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1er Episode : Sur les routes
#21
Et ils y allèrent pour faire parler la foudre tresfache


... enfin pas du premier coupWhistle
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#22
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE

Résumé : Rintaro envoie ses deux hommes de mains, Manji et Katon, réclamer de l'argent à un chef de gang concurrent...


Une heure plus tard, Katon et Manji étaient de retour chez Patron-san.
- Alors ? demanda celui-ci avec avidité. Vous avez l’argent ?
- Oui, patron. Tenez…
- Magnifique !
Rintaro se précipita sur la bourse remplie de piécettes...

Les deux samuraï avaient suivi le plan laissé par "Patron-san", pour aboutir à l’autre bout des bas quartiers de la Cité du Cri Perdu. C’était le territoire d’un autre gang, celui de Reijiro. L’établissement qu’il tenait ressemblait assez fidèlement à celui de Rintaro, de même que le personnel à l’intérieur et la clientèle... mais puisque Rintaro disait que Reijiro, contrairement à lui, était une fripouille, il n’y avait pas de raison de ne pas le croire…

Poliment, les deux rônins se présentèrent à la porte.
- Nous venons voir votre patron. De la part du seigneur Rintaro.
- Du « seigneur » Rintaro ? dit le garde en grimaçant.
- Tout à fait. Pour une affaire qui paraît urgente.
De nouveaux hommes de mains approchaient.
- Ils disent qu’ils veulent voir le patron.
- Je vais voir, dit l’un d’eux, un borgne édenté.
Il revint peu après et fit signe de faire entrer les deux visiteurs.
Manji et Katon auraient presque pu se repérer les yeux fermés dans la maison, tant elle était bâtie comme celle de Rintaro. Mais attention : ils n’étaient plus chez un honnête chef de gang, mais chez une véritable fripouillle !
Reijiro était un petit homme au teint huileux, grassouillet, avec ses petits doigts replets, en formes de serres.
- Que désirez-vous ? murmura-t-il.
- Hé bien voilà, expliqua Manji, nous venons de la part du seigneur Rintaro. Il nous dit que vous lui devez la somme de…
- Cinq kokus, dit Katon.
- Oui, c’est ça, cinq kokus. Donc nous sommes venus les chercher.
Reijiro les contempla avec un certain étonnement.
- Vous êtes nouveaux à son service, non ?
- Oui.
- Il a dû se tromper. Il y a longtemps que je ne dois rien à personne. Surtout pas à Rintaro.
- Il doit y avoir erreur. « Patron-san » nous a dit que vous lui deviez cinq kokus. Nous ne pouvons pas repartir sans.
C’était dit sur un ton placide, amical.
Reijiro toussota, gêné pour ces deux malheureux naïfs.
- Ecoutez, je vous le redis, je ne dois certainement pas cinq kokus à Rintaro. Je ne sais pas si vous réalisez quelle fortune cela représente.
- Nous savons juste que vous lui devez cinq kokus. Il nous les faut, maintenant.
Manji l’avait dit d’une voix si neutre, si détachée qu’il passait pour un simple d’esprit aux yeux de la bande à Reijiro, qui ricanait dans son coin. Quels ahuris Rintaro avait-il dégottés ?
- Bon, écoutez, mon temps est précieux, alors je vais vous le dire une dernière fois : je ne dois rien à « patron-san », d’accord ?
- Si. Vous lui devez cinq kokus. Nous ne repartirons pas sans.
Les hommes de main s’approchèrent :
- Bon, il va falloir y aller, maintenant.
Les deux samuraï approchèrent la main de leur fourreau.
- Nous ne partirons pas sans cette somme, dit Manji, d’un air bien moins avenant, en fixant soudain Reijiro droit dans les yeux.
Le patron de gang tourna sa petite langue sur sa lèvre, toussota et dit :
- Très bien, très bien… Vous avez peut-être raison… J’ai pu oublier… Cela arrive à tout le monde, n’est-ce pas ? Allons, tenez…
Il sortit de ses amples vêtements une bourse pleine de piécettes.
- Voilà la somme demandée.
Il était tout sourire.
- Très bien, dit Manji.
Le rônin la rangea dans son kimono et se leva, imité par Katon.
- Au plaisir, messieurs, dit Reijiro, prévenant, impatient de mettre à la porte ces deux gogos.
Quand les deux samuraï eurent tournés le dos, Reijiro et ses hommes s’esclaffèrent à s’en taper sur les cuisses.
- Cinq kokus ! Ce fou me réclame cinq kokus ! et il envoie ces deux abrutis ! Il peut bien se les mettre où je pense, ses kokus !

Rintaro prit la bourse des mains de Manji, impatient et l’ouvrit. Il en répandit le contenu à terre. Distraits, les deux samuraï regardaient ailleurs, alors que la perspective de voir une pareille somme aurait fasciné n’importe lequel des habitants des bas quartiers !
En vitesse, Rintaro compta les piécettes, puis dit :
- Vous êtes allés chez Reijiro ?
- Oui, lui-même, patron.
- Reijiro le chef de gang ?
- Oui, un petit grassouillet.
- C’est bien ça. Et vous lui avez demandé combien ?
- Cinq kokus, dit Manji.
- Cinq kokus, d’accord…
Rintaro recompta précisément les pièces.
- Et il vous a dit qu’il vous donnait cinq kokus ?
- Il a accepté de nous donner l’argent qu’il vous devait.
- C’est bien cette bourse-là qu’il vous a donnée ?
- Sûr et certain, patron.
- Bien, bien, bien… Rappelez-moi une chose… Les samuraï comme vous, ils ont un certain code… Enfin, un sens de l’honneur, quelque chose comme ça ?
- Oui, tout à fait. Le code du bushido et ses sept vertus définissent le samuraï.
- D’accord, très bien. Donc ce code d’honneur, entre autres, vous ordonne d’obéir à votre supérieur ?
- Oui.
- Et aussi de vous venger de ceux qui vous ont fait un affront ?
- Oui. Il peut arriver qu’un samuraï en tue un autre parce qu’il l’a insulté.
- Insulté, par exemple ?
- Par exemple en diffamant ses Ancêtres, ou sa famille…
- D’accord, fit Rintaro. Alors maintenant, imaginons que la somme que vous a donnée Reijiro n’est pas exactement celle que je demandais… Vous en diriez quoi ?
- Que cela ressemble fort à une insulte. S’il n’a pas rendu ce qu’il devait, c’est déshonorable.
- Il y en a en tout et pour tout pour 1 bu et 38 zénis. En petites piécettes...
- Ce n’est pas pareil que cinq kokus, admit Manji. Ca ne les vaut pas ?
- Non, pas tout à fait, dit Rintaro. Pas tout à fait… Disons même que Reijiro s’est bien moqué de vous, et donc de moi, en vous donnant moins du centième de ce que je lui réclamais !
- Il s’est moqué de nous tous ?
- Oui, fit Rintaro, qui n’y tenait plus, et c’est une telle insulte que vous devriez penser aux pires insultes qu’un samuraï peut faire à un autre et vous dire que c’est la même chose que cette fripouille vient de faire à un honnête commerçant tel que moi !
Il avait fini par hurler !
- Vu sous cet angle, admit Manji, c’est assez grave…
- Donc vous savez ce que vous allez faire ? Vous allez retourner voir Reijiro, en utilisant s’il le faut vos jolis sabres pour vous tailler un passage jusqu’à lui, et vous allez me ramener pour de bon cinq kokus ! Cinq ! Compris !...
Il se leva, ouvrit un coffret et en sortit une plaquette métallique gravée de motifs complexes :
- Vous voyez, ça c’est un koku ! Un beau koku bien de chez nous, gravé par les forges des Ikoma ! Hé bien il m’en faut cinq comme celui-ci !... Alors vous allez prendre celui-ci comme exemple et vous en servir pour comparer avec l’argent de Reijiro ! Et vous allez donc me ramener cinq kokus en plus de celui-ci ! Compris !
- Haï, Rintaro-san !

