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Dossier #21 : Les ruines
#11
DOSSIER #21


Lanvin, Maréchal et une dizaine d'hommes entrèrent dans le commissariat situé à deux pas de la maison des Vicari.
Tout de suite, il s'installa une atmosphère d'armée en campagne. On installait un quartier-général provisoire. Le stagiaire fit chauffer de la tisane pour tout le monde, un autre alla acheter du tabac.
- Il fallait bien qu'on nettoie un jour ce nid à cafards, dit le commissaire, qui essayait de se persuader parce qu'il n'avait plus le choix. La police judiciaire lui tombait dessus, alors qu'il avait aménagé depuis des années une entente cordiale avec les Vicari ! Il essaya de tirer les vers du nez des deux inspecteurs. Ceux-ci restèrent évasifs, comme s'ils avaient monté un plan bien trop ficelé pour des flics de quartier. La vérité, c'est que Maréchal et Lanvin avançaient à l'aveugle. Or, la première qualité d'un bon officier, est de ne jamais le montrer !
- On attend le papier du juge pour une perquisition, expliqua Lanvin.
Il essayait de faire croire qu'il avait une idée derrière la tête. Tant que les braves flics du coin, et même ceux venus du Quai, le croiraient, tout irait bien !
On se préparait à une veillée d'armes. Lanvin espérait et redoutait que Faivre vienne directement ici, armé jusqu'aux dents. En s'y prenant bien, on aurait le temps de lui sauter avant qu'il ne déclenche un carnage.
Maréchal s'était mis sur un lit de camp et réussit à s'endormir. Maintenant qu'en somme, tout était dit avec Nelly, avec Faivre, il se sentait soulagé. Les mensonges ne tenaient plus, les motivations de chacun étaient claires, il pouvait enfin céder au sommeil. Il ne fit pas de rêves, suivit un tunnel noir et fut secoué par Lanvin :
- Agite-toi, les Vicari mettent les voiles...
- Où ils vont ?...
- Je ne sais pas, mais j'ai lancé la perqui.
Maréchal ne pouvait rien changer au cours des choses. Il alla prendre du café. Il voulait rester au calme, pendant que les hommes de Lanvin retourneraient le repaire des truands et y laisseraient tomber les preuves dont ils avaient besoin. Il avait envie de rappeler Nelly. Il pouvait encore sauver quelque chose avec elle. Il ne restait dans le petit commissariat que lui et le stagiaire, qui réchauffait la tisane et en versait à Maréchal :
- Merci, fiston.
Maréchal sirota la tasse brûlante.
Les hommes de Lanvin revenaient, comme des soudards en campagne, soulagés d'avoir fini leur boulot.
- Magnifique, on a trouvé tout ce qu'on voulait.
Maréchal s'efforça de sourire pour faire illusions, mais son sourire était mélancolique. Voilà, c'était fait, cette bande de policiers était rentrée chez les truands pour se comporter comme eux.
- On va les saler pour longtemps !
Lanvin, devant ses hommes, faisait le fier-à-bras mais il évitait de regarder Maréchal.
Le parlophone sonna. Le stagiaire passa le combiné à Maréchal :
- Turov ?... Vous avez eu Faivre au bout du fil ?
Tout le monde fit un silence religieux, pendant que l'inspecteur parlait à haute et intelligible voix.
- Il avait l'air comme fou ? Oui, je vois... Bien sûr. Il a appelé les Vicari... Un ultimatum... Il vous a transmis l'information, en vous disant de me contacter... Un rendez-vous ?... Dans les Filets.... Oui, les Filets, je vois... D'accord, merci Turov.
Maréchal claqua le combiné. Les hommes étaient déjà en train de vérifier leurs armes et d'enfiler leurs manteaux. Lanvin prenait un fusil et des munitions d'avance.
- Je ne sais pas dans quoi on s'embarque, Maréchal.
- Vous ne devez pas monter souvent aux Filets, vous...
- On compte peu de truands dans un quartier qui menace ruines.
- Prenez vos équipements d'escalade, ça grimpe !

Lanvin prit son collègue à part :
- Sans rire, tu veux vraiment qu'on monte tout là-haut ?
- Que suggères-tu ? Laisser Faivre et les Vicari en découdre, arriver après la bataille et compter les douilles ?
Lanvin ne répondit pas.
- Fais comme tu voudras. C'est ta brigade, tes hommes. Faivre est mon inspecteur, je dois y aller.
Lanvin hésita, soupesant le pour et le contre entre s'interposer au milieu d'une fusillade et faire un coup d'éclat en arrêtant toute la bande.
- Bon, on te suit. Tu connais le coin ?
- Oui. Les Filets, j'ai un homme qui y est mort, avant-guerre, je n'ai pas envie que ça devienne une série.
- Tu m'en diras tant.
Maréchal décrocha le parlophone, composa le numéro de Corben et fils :
- Envoyez quatre ballons à l'adresse que je vais vous indiquer ! En urgence ! C'est TRIBUNAL qui paye !
- TRIBUNAL ? dit la voix joviale et eraillée de Corben père, alors autant dire que je serai payé à la Saint-Glinglin !
- Envoyez votre flotte aéroportée, ou je fais fermer votre boutique !
- Me parler comme ça, à moi, un héros de la guerre ! Qui a transporté des régiments entiers vers les portes d'Airain !
- Ma médaille est plus grosse que la vôtre, Corben !
Maréchal raccrocha et s'alluma une cigarette. Il aimait beaucoup le père Corben, on n'en faisait plus des vieux bourrus comme lui ! Captain

