La monture d’Avishnar, comme si elle avait compris, grogna et s’assit à son tour. Les immenses dunes ressemblaient à une mer tempétueuse en suspension ; ils étaient dans le creux de vagues monstrueuses, prêtes à les engloutir sans les mâcher. - Saleté d’animaux ! Yatsume, prise de fureur, allait tanner le cuir de cette saleté de cheval difforme tant qu’il ne repartirait pas ! - Arrête, arrête ! Avishnar voulut la retenir ; peine perdue, autant vouloir retenir une bourrasque ! Yatsume courut, vengeresse, sur le dromadaire impassible. Il y eut un coup de vent, le sable gicla et aveugla notre héroïne. Elle s’étala par terre, du sable jusqu’aux oreilles. Le dromadaire daigna tourner la tête vers elle, comme s’il avait prévu cette chute. Les dunes avançaient, impassibles elles aussi, poussées par le vent comme une flotte de navires d’or, comme une armada invincible. Avishnar enroulait de nouveau son foulard autour de sa tête, il trébucha et vit alors, entre deux dunes qui s’étaient déplacées, une tour ! Une tour de pierres blanches. - Là, là, là !... - Quoi lalala ?... - Là-bas ! Il gesticulait comme un démon ; Yatsume avait pris le parti de s’adosser contre le flanc de sa monture et de jouer à qui serait fainéant le plus longtemps. Elle ne voulait plus écouter Avishnar, ni personne… Elle attendrait qu’on lui apporte de l’eau ! Ou du cyanure pour abréger ses souffrances ! - Viens ! Viens !... Un château ! - Un château ? Tu hallucines mon pauvre ! - Un château ! - Je viens voir, mais gare à toi… Yatsume fit quelques pas et vit la tour. - Mais c’est une tour ça ! - Une « tuur » ? Je ne sais dire que château… - Dépêche-toi ! On y va ! Elle courut à sa monture, sauta dessus et la fit se relever d’un coup et partit au trot ! - Attends, attends ! cria Avishnar. C’était incroyable ! Elle était prête à se laisser mourir l’instant d’avant ! Et elle avait relevé sa monture en claquant des doigts ! Avishnar tira son cheval bossu, engagea la poursuite pour rattraper sa furie du désert ! ![]() Le vent était tombé quand ils arrivèrent au pied de de la tour. Celle-ci se dressait au pied d’un gros pierrier blanc, aveuglant. La chaleur était intenable. Ils crurent bien que leurs sandales allaient fondre. - La tour des ombres, annonça notre héroïne, solennelle. Ils coincèrent les rênes des dromadaires sous une grosse pierre, dans un coin ombragé. Il y avait même quelques maigres pousses à saisir pour eux. Yatsume prit son naginata dans le fourreau attaché à la selle. - Tu vas m’attendre là, décida-t-elle. - Quoi ? - Tu gardes les montures, Avish’… On ne sait pas ce qui se cache dans cette tour… Si je ne ressors pas d’ici une heure, repars voir les Pej’Neb. Elle était sérieuse comme un shugenja Phénix. Avishnar voulut protester. Ce fut inutile. Yatsume prit son arme à la main et entra dans la tour. Quand le shugenja Iuchi des Royaumes d’Ivoire lui avait parlé du royaume des ombres dans les Sables Brûlants, elle s’était attendue à quelque chose de plus spectaculaire. Il n’y avait en somme qu’un vieille tour branlante, peuplée de courants d’air. Le seul danger venait apparemment de l’escalier vermoulu… Elle choisit de l’emprunter. Elle n’avait pas fait tout ce chemin pour s’arrêter au niveau du sol. Les marches grincèrent, autant à cause du vent que de ses pas. Au premier palier, elle vit une pièce dont l’entrée était obstruée par l’effondrement de poutres de soutènement. Elle frappa de son arme dans le bois sec et cassant. Elle parvint à se ménager une ouverture. Elle s’y glissa. La tête passa, pour les épaules il fallut forcer. La pièce n’avait que quelques meurtrières comme ouvertures. Il y faisait bien frais, c’était un délice. Yatsume n’était néanmoins pas prête à en profiter. Au centre de la pièce, il y avait une grosse dalle en pierre, gravée d’inscriptions à moitié effacées. Elle se dit qu’elle ne pourrait rien en tirer, quand elle vit que c’était des idéogrammes Rokugani ! Elle s’accroupit pour lire et ne put déchiffrer que quelques mots : « …vint en exil… maudit de tous… » Et un nom qui fit faire un tour à son sang : Yogo ! Pas la famille Yogo, mais Yogo lui-même. Un shugenja de la famille Isawa, qui avait quitté son clan et rejoint les Scorpions, où il avait fondé sa famille. Celle qui avait la réputation la plus sinistre, crainte même par les autres Scorpions. On disait que les Yogo avaient toujours la trahison dans le sang. Que c’était leur destin d’infliger un jour un mal irréparable, parfois mortel, à l’être qui leur était le plus cher… Yatsume ne comprenait pas… Le tombeau de Yogo ici ?... Pourquoi pas, s’il s’était bien exilé au désert… Quel rapport avec les ombres ? Quel rapport, s’il y en avait un, avec sa fille ?... Elle avait le tournis. Elle se dit qu’il fallait jouer le tout pour le tout. Qu’avait-elle de plus à perdre ?... Elle se releva et tâta la dalle du tombeau. Elle était très lourde. Elle agrippa ses mains comme elle put, mais la surface glissait. La dalle remuait à peine. Elle la soulevait d’un cheveu et dut la reposer. Elle s’accroupit à nouveau, poussa par en-dessous, avec les mains, puis ajouta la tête ; peine perdue ; elle s’adossa à la tombe et poussa avec les épaules. Elle sentait que ça venait, doucement, très doucement… Elle raidit ses muscles, retint son souffle, poussa sur ses jambes et parvint à déplacer la dalle horizontalement. Elle se releva pour reprendre de l’air. Elle continua à pousser des deux mains, fit pivoter la pierre et eut enfin une ouverture suffisante. Elle serra les poings, les dents et regarda à l’intérieur. Le fond était plus bas que le sol de la pièce. Il y avait d’autres inscriptions, dans une langue inconnue cette fois. Pas de corps, pas de reste. Pas d’urne avec des cendres. Yatsume, priant les Ancêtres, pas fière d’elle, plongea carrément la main ! En se penchant, elle put tâter le fond. Que de la pierre froide. Elle était découragée… Même un Scorpion ne fait pas de la profanation de sépulture pour rien ! On ne dérange pas les morts si on ne peut pas leur soutirer un secret ! Elle vit alors sur les murs une surface étrange. Ce n’était pas de la pierre. Elle s’approcha et vit que c’était plusieurs miroirs alignés, six sur chaque mur, recouverts d’une épaisse poussière. Machinalement, elle en essuya un. Elle n’avait pas vu son visage depuis si longtemps. Ce n’était pas de la coquetterie féminine. En fait, elle avait peur de voir à quoi elle ressemblait après ce périple... Elle ne vit pas distinctement son reflet. Le miroir était opaque ; elle y voyait de plus d’autres formes bouger. Elle se retourna, ne vit personne dans la pièce. Elle regarda de plus près, dut coller son œil. Elle vit alors… Mitsurugi ! Matsu Mitsurugi ! Il était dans un endroit sombre, elle ne put discerner lequel. Il marchait avec Sasuke et Mamoru. Elle ne comprenait pas ! Qui avaient ensorcelé ce miroir ! Pourquoi ces illusions ?... Est-ce que c’était elle qui se mettait à délirer ? Avait-elle secrètement le mal du pays au point d’en avoir des hallucinations ! Elle griffa le miroir, abattue. Elle vit alors que Mitsurugi regardait dans sa direction. Il regardait vers elle, surpris ; il appelait ses deux compagnons et ils s’approchaient d’elle ! C’était elle qu’ils regardaient, elle en était certaine ! Elle les voyait parler, crier mais n’entendait rien ! Elle cria leur nom. Ils firent signe qu’ils n’entendaient pas non plus. Elle les regarda, heureuse de les voir ; elle ne comprenait pas où ils étaient. Elle ne savait même toujours pas si elle avait des hallucinations. Elle était seule dans cette tour vide, froide, dans ce pays des ombres où il n’y avait en fait que le soleil sans pitié jour après jour, et où il fait encore plus chaud que partout ailleurs dans le désert ! Le shugenja Iuchi s’était moquée d’elle ! Elle devait admettre la vérité ! Lui et aussi ceux du camp des Sables Brûlants ! Il s’était tous débarrassée d’elle, l’envoyant voir ailleurs s’ils y étaient ! Elle regarda Mitsurugi, dépitée. Ce dernier était en train de faire de grands gestes, affolé pour la prévenir ! Il lui disait de se retourner ! Yatsume empoigna son arme et fit volte-face. Une silhouette noire venait de surgir du tombeau, ouvrait grand une énorme gueule difforme et fondit sur elle. ![]() Yatsume rouvrit les yeux. Elle voyait une nuée de mouches lumineuses. Elle se frotta le visage et sentit qu’elle était allongée sur la pierre. Elle grommela en se relevant. Elle s’appuya sur le tombeau. La pièce était la même ; les miroirs poussiéreux au mur. La lumière par deux meurtrières. Avait-elle donc rêvé en voyant Mitsurugi et les autres dans le miroir ? Elle avait mal à la tête. Elle frissonna