Les deux samuraï s’inclinèrent ensemble, se levèrent et repartirent. Rouge, le front en sueur, Rintaro alluma sa pipe et se raassit. Fujio, son gros vigile arriva, avec un briquet et l’aida à allumer sa pipe.
- La peste de ce Reijiro ! Qu’il crache au bassinet maintenant !
- J’ai entendu la discussion, patron, dit Fujio. Je me demande, après tout, si ces deux-là sont bien capables de vous servir. Ils n’y connaissent rien au monde de la rue. Ils se sont fait blouser comme des fillettes par Reijiro, qui doit bien rire de vous, maintenant.
- Tu as raison, Fujio, mais deux rônins qui ne se font payer qu’en bol de riz, ça ne court pas non plus les rues.
- Franchement, s’ils sont aussi habiles au sabre que fins en affaires, ils vont se faire rosser par la bande à Reijiro. Ces types-là ne sont pas des rigolos…
- Tu as peut-être encore raison, mais après tout, tant pis ! S’ils sont trop stupides, ces deux rônins, je n’y peux rien !
- D’autant que Reijiro les attend de pied ferme…
- Que veux-tu que je te dise ? On ne va pas pleurer sur leur sort, hein… C’est pas pour les trois bols de riz qu’ils m’ont coûté que je vais regretter de les avoir engagés… J’ai peut-être eu tort de les renvoyer là-bas sans renfort, mais tant pis… On va mettre leur visite là-bas à profit pour réunir, ici, quelques hommes de confiance, et organiser un rendez-vous avec la bande à Reijiro. J’ai quand même envie de revoir mon argent ! Mais avant ça, allons manger ! Cette histoire m’a fatigué !

Samurai

Rintaro se fit servir par Fujio dans sa salle de restaurant vide. Il mangea plusieurs copieuses tranches de saumon au vinaigre, avec des légumes à la vapeur, des crevettes dans la friture, le tout arrosé d’un petit saké de derrière les fagots.
- Ah, par Ebisu, ça fait du bien par où ça passe !
Il avala deux autres petits verres de saké pour faire descendre ce bon repas et il vit alors qu’on soulevait le rideau d’entrée de la porte. Dans la lumière, il vit entrer les deux rônins, Manji et Katon.
- Nous revoilà, patron.
Eberlué, Rintaro repoussa sa bouteille de saké.
- Vous êtes allés chez Reijiro ?
- Oui.
Chacun des rônins portait un sac. Manji déposa le sien devant Rintaro en s’inclinant : le patron plongea les mains dedans et en ressortit cinq belles plaquettes gravées. Il eut de l’or dans les yeux :
- Mon argent ! Cinq kokus !
- Et voici le koku prêté.
- Merveilleux, les enfants ! Merveilleux ! Mais comment avez-vous fait ?
- La réponse est dans ce second sac, dit Katon.
Encore plus de kokus ?...
Rintaro le dénoua et y plongea aussi avidement les mains. A l’intérieur, il y avait du mou tiède. Rintaro hurla en découvrant ce que c’était.

Manji et Katon étaient repartis par le même chemin, remontés par ce que leur avait leur patron. On s’était donc bien moqué d’eux !
Quand ils arrivèrent dans le quartier de Reijiro, il faisait étrangement calme. Personne dehors.
Le vent grinçait en passant entre les panneaux mal fermés. Les volets claquaient. De la poussière passait à travers la rue.

Pas à pas, les deux samuraï avancèrent, leur regard se promenant sur tout le voisinage. Les gens s’étaient claquemurés chez eux. Soudain, une flèche passa juste devant les samuraï. Manji s’était reculé à temps et Katon s’était plaqué contre le mur.
Manji tira son katana et se fit une ouverture dans la mince cloison de la bâtisse. Il entra dans la pièce, où le tireur venait de lâcher son arc et tentait de sortir une machette. Manji lui trancha la gorge sans attendre. Un assassin embusqué derrière un meuble surgit, mais le rônin lui perça le ventre et ressortit sa lame par la gauche du cœur.
Dehors, Katon avait invoqué dans sa main son katana de feu. Avec le bruit d’une torche qu’on balance, il trancha un assaillant, puis un second. Sur un toit, un archer encochait. Katon le visa de son index gauche et une boule de feu partit en sifflant, frappa le tireur et l’embrasa. Hurlant, il alla s’écraser à terre.
Manji ressortait et continua sa marche aux côtés de Katon. Plus personne ne respirait dans le quartier. Ni ceux qui agonisaient ni ceux qui se cachaient.
Les deux rônins arrivèrent devant la maison de Reijiro, fracassèrent le panneau et se précipitèrent à l’intérieur. Katon n’aperçut pas un tueur dissimulé dans un recoin, qui lui sauta dessus. Mais Manji l’avait vu venir et lui asséner un coup mortel. Katon l’acheva proprement.
Les deux rônins firent le tour du bâtiment. Ils virent une porte de derrière, encore ouverte. Ils coururent au-dehors.
- Il n’a pas pu aller bien loin, dit Manji.
- Cette fripouille ! ricana Katon.
Les samuraï inspectèrent quelques rues. Soudain, ils entendirent quelqu’un détaler. Comme un lapin.
C’était le gros Reijiro, les bras chargés d’un sac. Posément, Manji et Katon le suivirent, pendant qu’il courait, suait, se prenait les pieds dans ses affaires, trébuchait et s’effondrait.
- Non, non, pitié…
Les deux samuraï avançaient. Manji dégaina son arme.
- Tu t’es moqué de nous, Reijiro-san…
- Ça va, ça va, prenez l’argent ! Prenez tout… Il y en a pour bien plus de cinq kokus ! Tout est à vous !
- Ce n’est pas la question, dit Katon en hochant la tête, l’air désolé.
- Il y a que tu nous a insultés, dit Manji. Et ça, nous ne le pardonnons à aucun prix.

Katon se pencha vers le sac de Reijiro. C’est vrai que c’était plein de kokus là-dedans. Il devait y en avoir des dizaines. Dédaigneux, le rônin en prit cinq et les glissa dans sa manche. Pendant que Manji faisait mine de rengainer son sabre, doucement et que Reijiro, soudain, devinait. Et Manji lui trancha la gorge au moment où le chef de gang allait se mettre à hurler.

Rintaro hurla en sortant la tête du sac ! La tête de Reijiro, figée dans son dernier cri !
La tête roula par terre et Rintaro avala deux coupes de saké. Il en eut les larmes aux yeux !
- Par Ebisu !
Il toussa et cracha.
- Asseyez-vous !...
Il n’en croyait pas ses yeux. Cinq kokus et la tête de Reijiro !
- Je savais bien que je ne me trompais pas en vous engageant, tiens ! Fujio, amène la bouteille de soshu ! Nous allons fêter ça ! A la santé de cette andouille de Reijiro !
Et on trinqua plusieurs fois devant la tête qui, en saignant, prenait une mine contrite.

A suivre...Samurai
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#23
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE

Pendant que Manji et Katon découvraient la vie dans les bas quartiers de la ville, des évènements agitaient le palais de la famille Ikoma.
Le capitaine Otomo Jukeï, envoyé spécial du shinsen-gumi s’était fait annoncer et avait été reçu par le gouverneur de la Cité. Depuis plusieurs jours, les rumeurs couraient, colportées par les marchands et par des courriers officieux de dignitaires locaux, que le Gozoku envoyait un de ses agents. Les nouvelles étaient remontées jusqu’au gouverneur de la Cité du Cri Perdu. On disait que ce seigneur Otomo venu de l’Est était passé par le château ancestral de la famille Akodo, où il avait été fraîchement reçu.
Prévenu de cette visite, le gouverneur Ikoma Mondô avait réuni ses fidèles conseillers. Ceux-ci apprirent à leur seigneur de quoi il retournait :
- La capitale nous envoie un de ses chiens de chasse. Et Otomo Jukeï est l’un des plus féroces dans son domaine.
- Mais que cherche-t-il exactement ? s'inquiétait le Gouverneur.
- C’est un collecteur d’impôts, avant tout mais dans ce champ, il n’a pas moins d’acharnement qu’un Inquisiteur. Le Gozoku a engagé des dépenses formidables, seigneur. Ces dernières années, des emprunts extraordinaires ont dû être faits à certaines familles noble qui sont au mieux avec les corporations de marchands. Les Yasuki entre autres. Emprunts nécessaires pour financer le train de vie somptuaire de la cour impériale. Les caisses impériales sont vides, seigneur. Si cela continuait ainsi, l’Empereur devrait vivre comme un roturier…
- Allons, qu’osez-vous dire ?
- La vérité, Mondô-sama. Les dirigeants du Gozoku mènent la grande vie, sous couvert de lutter pour redresser la situation de leurs clans. Mais il y a bien longtemps que la triade dirigeante a retrouvé sa splendeur d’antan. La sécheresse n’est qu’un mauvais souvenir.
- Maintenant, disait un autre conseiller, ce n’est que débauches de fêtes, luxuriance… Et nous autres, du Lion, sommes considérés comme de grosses vaches à lait. Cet envoyé du Gozoku vient pour nous traire, cela ne fait pas un pli…
- Ils vont fouiller nos comptes, jusqu’au moindre petit papier, la moindre note de teinturier… Pour savoir si nous acquittons bien les sommes exigées. J’ai entendu parler du traitement humiliant réservé aux réfractaires et aux mauvais payeurs.
- Comment un samuraï aurait-il le droit de traiter des membres de l’Ordre Céleste de cette façon ? dit le gouverneur. Pour des histoires d’argent !
- Il le fait, seigneur.
- Et le seigneur Otomo Jukeï est accompagné d’une garde sinistre, de bretteurs d’exception, qui ont le goût du sang. Sur la route, ils aiguisent leurs lames contre de braves villageois ou parfois contre les rônins qui hantent les routes. Certains de ces membres du Gozoku pourraient demain servir dans la garde secrète de l’Empereur…
- Bien, je vois, soupira le Gouverneur. Mais au juste, qu’avons-nous à nous reprocher devant ce percepteur impérial ? Puisque c’est bien de cela dont il s’agit…
- Justement, il y a un bien un problème, seigneur. Et qui risque d’aiguiser les appétits d’Otomo Jukeï-sama. Un problème avec la recette de l’impôt de cette année…
- Un problème ? frémit le Gouverneur. Et pourquoi, pouvez-vous me le dire, ne pas en avoir parlé plus tôt ?
- Nous pensions régler ce « problème » rapidement, seigneur. En douceur… Mais la venue de Jukeï-sama va nous compliquer la tâche, et nous obliger à accélérer.

Le soir-même, le shinsen-gumi faisait son entrée dans la Cité du Cri Perdu.
Or, à la réception donnée par le Gouverneur, les regards ne se dirigèrent pas tant sur l’envoyé du Gozoku que sur sa compagne. Une troublante jeune femme tatouée, fort maquillée, richement vêtue. Cette favorite éblouissait par sa beauté simple, que rehaussait son apparat. Cet apparat rendait même cette beauté agressive. Elle parlait peu, comme il convient à une grande dame, et le seigneur Jukeï l’exhibait comme un bijou éclatant. C’était sa conquête, qui l’avait jeté dans une ivresse de bonheur difficilement concevable, et l’avait rendu d'une jalousie aigüe. Il attendait de pouvoir envoyer ses bretteurs contre celui qui aurait regardé avec trop d'insistance sa favorite. Du temps où il était encore marié, Jukeï n’aurait jamais cru qu'on pouvait être à ce point subjugué par une femme.
Maintenant, Maya, cette pauvre novice violée sur le chemin, était devenue sa princesse, l’idole de ses rêves.

Samurai

- Les enfants, branle-bas de combat !
La lettre que Rintaro venait de recevoir lui brûlait les doigts !
- Un ennui, patron ? demanda Fujio, placide.
- Un ennui ? Un ennui ?...
Rintaro ne se contenait plus ! Pourquoi le monde entier n’entrait-il pas en effervescence à l’instant ? Lui, un petit patron d’un établissement honnête et sérieux ! Recevoir une telle demande !...
- Un problème ? demanda Katon, qui finissait son tour de garde à la porte.
- Un problème ? Tu me demandes si j’ai un problème !
Il levait yeux et bras au ciel !
- Qu’Ebisu, fortune du travail honnête, nous protège !
- Mais enfin quoi donc, patron ? demanda Fujio.
- Oui quoi ? dit Manji. Un souci ?
- Regardez ! mais regardez !...
Rintaro brandissait la lettre au cachet de cire.
- L’insigne impérial ! Vous n’avez donc rien entendu ?... De nouveau en ville ?
- Vous savez, dit Fujio, nous, on garde la porte…
- Un important seigneur de l’Est est arrivé en ville, les enfants ! Un envoyé direct de la capitale ! Un émissaire de l’Empereur !
Le patron était dans tous ses états ! Jeté hors de ses gonds !
- Et-il-vient-dî-ner-chez-nous !... Alors branle-bas de combat, vous comprenez !
- Le mot est faible, s’écria Fujio.
De l’histoire de la Fleur du secret, et de l’honorable gang de Rintaro, c’était la première fois qu’un tel hôte de marque se présentait !

La première émotion retombée, Rintaro reprit des airs loustics.
- Ça va en faire du bruit, ça les enfants… Oh, ça va en faire du bruit… « Ils » vont être jaloux… Malades de jalousie…
Il se frottait les mains vigoureusement, tandis que les équipes commençaient à s’agiter en tous sens ; c’était parfaitement stérile, bien sûr, mais il fallait bien montrer qu’on entrait dans le mouvement !
Les nettoyeuses se mettaient à frotter, on changeait les draps des chambres ; Fujio, dans son rôle de souteneur, sortait les verges pour donner un bon coup de sang aux filles.
Et Rintaro entamait la tournée de ses succursales, toujours en se frottant les mains. Il passait brusquement de la satisfaction éhontée à l’inquiétude rageuse.
- Rien n’est prêt ! Vous allez tout me foutre en l’air à être si bordéliques ! Marre de fréquenter des branquignols comme vous !... Qui m’a fichu une telle troupe de bras cassés !... Allez, pressez !
Puis il était pris d’émotion, et il se précipitait au temple de sa fortune tutélaire et il se perdait en prosternation pour cette grâce !
- Un dignitaire du shinsen-gumi !
Il voyait ses Ancêtres lui sourirent ensemble et le désigner de leurs doigts dorés et nuageux.
- Merci, merci…
Ses larmes coulaient à flot.
Il rentrait à la Fleur du secret et il voyait que rien n’était prêt. Il entrait dans une colère noire, criait, distribuait ses coups de bambou, puis se précipitait ensuite dans son bureau pour faire ses comptes…
Cette folle agitation dura deux jours complets.
A la porte arrière, Katon et Manji devaient s’écarter sans cesse pour laisser passer le petit personnel, les filles en pleurs à qui on parlait comme du poisson pourri, les serviteurs guère plus épargnés, les livreurs reçus en urgence ou encore les clients qu’on mettait dehors parce qu’ils gênaient les préparatifs, à occuper la salle !
- Dehors les soulards ! Vous irez vous rincer ailleurs ! Plus une goutte d’alcool pour vous ! Tout pour le shinsen-gumi ! Faites passer le message !... Régime sec jusqu’à demain soir !

Rintaro mangeait sur le pouce, n’importe comment. Par un invraisemblable effet de ce désordre généralisé, après deux jours de panique, de chaos, il sembla, deux heures avant l’arrivée des invités, que l’on était presque dans un état décent pour recevoir un émissaire du Gozoku !
- En position les enfants ! Chacun à son poste !
- Nous, de toute façon, on ne bouge pas, dit Katon.
Le soir tombait doucement, et les rues commençaient à fraîchir quand une troupe de samuraï de la famille Ikoma fit son entrée dans la basse ville. Cela n’arrivait habituellement pas. Mais ce soir-là, il était clair que les rues devaient être vides. Il régna vite une ambiance de mort. Les gens devaient se claquemurer.
La nuit avança et cette fois, on vit arriver des soldats de la famille Otomo, agressifs, conquérants, qui se dirigèrent directement vers l’entrée principale et, sans ménagement, écartèrent Fujio puis entrèrent sans se présenter.
- Bienvenue, seigneurs, fit Rintaro, courbé jusqu’à terre.
On ne fit même pas attention à lui. Les Otomo firent le tour des pièces, renversèrent des meubles, fouillèrent sous les lits, détachèrent des lattes, cassèrent des vases… Ils bousculèrent sans ménagement des servantes et des domestiques, puis repartirent comme ils étaient venus.
- Que tout soit remis en ordre pour l’arrivée de notre maître, aboyèrent-ils, du bout de la rue.