A l'heure où les policiers se mettaient en branle, avec des renforts appelés au Quai des Oiseleurs, qui jaillissaient de la bâtisse antique dans leurs voitures bondées lancées au triple-galop, le gris inspecteur Petitdieu se faisait réchauffer des saucisses sur son poele. Sa ligne personnelle retentit. Il décrocha, le visage affaissé par la tristesse.
- Je comprends ce que vous me dites, monsieur...
Il déglutit.
- Il faut juste leur laisser un peu de temps... Le Quai est justement en train de se vider... Des dizaines et des dizaines d'hommes, monsieur...Écoutez, je sais que nous avons traîné mais nous allons rattraper...
D'abord inquiet, Petitdieu sentait l'affolement le gagner.
- Non, je ne dis pas cela... Non, non, je dis juste ceci : il est prématuré d'envoyer vos hommes...
Il parlait doucement, en cachant de son mieux le tremblement de sa voix. Il déboutonna le haut de sa chemise.
- Non, monsieur, je ne me permettrais pas...
Il avait un crâne trop haut, lisse comme un oeuf, un visage compressé au bas de la tête, des paupières tombantes dont la ligne était semblable à celle de sa bouche incurvée vers le bas. Même ses oreilles semblaient prêtes à tomber, comme celles d'un chien triste. Et en ce moment, la courbe générale de sa face se tournait encore plus en bas.
- Je dis simplement que nous pouvons éviter un bain de sang, monsieur...
Il dut encore écouter, longtemps, son interlocuteur parler et à la fin, il dut reposer le combiné, triste comme l'élève puni, car l'autre avait déjà raccroché.


¤


Il n'y avait plus que pour Faivre, entre les étoiles et les innombrables vagues de l'océan, que ces arches, murs et ogives en ruine. Le fantastique paysage des filets immenses qui recevaient les morceaux qui, petit à petit, se détachaient des bâtisses vieilles de plusieurs siècles. Les pierres roulaient, des murets craquaient, et des blocs entiers tombaient dans la pente avant de finir par une plongée dans les eaux noirs, trois kilomètres plus bas.
Faivre s'arrêta dans le reste de bâtiment le plus haut, qui pourrait lui servir de redoute. Il posa la lourde caisse kaki qu'il avait gardée de l'armée et sortit son arsenal. Une dizaine de fusils qu'il monta avec aisance. Il avait pratiqué cet exercice pendant des heures sur Forge.
L'écho lui renvoya le bruit de pas qui approchaient en contrebas. Faivre passa la tête au-dessus du muret. C'était bien les Vicari. Ils étaient une vingtaine, qui précédaient leur patriarche appuyé sur sa canne, emmitouflé dans son manteau à gros col de fourrure.
Très calme, Faivre finit de monter le dernier fusil, enclencha le chargeur, puis s'assit et alluma une cigarette. Des nuages voyageaient sous les étoiles et, dans leurs déformations tortueuses, laissaient paraître par moments le clair de Forge. Ces masses compactes prenaient soudain l'apparence de vallées glaciaires et fragiles, puis leur errance reprenait et ils s'abîmaient dans la noirceur. Forge disparaissait derrière ces étendues laiteuses. Sur l'océan, surnageaient quelques récifs, dévorés d'un coup de mâchoire par les milliers de vagues qui déferlaient depuis l'horizon.

Faivre sentait en cet instant combien sa vie avait passé en un souffle, comme un ouragan. Il écrasa sa cigarette sur une pierre mouillée et empoigna son fusil. Les Vicari guettaient tout autour d'eux. Ils s'étaient mis à l'abri derrière des rochers. Le vieux était entouré de quatre hommes protégés par des gilets renforcés. Dernier arrivant dans cet opéra de pierres que nimbaient les embruns, l'inspecteur Maréchal. Cela fit plaisir à Faivre, que d'avoir son supérieur, et un peu son ami, pour sa sortie...

