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Dossier #7 : Le chasseur polaire
#11

DOSSIER #7<!--sizec--><!--/sizec-->

Tôt le matin, Portzamparc recevait un appel, alors qu'il était encore en train de se raser. La concierge préparait son petit-déjeuner en écoutant les émissions matinales à la radio.
Mal réveillé, après une nuit agitée, passer à ressasser des souvenirs et à s'inquiéter de Vaneighem, Portzamparc n'était pas trop d'humeur à entendre, comme ce fut le cas, la voix du petit gros.
- C'est un échec...
- Merci, j'étais au courant.
- Nous allons réessayer, si possible. Mais nous pourrions avoir besoin de vous très bientôt.
- Alors rappelez-moi.
Le détective raccrocha et partit au commissariat. Il se mit à son bureau et s'absorba dans un rapport qui traînait depuis quelques jours. Ses collègues supposèrent qu'il était contrarié d'avoir été joué par le tueur, le soir où c'est lui qui était au cirque.
Novembre arriva le dernier :
- Tiens, Maréchal n'est pas là aujourd'hui ? Il s'est enfin décidé à profiter de ses congés ?...

Le train de nuit ralentissait à l'approche de son terminus. Dans les compartiments, les passagers se réveillaient et faisaient une brève toilette. Maréchal fumait à la fenêtre. D'un coup, le train freina. L'inspecteur se rattrapa à la poignée de la fenêtre. Des gens se cognèrent, des enfants se mirent à hurler. Le train s'arrêtait dans un grincement strident intenable.
Maréchal partit en courant vers les premières. Il dut bousculer plusieurs personnes en train de se relever. Dans le wagon restaurant, c'était une belle pagaille. Des tables renversées, des femmes les quatre fers en l'air, et un vieux monsieur qui avait reçu le plat de salade de fruits sur la tête !
Maréchal brandit sa plaque sous le nez d'un contrôleur :
- Que se passe-t-il ?
- Le signal d'alarme, voiture 8 !
C'était celle du "tueur" !
Quand Maréchal arriva, le train était à l'arrêt et soupirait par toutes ses transmissions. Les hommes de la police ferroviaire étaient sur le quai.
- Quelqu'un a ouvert la porte, dit un autre contrôleur. Il a sauté en marche. J'ai actionné le signal d'alarme.
Maréchal se présenta enfin à ses collègues et leur dit qu'il était après un suspect. Il en donna la description.
- Hé bien, je crois que votre homme vient de s'envoler.
La rage au ventre, l'inspecteur descendit sur le talus.
- Il n'ira pas loin. Mon collègue appelle la gare. Tout va être bouclé.
Maréchal cria qu'on pouvait remettre le train en marche, et il courut vers la gare de marchandises.
Révolver en main, il approcha des wagons à bestiaux, rangés sur des voies de garage. Il était déjà essoufflé. "Arrêter la cigarette, arrêter la cigarette..."
Il entrevit la silhouette de l'homme à la redingote brune, qui se faufilait sous les wagons. Il distançait nettement l'inspecteur. Il s'engageait sur un grand pont métallique.
C'était sans espoir.