quand elle se souvint du monstre, des ténèbres vivantes, qui lui avait sauté dessus. Elle recula à quelques pas de la pierre antique. La dalle était ouverte, comme elle l’avait laissée. Elle tenait son naginata à la main, prête à bondir à son tour. Un détail la frappa : les inscriptions sur la tombe. Elles avaient changé ! Encore des caractères Rokugani, mais plus les mêmes… En fait, si, les mêmes, mais comme neufs ! Plus du tout usés par les siècles. Flambant neufs ! Son cœur se mit à battre ; elle approcha et lut les phrases entières : « Quand Yogo fut chassé de son pays, il vint en exil dans les terres brûlées. Maudit de tous, il voulait fuir loin de toute ombre. Il croisa la route des fils de Shinjo. Il eut soif, il eut faim, il erra. Il trouva alors une vallée de pierres blanches. Il s’y maria avec les ombres… » Ce n’était pas fini. La suite était écrite dans des caractères plus maladroits, comme gravés à la hâte. Yatsume retint un cri en les lisant : « Alors, moi, je devins Yaagoth, le vomisseur de ténébres. Je construisis la plus haute forteresse qui soit, imperissable, imprenable. J’y habitais au cœur de la plus haute tour, dans un endroit où nulle lumière n’entrait. Je devins l’Empereur des Sables et je sus que ma puissance serait sans limite. J’ai même conquis les terres des immortels, entre Oudhin, Medhin et Mahudin. » Yaagoth… Le monstre dont lui avait parlé le conseiller Kokamoru. Celui qui était censé avoir perverti son mari… Yatsume n’y comprenait plus rien. Yogo, Yaagoth… Le même personnage, rendu fou d’orgueil par son exil… Et ces trois lieux, Oudhin, Medhin, Mahudin… Notre héroïne apprit par cœur le message. Elle devait trouver ces trois endroits -ces trois villes ? Elle se précipita hors de la tour. Avishnar somnolait avec les dromadaires. Avec le bruit qu’elle fit, il ne tarda pas à se réveiller. - J’ai trouvé ! J’ai trouvé ! A se demander si le soleil ne lui avait pas cogné sur la tête ! - Je sais, Avishnou, je sais !… Que savait-elle au juste ? De vagues localités, quelques informations sur un shugenja maudit. Ils quittèrent le pierrier blanc, repartirent dans le désert et ils voyagèrent. Ils ne retrouvèrent pas le campement des Pej’Neb. Ils passèrent par des villes étranges, comme pétrifiées ; ils eurent plus soif que jamais, ils crurent mourir, ils disparurent dans les sables. Ils trouvèrent la route du sud, qui devait les amener aux trois villes, car c’était bien des villes. Qui leur avait appris cela ? Comment avaient-ils su que le terrible Yaagoth avait construit sa forteresse gigantesque à Oudhin ? Dans quelle taverne de quel trou perdu avaient-il pu en entendre parler ? Ils l’oublièrent vite. Ils accompagnèrent des caravanes, connurent l’immense solitude, virent des carcasses d’animaux géants, se crurent plusieurs fois perdus pour de bon. Ils entendirent parler de Medinat Al’Salaam, la plus grande cité de l’univers, et de son calife immortel. Ils entendirent parler cent dialectes, virent des spectres errer dans la chaleur floue, traversèrent mille déserts différents… Plus d’un mois après avoir quitté la tour, ils arrivaient en vue d’un gros bourg, au pied de montagnes volcaniques : Mehdin. A suivre... ![]() 17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - sdm - 28-06-2010 Quote:Dans quelle taverne de quel trou perdu avaient-il pu en entendre parler ? Faut pas perdre les bonnes habitudes ![]() ![]() 17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - baronpiero - 30-06-2010 Quoi ? \ ![]() / Tu gardes les montures, Avish’… On ne sait pas ce qui se cache dans cette tour… Si je ne ressors pas d’ici une heure, repars voir les Pej’Neb. 17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - Darth Nico - 30-06-2010 ![]() Tu enlèves la végétation, tu mets un pierrier à la place et c'est ça ![]() 17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - Darth Nico - 30-06-2010 CHRONIQUES DES SABLES BRÛLANTS
Ils étaient plus bronzés que des paysans des rizières de la pointe sud de Rokugan. Et ils sentaient plus la bête que les dromadaires offerts par les Pej'Neb ! Ils entrèrent par la porte nord de Medhin, après avoir passé l’octroi. - C’est vraiment des voleurs dans ce pays, ronchonna Yatsume. Il te reste combien, Avi’ ? - Huit roupies et trois piastres… - Au cours actuel de la roupie, on est plutôt avantagés… Attends, si je convertis en kokus, ça fait… Ils traversèrent avec leurs animaux un gros souk, où on pouvait à peine se tourner. Un grand marché à moitié à couvert, dans lequel on leur proposa dix fois d’acheter leurs dromadaires. - Combien, demandait notre héroïne ? Il fallait faire des gestes avec les doigts pour se comprendre. - Tu es fou ! Jamais ! Celui-là fait au moins quatre chevaux ! Ils réussirent à ressortir de ce dédale d’échoppes et trouvèrent une grosse auberge. Ils emmenèrent les dromadaires à la rivière, où un pâtre allait s’occuper d’eux. - Elles ont soif, dit Yatsume. Boire beaucoup ! Glouglou, hein… Il a l’air de comprendre… Et surtout : vous leur donnez de la sans-plomb hein !... Pas une cochonnerie d’eau infectée ! Berk glouglou niet ! Ils se payèrent une belle chambre et prirent un bain parfumé, grâce à l’argent gagné au précédent village, où ils avaient travaillé comme gardes du corps, puis comme escorte de caravane. Ils commençaient à se débrouiller un peu pour parler le langage du désert. Ils s’étaient acclimatés. La vie à la dure, ils y avaient survécu ! Ils se réveillèrent après une bonne nuit de sommeil. - Tu viens, Avish’ ? On va faire du sho-ping. - Du quoi ? - Une coutume de mon pays. Tu vas découvrir… En milieu de journée, Avishnar avait compris. Ils avaient fait trois fois le souk en long, large et travers. Lui portait quatorze paquets, à bout de bras, sous les aisselles, sur la tête et avec les dents. Il maugréait, Yatsume faisait semblant de ne pas comprendre. - Oh, viens voir par-là, que c’est joli ! Quand il était Raja, les marchands défilaient toute la journée au pied de son trône, front à terre, pour présenter des étoffes rares, des bijoux, des parfumes, des esclaves magnifiques... Ca, c’était du sho-ping ! Ils avaient compris, en échangeant quelques mots avec l’aubergiste, qu’ils étaient au sud du désert. En descendant encore un peu vers le sud, ils trouveraient le massif des montagnes de feu. Au sud-est, un chemin vers la jungle qui menait aux Royaumes d’Ivoire. Et vers l’est, des montagnes très hautes, mal connues. - Rokugan doit être au-delà de ces montagnes, songea Yatsume. Alors qu’elle terminait de marchander pour un ceinturon, que le vendeur se roulait à terre en jurant sur la tombe de son grand-père qu’il ne pouvait pas faire une piastre de réduction de plus (sans quoi il allait devoir vendre ses enfants et sa femme comme esclaves pour vivre), Yatsume vit Avishnar qui partait discrètement, le front bas. Pressée, elle acheta le ceinturon et lui courut après. - Hé, attends ! - Chut… Tais-toi, murmura l’ancien Raja. - Mais quoi ? Hé, regarde ! Elle venait d’apercevoir un groupe de marchands qui devaient venir des Royaumes d’Ivoire. - Des compatriotes, Avish’… - Oui, justement ! Il partit dans une petite ruelle, en se cachant avec ses paquets. Ils allèrent à l’auberge et posèrent les paquets dans la chambre. - Tu vas m’expliquer enfin ? C’était compliqué. Avishnar n’était pas sûr de savoir le dire. Comment expliquer que les marchands en question appartenaient à une caste que l’ancien raja du palais d’Emeraude (le père d’Avishnar), avait fait chasser des Royaumes ? - Tu les trouves impurs, c’est ça ? dit Yatsume. Mais attends, tu nous as vus ou quoi ? On est des rônins mon vieux ! Toi tu es un Raja–ronin… - Non, non, pas pareil. Ils ont le sang mauvais. Moi, noble… - Mais qu’est-ce que tu crois ? C’est fini tout ça ! - Non, fit fermement Avishnar. - Tu comptes peut-être récupérer ton trône un jour ? - Oui. - Ah oui ? Carrément ! - Oui, c’est dit. - Qui l’a dit ? - Le Varana-Yava. - Le quoi ? - Texte de religion. - Et ton Varana, il a dit que tu allais botter le cul au gros fakir qui a pris ta place ? - Oui. Que répondre à cela ? Avishnar n’avait jamais été si sûr de lui. - Et elle parle de moi ta prophétie ? - Elle parle de … Il dit plusieurs mots dans sa langue. - Et en clair ? - Euh, à peu près… « la femme qui crie fort, qui tue mille fois ses ennemis et ne prend pas repos». - Ca me ressemble, dit Yatsume, flattée. Ils rirent de bon cœur. - Et à ce sujet, dit notre héroïne en se relevant, je repars ! Elle fit craquer ses poings. - Moi j’attends ici ? - Ca doit être marqué dans ton texte, non ? ![]() Ils avaient découvert en Medhin une des villes de l’ancien empire de Yaagoth. En discutant