Maréchal avait repéré la position de surplomb de Faivre. Ce dernier n'aurait jamais pu le tromper. Seulement, il avait été moins attentif à ne pas se faire voir des Vicari.
- Sors de là !
Maréchal s'adossa derrière le parapet. C'était bien à lui qu'on criait de sortir. Des jeunots, ces Vicari... Ce n'était pas à un vétéran comme lui qu'ils allaient apprendre la musique !
- Je veux discuter avec votre chef !
Il entendit le vieux siffler l'ordre d'abattre cet intrus. Des balles crépitèrent sur les briques.
- Est-ce vous, Eugène de Mouplin ?
- Non, je suis l'inspecteur Maréchal, police judiciaire !
Comme pour accueillir cette belle salutation, d'autres balles sifflèrent.
Faivre cria du haut de son promontoire :
- Je suis là, Vicari ! C'est moi Faivre !
Sa voix résonnait superbement dans tout le chaos de rochers.
- Faivre, cria Maréchal, je vais monter vous voir !
- Restez où vous êtes, inspecteur ! cria Faivre.
Il suivait toute la scène grâce à la lunette de son fusil.
- Vous pourriez vous faire aérer le pardessus par nos amis ! ajouta-t-il, goguenard.
Il était en train d'ajuster son tir sur la tête du patriarche.
- Inspecteur Faivre, je vous ordonne de descendre.
- De me faire descendre, vous voulez dire ?
- Les Vicari, reprit Maréchal, je me porte garant de l'inspecteur, et de votre sécurité, si vous me laissez mener les opérations.
Peine perdue, les Vicari ricanèrent. Deux avançaient à couvert vers Maréchal.
- Personne n'approche de lui, cria Faivre.
Il tira au pied des deux téméraires. Ceux-ci reculèrent.
- Trop aimable, murmura Maréchal.
Il remonta son col au moment où une bourrasque, montée brusquement du bas de la falaise, traversait tout le quartier.
- Tenez, patriarche !
Faivre fit rouler au bas de la pente une enveloppe garnie de papiers. Un truand la ramassa. Il y trouva un pistolet.
- C'est l'arme qui m'a servi à tuer Fabio ! Prenez la, Vicari !
Le vieil homme, furieux, ramassa l'arme.
- Maintenant, si vous tenez à votre vie, pointez cette arme sur l'homme que je recherche ! Vous savez de qui je parle.
Maréchal, qui n'aimait ni le théâtre ni l'opéra, dut convenir que Faivre avait un certain sens de la mise en scène. Tout cela arrangeait les affaires de l'inspecteur-chef, qui attendait l'arrivée des renforts... Les bras cassés de la Brigade des rues qui tardaient, tardaient...

- Fabio est mort, vieil homme !
Le patriarche laissa tomber l'arme et cria à ses hommes de mener l'assaut. Il se mit à l'abri dans une chapelle qui tenait encore debout et s'assit sur une pierre, résolu. Ses hommes comptaient leurs chargeurs et organisaient la montée.
Maréchal entendit le bruit caractéristique d'une grenade qui roule. C'est son inspecteur qui venait de la lancer. Il se mit sur le ventre, mains sur la tête, les oreilles bouchées et attendit.
L'explosion secoua toute la structure croulante ; elle souffla plusieurs arches, qui partirent vers les étoiles, des trônes rongées par la moisissure, des tableaux délavés et des pans de murs qui s'effondrèrent après avoir résisté à l'usure de plusieurs siècles. Maréchal serrait les dents. Il se déboucha les oreilles, pour entendre une autre grenade rouler. Nouvelle explosion, une déflagration éblouissante, qui emporta dans une danse folle et brève des murets, d'autres arches, des bouts de colonnes et des chapiteaux. Une troisième, juste derrière, et ce furent des jaillissements de poussière, des piliers éclatés, des statuettes qui partirent convoler dans les constellations, des vitraux irradiant la noirceur de leurs chatoiements, des pluies de verre projetées dans l'espace avant de finir dans les eaux épaisses, des demi-ogives tournoyant follement, la valse des statues qui iraient chatouiller les planètes avant de raconter leurs histoires aux fonds tourmentés...

Maréchal attendit, ouvrit un oeil, pour voir des filets en flammes qui craquaient mollement et tombaient comme des draps, très paresseux, languissants. Le sol tremblait, c'était toute la falaise qui allait crouler. Les pavés glissaient, des murs s'abattaient les uns sur les autres comme des dominos. Les Vicari montaient au milieu de cette destruction généralisée. Faivre vidait ses chargeurs ; les hommes tombaient, leur tête explosant rouge, des colonnes roulaient en tous sens. Les truands répliquaient avec leurs propres grenades et ce fut à nouveau un feu d'artifice, les filets transformés en danseurs contorsionnés, gémissants ; des étoiles partout qui éclataient, le sol soulevé, remué, comme par un océan invisible. Le bruit de la mitraille, les détonations par dizaines, répercutées, multipliées, l'air vibrant, les Vicari fauchés et Faivre, toujours seul, là-haut, qui résistait à tout ce fracas.

Comme les truands, réduits à la moitié de leur nombre, refluaient, Faivre poussa un cri de victoire. Les blessés ne pouvaient pas emmener les morts. Le silence revint ; même le vent était tombé. Maréchal y voyait mal au-travers de la fumée. Le crépitement des désastres se perpétuait dans l'écho. Des bâtiments rendaient enfin l'âme, épuisés : ils se laissaient choir de tout leur poids, comme heureux de s'abandonner à la gravité, leur maîtresse impitoyable.

