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17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - Darth Nico - 22-05-2010 CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
<span style="color:#2F4F4F">Les 5 Rônins : 17ème Episode</span><!--/sizec--> Rat 402 <span style="color:#696969">L'ennemi de mon ennemi</span><!--/sizec--> 2ème partie : "... il faut trouver ses alliés dans les ombres" (Shinsei)<!--sizec--><!--/sizec--> ![]() Mitsurugi ne s’était pas levé avant le milieu de la matinée. Il avait délicieusement paressé au lit après une soirée bien arrosée en compagnie de la famille Hida. Alors qu’il s’habillait, on l’informa qu’un message venait de lui arriver de la part de son collègue et ami, Ikoma Noyuki. L’ambassadeur le lut distraitement et ouvrit les yeux plus grand, surpris, en voyant le cachet du clan du Dragon au bas du message. En substance, Ikoma Noyuki et Togashi Ojoshi avaient l’honneur de lui annoncer qu’ils montaient ensemble une pièce de théâtre. Mitsurugi en avait vaguement entendu parler mais son intérêt pour l’art dramatique équivalant à peu près celui qu’il avait pour la broderie, il pensait seulement devoir un jour assister à une représentation. En plus, une pièce faite par un Ikoma et un Ize-Zumi… on imaginait un mélange d’intrigues politiques compliquées et de sentences ésotériques, pendant cinq heures… En fait, Noyuki lui annonçait qu’il voulait Doji Ikue pour décorer la scène avec de grandes origamis. Mitsurugi était poliment sollicité pour servir d’intermédiaire. Il était invité pour le jour même à venir assister aux premières répétitions. Notre héros bailla mais se dit qu’il avait connu pire dans sa vie. Il ferait semblant de se passionner, pour ne pas vexer son ami Noyuki. Il était diplomate après tout, non ? C’était son métier de faire plaisir… Comme l’avait dit Noyuki un soir d’ivresse : « on est comme ces geishas, finalement… On sert de beaux discours aux gens et on les flatte en leur faisant sentir qu’ils ont raison quoi qu’ils disent… » Mitsurugi prit son repas avec son conseiller Sasuke, et lui dit, entre deux bouchées de riz : « Nous allons au théâtre tout à l’heure… » Sasuke crut à une plaisanterie. Le goût du shugenja pour la scène théâtrale étant comparable à celui qu’il avait pour la composition florale, il se demandait déjà comment échapper à cette corvée. Mais Mitsurugi fut inflexible, comme savent l’être les grands dirigeants quand il le faut ! En traînant des sandales, Sasuke suivit son supérieur, son sac plein de parchemins qu’il comptait lire assis au fond de la salle. Salutations d’usage avec les deux auteurs de la pièce et les principaux acteurs. Mitsurugi avait envoyé un message à sa future belle-famille. Sasuke qui s’ennuyait dit à Mitsurugi que c’était bien qu’il s’habitue au kabuki : quand il serait marié à Ikue, il deviendrait un membre du clan de la Grue et il y aurait droit tous les jours ! Mitsurugi me broncha pas, mais intérieurement, il était agacé : Sasuke avait raison, et il n’avait aucune envie d’aller faire le mariole chez la famille Doji. Pour un Matsu, c’était vraiment déchoir… C'était pourtant la tradition : un Matsu doit rejoindre la famille de son épouse. Togashi Ojoshi remercia chaleureusement les Lions pour leur visite ; Noyuki surveillait fébrilement les essais de costume, la disposition des bougies, les décors… - Allons, en place, en place ! Les acteurs faisaient leur vocalise et répétaient des mouvements. - Où est passée la deuxième costumière ? Quand va-t-on nous livrer le panneau de fond de scène ?... On prend du retard… Mitsurugi souriait avec condescendance de ces tracas. Sasuke faisait semblant de lire le shintao. Ces papiers dissimulaient en fait des récits de prières élémentaires pour invoquer des typhons enflammés. Les yeux de Sasuke brillaient en imaginant les possibilités d’usage de ces sorts. Quand Ikue arriva, Mitsurugi vint faire les présentations et alla se rasseoir pour ne pas importuner les artistes dans leur création. Ikue examina la scène, gênée d’abord, puis visiblement impatiente de commencer ses pliages. - Je vous présenterai des modèles réduits, et nous en réaliserons ensuite des copies agrandies dix fois pour la scène du ballet floral. Elle parlait avec assurance et autorité. Elle avait une vue d’ensemble, elle prenait la décoration en main ! Mitsurugi, attendri, charmé, regardait Ikue et souriait en pensant à un « ballet floral »… Il imaginait des Kakita et des Doji en train de danser en récitant des haïkus sur le printemps. Les répétitions duraient depuis une heure, l’ambassadeur et son conseiller faisaient semblant de temps en temps de s’intéresser. Mitsurugi saluait Ikue, un petit signe amoureux ; celle-ci avait plié une trentaine de modèles en un rien de temps. Ses assistantes arrivaient et se mettaient au travail avec célérité. Ikue ne connaissait rien de la piècle matin : on aurait maintenant cru qu’elle y travaillait depuis des mois ! Elle donnait ses directives, elle voyait déjà parfaitement ce qu'elle voulait. Mitsurugi tiqua quand il entendit deux lignes de texte dans lesquelles un mot avait attiré son attention. Il avait en gros compris que c’était un récit historique, au temps des exploits de Hida Osano-Wo (héros de la guerre contre l’Outremonde, devenu après sa mort la fortune protectrice des samurai et le symbole du