dans les tavernes, ils avaient entendu qu’à l’époque, il n’y avait presque rien ici. C’était simplement un avant-poste. Ce n’est que depuis une génération que Medhin s’était transformé en gros bourg commerçant. Non, il fallait trouver Oudhin, l’ancien emplacement de la forteresse géante. Ils passèrent une journée à discuter dans les tavernes, à payer des coups, pour découvrir où se trouvaient les ruines. Ils en vinrent à parler avec les marchands d’Ivoire exilés. Avishnar essayait de prendre l’accent rugueux de cette caste. Autant demander à un sage Togashi d’aller discuter le coup avec un marchand de saké Yasuki ! Il faisait semblant d’avoir mal à la gorge pour cacher son ascendance noble. Les marchands le regardèrent d’un air soupçonneux. Mais comme Yatsume payait bien, ils donnèrent les indications qu’il fallait pour se rendre à Oudhin. Nos héros retournèrent à l’auberge, prirent leurs affaires ; ils trouvèrent une auberge plus petite, où Avishnar s’installa dans une chambre discrète. Il n’avait pas besoin d’avoir un mage à ses côtés pour deviner que les marchands tenteraient de le retrouver... Yatsume remonta en selle le lendemain matin et partit au milieu d’un convoi de caravanes. Elle ne fit pas un long trajet avec elles. Elle bifurqua bientôt sur une piste de terre à peine tracée, avant d'arriver à Mahudin. On lui fit signe qu’il était mauvais d’aller par là-bas. Elle remercia et partit, résolument. Elle voyait au loin des nuages de fumées noires qui sortaient des cratères de la chaine volcanique. ![]() Ils avaient quitté le désert profond. La terre était plus sombre. Des paysans travaillaient dans des champs irrigués. De gros buffles pataugeaient avec eux. Une rivière coulait, encombrée de navires effilés qui transportaient des pierres depuis les montagnes. Il faisait bien plus humide. Sur les sommets qui n’étaient pas encrassés par les fumerolles de volcan, de la brume enrobait la jungle. Yatsume poussa sa monture, qu’elle connaissait maintenant par cœur. Elle passa près de statues géantes de sages méditatifs, vit un groupe de temples couleur cuivre, aux hautes tours qui semblaient tourner comme de toupies, avec un luxe de sculptures et des motifs floraux exubérants. Elle demanda plusieurs fois son chemin à des paysans qui crurent d’abord voir en elle un démon ! Un démon à peau jaune monté sur un cheval difforme… Heureusement, un aîné intervint, moins impressionnable, qui avait déjà vu et ces montures et des gens de Rokugan (mais jamais, cependant, l’une portant l’autre). Yatsume paya un droit de passage pour calmer les esprits du temple (pas que ceux du temple…) et se fit indiquer le chemin pour aller à Oudhin. C’était un peu plus au nord, à la lisière des sables. Elle sortit de la région des temples et se retrouva sur une plaine parsemée de végétation rare, avec, à nouveau, l’espace immense devant elle, sans limite. Quand on pensait que c’était à cet endroit qu’avait été construite une forteresse défiant toute mesure… Elle avança, passa une petite rivière ; le dromadaire marchait dans une terre très rouge. Plusieurs gros blocs de pierre taillée se trouvaient éparpillés. Il restait par endroits des pans de murets, ou bien l’encadrement d’une porte. Un fossé dont les bords s’étaient peu à peu adoucis, qui avait dû servir de douve. Des douves immenses, assez longues, larges et profondes pour y noyer une armée ! Quelle hauteur pouvaient faire les murs ?... ![]() « La forteresse qui perce le ciel » était le surnom d’Oudhin dans les légendes. Des vieux prétendaient l’avoir connue et avoir assisté à sa destruction. C’était des saoulards la plupart du temps. On se moquait d’eux. Ce sur quoi on s’accordait, c’est que du temps de sa « splendeur », l’Empire bâti par Yaagoth s’étendait sur le sud du désert, dans les régions au pied des montagnes de feu. On prétendait que l’Empereur allait se régénérer dans les cratères, qu’il y conversait avec les divinités du lieu, et qu’il en retirait un pouvoir immense. Il pouvait tenir à mains nues des charbons ardents, son sabre était chauffée à blanc mais ne fondait pas, il portait des gants pareillement brûlants, un masque rougeoyant comme de la lave en fusion… Yaagoth étendait son Empire de plus en plus loin, asservissant tous ceux qu’il croisait sur son chemin. Les prisonniers servaient d’esclaves pour agrandir toujours plus Oudhin. Avec la course quotidienne du soleil, la monstrueuse forteresse noire projetait une ombre qui allait d’ouest en est, qui balayait tout le désert alentour, rappelant à chacun la présence de l’Empereur invincible. On disait que des milliers de soldats, et dix fois plus d’esclaves, vivaient dans les étages tortueux, entrelacés, de la forteresse, entre cinq enceintes successives cernées de remparts, chacune plus haute que la précédente. Au bout de plusieurs générations de ce règne, Yaagoth paraissant ne pas vieillir, le Calife immortel de Medinat Al’Salaam décida d’affronter ce rival qui lui faisait de l’ombre (presque au sens propre ! ![]() Or, on ne pouvait imaginer un voyage plus long. Le Calife avait son armée à la pointe nord du désert, tandis qu’Oudhin était au sud. Déplacer une armée prendrait des mois. Cela prit peut-être des années. Combien de soldats moururent en chemin ? Combien de villages furent pillés et combien d’hommes enrôlés de force par l'armée du Calife ? On prétendait que Yaagoth avait reçu le don de divination. Il savait l’arrivée de son rival inéluctable. Deux tyrans invincibles allaient s’affronter, deux demi-dieux assoiffés de pouvoir. Quand l’armée du Calife arriva au pied des murs d’Oudhin, le désert était noir. Noir de l’ombre de la tour, noir de l’armée innombrable des assiégeants. On prétendait que les deux hommes s’étaient rencontrés, dans un lieu tenu secret, ou peut-être en esprit. Quoi qu’il en soit, aucune négociation n’était possible. Le Calife ordonna la guerre à outrance. Il n’y aurait aucun quartier de part et d’autres. On n’était pas d’accord sur la durée du siège. Certains parlaient de dix ans… Au bout de deux ans, les murs d’Oudhin ruisselaient, du sang des blessés et des cadavres pestiférés que l’armée du Calife catapultait ! Sans compter les races inférieures, dont les membres étaient peu à peu sacrifiés aux dieux de la guerre, ou à Yaagoth lui-même (il était censé avoir besoin de grandes quantités de sang pour prolonger sa vie). Peut-être que c’est l’acharnement du Calife, peut-être un traitre, mais il y eut finalement une brèche de percée dans l’enceinte. Les troupes de Medinat s’y engouffrèrent. A l’intérieur d’Oudhin, les rues étaient ravagées par la famine et les maladies. Peu à peu, les enceintes suivantes cédaient. Enfin, la tour principale fut prise d’assaut, avec le Calife en personne menant l’élite de ses guerriers les plus féroces ; étages après étages, ils massacrèrent les occupants. On ignore si Yaagoth était encore là, ou bien s’il s’était enfui. On ne sait pas ce que le Calife trouva dans la chambre de l’Empereur vaincu. On sait seulement qu’il ordonna la destruction, pierre après pierre, de la forteresse. Qu’il n’en reste pas un mur debout. Que personne n’y construise plus, que personne n’y vienne, n’y passe ni n’en parle !... La région était taboue. Celui qui enfreindrait l’interdit serait torturé, tué et avec lui sa famille etc. Depuis longtemps, on n’encourait plus réellement de châtiment à se rendre à Oudhin. Le Calife n’était jamais revenu dans la région. On n’y allait quand même pas… Il n'y restait que le vent chargé de sable qui secouait les encadrements de portes et usait les pierres. Aussi Yatsume fut-elle surprise quand elle vit, au milieu des derniers restes des ruines, un vieil homme tremblant, qui allait et venait sans but précis. Il parlait tout seul, tapait de son bâton, riait stupidement, gesticulait. ![]() Quand Yatsume s’approcha, elle vit qu’il était Rokugani ! Ses longs cheveux gris ne lui cachaient plus, à cette distance, sa peau ni ses yeux. Il était habillé de guenilles. Il arborait toujours au bras un morceau de kimono, qui portait le mon de la famille Bayushi. Yatsume descendit de cheval et se précipita vers lui. Il n’eut pas peur en la voyant arriver en courant. Il se mit à rire de plus belle. - Que fais-tu là ? s'écria notre héroïne. Le vieux riait, comme s’il venait de faire la plus belle farce de sa vie. - Je ris, je ris ! En même temps, il avait peur ; il tremblait, il épiait. Il ne pouvait pas regarder Yatsume dans les yeux. Celle-ci serrait les dents ; elle cherchait à se contenir. Depuis le début, la recherche de sa fille et de cette ombre n’avait tenu qu’à un fil. Un fil fragile, prêt à rompre... Il avait fallu une