Maréchal, abruti par le vacarme, ne sut que faire. Les Vicari redescendaient à grandes jambées. On vit alors surgir un gros ballon, de derrière la falaise, remonté en trombe du niveau de l'océan. Ce n'était pas la Brigade des rues, c'était un engin non-identifié, certainement pas un taxi de Corben, mais un aérostat plus lourd, à la coque renforcée de blindages. A son bord, deux hommes au visage caché par leurs lunettes, à côté d'un troisième qui avait les mains sur une mitrailleuse automatique.
Maréchal eut le souffle coupé et replongea dans son abri.
Les douilles jaillirent, voltigèrent, lumineuses dans le clair de terre ; les balles s'abattirent en grêlons claquant sur le pavé. Toute une averse de plomb qui fut fatal aux Vicari. Ils furent tous abattus sur les pierres et moururent sans bruit, comme des créatures de papiers déchirées.
Le blindé passa dans un rugissement de mort, reprit de l'altitude soudainement et entama un demi-tour. Faivre avait dû se mettre à l'abri. Maréchal crut qu'il allait se protéger mais il le vit jaillir comme un diable de sa boîte, descendre posément, enjamber les corps, le fusil bien en main. Faivre marchait sans plus aucune crainte de rien ; il faisait penser à un androïde programmé que rien ne détournera de sa course. Il acheva un mourant qui l'agrippait à la cheville. Le ballon était haut dans le ciel, sous les nuages, où il amorçait une courbe serrée. Faivre monta sur un rocher et mit en joue le patriarche qui s'enfuyait en claudicant. Il épaula, ajusta. Son tir frappa le vieil homme dans l'omoplate. Ce dernier s'écroula, comme un pantin dont on a coupé les cordes. Une deuxième balle l'acheva.

Faivre lâcha son fusil. Il demeura immobile puis choisit de s'asseoir sur un muret au bord d'un grand vide. Maréchal lui cria de se mettre à l'abri. Le blindé achevait son tour et fonçait à nouveau sur lui. Les ballon-taxi des hommes de l'Urbaine approchaient eux aussi, des voiles à l'horizon.
Le blindé descendait en prenant de la vitesse, l'homme à la mitrailleuse avide de faire un nouveau massacre. Un nouveau déluge de balles s'abattit sur les ruines. Maréchal s'était remis à plat ventre. Il entendit le grondement sinistre s'éloigner. Il se releva. Faivre était toujours assis, paisiblement, attendant la mort sans trembler. Il était passé au milieu des balles ; elles s'étaient écrasées autour de lui sans l'effleurer. C'était une vision hallucinatoire, de le voir dans ce paysage de mort, tranquille comme un ermite sur son rocher.
- Faivre, venez !
Il n'écoutait pas. Il venait de s'allumer une cigarette. Le blindé allait faire un troisième passage. Maréchal ne savait pas s'il fallait abandonner Faivre à son sort, lui crier de s'enfuir et disparaître ou essayer de lui sauver la mise.
- Faivre, venez !
L'inspecteur réagit brusquement, agacé plus qu'autre chose :
- Elle va mourir ! Plus rien ne vaut la peine, Maréchal !
Le grondement redescendait progressivement. L'oiseau de mort était prêt pour achever son oeuvre.
- Faivre, écoutez : je viens de passer à l'hôpital ! Sélène est sortie du coma.
L'inspecteur mit deux secondes à réagir.
- Sélène est sortie du coma je vous dis !
Faivre eut brusquement une réaction saine : il reprit espoir et se remit à craindre pour sa vie ! Il se précipita sous un toit qui tenait encore et descendit quatre à quatre un escalier très raide, juste au bord d'un gouffre de plusieurs dizaine de mètres. Le blindé piquait sur lui. Elle vivait, elle vivait ! La mitrailleuse se remit à cracher ses munitions. La traînée de plomb prit Faivre en chasse, dévala comme lui les marches en sifflant. Les marches éclataient derrière Faivre, l'averse de mort gagnait sur lui à une vitesse affolante.

Maréchal prit son pistolet bien en mains et, avec une froideur inattendue dans la chaleur de toute cette peur, visa. Le tir claqua ; du sang jaillit de la lunette du tireur, comme celui-ci partait en arrière. Maréchal tira encore, blessa un pilote, tira une troisième fois, dans la toile du ballon. Touché ! Il finit de vider son chargeur dedans. La toile commençait à craquer. L'engin déséquilibré reprit brusquement de l'altitude, alors que son ballon se dégonflait comme une baudruche. Un des hommes passa par-dessus bord.

Maréchal vit que le terrain s'affaissait dans son entier. Les ballons-taxi arrivaient juste pour assister à la destruction du quartier. Maréchal courut comme une bête traquée. Une échelle de corde tomba devant lui, il s'y agrippa, fut emporté dans les airs, avec une force à lui déboîter l'épaule. Il s'accrocha de toutes ses forces.
- Tiens bon, criait Lanvin.
Maréchal se sentit ballotté, puis lâcha. Il sentit un moment la mort venue. Il frappa alors un mou et gros filet, où il se laissa rouler, impuissant. Quand il se releva, encore vif, comme un poisson sorti de l'eau, il cria aux policiers un mélange incertain de remerciements et d'injures !