tonnerre). Or, un des récitants venait de faire allusion à une « Novice ». Le mot revenait plusieurs fois. Manifestement, cette « Novice » avait approché Osano-Wo pour le conseiller au moment d’une bataille décisive contre les démons. Elle venait avec les parchemins du shintao et demandait à l’armée Crabe de prier avec elle sur la Muraille. Les samurai riaient au début, puis acceptaient, convaincus de remporter la victoire grâce à elle… Mitsurugi tira la manche de Sasuke, qui crut que c’était la fin de la pièce. Il leva le nez de ses parchemins de déluge de feu inextinguible. Il entendit à son tour le mot de Novice et tendit l’oreille. Nos héros savaient par Maya que la conspiration du Lotus avait tenté d’enlever Togashi Ojoshi à cause de cette « Novice », morte il y a plus de deux siècles… Mitsurugi surprit alors grandement Ikoma Noyuki en demandant à lire le texte entier de la pièce !... Il chercha les passages sur la Novice et ne trouva rien de bien déroutant, rien de plus que ce qu’il avait entendu. La Novice, Osano-wo, la sagesse, la victoire sur l’Outremonde… - J’irai faire des recherches en bibliothèque en fin d’après-midi, glissa Sasuke. ![]() - Tu crois que c’est une manière d’en apprendre plus ? Cela ne me serait jamais venu à l’idée… Comme si on pouvait découvrir quoi que ce soit d’instructif dans des rayonnages de vieux papiers ! - J’irai voir, dit Sasuke. On ne sait jamais. ![]() Sasuke profita de l’occasion pour partir plus tôt du théatre. Excité, il alla dans ses appartements. On lui dit que Yojiro l’attendait, au sous-sol… Le conseiller de Mitsurugi n’avait pas perdu de temps depuis son arrivée à Kyuden Hida. Il s’était fait installer un quartier réservé, pour les interrogatoires ! Il y descendit, pressé d’entendre ce que le rônin avait à lui dire. Sasuke eut un choc en entrant dans la salle de « déliage de langue ». Yojiro était venu avec deux autres « Loups » fidèles : ils tenaient enchaînée une vieille femme en haillon, qui regardait autour d'elle de ses yeux globuleux et fous. - Petite Vérité… Il sourit, impatient de lui faire cracher ses secrets. - Vous avez bien travaillé… Laissez-moi avec elle… Sasuke se frottait les mains intérieurement. Les deux rônins saluèrent et allèrent voir à la cuisine ce qui s’y passait (les serviteurs dégustaient les restes du plantureux repas de Matsu Kokatsu et ils n’arriveraient pas seuls à finir). ![]() - Un esprit comme toi ne se serait pas laissé attraper si facilement, alors que tu peux disparaître comme un courant d’air si tu le veux. Sasuke faisait face seul à Petite Vérité. - Je suis venu te conjurer d’arrêter tes recherches… C’était comme vouloir arrêter des flammes en y jetant de l’huile ! Sasuke s’approcha, les poings entourés de flammèches. - Tu vas au contraire finir de me dire ce que tu sais… Ton nom est ta malédiction. Tu ne peux pas garder tes secrets… - Mes secrets sont du poison. - J’ai l’estomac solide. - Tu mourrais rien que de les entendre. - Un risque mortel ne suffit pas à décourager un samurai. Cette fois, elle en dit un peu plus, sur le périple de Yogo dans le désert. Sasuke écouta puis la laissa pour rejoindre la bibliothèque. Il était inutile de la faire surveiller car elle se serait échappée de n’importe quelles chaînes. Elle avait dit que Yogo avait été châtié après sa mort pour ses ambitions délirantes et ses blasphèmes. Il avait réussi, dans les Sables Brûlants, à découvrir une magie si puissante, qu'il avait fini par se prendre pour un dieu et qu'il avait prétendu pouvoir renversé les cieux. Pour montrer qu'il était bien un dieu, il avait fait construire une forteresse gigantesque, avec des murs hauts comme des montagnes, pour la construction desquels des milliers d'esclaves s'étaient tués au travail. Sasuke n’eut pas de mal à se faire admettre dans la bibliothèque de la famille Kuni. Il appartenait à l’ambassade et il pouvait se recommander de l’Inquisiteur Tadao. Il se mit dans un coin ; comme les assistants ne pouvaient pas ne pas le servir, il les envoya chercher des documents sans importance et il fureta pendant ce temps dans les rapports de l’Inquisition et les archives des temples de la région. Ce n'était pas non plus les documents les plus secrets du lieu ; ils suffiraient. Il lui faudrait peut-être aller voir dans les monastères eux-mêmes pour découvrir à quel ordre avait appartenu cette Novice. Sasuke parcourut rapidement les textes rapportés par les assistants. Il savait que la tâche officieuse de ces derniers était de surveiller les visiteurs. Les Inquisiteurs pouvaient ainsi savoir quels documents avaient été consultés. Sasuke utilisa la technique éprouvée de dissimulation de parchemins pour cacher l’objet de ses recherches. Il mélangea les feuilles et bientôt, les assistants lui fichèrent la paix. Les parchemins lui brûlaient les doigts. La Novice avait approché Osano-Wo en l’assurant qu’il pouvait lui faire remporter la victoire. Le général, d’abord réticent, avait accepté. La Novice avait chanté pour les soldats une complainte qu’elle disait venue d’un lointain pays. Beaucoup étaient restés indifférents. Quelques-uns avaient été charmés. Or, il semblait que ces soldats (une poignée parmi plusieurs centaines d’hommes) avaient disparu après la bataille, alors qu’ils avaient survécu à des combats décrits comme paroxystiques, même pour des Crabes ! Sasuke