somme de circonstances, de rencontres, de hasard, pour qu’elle ne perde pas la trace qui la menait vers son passé. Or, cela risquait bien de s’achever avec ce vieux fou. - Que fais-tu ici, toi ? Comment te nommes-tu ? - Bayushi, Bayushi… - Bayushi comment ? - Bayushi le perdu… Bayushi l’exilé… - Ton nom ! ton vrai nom ! Depuis quand es-tu ici ?... Il se mit à rire de plus belle, très fort, et c’était comme s’il allait éclater en sanglots. - Toi, je te reconnais, hein !... tu es Yatsume ! C’est normal que tu aies fini par venir ici ! - Tu me connais ?... Comment ? Par qui ?... Sans s’en rendre compte, elle le secouait comme un prunier ! - Qui t’a dit mon nom ? Que sais-tu de moi ?... - Tu as tué ton mari ! Il éclata encore de rire ; on aurait aussi juré qu’il était mort de peur… Un vieillard, dans des ruines au milieu de nulle part, un fou, qui tenait entre ses mains des secrets inestimables pour Yatsume ! C’était à devenir enragé !... Un mot de lui !... Et en plus il pouvait mourir sur place, là, comme ça, ce vieux débris ! - Comment tu sais que je l’ai tué ! Tu l’as vu ?... Tu as vu le démon ? - Oh non je ne l’ai pas vu, mais je le cherchais ! - Qui ? L’autre pouffait, s’étouffait, crachait et reprenait son souffle. - Yaagoth, Yaagoth… Il se tenait la poitrine, comme s’il allait vomir. - Qui est-ce ? - Je suis venu le chercher ici, Yatsume ! Elle serait tombée à genoux pour l’implorer. - Tu es venu chercher Yaagoth ? - C’est mon maître qui voulait… Moi j’ai suivi… Il renifla… Une petite larme… - Ton maître, qui était-ce ? - Yaagoth nous disait de venir à lui… Il disait aussi que tu as tué ton mari… Il disait que tu voulais te venger… Il disait que Yaagoth a tué ton mari… C’est Yatsume qui allait devenir folle. Le vieillard avait l’air de savoir à coup sûr si c’était Yatsume qui avait tué son mari ou non ! - Qui t’a emmené ici ? - Kokamoru, pleurnicha le vieux. Et ensuite, il m’a abandonné… - Quoi ? Yatsume dut s’asseoir. Le vieux se mouchait. Elle lui sauta à la gorge dès qu’il eut fini : - Le conseiller Kokamoru ! - Il te connait bien ! Il repartait d’un grand rire ! - Pourquoi lui ? Pourquoi ?... Que voulait-il ?... - Il voulait le pouvoir de Yaagoth ! - Kokamoru ? - Mais oui enfin ! Je te le dis, Yatsume… Si elle s’attendait à cela… Kokamoru venu dans le désert… L’autre avait l’air affirmatif. C’est lui qui avait dit ce nom, pas Yatsume. Il n’avait pas pu inventer. De plus, il la connaissait... - Où est Yaagoth ? - Pas loin ! - C’est lui qui a tué mon mari ? - Oh non non, je ne crois pas ! - Qui alors ? - Ben toi, non ?... Et il partit d'un grand rire, ses dents cabossées brillant au soleil. Yatsume ne savait plus si elle comprenait, si elle voulait comprendre. Elle secoua encore le vieux -pour faire tomber les renseignements ! A force d’insistance, elle comprit où elle devait aller : chez ceux qui avaient rendu le vieux à moitié fou. Un peuple nommé les Ashalan. - Les Ashalan, les Ashalan, immortels... Au point où elle en était, Yatsume se dit qu’elle n’avait plus beaucoup à perdre à aller les rencontrer. Elle laissa là le malheureux ; il n’y avait rien à faire pour lui ; la solitude et l’exil l’avaient rendu fous ; il ne voulait pas quitter cet endroit, il s’y trouvait même bien… Yatsume suivit ses indications, partant sur une piste qui continuait vers le nord-ouest après Oudhin. Il fallait bien connaitre la région pour ne pas se perdre. Le vieux, dans son désespoir, avait gardé assez de lucidité pour donner des indications précises. Yatsume traversa un plateau de terre craquelée, puis longea les bords d’un lac asséché. Elle aperçut alors une grande pyramide à degrés, dont un pan s’effondrait. A suivre... ![]() 17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - vengeur77 - 08-07-2010 comment je kiffe. Par contre j'ai comme l'impression que tu fais de Yatsume une putain de gamine capricieuse, boudeuse et impulssive ![]() (haha j'adore! ![]() 17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - Darth Nico - 08-07-2010 Haha, je crois qu'elle a son "petit" caractère oui ![]() 17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - Darth Nico - 10-07-2010 CHRONIQUES DES SABLES BRÛLANTS
Elle vit des êtres difformes autour de cette pyramide. Ils étaient une dizaine, pas plus. Ils mesuraient au moins trois têtes de plus que les humains ; ils avaient la peau bleue, presque transparente. Ils étaient vêtus de grands habits qui ne couvraient ni leurs bras tatoués ni leurs visages sans expression ; deux gardes à l’entrée portaient de grandes lances aux lames courbes finement ouvragées. Ils laissèrent passer Yatsume en s’écartant d’un pas. Ils ne posèrent pas de questions. Et elle se retrouva au milieu de ces êtres, stupéfaite. Ils la regardaient, ni hostiles ni amicaux. Elle descendit de monture, ne savait pas quoi faire. Elle s’inclina devant eux, comme on faisait à Rokugan. Elle sentit qu’ils rendaient le salut en s’inclinant eux aussi, très légèrement. - Je… je m’appelle Yatsume… - Tu viens de Rokugan, dit l’un d’eux, qui s’était approché doucement. C’était une affirmation, pas une question. - Vous parlez mon langage ? - Nous l’avons appris il y a longtemps… Les autres détournaient la tête. Ils rentraient dans leur ziggourat. Ils n’étaient pas intimidés, juste indifférents. Yatsume ne savait pas comment se donner une contenance face à un accueil si déroutant. - Il y a quelqu’un de mon clan qui est venu ici… - Oui, nous nous en souvenons. - Kokamoru ! - Oui, peut-être... Elle essaya de le décrire ; l’Ashalan approuva. Elle ne les intéressait visiblement pas ! Ils n’étaient pas méprisants, ni ennuyés. Elle se sentait juste insignifiante à leurs yeux. - Je suis venu savoir ce qu’il voulait ! C’est très important ! Ma fille !... - Tu as une fille ? - Je veux la retrouver ! On me l’a prise… Cela parut intéresser son interlocuteur. Yatsume devenait folle qu'on puisse réagir si peu ! Au fait, elle ne savait même pas si c’était un homme ou une femme… Ils avaient tous l’air androgyne ici… - Les enfants sont précieux pour nous, dit l’Ashalan. ah, là, Yatsume fut ravie ! On allait pouvoir s’entendre. - Viens, il faut que je t’explique certaines choses. Son interlocuteur partit avec ses grandes jambes d’échassier et Yatsume courut derrière. Ils montèrent quelques étages de la pyramide et s’assirent à l’ombre du grand bâtiment. - Nous vivons ici, isolés. Nous avons appris à connaître les gens des cités voisines. Parfois, nous y allons, déguisés. Nous n’avons pas tellement de contacts avec eux… Certains nous connaissent. Nous ne nous montrons qu’à des gens de confiance. - Comment connaissez-vous notre langage ? - Nous en connaissons plein, Yatsume. Au moins une centaine. Il (elle ?) disait cela sans se vanter. Il expliquait, voilà tout. - Vous êtes… vraiment, euh, immortels ? - Peut-être pas tout à fait. Mais nous vivons bien plus longtemps que vous autres… - Et vous, par exemple, hmm, vous avez quel âge environ ? On n’était pas à dix ans près ! - Quelques-uns de vos siècles, je ne sais plus… Il regardait le ciel, nostalgique. - Vous… vous êtes tombés de là-haut ? Yatsume aimait mieux savoir, au cas où elle aurait en face d’elle de véritables dieux ! - Oui, nous venons de bien au-delà des étoiles que tu vois la nuit… - Mais comment ?... - Je vais t’expliquer… Il y a bien longtemps de cela, avant la création de ton Empire, avant la chute de vos dieux sur terre… Yatsume avait le vertige. Ces gens-là étaient-ils donc plus puissants que les divinités adorées à Rokugan ? - .. nous nous sommes lancés dans une guerre contre nos ennemis, les Naga… Tu les connais ? - Ces espèces d’hommes-serpents ? - Oui. Certains dorment dans votre Empire… - Quoi ? - Dans une grande forêt… - Shinomen ?... - Je ne sais pas le nom. La forêt Shinomen était la plus grande de Rokugan. On n’y entrait pas, car elle était pleine de maléfices… Des Nagas dedans ? - Ce fut une guerre terrible, qui décima nos deux peuples. A la fin, nous avons décidé d’employer une arme redoutable, la plus puissante de toute… Une magie puisant sa force dans les ténèbres… Yatsume frémit : - L’Ombre ? - Je ne sais pas comment vous l’appelez. Nous avons fait appel au pouvoir de cette "Ombre" –une des plus anciennes entités de l’univers. - Nous pensions nous en servir sans dommage, continua l'Ashalan ; alors nous avons aidé l’Ombre à croître et à grandir. Elle nous a permis de mettre à genoux les Nagas. Ils ont abandonné et se sont enfuis. Ils sont allés s’endormir dans cette forêt dans ton Empire… - Et vous ? - Nous, nous avons dû affronter l’Ombre… Son pouvoir ne cessait de s’amplifier. Elle échappait à notre contrôle. Elle s’est