Il put laisser éclater sa joie, mais brièvement : l'escalier raide que dévalait son inspecteur était désert : Faivre venait de basculer dans le vide.
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#12
DOSSIER #21



Faivre se dit, durant ce très long instant de chute, qu'il avait mérité sa mort, qu'il n'avait pas été digne de Sélène. Il n'avait pas cru en elle et il était allé trop loin dans le crime pour espérer revenir. Ce n'était que justice d'aller se fracasser dans les bas-fonds de ces ruines. Il avait trop demandé à sa bonne étoile pour qu'elle le sauve encore. Il n'aurait jamais pu revenir au commissariat. Il finirait au milieu de ces truands qu'il voulait depuis le début emmener dans la mort avec lui. Ce n'était que justice d'en arriver là. Mort, il aurait la médaille de ceux qui sont tombés en service. Maréchal pourrait bien arranger une version pour un policier tombé dans l'exercice du devoir, pas pour un officier de TRIBUNAL ayant violé tous les règlements. Peut-être que Clarine, et son sens de l'honneur, finirait par lui pardonner son comportement.
Peut-être aussi que c'était la Cité qui voulait le digérer complètement, que c'était mieux qu'il disparaisse, qu'on ne retrouve pas son corps, englouti dans la destruction des Filets. Sa dernière aspiration fut aussi un souffle angoissé, alors qu'il partait la tête la première... Il mit du temps à comprendre quand sa chute s'arrêta quelques mètres avant le sol, alors qu'il venait d'être brutalement tiré vers le haut, comme si un parachute venait de s'ouvrir. Une poigne métallique s'était refermée autour de sa poitrine. Encore un choc, un éboulis depuis un promontoire en pointe. Il reprit ses esprits, pour se voir dans les bras de Penthésilée, accrochée à un parapet par un filin.
Il actionna le dérouleur et posa en douceur Faivre au sol. Ce dernier, assommé, ne réalisait pas encore ce qui venait de se passer. Il ne put que la voir partir, en quelques bonds, dans le dédale de tuyaux sous les Filets.
Ce n'est que quelques minutes après qu'il se mit à crier à l'aide et que l'Urbaine appela en urgence des mitiers pour le tirer de sa crevasse. Il perdit connaissance quand il fut ramené parmi les vivants. Il entendit à peine Lanvin qui disait :
- Il est beau, l'ange de la mort...
Il ferma les yeux longtemps. Quand il les rouvrit, il était dans une froide chambre d'hôpital, Sélène était dans le lit à côté. Elle dormait mais on voyait qu'elle avait pleuré et comme son bras pendait sur le côté, Faivre se dit qu'elle avait dû lui prendre la main.

Maréchal avait obtenu une meilleure chambre. Il passa deux jours, le temps d'examiner ses contusions et de surveiller une fracture au poignet. Comme c'était sa main droite qui était cassée, il dicta ses rapports à Clarine, dès son retour au bureau, le surlendemain. Il avait dormi dans l'appartement froid, qu'il ne chauffait pas, comme pour marquer que Nelly n'était pas là.
- "Alors que l'inspecteur Faivre tenait d'interpeller Fabio Vicari, virgule, ce dernier a été abattu par son garde du corps, point. L'inspecteur Faivre s'est alors protégé, point. Un échange de tirs s'en est suivi, virgule, qui s'est soldé par la mort des deux hommes, point." L'histoire classique, ajouta-t-il en écrasant sa cigarette, de l'homme de main qui voulait prendre la place du chef. Voilà, vous tapez en trois exemplaires, pour bien encombrer les archives des crânes d'oeufs du quai...
Maréchal soupira, comme un étudiant mécontent de sa copie. Lanvin raconterait à peu près la même chose, en moins bien écrit... Les deux inspecteurs savaient que l'odieux Petitdieu arrangerait tout cela. Ce n'était que peu de choses par rapport à tout ce qu'il avait sur la conscience, à commencer par ce ballon blindé qui venait éliminer tous les témoins de l'affaire.

Deux jours plus tard, tout le quai des Oiseleurs était réuni dans la grande salle de réception de TRIBUNAL, pour le départ en retraite de Ménard. Le chef de la police fit un beau discours :
- C'est après une carrière exemplaire, cher Ménard, qui vous a vu successivement occupé la place de secrétaire de poste de quartier, de détective, d'inspecteur, et enfin de commissaire de la prestigieuse brigade criminelle...
Maréchal n'osait pas regarder vers le pupitre. Il se demandait comment appeler Nelly.
- Commence par l'appeler, avait dit Lanvin.
- Et c'est avec émotion, cher collègue et ami, que nous célébrons aujourd'hui le départ du meilleur d'entre nous...
Maréchal dut quand même se mettre dans la file pour aller serrer la main au vieux commissaire. Les deux hommes eurent une poignée ferme et croisèrent leurs regards le moins longtemps possible. Ensuite, Maréchal but un verre ou deux, beaucoup moins que tout le monde et ensuite, il s'en alla, alors que la fête ne faisait que commencer. Il s'arrêta dans une brasserie presque vide, repoussa gentiment une fille qui demandait qu'on lui paye à boire. Les autres étaient sincèrement émus. Lehors s'installait déjà dans son nouveau fauteuil de commissaire. Petitdieu demandait un départ à la retraite anticipé. Lui partirait par la petite porte, par le soupirail !... Et on ferait passer les dératiseurs dans son bureau avant de le donner à un autre inspecteur !
- Pas ce soir ma chérie...