comprenait de moins en moins mais il savait qu’il venait de lever un lièvre énorme ! Il jetait des coups d’œil furtifs autour de lui. Les assistants bavardaient dans leur coin, trois vieux samuraï lisaient pieusement des récits de la vie de saints. Et Sasuke avait les doigts dans une sorte de mélasse épaisse. L’encre lui collait aux mains. Il feuilleta fébrilement les papiers trouvés, et en aperçut un qu’il ne se souvenait pas avoir pris. Il frissonna en le lisant : il était presque blanc, si ce n’était pour une phrase, écrite comme un titre : « Les secrets de Sasuke ». Le tensaï regarda autour de lui. Son coeur faisait des bonds. Qui l’avait découvert ? Qui lui faisait cette farce de mauvais goût ? Là-bas, dans la pièce d'à côté, les assistants bavardaient, étouffaient un rire, les vieux samurai les regardaient d’un air sévère et reprenaient leur lecture. Qui avait pu glisser ce parchemin ? Qui pouvait savoir que Sasuke allait prendre ces rouleaux ?... Sasuke se sentait très loin des autres lecteurs, qui n’étaient pourtant qu’à quelques rayons de lui. Il entendit des pas s’approcher. Une présence dans son dos. Il se retourna et sentit que la présence était encore derrière lui. Il fit brusquement volte-face, ses papiers tombèrent. Personne n’avait entendu. Les étagères étaient bien plus grandes et le reste de la bibliothèque s’éloignait peu à peu. Il était toujours seul, apparemment, mais avec quelqu'un qui restait systématiquement dans son dos. Sasuke se leva, marcha, bouscula la table. La lumière baissait, Sasuke était au centre d’un temple sombre avec des rayonnages immenses, dont on n’apercevait plus le sommet. Il aperçut une silhouette noire, furtive, qui glissait entre les étagères comme les ombres sur les murs. Sasuke se leva. Le décor autour de lui ne ressemblait plus en rien à Kyuden Hida. - Qui es-tu ? - Je te suis, fidèlement, Sasuke, à l’écoute de tes moindres secrets… - Qui es-tu ? - Un juge, qui sait ? Ou un simple témoin ?... Toi, shugenja, pourquoi n’écrirais-tu pas ce que tu caches par devers-toi, sur ce parchemin vierge ? Tu soulagerais ta conscience… - Ecrire mes secrets, hein ?... Ils tiendraient en peu de lignes… Sasuke cligna des yeux. La lumière pâle de fin de journée. Par la fenêtre, la pluie et le ciel gris, lourd, sur les murailles grises. Il était revenu à la bibliothèque. Les assistants rangeaient des rouleaux et les vieux lecteurs discutaient à voix basse. Le shugenja fit signe qu’il avait fini. On se précipita pour ranger ses parchemins. Sasuke avait pris soin de glisser ceux qu’il fallait dans sa manche. A suivre... ![]() 17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - Darth Nico - 24-05-2010 CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Mitsurugi retrouva son conseiller à l’heure de se préparer pour une réception donnée par le vieux Hanteï Norio. - Alors, dit Mitsurugi assez insouciant, qu’as-tu trouvé ? - Pas grand’chose. Surtout de vieilles légendes. Cette Novice est une comptine pour enfants. C’était vrai : Sasuke avait retrouvé le texte de la chanson que les grands-mères chantent le soir aux enfants. Il y est question d’une Novice et les paroles sont ce qu’il y a de plus innocent. - C’est cette Novice-là ? Décidément, ces conspirateurs me déçoivent, fit Mitsurugi. Sasuke gardait le visage fermé, fermé comme un coffre à secrets. L’ambassadeur n’insista pas. Il savait d’expérience qu’il y a peu d’informations qui rapportent de l’honneur... L’ignorance est souvent une vertu pour l’homme qui veut marcher droit. Les hommes trop renseignés sont courbés par le poids de leur savoir. Et cette charge, c’était celle de Sasuke le conseiller. Il n’informerait Mitsurugi que de ce qu’il avait besoin de connaître, et l’ambassadeur l’entendait bien de cette oreille. ![]() Hanteï Norio avait une bronchite, qui l’empêcha d’offrir à ses invités les longs discours dont les Hanteï sont coutumiers. Ce fut son assistant, Hanteï Tokan, qui prit la parole, plus brièvement, jeunesse oblige. Le vieux Norio portait un foulard au cou et fit de son mieux pour être un hôte agréable et disponible. Tokan, habitué à deviner les pensées au fond honorables et claires de son maître, se fit plusieurs fois l’interprête de ce dernier. D’ailleurs, quel homme d’honneur ne saurait pas parler au nom d’un autre, si les vertus des samuraï sont les mêmes pour tous ? Seuls les Scorpions fielleux ont l’esprit brouillé par leur vice ! Le repas fut excellent. Le reste de la soirée se passa à déguster les alcools de la maison impériale. Mitsurugi répétait à qui voulait l’entendre, ou ne voulait pas mais devait l’écouter !, que la charmante Doji Ikue entamait une grande carrière de décoratrice de théâtre ! Elle n’était qu’officieusement sa fiancée, donc il ne pouvait pas en parler comme de sa future femme, mais personne ne s’y trompait. Même si l’origami passionnait Mitsurugi à peu près autant que l’enluminure de parchemins, il trouvait excellent pour son prestige de cotoyer une artiste ! Et il se souvenait toujours de la première origami reçue d’Ikue. Il la gardait précieusement... Alors qu’il paradait, fier comme un paon, qu’il forfantait à tout-va avec ses récits de guerre, il vit qu’un Scorpion attendait pour lui parler. Allons bon ! C’était l’intrigant Bayushi Kokamoru, intrigant à tous les sens du terme. Conseiller près l’ambassade