retournée contre nous et s’est mise à nous détruire. Nous ne pouvions rien faire… Nous avions nourri en notre sein un ennemi bien plus terrifiant que les Nagas. « Nous avons réussi à trouver un moyen de nous défendre contre elle : le cristal. Le seul matériau qui peut détruire l’Ombre et ses serviteurs. Nous avons construit des armes en cristal, et peu à peu, nous avons chassé ces ténèbres vivantes loin de chez nous, au fond du désert… « Plus tard, bien plus tard, alors que je venais de naître, un homme de ta race est venu nous voir. Il s’appelait Yogo. Il voulait connaître l’Ombre. C’était quelqu’un de très puissant, pour un humain. Nous l’avons mis en garde, nous lui avons dit ce qu’il risquait. Il n’a pas voulu nous écouter. Nous lui avons alors indiqué où il pourrait trouver l’Ombre… Les rumeurs disent qu’il s’est enterré là-bas, après la destruction de son empire. - Je suis allée à cette tour, j’ai vu sa tombe. J’ai vu aussi les ruines de sa forteresse. - Alors tu as vu à quelles folies l’Ombre peut te pousser… - Ce Yogo serait celui qui a tué mon mari ! C’est ce que m’a dit Kokamoru ! - Ce Kokamoru est venu ici, il y a peu… Pour toi, cela veut dire quelques années. Pour nous, c’est un souvenir frais. - Que voulait-il ? Yatsume n’y tenait plus ! - Il voulait le pouvoir de l’Ombre, lui aussi… Il nous a parlé de Yogo. Il savait qu’il était venu nous trouver. - Et alors ? - Nous l’avons éconduit. Nous ne voulions plus provoquer de massacres… Ce Kokamoru était accompagné d’un guerrier comme lui. Ce dernier, furieux que nous n’obéissions pas à son maître, a voulu s’attaquer à nous. Nous lui avons fait perdre l’esprit… Il doit errer encore dans les ruines, là-bas. L’Ashalan parlait toujours sans passion. C’était froid, direct. - Ce Kokamoru est alors reparti d’où il venait. Plus ça allait, moins Yatsume comprenait… Qui avait tué son mari en fin de compte ? Qui avait enlevé sa fille ?... Pourquoi Kokamoru avait-il parlé de Yaagoth ?... - Si tu continues à chercher ta fille, tu croiseras l’Ombre, Yatsume… Tu es prête à tout pour la retrouver ? Ta fille, j'entends. - Oui ! C’était le cri du cœur. Elle avait parcouru le désert d’un bout à l’autre ! - Les enfants sont importants pour nous aussi, car nous en avons peu. Nous enfantons très rarement. Votre espèce est plus fertile. Yatsume allait répliquer, quand l’Ashalan se leva et lui dit de venir. Ils descendirent la pyramide. L’Ashalan demanda son arme à Yatsume et la planta dans le sol. Il étendit la main : du sable se mit à tourbillonner autour du naginata. L’Ashalan ouvrit sa main : une poudre cristalline s’en échappa et vint se mêler au sable, et ils se collèrent ensemble sur la lame ; celle-ci brilla et devint éblouissante, aveuglante, puis reprit son aspect normal. L’Ashalan rendit son arme et lui dit : - Je t’ai dit ce que je savais. Je ne peux t’aider davantage. Grâce au cristal dont sa lame est sertie, ton arme pourra détruire les serviteurs de l’Ombre. Tu dois retourner chez toi, Yatsume, et combattre ton ennemi. Viens à lui, sinon il viendra à toi. Il n’ajouta rien. Yatsume ne savait comment le remercier. L’Ashalan fit un geste de la main qui signifiait que ce n’était pas nécessaire. Notre héroïne remonta en selle et repartit vers Medhin, de plus en plus circonspecte. Elle savait seulement qu’il lui faudrait retrouver Kokamoru et le forcer à dire ce qu’il savait… tout ce qu’il savait ! ![]() La neige tombait à gros flocons lents sur le palais des Crabes ; elle formait un rideau épais dans la lumière grise d’hiver. La plupart des routes étaient bloquées. Les gens devaient dégager leur seuil en permanence. Les samuraï ne sortaient pas des palais, que de grands feux de cheminée peinaient à rendre moins humides. Les réceptions, les spectacles se multipliaient pour occuper la noblesse en cette morne période. Mitsurugi était à l’un de ces dîners dont il avait oublié le but. Il y avait des gens de l’ambassade du Crabe et de celle des Dragons. Il fallait trouver des sujets de discussion entre deux clans qui se connaissaient à peine, qui n’avaient pas le sentiment d’appartenir au même Empire. On comptait en fait sur Mitsurugi et sur Ikoma Noyuki pour plaire aux uns et aux autres (Mitsurugi plutôt aux Crabes, et Noyuki aux Dragons). Deux Scorpions étaient à la table aussi, avec deux moines supérieurs d’un temple dédiée à… à qui déjà ?... Ils étaient alliés aux Dragons pour une histoire de pacte entre des communautés religieuses. Les Scorpions aussi s’en remettaient à Mitsurugi. Tacitement, ils acceptaient de ne pas jouer les langues de vipère, car ils ne devaient pas être plus à l’aise. C’était un spectacle qui donnait à réfléchir, cette tablée, au milieu d’autres tablées rassemblant des samuraï de divers clans, et qui n’avaient pas plus de choses à se dire. Sur les apparences et les rôles. Quand Mitsurugi était entré au dojo, vers l’âge de 5 ans, il avait dû apprendre à vénérer son clan et à oublier sa famille. Il avait dû apprendre par cœur ses Ancêtres (dont la liste était sur un parchemin que son père lui avait offert), puis les grandes figures de la famille Shiba, puis la généalogie des grandes familles de l'Empire. Les nobles raffinés du clan de la Grue, les armées magnifiques des Lions, la sagesse des Dragons… Vers 8 ans, il devait en connaitre presque autant sur les autres clans que sur le sien. Il devait connaître et vénérer l’Ordre Céleste dans son ensemble. Mitsurugi était alors pressé de retourner à l'entrainement ; entre camarades, ils se moquaient des shugenjas qui devaient rester à étudier, étudier, pour apprendre par cœur des pages et des pages de vieux livres. A l’adolescence, maintenant qu’il avait une vue globale sur l’Empire, on lui avait appris à aimer par-dessus tout son clan et sa famille. Il apprenait le sacrifice, le dévouement, les devoirs du samuraï. Il apprenait pourquoi les Phénix étaient meilleurs que les autres et pourquoi les Shiba étaient des modèles pour tout samuraï. Il comprenait la supériorité de son clan et il riait de la naïveté des jeunes élèves qui mettaient encore les sept clans sur un pied d’égalité. Il fallait devenir bravache, moqueur, insolent avec les étrangers, plus respectueux que jamais avec la famille. Après son gempukku, il avait été affecté avec le titre de gunso [sergent] à la garnison de la petite Cité de l’Or Bleu. Il s’attendait alors à passer une vie tranquille, à monter doucement en grade. La plupart de ses heures comme soldat se passaient à marcher dans la rue, à regarder les filles et à s’assurer du confort des bancs des diverses tavernes du port. Depuis qu’il avait été déchu, qu’il avait pour la première fois eu vraiment froid et faim, il avait relativisé la supériorité des Phénix. Il avait vu que certains rônins gardaient leur sens de l'honneur, même dans la misère, et ils en avaient plus de mérite -il leur aurait été si facile de se transformer en pillards. Il avait compris aussi les Lions n’étaient pas plus bêtes que d’autres ; et quand il avait été accepté dans leur clan, il s’était dit qu’il aurait préféré y naître. Il n’en avait jamais rabattu sur ses exigences d’honneur mais il avait compris que les Phénix n’étaient pas tous mieux disposés que les autres à trouver la sagesse. Il y avait eu les nuits sur la Muraille, avec des samuraï qui n’ont pas le loisir de se plaindre ni d’hésiter. Et à cette cour d’hiver, il avait découvert que les si perfides Scorpions ou les Dragons si hautains n’étaient pas faits d’un autre bois que les autres, qu’ils pouvaient s’ennuyer, qu’ils avaient leurs faiblesses, leurs petites intrigues... Il voyait des hommes qui s’efforçaient au quotidien de tenir leur rang, quoi qu’il leur en coûte. Des gens qui ne s’aiment pas devoir faire front face à une famille rivale avec laquelle, en d’autres circonstances, ils auraient ri autour d’un verre. Même les grands religieux n’avaient pas plus fière allure dans ses pièces aux murs glacés, à un jet de pierre des terres de cauchemar de l’Outremonde. C’était une épreuve pour tout le monde ; il était difficile de maintenir des distinctions d’origine ou de statut. On avait froid et faim comme les serviteurs, comme les bêtes… Même les conspirateurs du Lotus devaient souffrir, comme les autres… C’était du reste vertigineux de penser que Nuage ou un de ses complices pouvait se trouver en ce moment dans la salle, à parader sous un faux nom. Est-ce qu’ils avaient aussi des hésitations, ces gens prêts à s’en prendre à l’Empereur en personne ?... Est-ce qu’ils avaient peur parfois ? Des regrets ?... Ou bien étaient-ils si durs et si impitoyables qu’ils pouvaient sans trembler projeter de faire couler le sang