Il redescendit à Névise par les marches raides, vertigineuses, dans le brouillard perpétuellement stagnant de la pente, et ce ne fut que lorsqu'il fut attablé chez Gronski, qu'il retrouva un peu le sourire.
- Le match de boxe est à l'eau, mon pauvre ami.
- Ah, écoutez, tant pis... Ça m'a fait plaisir de m'y remettre. Et puis, maintenant, Turov veut continuer l'entraînement ! Je ne vais pas abandonner comme ça. Il faut qu'il travaille son droit, il est trop hésitant. Dites, c'est vrai que le fameux commissaire Ménard part à la retraite ? Mince de nouvelle, on avait l'impression qu'il faisait partie des meubles, qu'il était là pour toujours !
- Ah, c'était un personnage !
- Allez, tiens, on va boire un coup pour lui... Je vous ai déjà dit que je l'ai déjà rencontré ? Enfin, rencontré... Il menait une descente et moi j'étais un client ! Il m'a invité à passer la nuit à la "maison" !
- Vous savez Gronski, comme on dit chez nous : si tu n'as pas eu des ennuis avec le commissaire Ménard, tu as raté ta vie !
- Ou que tu es un ange !
Ils trinquèrent :
- A Ménard !
Heureusement, le vin était excellent, cela aida à faire passer le goût. Il eut du mal à se lever de son tabouret.
- Non, merci, ça ira...
Chez lui, il but encore un verre, avant de descendre chez la concierge appeler Nelly.

Il parlementa longuement, dans le noir après que la minuterie se fut arrêtée. Il s'était assuré que la concierge ne viendrait pas écouter à la porte. Elle était en train de siroter un alcool fort dans sa cuisine grise et bleue, dans l'air froid qui sentait encore la soupe et les croquettes pour chats.
Maréchal raccrocha presque une heure après. Nelly arriva encore plus tard dans la nuit. Maréchal avait laissé la porte de l'appartement ouverte. Il fumait dans l'obscurité depuis des heures. Nelly toussa en entrant et ouvrit en grand les fenêtres. Le quartier était admirablement paisible ; on entendait que le clapotis de l'eau du canal et le grésillement des réverbères.
- Je m'en veux de t'avoir parlé ainsi Nelly...
- Moi aussi je me suis mal comportée. Pourtant, nous ne sommes plus des enfants, Antonin.
- Non, mais nous nous sommes comportés comme tels...Moi le premier... Alors que je n'ai plus l'âge des vulgarités des gamins des rues, ni de leurs rêves...
- C'est vrai, mais des rêves, nous pouvons en avoir d'autres. Des rêves d'adultes cette fois, pour faire une nouvelle vie.
- Tu as raison. Tu sais, j'ai bien réfléchi à ce que je te disais sur la police, le système... Je ne vais pas finir ma carrière à ce poste. Je vais changer de situation, trouver un autre moyen de gagner ma vie.
- C'est sûrement mieux ainsi. Je ne te voyais pas finir en petit citoyen servile et discipliné.
- Je suis résolu à gagner ma vie honnêtement, Nelly, mais pas par résignation. Par courage. J'ai arrêté suffisamment de canailles pour toute la lâcheté qui se cache derrière leurs airs bravaches.

La nuit prenait bientôt fin. L'allumeur de réverbères allait bientôt passer pour ranimer les flammes. Ils passèrent un trop court moment au lit, fatigués de chagrin et de bonheur à la fois.
Quand Nelly se réveilla, elle entendit Antonin qui sifflotait dans sa douche. Le laitier faisait sa tournée. La compagne de Gronsky jetait des ordures dans le canal. Des gamins jouaient à la marelle sur le quai. Le vieux funiculaire grinçait au départ.
Comme il se rasait, Antonin, les joues pleines de mousse, sentit le bon café.
- Quand je pense que pour commencer la journée, je vais devoir passer un savon à Faivre. Un savon noir !
- Tu lui as sauvé la vie.
- Ce que je ne comprendrai jamais, c'est comment il a pu survivre à sa chute... Lui-même dit qu'il n'en sait rien. Tu n'as pas d'idée toi ?
- Moi ? Voyons, comment je saurais ?
Maréchal sourit, mais pas trop, il avait peur de se couper. Nelly lui caressa les joues et lui tendit une tasse bien pleine. Il la dégusta en regardant Gronsky partir au marché. Clarine arrivait à pied par les ruelles.
- Allons, j'y vais.
Il enfila son imper, mit son écharpe et son chapeau. Il se jurait que ses jours dans cette brigade étaient désormais comptés. Il allait trouver un échappatoire sous peu.
- Comment allez-vous Clarine ?
- Bien, merci.
Elle devait encore souffrir mais luttait de toutes ses forces pour redevenir normale le plus vite possible.
- Je m'enferme dans mon bureau. Vous m'envoyez Faivre dès qu'il passe la porte.
- D'accord.
- Vous direz à Morand et Turov que je viendrai avec le martinet tout à l'heure, vérifier où ils en sont de leurs rapports. Menacez-les du bagne s'ils n'ont pas terminé. Qu'ils soient contents de faire des travaux sous ma direction bienveillante.
Clarine savait ce que cela voulait dire : le chef était de bonne humeur.