Bayushi de la Cité de la Pieuvre, il connaissait les dessous sales des affaires Yasuki, privilège douteux que Mitsurugi partageait en tant qu’ambassadeur. Au bout d’un moment, notre héros consentit à laisser sa cour d’admirateurs, parmi lesquels son futur beau-frère Doji Suzume, pour tendre une oreille distante aux propos du Scorpion. Après les politesses et échanges d’usage, la conversation fut davantage à bâtons rompus. - Je m’excuse d’aborder un sujet si bas et trivial, seigneur ambassadeur, mais je voulais m’enquérir d’une rônin qui a été naguère à votre service… - Tiens donc, de qui voulez-vous parler ?... Ces Scorpions ne pouvaient pas poser d’autres questions que des désagréables ! - Elle s’appelait Yatsume, si je ne me trompe pas… Elle enquêtait pour votre clan, lors de cette malheureuse affaire de la disparition d’un garde de votre palais. Affaire à une époque où Yatsume faisait encore partie du clan. Affaire de disparition qui était en fait un assassinat. Soldat assassiné qui avait transmis des informations compromettantes sur le conspirateur Nuage, à un cousin du clan du Serpent. Clan qui avait été exterminé peu après –. L’ambassadeur aurait voulu oublier ces événements tragiques mais n’en dit rien au Scorpion. - Que voulez-vous savoir sur elle ? - Je crois qu’elle n’est plus à votre service… - Non, c’est vrai, elle a poursuivi sa propre route. Ainsi sont les rônins, n’est-ce-pas ? - Vous ignorez où elle est partie ? - Totalement. Encore que… Totalement, j’exagère. Elle a participé à une incursion très dangereuse dans l’Outremonde. Elle n’en est pas revenue. Mitsurugi ne dit pas ce qu’il savait : que Yatsume était allée aux Royaumes d’Ivoire et qu’ensuite, aux dires de Yojiro et Mamoru, elle avait continué son chemin à bord d’un bateau du clan de la Mante. Sasuke connaissait les détails, Mitsurugi avait une idée d’ensemble : pour lui, Yatsume avait disparu pour de bon, perdue à jamais à l’autre bout du monde. - Bien, bien, fit Kokamoru, songeur. Je m’excuse de vous avoir dérangé pour si peu, monsieur l’ambassadeur. - Il n’y a pas de quoi, conseiller. Kokamoru salua. Il resta encore un peu à la soirée, pour la forme. Il resta près de Bayushi Tangen, le puissant conseiller du maître du clan du Scorpion Bayushi Atsuki, et ne se fit plus remarquer. Le seigneur Tangen discutait avec un mandarin Doji de la Cité Impériale. L’hôte, Hanteï Norio, n’aimait pas quand les discussions devenaient trop directement politiques. Il était d’un statut normalement supérieur à celui de Bayushi Tangen. Sauf que le Gozoku changeait la donne et que le conseiller Scorpion devenait de fait aussi haut que lui dans la hiérarchie céleste. Pour la première fois dans l’histoire, les membres de la famille Hanteï devaient considérer qu’ils avaient des égaux parmi les samuraï. Le vieux Norio, qui avait quand même le (court) avantage de l’âge, prit sur lui d’interrompre poliment la conversation. Malgré le masque de Bayushi Tangen, on put sentir, presque toucher, l’hostilité qui se tissa à ce moment entre les deux hommes. Le conseiller resta un moment sans rien dire, et il y eut un silence de glace dans la salle. Puis le conseiller du Gozoku parla d’une très belle peinture qu’on apercevait sur un panneau de la pièce. Norio fut trop heureux de lui en détailler les scènes. Après ce cours d’histoire, Bayushi Tangen ne fut pas long à quitter la réception. Bayushi Kokamoru partit dans son sillage. Les salutations de départ avec Norio furent fraîches. Tokan raccompagna les invités et le seigneur Tangen afficha le plus complet mépris pour le jeune homme. Dès que les Scorpions furent partis, l’ambiance se détendit. A suivre... ![]() 17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - sdm - 25-05-2010 Aaah les bibliothèques où l'on est jamais vraiment seul et les réceptions où rodent les scorpions, pas de doute, c'est la cour d'hiver ![]() 17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - Gaeriel - 25-05-2010 mmmh, c'est tellement bon la cour d'hiver, vivement le retour du GN et du Shadow Sharingan!!! 17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - Darth Nico - 01-06-2010 CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Kokamoru suivit sans mot dire son maître et lui souhaita une excellente soirée. Le conseiller Tangen le remercia à peine et referma le panneau de sa chambre. Kokamoru rejoignit la sienne et y resta tant qu’il y eut des bougies allumées dans les chambres voisines. Il méditait, assis en tailleur sur son futon. La veille au soir, il avait rencontré ce rôdeur masqué dans un quartier sordide. Ce « Geki ». Il avait encore rendez-vous avec lui ce soir. Or, dans la journée, Kokamoru avait reçu une autre invitation pour la nuit… Il regrettait de ne pas revoir « Geki » ce soir… Cela attendrait… Il devait peut-être la vie à ce « justicier » qui l’avait sauvé de l’attaque de la Grue Noire, c’est vrai. Est-ce qu’un Scorpion, de toute façon, peut avoir des dettes d’honneur ? Il n’en a qu’envers son clan et c’est de loyauté dont il s’agit, pas d’honneur. Les dernières bougies étaient soufflées. Il sortit de sa chambre sans être vu de quiconque. Il passa le portail porte et partit dans les rues sans se faire voir. Il longea un bon moment un mur d’enceinte à l’intérieur de la ville, dans le sens du nord-est, puis il croisa le chemin nord-sud qui allait à