Maréchal rangea son arme. La brigade de la gare arrivait avec les chiens.
- Si seulement vous nous aviez dit...
L'inspecteur regardait l'homme qui disparaissait derrière un talus.
- On va l'avoir, ajouta un policier, mais vous nous auriez dit, on l'aurait déjà...
L'inspecteur finit le chemin jusqu'à la gare avec ses collègues. Il dut s'expliquer devant le commissaire et lui dit qui était, selon lui, cet homme.
- On va l'avoir, inspecteur ! On va l'avoir. On vous tiendra au courant...
C'était sûr que le commissariat de SÛRETÉ allait en mettre un coup. La marine était un sujet sensible à la Vague Noire, entre le port militaire d'un côté, et les syndicats de dockers de l'autre, le quartier allait vite entrer en ébullition.
- Si nous ne subissons pas, dans l'heure qui vient, la loi martiale ou une révolution prolétaire, on l'aura, répéta le commissaire, las.
Maréchal alla s'attabler au café du port. Il prit un verre pour se remonter, parmi les dockers; qui avaient appris la nouvelle. L'ambiance montait. On parlait d'aller porter secours au héros de la lutte du peuple contre les oppresseurs.
- Amenez-moi les horaires de train, s'il vous plait.
Il soupira. Il y avait un départ pour Rotor 24 dans la demi-heure. Il n'avait plus qu'à le prendre... Il parlophona à l'hôtel Novö-Art :
- Oui, vous direz à ma famille que je serai là en fin de journée. C'est ça, merci.

Quand Maréchal sortit, il vit une patrouille approcher du café, d'où on les observait avec colère. Il préférait ne pas imaginer la suite.

A Mägott-Platz, le lieutenant de Loclas annonçait qu'il abandonnait les recherches. Dans l'après-midi, le commissaire Horson mit la radio : le bulletin d'informations d'ADMINISTRATION annonçait que le tueur présumé se cachait à la Vague Noire.
- La Vague Noire, ricana Novembre, c'est là-bas qu'est parti Maréchal hier soir !
- Il m'a dit qu'il avait une piste, lança Priscilla.
Le parlophone sonnait. Horson décrocha :
- C'est Maréchal. Il dit que le type lui a faussé compagnie... Il rentre.
- Sacré Maréchal, dit Novembre. Je me demande qui l'a rencardé sur ce coup-là.
- Il a toujours les bons indics, dit Rampoix, que voulez-vous !

Maréchal bondit du train alors qu'il était à peine arrêté en gare de Rotor Zentral. Il courut jusqu'au Novö-Art. Sur la plateforme de loisir, on démontait le grand chapiteau et les forains rangeaient leurs stands.
Il trouva sa famille devant l'hôtel, qui montait en voiture.
- Je me demandais si tu viendrais, dit la tante Myrtille.
Maréchal était à bout de souffle.
- J'ai fait... aussi vite... que j'ai pu...
Il sentait la sueur, la nuit blanche et la mauvaise sieste. Sa tante l'embrassa quand même. La gouvernante, les enfants et la femme étaient déjà montées.
- Allez, salut Antonin, dit Gérald en lui serrant vigoureusement la main. Ça m'a fait plaisir de te revoir. Écoute, j'ai fait des bonnes affaires à la rue Verte, il faudra que je te raconte ! Et le tonneau pour tes collègues et toi sera bientôt livré. Si si, j'y tiens !
- Merci, Gérald, à bientôt.
Les deux cousins aidèrent Myrtille à monter. Le cocher fouetta et la voiture s'éloigna dans la brume.

Maréchal se sentait dépité et pour aggraver son cas, il était devant les garçons de l'hôtel !
Il monta les marches et croisa leur regard, pour leur signifier que s'ils n'étaient pas contents !...
Il alla prendre un remontant.
Il n'était pas fâché que sa famille soit partie. Mais il reprenait le travail le lendemain ! Du coup, il reprit un verre.
Il repartit chez lui et se sentit pris d'un violent mal de crâne.
L'acier de la ville se remettait à trembler. Il dut s'appuyer sur un mur. Il était pris de vertige.
Il monta son escalier, qui s'enroulait en une spirale interminable. Sa porte était biscornue ; il se jeta sur son lit, qui tanguait.
Il prit un verre et laissa la bouteille tomber par terre. Il s'endormit en un rien de temps.
Dans son premier sommeil, il rêva qu'il marchait, qu'il montait, très haut et qu'il arrivait au bord du vide ! La Cité tournait autour de lui. Il se réveilla en sursaut, au bord du vide !
Trois gamins des rues l'agrippaient par les manches. Ils l'avaient retenu au dernier moment. Il partit en arrière, et s'étala sur le dos, entraînant les gosses avec lui !
L'un d'eux prit sa blague à tabac et distribua des cigarettes à ses compères. Maréchal fit signe qu'il en voulait bien une aussi !
- Il était moins une ! On t'a vu passer. On t'a appelé !
- Tu n'as pas répondu ! Alors on t'a suivi !
- On t'a vu monter ! Et on a bien cru que tu allais sauter !
- C'était juste, admit Maréchal.
Ils se trouvaient sur le toit d'un bâtiment dont la façade était en réfection. Maréchal venait d'escalader l'échafaudage ! C'était le quartier de la Jointure.
Il se releva, éberlué.
- "Merci", cria un des gamins des rues, ça nous fait plaisir d'aider !