Maréchal entreprit de ranger ses étagères. On ne pouvait pas dire qu'elles débordaient de dossiers mais c'était déjà le désordre. Il retrouva des dossiers du commissariat de Mägott-Platz, et les feuilleta, amusé. A relire ses rapports, il les crut écrits par un gamin, et ses enquêtes, bâclées, les interrogatoires, menés au petit bonheur la chance...
On frappait.
- Entrez... Oui, asseyez-vous, inspecteur.
Faivre obéit, massif, d'apparence calme. Résigné mais pas mauvais comme une bête humiliée.
- Bon, nous n'allons pas nous mentir, Faivre. De vous à moi, vous pouvez tirer un trait sur tout avancement.Que ce soit sous mon autorité ou de n'importe quel supérieur, vous êtes grillé. Personne ne vous donnera jamais de justifications pour refuser une promotion, mais il sera inutile de la demander. Elle ira toujours se perdre dans les tuyaux.
- Je l'accepte comme tel.
- Et dans l'immédiat, vous écopez de trois semaines de mise à pied. C
- Je comprends, dit Faivre, un peu trop enfoncé sur sa chaise, la tête rentrant doucement dans les épaules.
- Bon. C'est le minimum que je dois vous infliger d'après le code, si je veux rester dans les clous. Sans quoi, j'ai nos chers amis du Comité d'Arts et Fêtes qui débarquent dans l'heure.
Cela dessina un petit sourire sur le visage de Faivre. Il n'en fallait pas plus pour Maréchal.
- Votre mise à pied prend effet immédiatement.
- Entendu.
Comme Faivre allait se lever, Maréchal dit :
- Moi aussi, je sais ce que c'est que l'envie de se venger, Gustave. Naguère, j'y ai cédé. Seulement, même là-dedans, il faut y mettre une certaine mesure. Votre réponse n'a pas été proportionnée et ADMINISTRATION a horreur des excès vous le savez. Surtout des excès en public. Vous avez été en un sens bien inspiré de penser aux Filets, Faivre, l'endroit le plus isolé de la Cité. Partout ailleurs, le bain de sang qui s'en est suivi vous aurait valu vingt ans de Château.
- Bien sûr. Mais maintenant, je me suis vengé, je n'en demande pas plus. Je n'ai pas de regrets, mais pas envie de recommencer.Vous savez, dans le temps, j'avais un mentor qui me disait : rends tout personnel.
- Tout ce qu'on fonctionnaire assermenté ne doit pas faire, en somme.
Faivre mit son manteau.
- Je vais vous donner la carte d'un médecin qui pourra être de bon conseil pour vous : le docteur Heims.
Faivre regarda la carte :
- Un psychologue ? Comme ?...
Du menton, il désignait Morand.
- Lui est un vrai médecin et une gloire montante de l'université.
- Alors j'irai écouter cette sommité.
- Ce sera à vous de lui parler.
Comme l'inspecteur mettait son chapeau noir, qui complétait son ensemble noir qui lui donnait un air de croque-mort, il demanda à Maréchal :
- Vous avez des nouvelles concernant ce ballon non-identifié ?
- Non, aucune information ne nous est parvenue à ce sujet.
Maréchal ne se levait pas pour le raccompagner. Ce n'était pas de circonstances.
- Mais je vais aller prendre des informations très prochainement, inspecteur.
- Des informations à la "source" ?
- Oui.
Et Maréchal lui montra une carte d'invitation qu'il venait de recevoir de la part du comité des Arts et Fêtes.