la Muraille. Il le suivit, arriva sur la berge de la baie des poissons morts et y prit une barque cachée sous des joncs. Il ignorait que depuis son départ du palais, il était suivi par Geki ! Et une seconde personne : Maya ! L’Ize-Zumi avait pris la trace non du conseiller Bayushi mais de Geki ! Elle voulait savoir qui était cet homme qui l’avait sauvée à la Cité de la Pieuvre d’une attaque de « ninjas »… « Faites plus attention la nuit ! » Le conseil lui était resté en travers de la gorge ! Maya suivait donc Geki qui suivait Kokamoru ! Le rôdeur masqué fut le second à prendre une embarcation, Maya la troisième. C’était la première demi-lune. Peu de visibilité sur l’eau. Brume légère. Clapotis, quelques poissons. Parfois des silhouettes plus grosses. Des requins ? Des esprits ? Le souffle de l’océan, qui finit par vous transir car il est chargé de bruine. Kokamoru est le premier à mettre le pied sur la rive au nord-est de son point de départ. Il est au pied d’une falaise dite de la « pointe qui caresse la lune ». Ni Geki ni Maya ne sont jamais venus par ici. L’endroit est peu fréquenté et on le dit hanté... Les deux suiveurs accostent à leur tour et continuent leur filature. Kokamoru entre dans le château. Les grenouilles croassent, parfois un poisson saute et redisparaît dans l’eau sombre. Des criquets crissent dans l’herbe. Les vagues roulent et tapent contre la falaise. Des oiseaux s’ébrouent dans les herbes. Geki passe la porte en bois, qui grince à peine en s’ouvrant. Il voit un escalier ; il monte à l’étage, où il a entendu des pas. Des murmures dans une pièce… Il entre et n’y trouve personne. La fenêtre est fermée. Une bourrasque vient frapper au carreau. Il y a du mobilier pour dormir. Il entend des pas dans l’escalier. C’est Maya qui arrive à son tour, mais lui ne le sait pas. Il se place derrière la porte, accroupi et observe. Il aperçoit la silhouette de l’Ize-Zumi ; il se replace dans la pièce. Il ne comprend pas ce qu’elle fait là !... Voilà qu’elle entre dans une autre pièce, deux portes avant la sienne. Geki ressort dans le couloir. Il a l’impression que le sol penche. Le parquet ne craque pas, il peut avancer en silence. Le parquet s'incline encore... Il se cogne l’épaule droite contre le mur. Il se sent pris de vertige. Un autre panneau s’ouvre sans bruit au bout du couloir, ce n’est pas la chambre où Maya est entrée. Geki voit que la pièce est inondée de lumière, comme si la lune entière était dedans. Il veut aller vers la pièce mais le sol penche de plus en plus fort. Il doit s’adosser au mur. Il entend la mer monter... L'eau coule au bout du couloir... Il voit une vague arriver sur lui !... Elle s'évapore avant de le toucher ! Le mur penche dans l'autre sens. Le château sombre comme un navire ! De l'eau suinte entre les lattes du plancher. Maya a inspecté la chambre, elle se retourne et voit une vieille femme devant elle, les yeux fermés, spectrale.. Elle a le visage déformée, pas seulement par les rides : on dirait que ses traits fondent comme de la cire. Elle a de la bave qui coule de sa bouche grise, elle avance, elle titube plutôt. Elle penche la tête en arrière, elle tremble... Maya est glacé de terreur... Elle se met en position de défense. Elle voit alors sortir une autre vieille semblable sortir du placard, une autre d’un coffre, et une autre encore pareille, de sous le futon ! Elles sont cinq face à elle ! Elle aperçoit des mandibules dans leurs bouches ! Geki avance à pas feutrés dans le couloir, qui devient de plus en plus long. De l'eau coule du plafond. Plusieurs chutes se forment. Les panneaux s'ouvrent. Des pièces sont inondées. Des samouraï appellent à l'aide sans arriver à crier. Ils sont emportés par le courant... Le couloir s’est redressé mais il s’allonge démesurément. Des bouches spectrales s'enfuient devant Geki... Les cinq vieilles sont sur Maya et s’acharnent sur elle sans pousser un seul cri, elles sont dix, quinze, peut-être. Un tourbillon de coup silencieux. Maya n'entend plus rien. Elle se débat, elle sent la peau collante des vieilles qui s’agrippent comme des tentacules. Elle est peu à peu recouverte, débordée... Geki n’entend rien, il avance, et voit un homme qui l’attend, à quelques pas de là. Il sent d’instinct quelqu’un derrière lui. Il y a cent fois le même homme, adossé au mur, la même vision qui se répète à l’infini dans le couloir baigné d’une lumière de lune de plus en plus aveuglante. Geki recule, il fait noir à nouveau, d’un coup. Maya se débat tant qu’elle peut. Les femmes disparaissent en un clin d’œil. Il n’en reste plus qu’une, dans le dos de Maya. La vieille la pousse avec la force d’un taureau et l’Ize-Zumi passe par la fenêtre. Le cadre en bois tombe de la falaise dans la baie. Geki entend le fracas de la vitre mais il ne voit pas Maya tomber. Le couloir redevient normal. Il est dans le noir, la personne devant lui aussi. Ils sont chacun d’un côté d’une vitre qui éclaire un carré de parquet devant eux. Par la fenêtre, on voit qu'ils sont sous l'eau, au milieu de carcasses de navires. - Qui êtes-vous ? souffle Geki, qui a du mal à respirer. - Celui que vous êtes venu chercher. Le conseiller Kokamoru… Dix petites vieilles écrivent sur le mur avec leurs ongles dégoulinant de sang blanc. De l’eau se met à perler des murs ; le couloir va bientôt être inondé. L’eau a la couleur de la