- Dépêchez-vous les enfants, souffla Rintaro.

Samurai

On rangea en silence l’établissement, comme si on craignait d’être entendu. Les rues demeurèrent inertes pendant presque une heure. La nuit avançait.
- « Ils » dînaient dans un grand restaurant près du palais, soufflait Rintaro. Ils vont prendre leur temps. Et en venant ici, ils auront déjà bien bu. Je connais un serveur là-bas, le beau-frère de mon cousin, qui va s’occuper d’eux ce soir… S’il travaille bien, il risque de repartir avec un joli pourboire, le salaud…
On n’osait plus lever la voix. Si jamais les Otomo rôdaient…

Rintaro, bouillant, fit un dernier tour pour régler les détails de dernière minute.
- Ils arrivent !
On ne sut pas qui le dit, mais ce fut dit… La délégation avait pénétré dans la ville basse et approchait de l’établissement de plaisir. Rintaro trépignait sur le seuil. Ils venaient nombreux : des dignitaires du palais Ikoma et les samuraï de famille impériale, avec leur blason du Gozoku. Rintaro avait demandé à Manji et Katon de se poster à la porte d’entrée, pas trop en vue, pour n’irriter personne.
- Entrez donc, seigneur Jukeï, dit l’un des Ikoma, qui se trouvait être le premier conseiller du gouverneur.
On était entre gens du monde, et tout le monde avait déjà bien bu au restaurant.
« Patron-san » se prosternait plus bas que terre.
- Rintaro est l’un des meilleurs amuseurs de la ville, disait le conseiller.
L’intéressé en avait les larmes aux yeux.
- C’est me faire trop d’honneur !
- Si tu es si amusant, amuse-nous donc, lança le capitaine Jukeï.
On lui parlait ! On lui parlait !

En retrait, Manji et Katon observaient du coin de l’œil les samuraï qui entraient. Leur regard fut tout de suite attiré sur la compagne du Gouverneur, d’une grande et glaciale beauté, dans ses habits d’apparats. Ils croisèrent alors son regard et la reconnurent sans peine. Et elle les reconnut aussi bien !
Pétrifié, Manji en passa par la plupart des tons de l’arc-en-ciel. Maya !...
Manji revit la soirée dans la Cité de la Forêt des Ombres, quand ils regardaient la plage ensemble !
Et maintenant, elle était là, vêtue presque comme une courtisane, aux côtés d’un agent réputé impitoyable du Gozoku, dont le loisir était de découper des rônin !

Déjà la délégation passait dans la grande salle où Rintaro s’affaira comme jamais.
Le rouge aux joues, Manji alla surveiller la porte arrière.
Katon aurait bien eu envie de rire, s’il avait vu Maya aux bras de n’importe quel autre samuraï de clan. Mais là, non !
Manji lui aurait bien craché au visage, à cette soi-disant vertueuse Ize-Zumi sur ses grands principes ! C’était la sagesse qui devait lui conseiller de devenir une poule de luxe !
Mort de dégoût, Manji ne sortit même pas en ville, dans la nuit, alors que Rintaro en avait donné l’autorisation. Il alla se coucher, dans sa chambre bien froide et son lit bien solitaire.
Il entendit les rires pendant une partie de la nuit et à l’aube, il put enfin trouver le sommeil, après avoir maudit des heures entières cette innommable traînée de Maya qui couchait avec l’Ennemi !

Samurai

- Tu t’es bien amusée ?
Le capitaine buvait un dernier verre avant l’aube, content de lui. Les dames de compagnie de Maya lui défaisaient lentement sa coiffure devant le miroir.
- Ce Rintaro doit être une fripouille de premier ordre mais il sait recevoir. Les Ikoma ont bien fait leur devoir… Ce doit être la première fois que tu te rends à une soirée comme celle-ci…
Maya n’arrêtait pas de repenser aux deux rônins, en retrait dans la pénombre. Le regard de Manji, surtout, l’avait transie.
Jukeï fit signe aux servantes de se retirer. Il s’approcha de Maya et lui prit le menton, en l’obligeant à le regarder.
- Tu n’as pas répondu… Moi j’aurais juré que tu ne t’amusais pas… Tu penses que ce n’est pas assez bien pour toi ? Que tu n’as pas encore assez de chance de m’avoir rencontré ?...
Maya ne disait rien et tentait de détourner le regard.
- Tu penses que tu étais mieux en petite novice crotteuse, à courir les chemins après ta prétendue « sagesse » ? La sagesse, c’est moi qui peux te l’apprendre. Ne l’oublie pas.
- Je te suis parce que j’y suis forcée, dit Maya, ferme, en réprimant un sanglot.
- C’est le début de la sagesse, cela, ma petite…
Maya se préparait déjà à passer au lit et à se laisser faire.
Mais Jukeï n’allait pas se coucher.
- Sais-tu pourquoi je suis venue ici ? demanda-t-il à voix basse.
- Non.
- Pour une affaire très grave, vois-tu. Le Gouverneur de cette Cité est en effet accusé de dérober une partie de l’impôt du au Trône d’Emeraude. Te rends-tu compte de ce que cela signifie ? Il peut être amené à pratiquer le seppuku et sa famille peut-être vendue comme esclaves, pour rembourser ses dettes. Je sais bien ce que tu penses de ces pratiques, depuis les hauteurs de ta sagesse pour petites filles… Mais cet argent doit aller à l’Empereur et à nul autre, comprends-tu ?
- Je pourrais t’aider, dit alors Maya, malicieuse, complice.
- M’aider ?
Jukeï, content, se resservit un verre.
- M’aider comment ?
- J’ai du flair pour trouver des indices. J’aime enquêter. Je crois que je connais certaines personnes dans la basse ville…
- Tiens donc, comme ces deux rônins par exemple ?
Maya ne répondit pas.
- Tu te demandes comment je le sais ?... Tu oublies qu’un officier du shinsen-gumi a pour principale qualité de savoir observer. Rien de ton manège ne m’a échappé. Seulement les rônins ne sont que des chiens galeux. Et moi je suis un grand seigneur, puissant, craint, détesté et envié. Tes deux rônins n’inspirent que la pitié, comme tous ceux de leurs espèces. C’est offenser les arbres que de les pendre à leurs branches… Tu comprends ?... Je voulais te rappeler cela, que les choses soient claires. Et maintenant, parle : que proposes-tu ?
- Je peux descendre en ville.
- Toi ?
Jukeï s'étonnait de la facilité de cette petite novice à passer de l'angélisme de sa position de victime, à la complicité la plus franche.
- Je peux éviter de me faire repérer en ville, en reprenant mes vieux habits. Sans mon maquillage, vêtue normalement, je ne serai pas reconnaissable.
- Tu prétends m’aider à prouver qu’il y a fraude ?
- Je sais écouter. Et observer.
Jukeï s’approcha d’elle et la regarda de très près.
- Tu commences à me plaire, toi...
Il la prit par les épaules et l'allongea doucement sur le lit.
Maya déglutit.