des dieux ? - Mitsurugi-sama, vous reprendrez bien un peu de saké ? C’était un shugenja de la famille Yogo qui le tirait de ses songes. Et qui lui faisait aussi comprendre, subtilement, qu’il devait ne pas distraire lui, mais et distraire la galerie ! Une fois de plus, il fallait faire le fanfaron. Raconter les batailles menées par le grand général Kokatsu, et comme il était bon avec ses hommes et magnanime avec les vaincus ! Noyuki s’y remettait aussi, il enjolivait, il vous tirait ensuite les larmes avec des romances entre un beau jeune Shiba et une belle Matsu indomptable, et leur fin tragique… Quels duos ils formaient tous les deux ! Au moins, les Dragons appréciaient et les vieux religieux se permettaient de sourire… Et l’Inquisiteur Tadao !... Il était trois tables plus loin, avec des émissaires de la famille impériale Miya, les porte-paroles de l’Empereur. Ils étaient en train de lui parler, d’après quelques paroles que Mitsurugi avait saisies au vol, de l’aménagement d’une route pour faire passer des diplomates Doji vers… Et Tadao qui devait dire « oui, oui », comme s’il allait s’y mettre toutes affaires cessantes, laisser tomber la traque à l’Outremonde pour que ces messieurs en palanquins ne soient pas trop secoués pendant leur trajet ! On allait déranger le Grand Inquisiteur en personne, la question était trop pressante ! L’Inquisiteur Tadao, le maître du double langage… Il avait fallu lui tirer les vers du nez patiemment pour comprendre où étaient partis Sasuke et Mamoru. Une malédiction, des démons un peu comme dans l’Outremonde mais pas exactement… les traquer, suivre le chat… Et du coup, Ikue qui pleurait depuis deux jours la disparition de son minou… Ikue, qui dérangeait Mitsurugi alors qu’il avait trois délégations différentes de gros samurai-marchands Yasuki à recevoir et qu’il fallait voir qui on arriverait à faire patienter le plus… Et dans son dos, des tractations se menaient autour de la Cité des Apparences. Les Kakita qui ne dígéraient pas leur défaite ; et la famille de Kakita Yagyu en particulier, qui avait juré de venger l’enlèvement criminel de Ikue. Entre les deux, Doji Onegano, futur beau-père de Mitsurugi, qui ne pouvait ni trop soutenir notre héros ni s’opposer aux Kakita. Mitsurugi qui rejoindrait au printemps le clan de la Grue, après son mariage, comme le voulait la tradition Matsu. Pour finir, des Scorpions qui rôdent, ici, là, entre deux portes, et qui ne perdent pas un murmure émis au sujet de ces affaires susceptibles de finir dans le sang. Il y avait heureusement l’alcool pour oublier ces montagnes de tracas. Ce soir-là, Mitsurugi savait qu’il avait décidément trop bu. Trois ou quatre verres de trop, en comptant serré. Il se laissa tomber sur son lit et partit dans un gros sommeil agité. Par moments, il s’entendit ronfler. Il sentait qu’il s’agitait. Il se réveillait en sueur sous ses gros draps et il avait à nouveau froid. Il se rendormit, un poids sur l’estomac, le crâne douloureux. Il se réveilla en sursaut un peu plus tard, et lança, maladroit : « qui est là ? » Il ne savait pas si cette phrase concernait son rêve ou la réalité. Il n’était pas sûr de l’avoir dite. Il s’assit et se prit le front. Il vit alors, nettement, dans une raie de lune, un papier qui pendait du plafond, attaché à un fil entortillé. Il prit aussitôt son wakisashi en main ; il chercha son sabre, qui était resté sous ses vêtements. Il approcha du fil et le coupa. Il tremblait, de froid, de fatigue, de la surprise. Il y avait ces légendes qui couraient, au sujet des « ninjas », ces tueurs de la nuit, qui venaient vous annoncer votre mort en avance. Enroulé dans ses couvertures, Mitsurugi s’approcha de la fenêtre, en ayant garde de ne pas mettre sa tête devant. Il put lire, à la maigre lumière des étoiles, un message signé… de la Grue Noire. Il ne trembla pas en lisant le nom. C’était presque logique. Presque un soulagement. Il lui donnait rendez-vous pour le lendemain, un peu avant l’heure de Fu-Leng [2 heures du matin]. Peut-être que c’était mieux. Aller se battre contre lui, franchement et sans retenue. En face à face, sans raffinement hypocrite. Mitsurugi se rallongea en souriant. Il se sentait délivré d’un poids. Ils auraient l’air malins, les frères et cousins de Kakita Yagyu et les autres, si face à la Grue Noire… ![]() Il s’éveilla tard le lendemain et ordonna qu’on ne le dérange pas. Les traités commerciaux avec les Yasuki attendraient ! Il ne se souvenait plus qui avait dit : « Dans la vie, le samuraï peut hésiter sur la voie à suivre. Il n’est pas un dieu, il est faillible, il peut se tromper en croyant bien faire. Mais arrive un jour, un moment fatidique. Et alors, face à la mort, toutes ses hésitations disparaissent. Le poids des soucis lui est enlevé. Il se sent léger comme une plume ; tout va se jouer pour lui en moins de temps que ne luit l’éclair. » Il passa la journée dans sa chambre. On devait rire de lui dans le palais : l’ambassadeur vaincu par le saké… Des messages arrivèrent pour lui faire savoir qu’on regrettait qu’il ne soit pas disponible. C’était amusant, tout d’un coup, comme ces réunions qui l’avaient tellement occupé ces derniers jours devenaient insignifiantes… Il se trouverait bien un autre diplomate pour négocier avec les Yasuki l’ouverture d’un comptoir commercial à la Cité des Apparences. Il partit en début de soirée, alors que la neige n’avait pas cessé de tomber. Il avait de la neige aux chevilles et il partait dans les quartiers mal famés de la Cité. Il ne tarda pas à être repéré. Des mendiants, loqueteux, boiteux, toutes gens avec lesquelles le Bouffon aimait s’afficher crânement, le suivaient. Il en sortait des maisons branlantes, des cabanons et des ruelles, comme une bande de rats. - Bonsoir, monseigneur… - Quel honneur ! disait un autre. Un homme comme vous… Mitsurugi ne répondait pas. L’avait-on vraiment reconnu ? Il portait un manteau de fourrure qui n’avait pas de signe distinctif de clan. - Suivez-nous donc, nous pouvons vous guider. - Ce serait un honneur d’escorter un personnage aussi important que vous… Mitsurugi s’arrêta de marcher. Lentement, presque en silence, ils l’avaient cerné. Il aurait pu tirer son sabre et trancher ces canailles, mais il n’était pas venu pour ça. Eux, par contre, avaient leur idée. Ils furent contents quand Mitsurugi les suivit. Ils ne s’approchaient pas de lui à moins de dix pas. Ils ne l’emmenèrent pas dans une ruelle où il aurait été facile de l’assaillir. Ils longèrent les remparts, en évitant les postes de garde. Ils connaissaient bien leur affaire car ils ne croisèrent pas de patrouille. Après avoir tourné, ils s’arrêtèrent devant une bâtisse qui pouvait être celle d’un gros marchand. Peut-être un de ces Yasuki vendu à la secte du Lotus. - Vous voici arrivés, monseigneur. Nous espérons que votre trajet a été plaisant… N’oubliez pas vos guides dévoués ! Mitsurugi ne leur dit toujours rien : il tira sa bourse et lança une poignée de pièces dans la neige. Les misérables se précipitèrent pour les ramasser avant qu’elles ne s’enfoncent dans la belle épaisseur blanche. A suivre... ![]() 17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - sdm - 11-07-2010 Quelle élégance cet ambassadeur ![]() ![]() ![]() 17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - Darth Nico - 14-07-2010 CHRONIQUES DES SABLES BRÛLANTS Mitsurugi avait déjà approché du seuil. Il n’eut pas à frapper, une petite femme voûtée vint ouvrir. Elle s’inclina, laissa entrer le visiteur et passa ensuite la première. Le couloir était à peine éclairé, elle ne transportait pas de chandelle. Quand elle se retourna vers lui, Mitsurugi comprit qu’elle était aveugle. Peut-être muette aussi ? Elle ouvrit un panneau au fond du couloir et disparut dans une petite chambre. Mitsurugi entra. La pièce était mieux éclairée. Il y avait un panier de fruits, du riz, un thé brûlant qui l’attendait sur un tatami. Cela tombait à point, bien sûr, après cette marche nocturne qui l’avait frigorifié... Un panneau s’ouvrit de l’autre côté. Mitsurugi le reconnut : la Grue Noire… Ils s’étaient affrontés dans le bois, pendant une partie de chasse. Notre héros n’avait pas écouté l’avertissement d’arrêter de se mêler de leurs affaires. La Grue Noire, avec son masque qui aurait pu être celui d’un Daidoji, s’assit, son sabre posé devant ses genoux. Mitsurugi ne tressaillit pas, il se contenta de le regarder dans les yeux. L’assassin prit un fruit et croqua dedans. Mitsurugi attendit sans rien dire. Il ne voulait pas parler le premier. Il ne savait pas s’il voulait parler. Le thé refroidissait, il n’y touchait pas. La Grue Noire fermait les yeux, assis