lune, elle est tiède. Des corps d'hommes difformes, allongés de plus de 3 mètres, flottent dans l'eau, mangés par les poissons. - Sortez de l’ombre, ordonne Geki. Il jurerait que Kokamoru sourit et cette grimace inquiétante déforme les ombres aux murs. - C’est amusant que vous disiez cela, car en fait, je ne peux pas en sortir, Geki… L’Ombre est mon alliée… Kokamoru a fait un pas en avant, dans le rayon lunaire : il a le visage blanc comme neige, entièrement lisse, sans aucun trait. Geki passe par la fenêtre ; il a l’illusion qu’il crie mais il n’entend rien. La nature est entièrement silencieuse. Des blocs de falaise s’écroulent, Maya est en train de courir sur le chemin venteux ; Geki se relève et s’en va, il tombe, roule dans la pente, se relève et rejoint Maya. Il retrouve l’ouïe, il entend les vagues qui mordent le sable. Il aide Maya à se relever ; ils reprennent la barque ; ils traversent sans s'en rendre compte la baie. Des têtes mortes sortent de l'eau. Des dizaines de radeaux avec des petites vieilles les observent en silence. Ils arrivent à l’aube à la Cité. Leurs membres tremblent, leur chair est froide, ils ne sentent presque plus rien. Maya s'en va... Geki traverse la Cité ; plus tard, il sent qu’on l’agrippe, qu’on l’empêche de trembler, comme si on allait l’amputer. Il est par terre, serré par des hommes de l’Inquisiteur et on lui ferme la bouche de force. Il n’arrive pas à crier. Il sent des bêtes grouiller dans son ventre, il les sent prêtes à sortir toutes en même temps, elles crissent, elles grattent du dedans, elles le torturent… Il va hurler, terrorisée par les cinq Kokamoru qui le paralysent. On le plonge dans un bain d’eau chaude et on l’oblige à avaler une décoction alcoolisée. - Trois hommes restent ici pour le surveiller... Laissez-le dans son bain encore une heure, je viendrai le voir après. Mamoru veut sortir de l’eau mais on l’y replonge. Il faut trois hommes forts comme des bœufs pour maîtriser Mamoru, qui fait une tête de plus qu’eux. - Ne fais donc pas l’imbécile… On est là pour t’aider… Les bestioles cessent de s’agiter ; Mamoru devient lourd et flasque, ses forces l'abandonnent. Il s’endort profondément. Maya est allongée sur le parquet de sa bicoque, elle tremble comme une épileptique et se tord sous l'effet de la douleur qui l’assaille des pieds à la tête. Ses larmes coulent comme de l’eau d’un vase percé. Mamoru s'est enfin endormi, à même le sol. Kokamoru au château, allongé sur le parquet en bois. Petite Vérité est à la fenêtre, secouée d’un rire dément. L’eau s’infiltre par le plafond ; la tâche s’agrandit. Des gouttes tombent dans lesquelles tremblent des reflets de lune et le soleil qui va passer l'horizon. L'aube point... La lune se mire dans des milliers de reflets de vaguelettes. La coque du navire évite de peu des rochers tranchants... Le plus jeune marin du bord laisse descendre la sonde. Il annonce la profondeur au capitaine. Celui-ci inspecte les fonds et regarde avec inquiétude les récifs. - L’approche de cette côte est un vrai cauchemar, mon garçon... J’y suis venu cinq fois avant, et je me souviens de chaque approche. Deux fois, ces maudits cailloux ont déchiré la coque et nous avons fini par nous échouer sur la côte. Ce qui n’a pas empêché les douaniers Belbab de nous faire payer les droits de port, crois-moi !... Je ne te parle pas des semaines à attendre pour avoir du matériel de réparation, ni le prix pour louer des esclaves qui l’apportent depuis Keb’Mir ! C’est Sherim Al’Bakter qui a le monopole de ce commerce au port, et il a une estime certaine pour ses travailleurs, crois-moi !… Enfin… Le capitaine soupira. Il alluma sa pipe à la lanterne de la proue. - Ne parlons pas de malheur, la mer est calme, le courant ne devrait pas nous envoyer sur les bas-fonds… Touchons du bois ! Le jeune garçon écoutait, respectueux. Un marin siffla de l’arrière. Le gamin partit en courant à la poupe. - Regarde ça, toi, grogna le second du capitaine. Plus moyen d’avancer ! Des algues qui s’étaient emmêlées dans le gouvernail. Le capitaine cria au gamin : - Je vais descendre à terre ! Toi, quand tu auras fini, tu iras réveiller nos passagers. Le second et le shugenja du bord descendirent dans la barque avec le capitaine et deux forts rameurs. Le gamin s’acharna sur les algues grasses pendant presque une heure ; les marins qui finissaient leur quart vinrent l’aider depuis le pont, mais c’était lui qui était agile comme un singe et qui pouvait s’accrocher à l’arrière de la coque. C’était sa fierté à bord. On lui avait dit depuis tout petit qu’il n’était pas bien intelligent, qu’il ne pourrait jamais parler normalement. C’était donc mieux qu’il se taise. C’est quand il avait mis le pied sur le pont du Sabre de l’ouest que sa vie avait vraiment commencé. Enfin il trouvait sa place dans le clan ! Enfin il pourrait rejoindre les vrais fils du Tonnerre qui défient l’océan et découvrent cent mondes aussi merveilleux que lointains ! C’était sa première traversée vers le soleil couchant. Il avait été effrayé d’apercevoir les côtes de l’Outremonde, émerveillé par les femmes esclaves et les seigneurs des Royaumes d’Ivoire ; il avait lutté avec les hommes pendant des nuits pour réparer un mât quand on passait au sud des montagnes de feu. Le gamin remonta, heureux comme tout, avec ses poignées d’algues comme trophées ; on lui servit un petit verre de saké de la réserve du capitaine. - Allez, va te reposer, tu l’as bien mérité ! - Non, non, je veux voir à terre ! - Alors, file ! La barque va partir ! On finissait d’ailleurs d’y charger les babioles qui allaient servir à amadouer les douaniers. Des éventails, entre autres, sans valeur dans les îles de la Mante, que les gens du port pouvaient acheter des fortunes. Le gamin descendit aux chambres des deux passagers, tapa plusieurs fois pour les réveiller. L’alcool faisait son effet, la fatigue aussi, il était pris d’euphorie, il tapait encore à la porte, cria qu’on arrivait à terre. C’était le plus beau jour de sa vie ! Il remonta comme un écureuil sur le pont et cria qu’on l’attende. Il se pressa de descendre à l’échelle et sauta sur la barque. Le soleil apparaissait, l’eau devenait violette avec des reflets dorés. Les rameurs crachèrent dans leurs mains et commencèrent leur effort, pendant que le second dirigeait à l’arrière. - Alors, tu nous accompagnes ! Le capitaine prit une chique, la tendit au gamin, qui eut du mal à la mâcher et en recracha des morceaux. - Attention, virez, virez, maugréait le shugenja en observant les récifs. Le second tâtait le fond avec sa rame. Le vent du matin froissait l’eau. Des bancs de poisson colorés s’éloignaient et disparaissaient dans les massifs d’algues. Quand l’embarcation accosta sur la plage, trois hommes à la peau bronzée, en habits blancs, le crâne rasé, sans aucun poil apparent, descendaient vers la mer. Ils saluèrent sans s’étonner les marins qui trainaient leur barque, puis entrèrent dans l’eau jusqu’à la ceinture. Le gamin les regardait, ahuri, car ils commençaient à joindre les mains et à réciter des paroles incompréhensibles. Il prit les deux derniers sacs dans la barque, courut pour rejoindre les hommes, mais s’arrêta net, encore plus étonné, quand il vit que c’était à présent dix, quinze, cinquante hommes rasés qui arrivaient sur la plage ! Avec des femmes et des enfants en plus, le crâne lisse et luisant dans l’aurore. - Dépêche-toi ! lui dit le shugenja. Ils prirent un petit sentier qui montait de la plage ; ils croisaient une véritable foule de ces gens, qui venaient prier dans l’eau. Quand le gamin jeta un dernier coup d’œil derrière lui, il y en avait peut-être deux cents dans l’eau alors que le soleil arrivait au-dessus des maigres nuages qui brouillaient la ligne d’horizon. Ils passèrent dans un bois de cocotiers où s’agitaient des singes qui cassaient les noix sur les pierres ou les laisser tomber. Ils déguerpirent à l’approche des marins. Le capitaine demanda son chemin à un homme à la peau noire, presque nu, qui arrivait avec un sac plein de fruits. Il vendit aux voyageurs de grosses pêches dont le gamin se goinfra. Le cueilleur agitait la main vers un sentier, qui s’enfonçait entre des arbres maigres enserrés dans des lianes. Le capitaine le remercia ; il ne fallut plus longtemps pour arriver en vue d’une petite ville avec des maisons en terre cuite, une jetée en bois près de laquelle mouillaient plusieurs petites embarcations. - C’est bien ce que je me disais, nous avons approché la côte trop tôt ! Le capitaine n’était pas content de lui. Le shugenja affirmait que le calcul selon les étoiles ne pouvait les tromper, que lui et le second avaient revérifié il y avait encore six heures…. - Ils ne l’ont pas déménagé leur port, non ? Bon… ![]() Les commerçants s’installaient pour le marché. Le second ordonna aux deux rameurs de faire les achats d’eau douce et de provisions. Le gamin suivit le capitaine. Le shugenja, très bavard, dissertait devant le second sur ses connaissances étendues de la région. - Mon père est venu ici il y a près de vingt ans, savez-vous ! A l’époque, il n’y avait rien ! Rien ! Il disait des noms, parlait de gens, de coutumes, de routes… Le gamin ne saisissait pas un mot sur dix mais il était fasciné. Il entendait parler de caravanes marchandes qui traversent pendant des mois et des années le désert… Ils traversèrent un quartier où des patrouilles d’hommes en armes arrêtaient les passants à chaque coin de rue. Ces soldats portaient des pantalons bouffants, de drôles de chaussures au bout recourbé, des turbans cramoisis et surtout, de gros sabres courbes à leur ceinture. - Les janissaires du Calife, fit le capitaine en crachant par terre sa fin de chique. ![]() C’est le second qui s’approcha pour parlementer avec le chef d’une patrouille. Il glissa quelques pièces, un éventail et deux bouts de bois sculptés ; ils purent passer. Ils arrivèrent au pied d’une grande bâtisse gardée par une soldatesque importante. Le gamin, effrayé, aperçut des hommes en grandes robes pourpres et cagoules pointues, portant des gants qui brillaient comme de l’or. - Les « récitants » de l’ordre du cinquième soleil, oui, expliquait le shugenja au second. C’est une traduction comme une autre, de la langue indigène. Des moines guerriers. C’est un peu plus compliqué, en fait… Il s’adressait en fait indirectement au gamin, à qui il aimait faire sentir le poids de son savoir. Le second écoutait, distrait, les explications de ce cuistre de shugenja. La porte s’ouvrit. Le capitaine intima au shugenja l’ordre de se taire : il était interdit aux étrangers de parler dans ce palais. - Sinon, ils vous couperont la langue à la lime à ongle ! Les Rokugani entrèrent dans