Le lendemain matin, démaquillée, la compagne du Gouverneur revêtait ses habits ordinaires. Elle ne ressemblait plus en rien à la radieuse et glaciale présence aux côtés du capitaine. Elle était redevenue l’étrange petite disciple des Ize Zumi.
Jukeï lui avait précisé ce qu’il attendait d’elle : « Le Gouverneur m’affirme que les kokus lui ont été dérobés alors que le coffre où ils sont collectés revenait d’une Cité voisine. Il dit qu’il met tout en œuvre pour les retrouver, mais je ne le crois pas capable de bousculer assez le demi-peuple pour cela. C’est un mou, qui a peur de sa populace. Toi, tu vas aller dans la basse ville, écouter les rumeurs et comprendre où les kokus peuvent se trouver. Alors nous serons en position de force face à ce Gouverneur, pour lui faire payer une lourde amende de retard. Il faut briser l’orgueil des Lions. Et les Ikoma ne sont que des faibles, en somme. Ils paieront les premiers. »

Maya partait enquêter dans les auberges de la basse ville. Le capitaine Jukeï lui avait laissé un koku impérial.
L’Ize-Zumi, encore peu rompue aux procédures d’enquête du shinsen-gumi, n’y alla pas par quatre chemins : elle rentra dans les auberges et montra sa belle plaque aux couleurs de la lignée Hanteï. Elle provoqua un certain malaise chez les patrons interrogés, qui la renvoyaient chez le voisin et se dépêchaient ensuite de fermer leur boutique. On la regarda bientôt avec des yeux ahuris : qui était cette folle, sortie de nulle part, qui se promenait avec une telle fortune en main ?
Et une fortune dont personne n’aurait voulu. Les kokus n’étant pas utilisables hors de la région où ils avaient été frappés. Et personne ne voulant être pris en possession d’un koku impérial !

Le premier soir de sa descente en ville, Maya créa une belle agitation. On savait désormais que le shinsen-gumi était prêt à descendre en ville s’il le fallait ! Dès qu’on eut compris au service de qui était Maya – et cela ne prit pas longtemps – on lui tourna poliment le dos.
Manji et Katon apprirent aussi qui était en ville et prirent bien garde de ne pas croiser le phénomène ambulant.
L’Ize-Zumi alla dormir dans la dernière auberge qui avait eu le malheur de ne pas fermer assez tôt. Elle déposa négligemment une certaine somme, donnée par Otomo Jukeï et monta dormir sans presque dire un mot.

Tôt le lendemain, une sinistre nouvelle se répandait en ville. Pendant la nuit, il y avait eu une tuerie dans l’un des gangs de ville, celui de Hotori. Rintaro fut stupéfait d’apprendre la nouvelle. Il connaissait Hotori depuis longtemps. C’était un chef yakuza qui ne provoquait pas de vagues. Un type bien.
Des témoins avaient vu une bande d’hommes rentrer, tard le soir chez Hotori et en ressortir peu après.
Manji et Katon se rendirent sur place.
- Il faut qu’ils aient été bons et rapides, pour tuer si rapidement…
Il y avait une dizaine de morts : Hotori, sa famille, et plusieurs hommes de mains.
- Les hommes de mains de Hotori n’étaient pas des petits rigolos, dit un témoin. Ceux qui se sont attaqués à eux devaient avoir du cran.
- Ils ont été tués à coups de katanas, dit Manji. Vous avez vu des rônins ?
- Nous n’avons pas vu grand’chose. Il faisait nuit. Ils portaient des manteaux. Ils sont repartis aussi vite qu’ils sont venus.

Maya passa un peu plus tard et fit sa petite inspection personnelle. Elle ne trouva pas de traces ni d’indices. Déçue, elle repartit, après avoir interrogé le voisinage. Le soir, elle informa le capitaine Jukeï de la tuerie.
- Hier, dit le capitaine, un membre de ce gang s’est présenté à l’entrée du palais, pour me dire qu’il avait des informations sur les kokus. J’étais absent. On ne l’a pas laissé rentrer… D’autres se sont vengés de lui. Ceux que cet homme venait dénoncer. Les coupables de la tuerie et du vol des kokus…
Maya écouta respectueusement. Elle dit qu’elle ferait de son mieux pour retrouver les coupables.

Dans la basse-ville, Rintaro écouta le rapport que lui firent Katon et Manji.
- C’est invraisemblable, répétait "Patron-san"… Nous ne pouvons pas laisser un tel crime impuni. C’est invraisemblable…

En fin de journée, il se retira dans sa chambre et en ressortit avec ses meilleurs habits.
- Les enfants, vous me suivez… Fujio, tu gardes la boutique.
Manji et Katon escortèrent leur patron à travers la ville, sans apprendre où ils se rendaient. Sur le chemin, beaucoup de gens reconnaissaient "Patron-san" et les regards qu’on lui lançaient étaient de natures diverses : parfois hostiles, parfois respectueux. Il laissait peu de monde indifférent, tout en affectant de ne pas voir ce qui se passait autour de lui. La mort de Hotori lui en avait quand même mis un coup !
On arriva devant une grande boutique, gardée par trois solides gaillards.
- Je viens en paix, dit Rintaro, sans aménité, mais d’un ton qui montrait qu’il n’avait pas de temps à perdre.
Manji dut laisser ses armes à l’entrée.
Ils furent reçus par un gros homme en kimono, entouré de deux charmantes filles peu vêtues.
- Salut à toi, Rintaro… Pourquoi viens-tu donc traîner tes socques chez moi ?
- Salut, Toshikondo. Je viens parler en paix, comme j’ai dit à tes hommes… Je pense qu’il est urgent de laisser de côté nos petites querelles…
- Je vois de quoi tu veux parler, vieux renard. Allons, suis-moi.
- Attendez-moi là, dit Rintaro à ses deux hommes.
Manji et Katon attendirent dans la grande pièce pendant que les deux chefs discutaient à côté, derrière un panneau.
L’endroit était luxueux et respirait le nouveau riche. De la décoration tape-à-l’œil : des vases et des tapisseries aux couleurs clinquantes.
Rintaro passa peu de temps en conversation avec Toshikondo. Les deux vieux grigous ressortirent, l’air content.
- Très bien, vieux renard, tu m’as convaincu…
- Merci, vieux singe, je savais que je pouvais compter sur toi.
Ils se saluèrent et Rintaro, rassuré, fit signe à ses deux gardes du corps qu’on pouvait rentrer.
- J’ai passé un accord avec Toshikondo, expliqua-t-il en rentrant. C’est indispensable, à présent. Après ce qui s’est passé… Il faut retrouver les fumiers qui ont fait ça. Entre dirigeants d’établissements de plaisirs, on va être obligés de se serrer les coudes…
« Dirigeants d’établissements de plaisirs… », C’était si bien dit…
- Après-demain ou dans trois jours, dit Rintaro à voix basse, avec des airs de conspirateur, on va organiser une grande rencontre entre tous les dirigeants de la basse ville. On trouvera le moyen de s’associer et on fera la peau à ceux qui ont tué Hotori… J’espère qu’il y aura du monde qui répondra à notre invitation !

Et il y en eut, du monde !
Il y en eut plus même que le nombre de personnes invités !

Alors que les chefs de gangs arrivaient avec leurs hommes chez Toshikondo, dans une ambiance très tendue, presque à couteaux tirés (tant il y avait d’inimitiés anciennes que tous s’efforçaient de laisser de côté), des guetteurs, dispersés dans la ville, affluèrent dans le bâtiment de la réunion en criant que les troupes du shinsen-gumi arrivaient !
Le shinsen-gumi ! Ces mots embrasèrent l’atmosphère !
Si encore il s’était agi des troupes du gouverneur Ikoma… Mais non, c’était directement la milice impériale qui arrivait en force !

Samurai

Les gardes du corps, réunis dans une même pièce, se précipitèrent pour chercher leur patron respectif. Ce fut une belle cohue : il y avait une dizaine de dirigeants, chacun venu avec deux ou trois hommes !
Dans la mêlée, Manji et Katon parvinrent à récupérer Rintaro.
- Barrons-nous, les enfants !
Déjà, on entendait le piétinement de la milice, qui se répandait comme une nuée de terreur dans le quartier. Des portes furent enfoncées, plusieurs commerçants arrêtés et trois exécutés sur place pour des gestes considérés insultants.
Katon resta auprès de Rintaro et l’emmena au pas de course vers la Fleur du secret. Manji surveillait les arrières. A un coin de rue, il fut interpellé : deux samuraï aux couleurs de la famille Otomo !
- Arrête-toi ! Rônin !
Manji hésita. Un autre samuraï Otomo arrivait dans l’autre direction. Katon, qui poussait son patron dans le dos, se retourna. Il hésita à préparer un de ses sorts.
- Arrête ! dit Rintaro. C’est de la folie ! Touche à un seul de leurs cheveux, et ils embrasent le quartier ! Ils n’attendent que ça !
Manji s’agenouilla, écarta les bras. Les deux hommes du capitaine Jukeï le soulevèrent et lui ordonnèrent d’avancer. Le rônin fut regroupé avec une vingtaine d’autres « hommes de la vague ».
- Ils sont venus nous rafler, grogna l’un d’eux.
- Silence, cria l’officier de la troupe. Et en avant !
En rang par deux, mains sur la tête, les rônins furent conduits vers le palais.
- Le premier qui baisse les bras se fera trancher les mains, compris ?
Il n’y en eut qu’un, ce jour-là pour essayer, et il se fit plaquer au sol, avant qu’on ne lui applique la sentence ! Il hurla en se retrouvant avec deux moignons sanglants et suivit à l’arrière du groupe. Manji ne vit pas bien, mais il saignait abondamment et s’écroula au bord de la route. On l’abandonna à son sort, après l’avoir copieusement tabassé.
- Allons, avançons !