bien droit en tailleur. Le panneau s’ouvrit une seconde fois, pour laisser entrer un personnage en robe noire des pieds à la tête, avec un masque de cuivre où était gravé un motif stylisé. Cette fois, Mitsurugi murmura : - Cristal… Le conspirateur s’assit et regarda la table, comme déçu que le Lion n’y ait pas touché. - Je ne croyais pas devoir vous rencontrer un jour, dit Cristal, d’une voix anonyme qui devait tenir à son masque. - Moi non plus, dit notre héros entre ses dents. Mitsurugi retenait à grand’peine sa haine. Est-ce qu’il devait la moindre politesse à un ennemi de l’Empereur, qui était de plus responsable de sa déchéance ? - Néanmoins, je devais bien cela, une rencontre autour d’un thé, au seul homme à m’avoir pris deux fois de vitesse… Je devrais dire aux trois hommes. D’abord, sur l’île des Tortues… Malheureux hasard qui vous a emmenés là-bas… C’était la première fois. Ensuite, je jurerais que vous en savez autant que moi, car vous avez redoutablement œuvré… Yojiro a mis la main sur Petite Vérité. Sasuke lui a parlé et le voilà parti dans les Limbes… - Vous craignez qu’il contrecarre vos plans ? - Il ne s’agit pas de cela. Votre question prouve que vous ignorez ce que sont, justement, mes plans... Le fait est que vous ne savez pas à quoi vous vous attaquez. L’Inquisiteur non plus. Il croit certainement que c’est l’Outremonde qu’il a face à lui… C’est une erreur qui va lui coûter la vie… Ne croyez pas que j’ai l’intention de le faire disparaître… L’Ombre s’en chargera... - L’Ombre ? - C’est à elle que vous vous attaquez, Mitsurugi. C’est elle que Sasuke est parti traquer dans les Limbes, sans le savoir. Or, vous m’avez pris de vitesse. Je n’ai donc d’autre choix que… de vous aider. Mitsurugi ouvrit les yeux un plus grands. S’il s’était attendu à cela. - Moins je vous en dirai sur l’Ombre, mieux cela vaudra, dit Cristal. Quiconque connaît l’Ombre, devient l’Ombre… Le conspirateur sortit de sa manche une petite boîte rouge laquée. Il la posa sur la table. - Ouvrez. Je ne vous aurai pas fait cette mise en scène et ce discours si je voulais vous tuer… Il parlait bien. Il s’écoutait un peu parler, d’ailleurs. Mitsurugi avait déjà entendu ce genre de personnages à la cour. Mais lui avait quelque chose en plus. Une assurance, une certitude, une hauteur… Qui Mitsurugi avait-il rencontré à la cour qui soit aussi sûr de lui ? Séduit en quelque sorte par le charme maléfique du personnage, notre héros ouvrit la boîte : à l’intérieur, un petit pendentif avec une grosse larme en cristal à la pointe acérée. - La seule arme efficace contre l’Ombre. Le cristal. « Je ne vous le donne pas pour vous protéger, mais pour protéger l’Empire du mal qui vient des Sables Brûlants et qui risque d’arriver ici. Mitsurugi comprenait de moins en moins. Cristal luttait contre l’Empereur, mais en meme temps, il prétendait sauver Rokugan d’un mal encore pire, apparemment, que l’Outremonde… - Il faut que vous partiez rejoindre Sasuke. S’il a suivi la piste ouverte par le chat, il doit être arrivé dans les Sables Brûlants. - Quoi ? - En passant par les Limbes, il est bien plus rapide d’entrer dans ce désert. - Qui sont les créatures qu’il poursuit ? - Des serviteurs de l’Ombre. En particulier Petite Vérité… Ils doivent être détruits. - Pourquoi moi ? - Parce que vous savez désormais que l’Ombre existe. Parce que Sasuke vous croira plus que la Grue Noire… Parce que moins il y aura de gens au courant... - Et comment voulez-vous que… - Mon bon ami Nuage a le moyen de vous emmener dans les Sables Brûlants, instantanément. Mitsurugi ne dit rien de plus. Il était désarçonné.Alors qu’il regardait le pendentif, Cristal se leva, sortit, suivi par la Grue Noire. Mitsurugi mit du temps à repartir. Il avait honte de ce qui s’était passé. Les éclopés l’attendaient dehors. Quand il fit le chemin du retour, c’est à peine s’il entendait le bruit de ses pas. Il avait entendu cent fois que la mort est préférable au déshonneur. Ce soir, il avait compris. « On juge un samuraï sur ses actes, non sur ses intentions… » ![]() Le lendemain, Mitsurugi dit qu’il devait partir pour une affaire urgente. On lui fit alors savoir que cette décision soudaine était des plus surprenantes. Ikoma Noyuki ne dit rien ; il voulait savoir mais Mitsurugi se contenta de lui servir une histoire de famille et de piété. Il comptait tacitement sur lui pour le « couvrir » quand d’autres réclamations arriveraient des Yasuki. Matsu Kokatsu crut qu’il avait besoin de s’isoler, fatigué par les sollicitations permanentes et les longues négociations. Le général lui dit juste qu’il serait préférable qu’il soit vite de retour. - D’ici là, nous leur dirons que tu dois t’entretenir avec les dirigeants de notre clan pour transmettre leurs propositions. C’était donc réglé. Il parvenait à s’échapper de la vie mondaine. C’était les Ancêtres qui voulaient le voir réussir ! Il y eut un dîner le soir, avec une table composée une nouvelle fois de samuraï de plusieurs clans. Personne ne lui fit de remarques. Est-ce que ce départ avait été signalé ? Il y avait même des Scorpions, cousins de la famille de Kakita Yagyu, qui auraient pu en profiter pour l’attaquer, qui n’évoquèrent pas une fois le sujet. Mitsurugi s’efforça de briller par ses histoires, de donner le change. Personne ne montra de malaise. C’était troublant, angoissant même. L’homme qui se cachait derrière le masque de Cristal était-il quelqu’un d’assez puissant pour ?... Le jour suivant, Mitsurugi se débarrassa d’un courrier important, mit de l’ordre dans ses affaires ; puis partit après le coucher du soleil, sans tambour ni trompette. Il avait son pendentif en cristal sur lui. Il fit grimper à son poney une pente très rude, qui menait à un village abandonné au nord de Kyuden Hida. Des fortifications usées par les intempéries, le gel, étaient à moitié recouvertes par la neige. Le ciel gris, très bas, était à peine différent de la nuit. Il descendit de cheval et avança entre les maisons vides ; l’haleine blanche de son cheval se mêlait à la sienne. Il y avait du monde sur la place centrale. Ce fut comme une vision de rêve frôlant le cauchemar, où rien de précis n’est désagréable mais où tout donne l’envie de se réveiller. Cristal attendait, reconnaissable à son masque, enveloppé dans un lourd manteau en fourrure. A ses côtés, la Grue Noire, stoïque. Un maigre feu brûlait devant eux. Mitsurugi vit alors quatre chats noirs accourir en miaulant. De grosses bêtes au poil rêche, qui vinrent se blottir au pied d’un autre homme, qui sortait d’une maison, vêtu exactement de la même façon que Cristal. Il portait aussi un masque avec un motif stylisé. Nuage !... Il tenait une torche à la main. Il la prit pour tracer de grands cercles dans la neige, puis il y versa une poudre écarlate. Les chats noirs se mirent à marcher dans ces traces en miaulant de concert. Ils traçaient des motifs de plus en plus complexes ; ils se dressaient parfois sur leurs pattes arrières et leurs yeux devenaient flamboyants. Ils reprenaient ensuite leur manège. Quand ils eurent fini, ces gros bakeneko vinrent chercher les caresses de Nuage. - La porte est prête, Mitsurugi… Sa voix aussi était anonyme. Elle ne se distinguait pas de celle de Cristal. Notre héros aurait pu dire quelque chose, mais il n’aurait fait que s’abaisser. Il regarda bien en face les trois hommes, et c’était un serment de revenir les combattre et les démasquer. Nuage approcha la torche du cercle central. Mitsurugi s’y avança, sûr que des conspirateurs efficaces et prudents comme eux n’auraient pas monté tout ce rituel pour se débarrasser de lui. Les chats se mirent à tourner autour de Mitsurugi, qui fut pris de vertige. La neige se mit à tourbillonner follement ; il la vit alors passer à travers lui. Il ne sentait plus ses mains, l’engourdissement remontait peu à peu ; le décor devenait fantomatique, inconsistant, comme si tout se mettait à fondre. Les silhouettes des trois conspirateurs se distordaient, s’allongeaient démesurément. Mitsurugi ferma les yeux, prit de nausée. Quand il les rouvrit, la tête lui tournait encore. Il chercha à l’aveuglette quelque chose à quoi se raccrocher. Sa main trouva un mur, qui s’effritait facilement. De la terre cuite. Il faisait très chaud. C’était la nuit, dans une petite ruelle de bâtisses aux toits plats. Aucun nuage dans le ciel noir constellé de milliers d’étoiles. Mitsurugi sortit de sa ruelle. Il était à l’entrée d’un village. Face à lui, une immense étendue noire, avec au loin les dernières marches lumineuses du crépuscule qui disparaissaient ; des silhouettes à cheval passaient en silence dans le désert et le sable