¤

C'était la salle secondaire du grand Opéra machinique. Devant la porte matelassée de cuir bordeaux, deux forts beaux spécimens d'agents d'OBSIDIENNE.
- C'est vous la nouvelle troupe de l'opéra ?
Maréchal dut passer à la fouille.
- Vous savez, c'est des spectacles sérieux ici. On n'est pas au cirque ici, on n'a pas besoin de clowns.
- Vous pouvez entrer.
A part la femme de ménage qui nettoyait la scène, il n'y avait, parmi la mer de fauteuils rouges, assis au quatrième rang, que Jonson. Les rares lumières allumées étaient tamisées.
- Entrez donc, inspecteur.
- C'est vous le nouveau metteur en scène ?
- Je n'ai pas tellement de goûts pour les pitreries scéniques, Maréchal. Je m'occupe d'organiser la vie de la Cité, une charge autrement plus lourde que celle de diriger quelques saltimbanques dans leurs vocalises.
- Tiens donc, j'aurais dit que pour vous, c'était pareil.
- Moi je n'ai pas le droit à l'erreur.
- C'est vous qui dirigez toute la Cité, Jonson ?
- Non, Maréchal, voyons... Nous ne sommes que des rouages. Vous le savez bien. Mais si vous voulez parler opéra, je puis vous dire que vous aurez un rôle important dans la prochaine distribution.
La femme de ménage était parti. Des ouvriers venaient installer un grand écran blanc en fond de scène.
- Personne ne pleurera les Vicari, Maréchal. Tant pis pour Faivre, il sert de fusible dans cette affaire, mais il l'a bien cherché. Ceci étant fait et bien fait, nous passons à la suite des opérations. Nous attaquons le gros gibier. Je veux parler de la Chimère.
- A ce sujet, je voulais vous parler des nouvelles formules de survol des Filets en ballon-taxi. Vous savez à qui il faut s'adresser ?
- Toujours à la Chimère, inspecteur.
- Cela semble un peu facile de me sortir de votre chapeau une créature imaginaire.
- Allons, Petitdieu m'a dit qu'il vous en avez parlé.
- Ah, il vous l'a rapporté. Sacré Petitdieu, à combien de râteliers mangent-ils ?
- Petitdieu a fait son temps. Nous, nous allons mettre fin à la gabegie engendrée par le marché noir. Nous allons nous concentrer sur un des dirigeants de la Chimère. Et croyez-moi, les ordres viennent de très, très haut.
- Trop haut pour nous ?
- Vous avez pris du galon, soyez conscients de cela. Mais attention : si vous dérapez, plus dure sera la chute.
- Bon, qui est votre suspect ?
- Un homme dont nous ne savons pas s'il est encore en vie.
- On part à la chasse aux fantômes, quoi !... Notez que sur le fond, je suis d'accord pour mettre fin à la criminalité organisée, et soutenue par les notables. En fait, je m'inquiète même d'être d'accord avec vous.
- Là réside l'intérêt de notre doctrine de la Concorde Sociale : mettre tout le monde d'accord. Elle permet le consensus et ainsi, réaffirme l'autorité des lois d'airain promulguées par ADMINISTRATION.
- Me voilà rassuré, nous ne sommes plus d'accord. Je n'ai jamais tenu ce système pour une fin en soi, mais simplement comme un moyen de faire coexister pacifiquement les gens.
- Vous vous trompez, parce que vous n'avez qu'une vision tout à fait fragmentaire de la totalité du système.
- Je croyais que vous aussi, vous n'étiez qu'un rouage. Vous avez l'air d'en savoir beaucoup.
- Assez pour rester humblement à ma place.

Un opérateur arrivait au balcon et y installait un gros engin, avec une roue sur laquelle était enroulée une grosse pellicule. Le technicien braqua le canon de l'engin sur l'écran blanc qui recouvrait tout le fond de scène.
- La dernière invention, développée dans nos laboratoires pendant la guerre. Vous allez voir, sous peu, cela va faire faire un bond en avant à nos techniques de surveillance. Des enregistrements d'images animées. La reconstitution parfaite du mouvement.
Des tâches lumineuses apparurent à l'écran, des zones grises, des mouvements de noirs, des craquements, des flous...
Jonson se leva :
- Allons, j'ai à faire. Je vous laisse, mais souvenez-vous, inspecteur : des rouages, rien que des rouages, voilà ce que nous sommes, dans la machine la plus complexe de l'univers ! Bien loin devant le cerveau humain ! La machine totale d'harmonisation de la Cité d'Acier !
Maréchal se leva :
- Comment pouvez-vous supporter de n'être qu'une pièce de la machine ? D'être rivé à votre fonction, comme le dernier des OS qui visse des boulons toute la journée ? Moi, j'ose encore rêver à un progrès.
Jonson ouvrit la porte matelassée :
- On ne me paye pas pour rêver. Bonne soirée, inspecteur.

Maréchal se rassit. Sur l'écran, les tâches avaient pris consistance. On voyait la grande gare des Célestes, une chromatographie géante qui recouvrait tout l'écran. L'image tremblait légèrement, mais on reconnaissait parfaitement le bâtiment, presque grandeur naturelle. On était sur le quai numéro quatre, d'après le panneau d'affichage. Maréchal crut qu'il avait la berlue, car il lui semblait voir remuer des passagers au fond du quai. De la vapeur arrivait de l'horizon, une locomotive apparaissait, minuscule, si minuscule et grandissait, peu à peu, entrait à quai, envahissant toute l'image, dans un dégagement de fumée expulsée de ses circuits titanesques, énorme bête d'acier qui menaçait de crever l'écran et de traverser tout l'opéra machinique.




FIN DU DOSSIER


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#13
Sur l´écran noir de mes nuits blanches,
Moi je me fais du cinéma
Sans pognon et sans caméra,
Bardot peut partir en vacances:
Ma vedette, c´est toujours toi.

Pour te dire que je t´aime, rien à faire, je flanche:
J´ai du cœur mais pas d´estomac
C´est pourquoi je prends ma revanche
Sur l´écran noir de mes nuits blanches
Où je me fais du cinéma.

Sur l´écran noir de mes nuits blanches,
Où je me fais du cinéma,
Une fois, deux fois, dix fois, vingt fois
Je recommence la séquence
Où tu me tombes dans les bras...

Et je t´emmène au cinéma...
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#14
Tain j'avais du retard biggrin

C'est toujours un plaisir à lire, avec ces beaux persos torturés, bravo smile

Joli clin d'oeil sur l'entrée en gare de La Ciotat biggrin
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