Au palais, les rônins rentrèrent dans la cour, toujours les mains sur la tête. On leur fit enlever leurs daishos et on les emmena dans une grande salle vide, dans une aile à l’écart du palais.
Les officiers les firent se mettre à genoux, encore mains sur la tête. Peu après, arrivait le capitaine Otomo Jukeï. Sa réputation de tueur de rônins n’était plus à faire. En toisant les hommes pouilleux et crasseux qu’il avait devant lui, l’envie le prenait de les faire brancher avant la nuit, pour l’exemple.
Il se retint toutefois et dit :
- Vous savez pourquoi je vous ai fait venir ici, n’est-ce pas ?
Il prenait une voix suave, exaspérante. Il aurait tant aimé voir l’un des prisonniers tenter de lui sauter à la gorge !
- Vous savez ce qui se passe, dans votre ville de merde… Des espèces de sous-vermines ont dérobé des kokus appartenant au divin fils du Ciel !... Ces kokus circulent dans votre quartier, votre basse ville… Vous, les hommes de la vague, vous habitez là-bas... Vous allez et vous venez… Vous entendez des choses… Certains d'entre vous savent forcément où se trouvent ces kokus… Alors je vous conseille de me les amener rapidement. Sans quoi, vous serez tenus pour responsables de leur disparition. Et je commencerai à m’occuper de vous, pour accélérer les recherches, compris ?
Personne ne répondit.
Le bras droit du capitaine répéta en hurlant :
- Compris ?
Tous maugréèrent en chœur :
- Compris, Jukeï-sama…
- Bien, j’aime mieux cela…
Il savourait déjà son triomphe.
- Soyez honorés, du fond de votre déchéance, de pouvoir encore servir le divin Empereur !
- Oui, Jukeï-sama…
- Allez !
On fit ressortir la troupe et on la dispersa devant le palais.
- Ne restez pas là, bande de pouilleux ! Allez ! Vite !...

Encore étourdi de ce traitement, Manji regarda autour de lui. Il cherchait son chemin. Il aperçut alors un visage qui lui était connu.
- Yojiro ! Hé, Yojiro-san !
C’était bien l’ancien Crabe ! On l'avait perdu de vue, depuis le bois après le village qui avait voulu les piéger. Surpris, Yojiro salua Manji. L'ancien Crabe était agité, nerveux, mais content, vraiment content.
- Alors, que deviens-tu ?
- Ma foi, Manji-san… Tu vois, j’ai fait le même chemin que vous…
- Je suis en ville, avec Katon et Maya… Nous travaillons pour un certain Rintaro.
- Allez, dispersez-vous ! Allez ! hurlait les soldats.
- J’en suis bien content pour vous, dit Yojiro, sincèrement content de revoir Manji. Moi, je suis un peu occupé… Mais bientôt, très bientôt, je vous retrouve…
- Entendu, et toi où es-tu ?
- A droite, à gauche… Rintaro, tu m’as dit ?
- Oui, c’est ça…
- Allons, je dois partir… A bientôt, Manji, à bientôt !
C’était la cohue aux abords du palais. Yojiro salua et se fondit dans la foule. Manji, fatigué, ne chercha pas à le rattraper : il avait l’air si pressé.

Quand il rentra chez "Patron-san", la nuit était tombée.
- Le voilà, cria Fujio.
Rintaro sortit de table, du riz plein la bouche.
- Alors ?
- Ça va, dit Manji. Je suis entier.
- Tant mieux.

On servit un bon repas au rônin.
- Content de te revoir en forme, dit le gros Fujio. On a eu peur pour toi.
- Ce n’était rien...
- Le gouverneur ne vous a pas trop maltraités ? demanda Katon.
- Il n’aurait pas fallu qu’il essaye.
- Ici, par contre, dit Rintaro, on a eu un petit pépin.
- Quoi donc ?

Manji craignait le pire.
C’était encore trop optimiste.
- On a reçu des ordres, fit le patron, navré. Mais je n’ai pas le choix…
Manji tourna la tête et vit alors, qui descendait l’escalier, la petite préférée du capitaine Jukeï… Maya !
- Elle s’installe ici. Pour son enquête… On me prie de l’héberger, dit Rintaro, et c’est pour servir l’Empereur !

A suivre...Samurai
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#24
Tain décidément cet empereur ne mérite pas son titre, il est l'heure de proposer à Rokugan l'alternative de l'avenir!!!
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#25
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE


<span style="color:#008000">4e chapitre : Le Lotus Noir</span><!--/sizec-->

L'installation de Maya chez Patron-san ne se fit pas sans provoquer des aigreurs. Manji lui tournait le dos tant qu'il pouvait. Katon lui parlait juste ce qu'il fallait. Fujio lui apportait son riz sans rien dire.
Rintaro s'assurait que tout allait bien pour elle. Il était mortellement inquiet de la réputation qu'allait lui créer la présence de cette fille chez lui. Tout le monde n'avait pas reconnu en elle la favorite du capitaine Jukeï, mais il y avait des gens au courant. La réunion des patrons de la basse-ville avait été un échec. Certains croyaient que Rintaro et Toshikondo avaient organisé cette réunion pour livrer tous les gangs d'un coup au Gozoku.
De fait, personne n'était plus avancé sur la tuerie du gang Hotori. Rintaro reprit contact avec les autres patrons, qui étaient refroidis. Certains avaient perdu des rônins dans l'affaire, qui étaient partis loin de cette ville et d'Otomo Jukeï.
- Il faudra quand même bien faire justice pour Hotori, sa famille et ses hommes, maugréait Rintaro.
- D'accord, lui répondait-on en substance ; trouve-nous les coupables et on viendra t'aider à les arrêter.
On entrait dans la mauvaise saison. Le doux temps de l'automne faisait place à la bise et aux frimas.
Fujio fut souvent envoyé en dehors de la Fleur du secret pour prendre des informations en ville. C'était souvent décevant.
- Rien de nouveau ? demandait régulièrement Patron-san.
- Il y a bien quelques rumeurs qui courent...
- Comme toujours... Dis quand même.
- Des histoires qui traînent... des vieilles histoires. Sans doute des légendes, patron, mais je vous le dis quand même...
- Alors, quoi ?
- On dit que la tuerie des Hotori serait le fait... du Lotus Noir...
Rintaro ne répondit rien et gratta son menton mal rasé.
- C'est ce qui se dit en ville ?
- Oui. Le bruit se répand...
- Dans ce cas, c'est gênant.
- Bon, tu vas reprendre tes gardes ici.