Maréchal, hébété par l'épuisement, des courbatures partout, arriva chez lui et dormit tout son saoul. Il arriva en retard le lendemain.
Ses collègues étaient autour du poste de radio.Des affrontements avaient éclaté à la Vague Noire. On finissait de rétablir l'ordre.
Depuis la veille au soir, la traque du fugitif passionnait l'opinion. Les gens prenaient les paris. Les opinions se déchaînaient dans les journaux du matin, sur le pourquoi et le comment de cette traque. Les feuilles conservatrices réclamaient la tête du monstre, les feuilles progressistes demandaient un procès dans les règles, si l'homme était bien coupable.
- Il va forcément se faire prendre d'ici peu, prédisait Novembre. Vous imaginez bien que les militaires ne vont pas le laisser leur filer entre les doigts.
- Vous oubliez les émeutes de cette nuit, dit le commissaire. Elles vont lui avoir profité. Il a pu trouver refuge chez les dockers, par exemple. Ou à l'étranger. N'oubliez pas que la Vague Noire touche la concession autrellienne et la concession autransienne. Notre homme peut vouloir y demander l'asile. D'ailleurs, qui nous dit qu'il ne vient d'une de ces deux nations ?...
- Possible, admit Novembre. Mais si ces salopards de Forgiens ont monté un attentat, on va aller raser leur planète boueuse, c'est moi qui vous le dis ! Et je serai en première ligne !
Portzamparc faisait sembler de ne pas trop s'intéresser à cette affaire.
- Si vous voulez mon avis, dit Rampoix en allumant une cigarette, il l'a mauvaise d'avoir laissé filé le mec. Il a dû se faire remonter les bretelles par le lieutenant !

Maréchal ne disait rien. Le commissaire lui avait demandé un rapport sur sa filature.
- Que vous fassiez du zèle pendant vos congés, inspecteur, vous regarde. Mais dans ce cas, faites du zèle envers vos obligations administratives.
L'inspecteur s'était enfermé dans son bureau pour taper. Il avait été au cœur de cette affaire, puisque c'était à cause de lui que le suspect avait filé à la Vague Noire et qu'il avait pu y arriver !
Mais il se sentait très loin de cela. Non, il voulait savoir comment le contact de Herbert avait su... Il n'en voulait pas à ce type, il ne partageait pas la réprobation collective, l'envie de lynchage qui s'emparaient de la Cité.

En fin de journée, un bulletin spécial annonçait que l'homme avait été retrouvé dans un gourbis du port, que la police était après lui. On pouvait presque suivre en direct la poursuite.
Haletant, Portzamparc suivait les nouvelles en même que ses collègues, l'oreille collé au poste. Une heure après, on annonçait que le fugitif avait été abattu, alors qu'il tentait de rejoindre à la nage un ilot.
- Fin de l'histoire, dit Sampieri.