crissait sous ses pas. ![]() Le jour se levait ; il éblouit Sasuke et Mamoru dès qu'ils sortirent du tunnel. Ils mirent un mouchoir sur leur nez, car une forte odeur de soufre les prit à la gorge. Des fumerolles s’échappaient des pentes. De petites flaques d’eau bouillaient dans la terre tiède. Plus loin, depuis les sommets, de la lave dévalait en provoquant de lourds craquements qui se décuplaient en écho ; elle emportait avec elle de grandes traînées de poussière rougeâtre. Le désert jaunissait peu à peu dans la lumière du matin. Sasuke regarda avec une certaine condescendance les petites coulées volcaniques. Rien à côté de ce qu’il venait de déclencher dans les tunnels sous la montagne ! Le démon enflammé qui gardait le passage était l’une des créatures qu’ils n’avaient pas rencontrées lors de leur premier passage aux Limbes. Ce démon était représenté par le symbole en fil dorés situé à côté de celui du village des Nezumi. Le moins qu’on puisse dire était que ce démon, un colosse à la poitrine de cuivre avec une énorme flamme à la place des jambes, n’était pas lui-même insensible au feu ! Il avait surgi alors que Sasuke et Mamoru avaient suivi le bakeneko, qui les avait amenés directement des vestiaires du théâtre à la seconde île des Limbes. Ils avaient fouillé ensemble la maison d’Asahina Jotemon, car ils avaient soupçonné ce dernier de faire parti du groupe des trois aperçu au château de la falaise. Ils avaient trouvé un ruban qui rappelait un des sigles du plan. Ils étaient donc allés vers les volcans ; le chat avait trouvé une entrée et ils s’y étaient enfoncés. Le ruban devait servir à passer sans coup férir le tunnel du démon. Jotemon avait dû négocier son passage ; Mamoru et Sasuke n’avaient pas, quant à eux, acquitté leur droit de péage. Le démon leur était tombé dessus comme une éruption fracassante ! Mamoru avait frappé d’un coup de tetsubo qui avait résonné sur la poitrine du monstre comme sur un gong. Le bruit incongru avait précédé le grondement du monstre, qui avait craché une coulée de feu que le rônin avait évitée de justesse ! Sasuke avait invoqué son katana de feu et taillé à vif dans le démon, qui s’était mis à saigner d’un sang noir. Le shugenja s'était baissé pour esquivé un coup d’un énorme sabre de feu, grand comme une lance. Mamoru était reparti bravement à l’assaut, abîmant son tetsubo sur le crâne de son ennemi, qui chancela. Sasuke avait alors eu le temps d’invoquer à lui des kamis du feu particulièrement puissants à cet endroit. Il avait envoyé quatre boules crépitantes qui avaient sifflé dans leur course et avaient frappé le démon en pleine poitrine. Celui-ci avait chuté dans un bassin de lave, dont les remous et bulles formaient des yeux et des visages horrifiants. La chaleur était devenue à ce moment étouffante. Le bakeneko avait couru le premier jusqu'à l’air frais, par un conduit étroit, sorte de puits naturel qui revenait à la surface. Sasuke fit craquer ses doigts, content de ce bon début de voyage ! Ils descendirent les pentes abruptes, alors que le soleil montait dans le ciel, impitoyable, comme un tyran monte sur son trône. Le chat avait trouvé des traces de pas, qui devaient être fraiches, car la poussière épaisse en suspension au-dessus du sol ne les avait pas encore fait disparaître. - Nous les tenons, dit Sasuke. Mamoru inspecta les traces et en distingua trois différentes. Des petites chaussures de vieille et deux traces aux pas plus grands, des bottes. - Oui, cela ne peut être qu’eux. Alors que le soleil touchait au zénith, ils sautaient d’une petite hauteur dans le sable. Ils trouvèrent un peu d’ombre derrière de gros rochers orangés qui avaient dû être crachés naguère par un des volcans. Les abords de la montagne étaient tapissés de divers éboulis et chaos de rochers, attestant de la puissance effrayante qui grondait sous terre dans cette région. Sasuke fit une invocation qu’il pratiquait rarement, aux esprits de l’eau ! Il fit apparaître assez de liquide pour eux trois. Ils se désaltérèrent de cette eau salutaire qui coulait des mains du shugenja. Il aurait pu aussi bien faire apparaître du thé ou du saké, mais il faisait un peu chaud pour cela ! Ils se reposèrent un moment, car ils avaient déjà passé une journée éprouvante à Rokugan. Face à eux, un désert infini. Un murmure du vent qui se changeait parfois en brusque rafale, puis s’apaisait. Le chat monta sur un gros éboulis, et discerna des traces qui serpentaient entre les dunes. Il prit plusieurs repères et il fit bien car lorsque vint l’heure de repartir, les pas étaient presque effacés. Pendant une marche très dure toute l’après-midi, qui les emmena vers une région moins aride, Mamoru attrapa du petit gibier. Ils ne regrettèrent pas d’avoir transporté leurs gros manteaux d’hiver, car dès que le soleil eut disparu, le froid fut vite là. Sasuke trouvait cette expédition bien divertissante ! Il offrit au chat et à Mamoru sa tournée de sake ! ![]() Après une nuit de sommeil seulement dérangée par des hurlements lointains (des loups ?), ils reprirent leur marche. C’est en fin de journée, dans le désert rose et orange, qu’ils aperçurent une ville, où ils arrivèrent à la nuit tombée. Des caravanes étaient arrêtées là, avec des gens qui dansaient, riaient et buvaient autour du feu. Personne ne fit attention à ces trois nouveaux venus, qui sortaient en silence du désert. On crut à des gens du coin, tant il paraissait impensable que quelqu’un puisse venir à pied ici ! Ils dormirent à l’entrée de la ville et s’éveillèrent avant l’aube. Ils entrèrent dans la cité qui n’avait pas de murs, en se mêlant à une foule nombreuse qui venait au grand marché. Il y avait des gens avec la peau noire, parfois plus claire, parfois plus foncée, des costumes étranges, des espèces de chevaux difformes. Des femmes aux coiffures exubérantes, toutes sortes de produits exotiques. Ils remarquèrent un petit vieux, courbé, qui les regardait en souriant. Il fumait une longue pipe et crachait par terre régulièrement - Vous venir Rokugan ? Encore une surprise ! Le petit vieux était malicieux. Il était content de les surprendre. - J’ai vu gens comme vous la journée avant… Mamoru fit une description de Petite Vérité, Jotemon et Kokamoru. Le vieux hocha la tête positivement. - Vous venir nombreux en ce moment, dit-il, ravi. - On ne va pas tarder à repartir, fit Sasuke, avec un regard entendu à Mamoru. - Petit chat bien. Porter bonheur. - Porte-bonheur, c’est le mot oui… - Beaucoup gens pays lointains. Tous étranges ! Il rit doucement. Ses petits yeux étroits regardaient avec gentillesse nos héros. - Vous ne savez pas où ils sont en ce moment ? Le petit vieux cracha et tira sur sa pipe. Il savait ! Il était enchanté qu’on lui demande ! - Medhin… - Quoi ? - Ici, Mahudin. Gros commerce. Aller à Medhin. Très gros commerce aussi. Ils sont Medhin. Partir eux ce matin. - Et c’est loin pour aller là-bas ? - Pas beaucoup, non. Prendre dromadaire. - Droma quoi ? Le petit vieux sourit encore plus. Ils n’avaient que des peaux de bêtes à offrir. Le vieux leur dit qu’il prêterait un dromadaire pour ce prix, à condition qu’ils l’amènent au bon relai à Medhin. Sasuke négocia le cheval à deux bosses ! Il laissa les rênes à Mamoru et s’assit à l’arrière. Ils firent le tour de l’animal pour constater qu’il était en bon état, qu’il n’avait pas de blessure. Il y avait une outre dans chaque poche de la selle, c’était offert avec ! Mamoru eut un peu de mal à diriger l’animal. Quand il l’eut en main, il le fit partit au trot sur la piste encombrée de caravanes. - Il est encore plus vilain que le Bouffon ce « chameau », pensèrent-ils. Quand ils arrivèrent à Medhin, ils laissèrent le bête au relai indiqué ; ensuite, ils se séparèrent, en se donnant rendez-vous dans une auberge en début de soirée. Ils firent craquer leurs phalanges, se saluèrent et partirent en chasse. Ils allèrent dans les rues bruissant de l’agitation du marché. Ils épiaient tous les coins, dévisageaient sans crainte les passants, sillonnaient les rues méthodiquement. Ils trouvèrent chacun une ou deux personnes qui parlaient le Rokugani. C’était grâce aux contacts avec le clan de la Ki-Rin que quelques marchands avaient appris la langue. - Des gens comme moi, expliqua Mamoru avec des gestes. Une petite, vieille… Deux hommes… Les commerçants réfléchissaient… L’un deux appela son fils, un enfant, qui dit par où il les avaient vu. Mamoru partit bille en tête ; c’était la plus grande place du marché ; il était l’heure où les vendeurs remballaient et démontaient leurs étalages. Il vit une silhouette, qui se faufilait entre des tas de paniers : Kokamoru ! A suivre... ![]() |