Rintaro s'en alla, pensif, puis franchement mal à l'aise. Il alla parler à Manji, qui prenait son tour à l'entrée arrière de la boutique.
- Dis-moi, demanda-t-il au rônin, tu as dit que le Gozoku cherchait des kokus impériaux ?
- Oui...
- C'est d'ailleurs ce que recherche cette folle de Maya, dit Rintaro, à voix basse.
- Oui, dit Manji. Elle en parle dans tous les bistrots où elle rentre.
- C'est une catastrophe. Si ne trouvons pas ces kokus, Jukeï et sa clique vont venir les chercher à coups de katanas !
Il appela Katon.
- Ecoutez, les enfants, on va commencer par faire le ménage chez nous. Je veux dire que ces fichus kokus peuvent se trouver n'importe où en ville. Qui sait où ceux qui les ont volés ont pu les cacher ?... Alors, vous allez retourner les chambres à l'étage et nous, avec Fujio, on va fouiller au rez-de-chaussée. Compris ?
- Compris.
Rintaro réunit ses serviteurs et lança les fouilles. Il avait un mauvais pressentiment. Il supervisa les recherches dans sa propre maison. Une fois qu'il aurait "balayé devant sa porte", il pourrait lancer des recherches ailleurs dans la basse ville.
Nerveux, Rintaro ne cessait de se ronger les ongles pendant qu'on fouillait derrière les meubles, qu'on étudiait les lattes du plancher. Pendant qu'on déplaçait les ustensiles de cuisine et les bassins de la salle d'eau. Ses tapis précieux, ses livres de comptes.
- Il faudra que je profite de ça, se dit-il, pour faire l'inventaire de mes biens...
On déménageait tout. Au bout de deux bonnes heures, on n'avait rien trouvé de suspect. Cet effort n'était pas perdu. Rintaro retrouva des boutons de kimonos sous un lit et un vieux porte-bonheur qu'on lui avait offert, derrière une armoire.
Content, s'estimant touché une nouvelle fois par la grâce, il monta à l'étage. Seulement, il savait ce que c'était, d'être touché par la grâce : d'abord, c'est le Gouverneur qui vient chez vous... et ensuite c'est Maya qui s'installe.
Alors, la grâce à ce prix !

Rintaro fit craquer ses doigts, alors que craquaient les marches de l'escalier.
- Vous trouvez quelque chose les enfants ?
Manji et Katon étaient avec Maya dans la chambre de cette dernière. Elle avait accepté d'aider à fouiller.
- Toujours rien, vous autres en bas ?
- Non, patron ! lança Fujio.

- Patron, je crois que j'ai quelque chose, dit Katon.
Rintaro pâlit. Le rônin tenait une plaque dorée, gravée de sigles complexes. C'était bien un koku impérial !
- Ce n'est pas le mien, dit Maya... On m'en a donné un, comme modèle, mais ce n'est pas celui-là.
- Il était caché sous une latte, dit Katon.
- Malédiction, dit Rintaro, qui préféra s'asseoir.
Un koku volé chez lui !
Patron-san avait l'impression que le shinsen-gumi allait le sentir, à distance, et il les voyait déjà débarquer chez lui, en cassant tout, avant de l'emmener dans une salle d'interrogatoire...
- C'est une catastrophe, les enfants. Il faut savoir qui a fait ça...
- On va interroger le personnel, dit Katon.
Manji aida son patron à se relever. Il se fit apporter une bouteille de saké de secours et but directement au goulot.
Il s'essuya la bouche et dit :
- Oui, qu'on réunisse tout le monde ! Et que ça saute !


Samurai

Ce fut long. D'abord, tout le personnel de la maison, dont certains étaient là depuis leur plus jeune âge. Il fallut pourtant les soupçonner. C'est Katon qui leur parla, leur expliquant pourquoi ils avaient intérêt à dire ce qu'ils savaient. Seulement, ils avaient tous l'air innocent, et en tous cas, terrifiés d'être soumis à cet interrogatoire. Oui, innocents. Ce qui soulageait bien Rintaro ! Quand il disait qu'il n'employait que des gens honnêtes !...
- Qui d'autre passe dans la maison ? demanda Katon.
- Les clients... mais aucun ne monte à l'étage.
- Ça pourrait être un client, dit Fujio, qui aurait échappé à notre vigilance.
- Dans ce cas, c'est fichu, dit Rintaro. Il passe trop de monde ici !
Ce n'est pas la colonne "gain" de ses livres de comptes qui allait dire le contraire !
- Il y a aussi les eta, dit Fujio.
- Tiens, c'est vrai, ça...
Eux, il les aurait bien vus en coupables !
- Va me les chercher, Fujio !
Ils n'étaient pas tous dans la maison. Certains, qui s'occupaient des excréments et des ordures, faisaient la tournée des maisons de la basse-ville, et habitaient dans un quartier à part, à la périphérie de la Cité.

Samurai

Il ne fallut pas tellement de temps pour retrouver les etas qui passaient à la Fleur du secret. Katon les réunit et claqua des doigts pour faire apparaître une petite flamme.
- Je suis pressé. J'ai besoin de savoir qui parmi vous a introduit cette plaque d'or chez Patron-san. Sachez que cela durera ce que ça durera, mais je saurai qui d'entre vous est coupable.
Katon les regardaient, et ils voyaient ces impurs trembler comme des souches.
- Si le coupable avoue, les autres pourront repartir en paix. Sinon, vous resterez là. Et nous nous occuperons nous-mêmes de faire justice. N'espérez pas que le clan du Lion vienne à votre aide. Jamais ils ne se mêleraient de vos affaires, vous le savez.
Katon agrandit la flamme qui dansait au bout de ses doigts. Il y en eut un qui finit par avouer. Il était de la corporation des laveurs de latrines. Fujio l'attrapa, ce pauvre être qui tremblait, et on laissa repartir les autres.
Le coupable fut emmené chez Patron-san, à la cave. L'interrogatoire ne dura pas longtemps : la poigne du gros Fujio eut vite raison de la résistance de l'eta. Il avoua qu'on l'avait payé une forte somme pour dissimuler ce koku en ville. Il avait agi pendant la réunion des gangs yakuzas.
- Et combien yen a-t-il d'autres, de ces kokus ? glapit Rintaro, hors de lui.
- Je l'ignore !...
Après quelques claques de Fujio, il s'avéra qu'il devait vraiment l'ignorer.
- C'est une catastrophe, dit Rintaro, qui s'épongeait le front. Un koku trouvé chez moi !... Moi et ma famille sommes bons pour une malédiction sur sept générations !
- Peut-être pas, dit Katon. Nous allons retrouver les kokus volés. Et la basse-ville échappera à la colère du shinsen-gumi.
- Facile à dire, dit Rintaro. Comment tu comptes t'y prendre ?
- L'eta va nous donner une adresse, dit Katon. L'adresse des commanditaires.
L'eta s'était mis à pleurer.
- Si je vous le dis, ils vont exercer des représailles terribles... sur ma famille, sur nous tous...
- Les représailles, c'est nous, dit Fujio.
- Tout à fait, dit Manji, posément. Nous allons retrouver ces canailles et les châtier comme elles le méritent.
- Allons, qui sont tes commanditaires ? demanda Rintaro.

L'interrogatoire fut encore long, et pénible, pour tout le monde.
Rintaro renvoya ses deux rônins surveiller l'entrée. Pendant ce temps, Fujio finit d'obtenir les informations recherchées.
- C'est bien ce que je craignais, dit Patron-san, de retour de la cave, à Katon et Manji. Ce crétin d'eta s'est fait mettre le grappin dessus par le Lotus Noir.
- Le Lotus Noir ? Nous n'avons pas entendu parler de ce clan.
- Ce n'est pas vraiment un clan. C'est une organisation secrète. Un clan oui, mais sans visage, sans bâtiment. Sans membres connus. Une sorte de clan fantôme... Nul ne sait qui sont ses membres. Mais c'est sûr que seul le Lotus Noir pouvait oser s'attaquer à des collecteurs d'impôts. C'est eux, aucun doute, qui ont volé les kokus.
- Qui est à la tête du Lotus Noir ?
- Si on le savait ! Les pires rumeurs circulent : un démon buveur de sang, des esprits, des créatures souillées...
- Et la tuerie chez les Hotori ?
- Le Lotus Noir aussi, sans doute, dit Rintaro. Eux seuls pourraient organiser un tel massacre, au risque d'embraser la basse-ville, et d'attirer les foudres du Gouverneur.
- Pourquoi les Hotori ?
- Je ne sais pas, dit Patron-san. Vengeance ? Peut-être que les Hotori savaient pour les kokus... Qu'ils étaient prêts à parler au Gouverneur.
- Oui, c'est bien cela, dit Maya.
On l'avait un peu oubliée !
Mais elle n'avait rien perdu de la dernière conversation. Elle rapporta ce que le capitaine Jukeï lui avait dit : que la veille de la tuerie, un émissaire des Hotori avait demandé à rencontrer le shinsen-gumi. Il s'apprêtait à livrer des informations sur les kokus volés.
- L'eta a donné l'adresse de ses commanditaires ? demanda Manji.
- Oui, c'est une bicoque dans le quartier des ébénistes.
- Bon, alors ne perdons plus de temps, dit Manji.