une basse-cour envahie de grosses dindes, puis passèrent dans une longue ruelle, avec un soldat posté tous les dix mètres et des femmes avec de longues robes et les seins nus. Le gamin rougit et, à ce moment, avec la chaleur et ces créatures de rêve, serait bien allé se mettre dans l’eau glacé ! Le capitaine sourit en le voyant si gêné. Trois soldats arrivèrent, dirent qu’il fallait les suivre. Encore trois rues , les Rokugani s’arrêtèrent devant une porte en bois rouge. - Attendez-moi dans la cour aux orangers, dit le capitaine, j’en ai sans doute pour un bon moment, à cause de nos deux passagers… Il faut que je sache s’ils peuvent mettre pied à terre ou si on les rembarque avec nous… Le capitaine entra. Le gamin voulut le suivre. Le second mit sa main devant lui : - Toi, tu restes avec nous. Ils allèrent se promener dans des jardins aux bosquets de fleurs odoriférantes ; des couleurs extraordinaires, des oiseaux de paradis. Des arbres regorgeant de fruits inconnus à Rokugan. Le gamin aperçut un singe qui remontait dans les branches pour grignoter une orange. Il rit en le voyant, mais le singe se méfiait. Il y avait ses petits plus haut. Le gamin courut retrouver le shugenja et le second, dans la cour suivante, où s’affairaient des jardiniers pour couper les pelouses et les haies. Le gamin fut surpris de voir qu’il y avait un autre Rokugani. Il était bien en chair. Il portait un kimono aux tons blanc et mauve. Il arborait une fine moustache qui lui tombait sur le menton. Le gamin n’osait pas s’approcher. Il regardait les jardiniers. En espionnant un peu la conversation, il comprit que cet homme appartenait à un clan qui était parti il y a longtemps de Rokugan. Le clan de la Ki-Rin. Le shugenja donnait, avec son emphase habituelle, des nouvelles de l’Empire et l’autre écoutait attentivement. - Je ne manquerai pas de rapporter ces informations dès que je retournerai au camp de Gaar-Lagh. Ils se promenaient le long des allées fleuries ; le gamin les suivait. Peu à peu, il osa s’approcher ; il s’enhardissait, il se dit qu’il pourrait même prendre part à la conversation, ne plus être le jeune idiot de service ! Or, comme il s’approchait, il les entendit baisser la voix ; ce n’était pas contre lui ; ils regardaient autour d’eux comme s’ils avaient peur que d’autres les entendent… Le gamin regardait en l’air ; son attitude était forcée ; les hommes ne s’en occupèrent pas. - Vous avez donc transporté ces deux passagers ici ? murmura le samouraï de la Ki-Rin. - Oui. Un homme et une femme, dit le shugenja… Lui est un habitant des Royaumes d’Ivoire. A en juger par ses manières et ses doigts manucurés, je dirais qu’il faisait partie d’une caste noble. J’ignore ce qui a pu lui arriver. - Et elle ? - Elle vient de chez nous. C’est une, disons une paria. Elle se comporte comme une samuraï, elle est armée et n’a pas froid aux yeux. Elle dit chercher quelque chose de très important dans le désert… - On y rencontre surtout la soif et la douleur, soupira le samouraï. - Oui, dit le second, mais rien n’a pu la dissuader. - On ne peut savoir ce qui se passe dans la tête d’un fou ; mais on dit qu’ils sont guidés par les dieux, affirma le shugenja. - Il faudra un dieu fidèle pour la guider, dit le samuraï. - En ce moment, dit le second, le capitaine est en train de négocier son passage par ici avec le Grand Janissaire. Pour vous parler franchement, nous n’avons pas envie de la reprendre avec nous pour le retour… D’ailleurs, elle ne voudrait pas… - Hmm, c’est une situation difficile, pour elle comme pour vous, dit le samouraï moustachu. Un serviteur apportait des rafraichissements. Ils prirent les coupes sur le plateau. A ce moment, le shugenja lâcha son verre. Il ouvrait la bouche en grand, stupéfait. - Là ! Tout le monde se retourna : c’était eux deux ! Les deux passagers, qui avançaient tête baissée, vers la porte du Grand Janissaire, avec trois soldats qui leur couraient après en leur criant de s’arrêter ! Ceux-ci lançaient des injures dans leur langue ; ils les retinrent par le bras. La femme se dégagea brusquement : - Ne me touchez PAS ! Je vais voir votre Grand Emissaire, là, pour obtenir un laisser-passer !... Viens, Avishnou, on n’a pas de temps à perdre ! Les marins et le moustachu avaient porté leurs mains à la bouche. - La malheureuse va se faire empaler vivante ! A ce moment, la femme arrivait devant la porte rouge du grand bâtiment, en faisant de grands moulinets avec sa lance : - Dites à votre chef que Yatsume, de l'Empire de Rokugan, souhaite le voir ! A suivre... ![]() 17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - baronpiero - 02-06-2010 C'est donc dans le château de la baie des poissons morts que nous avons pris notre dose de radiations d'ombre:baton: 17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - sdm - 02-06-2010 Le Yatsume show va commencer ![]() Encore bravo pour tous ces textes ![]() 17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - Darth Nico - 03-06-2010 ' Wrote:C'est donc dans le château de la baie des poissons morts que nous avons pris notre dose de radiations d'ombre:baton: Comme dirait Dimitri Bayushi : Ne vous faites pas de (tcherno)bile. ![]() 17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - sdm - 03-06-2010 ![]() 17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - Darth Nico - 03-06-2010 ![]() |