On était en milieu de journée. Manji et Katon partirent d'un bon pas. L'eta avait donné le signalement de ses deux commanditaires. Leur description rappela franchement celle de deux rônins déjà aperçus, juste avant que nos héros n'arrivent en ville. Un gros borgne et un mince avec des cicatrices sur le visage.
L'endroit ne respirait pas la rose. C'était dans une ruelle crasseuse, où les ramasseurs d'ordures ne devaient pas souvent passer.
Katon défonça la porte et s'apprêtait à mettre le feu à l'un des rônins pour faire parler l'autre. Mais les deux affreux n'étaient pas là. Par terre, un corps étendu, les mains ligotées dans le dos.
Un grand rônin aux longs cheveux déjà grisonnants. Yojiro !
- C'est bien Yojiro, dit Manji, qui se hâta de défaire ses liens.
Une claque permit de ranimer le rônin.
- Par la Muraille...
L'ancien Crabe gémit. Il avait une Muraille sur le crâne ! Et des démons lui martelaient l'intérieur des oreilles !
- Yojiro, que s'est-il passé ?
Le rônin s'assit et se prit la tête dans les mains. Il avait mal, il avait froid, et surtout, son gémissement le laissa entendre, il avait honte.
- J'ai essayé de gagner de quoi croûter... Et je me suis fait embarquer dans une salle histoire...
- Où sont les deux rônins ?
- Partis... Ils m'ont assommé, parce que je refusais de les suivre. Il y avait du monde dehors... Une patrouille d'Ikoma. Ils passent rarement par ici. Une chance, sans quoi ils m'auraient égorgé. Au lieu de cela, ils sont partis.
- Qu'as-tu fait ? demanda Katon.
- Ils m'ont proposé de gagner beaucoup d'argent facilement... Pas loin d'un koku !... Il fallait se débarrasser d'une famille...
- Les Hotori...
- Oui, les Hotori... Nous étions cinq. Eux deux, moi, et d'autres bras armés, partis depuis. Il y avait des femmes et des enfants... J'ai pris l'argent, et après notre descente là-bas, j'ai décidé de ne plus recommencer. Ils n'ont rien dit. Mais ils sont revenus me voir. Ils voulaient encore louer mes services. J'ai refusé. Ils m'ont dit que je risquais gros, qu'ils me retrouveraient...
- Ils ont parlé d'un lotus ? demanda Manji.
- Oui, "Lotus Noir", c'est le nom de leurs chefs, si j'ai bien compris.
- Ils sont partis il y a longtemps ?
- Non, non...
- Par où ?
- Porte sud-est, vers les montagnes.
- Ne perdons plus de temps.

Manji et Katon ressortirent en vitesse. Pressés de rattraper les deux rônins. Et aussi de fuir l'odeur infect de la bicoque et de s'éloigner du misérable Yojiro, qui s'était vraiment sali les mains.
- Tout le monde n'a pas la chance, comme nous, dit Katon, de tomber sur une crapule à peu près honnête comme Rintaro...
- C'est vrai, dit Manji, mais tout de même... S'attaquer à des femmes et des enfants...

Nos deux héros arrivèrent en milieu d'après-midi à la porte sud-est et payèrent le garde de l'entrée pour savoir si les deux rônins étaient bien passés par là. C'était le cas.

Samurai

Nos héros partirent dans la campagne orangée de fin d'après-midi. Ils s'informèrent dans un village, où on leur dit qu'on avait vu passer deux rônins d'aspect effrayant, moins d'une heure plus tôt.
Au pas de charge, Manji et Katon continuèrent leur périple. Ils arrivèrent au bord d'une rivière, où un paysan se plaignait qu'on lui avait volé sa barque. Une seconde était attachée à côté.
- Combien pour ta barque ? Allons, ne rechigne pas, tiens prends cet argent...
Katon arrangea la transaction pendant que Manji embarquait et se mettait aux rames. Ce ne serait pas aussi éprouvant que la traversée des îles de la Mante !
Katon prit une seconde paire de rames et à la force des bras, les deux rônins remontèrent la petite rivière. Alors que le soir tombait, nos héros virent la barque des deux fuyards.
Ils venaient d'accoster et partaient sur un chemin de terre, en direction du sud.
- Arrêtez, arrêtez, leur dit Katon.
- Ils ne s'arrêteront pas. Courons-leur après !
Manji heurta la barque contre le rivage et les deux samuraï sautèrent sur le talus de la rive. Ils coururent vers les rônins, en leur ordonnant de s'arrêter.
Les deux mercenaires se retournèrent et dirent à nos héros d'aller se faire voir !
- Vous avez volé des kokus impériaux !
- Allez vous-en, ou vos têtes rouleront d'ici jusqu'à la ville !
Manji dégaina :
- Nous venons vous demander de vous rendre, et d'aller vous expliquer devant le Gouverneur !
- Tu peux toujours crever !
Le gros borgne dégaina son sabre. Katon invoqua son katana de feu et un bref duel s'engagea entre les deux groupes. Les deux mercenaires étaient des combattants aguerris. Manji reçut une vilaine estocade sous le bras mais il entailla le poignet du gros, pendant que Katon brûlait grièvement le bras de l'autre.
- A genoux ! ordonna Manji.
Les deux vaincus durent obéir.
- Vous allez venir avec nous maintenant, dit Katon en promenant son katana près de la gorge des deux tueurs.
- Vous êtes fous de travailler pour le Gouverneur !
- Nous essayons d'éviter à la basse-ville de se faire massacrer à cause de vous !
- Pourquoi défendre cette ville minable ?... Le Lotus Noir peut vous rapporter bien plus ! Des lames comme vous ! Vous gagneriez des kokus et des kokus !
- Taisez-vous, et en avant ! dit Manji.

En début de nuit, nos deux héros arrivèrent à la Fleur du secret. Fujio ligota les deux hommes, et le lendemain, ils furent livrés au Gouverneur... qui les livra à ses interrogateurs etas. Les deux tueurs avouèrent leurs crimes et ils furent exécutés devant Otomo Jukeï. On parvint à retrouver les kokus dans la basse-ville, discrètement, avant que le shinsen-gumi ne se mêle d'aller chercher lui-même.
Deux jours après, Rintaro recevait une importante commande d'alcool de la part du Gouverneur, qui comptait sur lui pour approvisionner ses domestiques.
- Rintaro, fournisseur officieux du clan Ikoma !
"Patron-san" se remit à pleurer de joie, devant la statue de la Fortune... de la fortune, alias Daikoku !

Quelques jours plus tard, Yojiro, pas fier de lui, se présenta à la Fleur du secret. Manji et Katon le regardèrent, sans vouloir lui faire de reproches. Ils comprenaient dans quelle guêpier il s'était fourré.
- Allons, servez-moi à boire, dit le Crabe.
Fujio lui servit un verre.
- Venez boire avec moi, dit Yojiro. Tenez, vous voyez cet argent... (Il jeta une bourse sur la table). C'est ce que j'ai gagné en travaillant pour "eux"... Alors vous savez quoi, on va le boire... Le boire ensemble, pour que je me fasse pardonner... On va le boire jusqu'au dernier zeni... et jusqu'à la dernière goutte !




SamuraiForce et Honneur, Samuraï !Samurai<!--/sizec-->
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#26
Le chef de la police politique du clan du Loup déjà à l'œuvreClever
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#27
Entire legions of my best gtroops await them
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#28
Suite et fin.Samurai
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#29
Tout comme la violence résout tous les problèmes, l'alcool fait tout pardonnerboire
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#30
alcool samabiggrin
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