La radio précisa que c'est le lieutenant de Loclas, "tireur d'élite de notre flotte", qui l'avait finalement abattu.
- Salopard, dit Novembre, c'était une mort trop rapide pour lui. Il aurait fallu le faire parler avant ! Avoir ses complices !
Le corps de l'homme n'avait pu être repêché, emporté à jamais par l'océan. Sur l'ilot qu'il tentait de rejoindre, on n'avait trouvé qu'une barque. Pas de trace menant à d'éventuels complices.
Maréchal regretta de n'avoir pu parler à cet homme. Se mesurer vraiment à lui. Il était sûr que Loclas avait bien pris le temps de viser et de tirer dans le dos...
Portzamparc fit semblant d'être content et ne s'attarda pas.

Le soir, le détective trouva sur son palier un mot de sa concierge, disant qu'on l'avait appelé. Il soupira, amer, prit le temps de dire bonsoir à sa femme, de passer sous la douche, et il redescendit parlophoner. Hadaly 20-52, c'était le numéro...
- C'est moi.
- Oui. Vous avez entendu la nouvelle, je pense. Si vous êtes toujours d'accord... Ce sera pour ce soir.
- D'accord.
- Retrouvez-nous à la gare, à 18 heures.
Portzamparc raccrocha.
A ce moment, Maréchal décrochait. Sa concierge venait de le prévenir qu'on le demandait.
- Inspecteur ?
- Herbert...
- Ce soir... Il faut que nous partions d'ici... C'est notre dernière chance !
- Je viens vous chercher. Ne bougez pas.
L'inspecteur raccrocha et sortit de chez lui, pendant que Portzamparc disait bonne nuit à sa femme et lui disait que le travail l'attendait dehors.
- Couvre-toi bien, dit-elle en bâillant du fond de son lit, "ils" disent qu'il va faire froid.
Il enroula son écharpe, prit son arme de service et alla à Mägott Zentral. Il ne croisa pas Maréchal qui, depuis la place des Loges, descendait par les égouts vers Rainure.

Sur le quai de la ligne D, Portzamparc retrouva le petit gros. Les deux hommes montèrent dans la rame et descendirent trois arrêts plus loin, à l'entrée de Karel-Kapek. Ils arrivaient un terrain vague, dont un côté était protégé du vide par une palissade. du ciel, descendait un grand ballon aux couleurs sombres. De la nacelle tomba une corde. Portzamparc et l'autre y montèrent et furent accueillis à bord par un homme que Portzamparc n'avait jamais vu. Entre deux âges, le visage allongé, l'air blasé, moqueur, une cigarette coincée dans le coin de la bouche. Il augmenta la flamme et le dirigeable prit de l'altitude.
On n'échangea pas un mot pendant le vol.
Ce n'est qu'en arrivant près de la Vague Noire, sur une falaise déserte battue par le vent, que le petit gros expliqua :
- L'amiral de Villers-Leclos va donner une conférence de presse ce soir. Dans une petite heure. Ce sera le moment.
Les trois hommes allèrent attendre dans une petite cabane, à l'entrée des docks. Il y avait un poste de parlophone.
- Vous êtes prêt à "le" faire ? dit l'homme gris.
Il sortait d'une caisse un fusil de chasse, sur lequel il monta une lunette. Il allumait une cigarette, toujours sarcastique.
- Modèle autrellien !
- Je connais, dit Portzamparc.
- Alors ?
- Alors quoi ?
- Vous voulez le faire ?
- Quoi "je veux le faire" ?...
Portzamparc se leva, indécis, fâché, et regarda les deux hommes :
- Écoutez, franchement, dites-moi ! C'est quoi ce réseau où on a le choix !
- Rappelez le chef, dit le petit gros.
- D'accord.
L'autre décrocha son combiné, invariablement goguenard.
- Oui, c'est moi, monsieur...
D'un coup, il avait parlé son air blasé. Il parlait avec respect.
- Nous voulions des instructions...
Portzamparc en avait assez. Le type raccrocha.
- Faites-le, il a dit.
- Bon, comme ça, c'est clair.
Portzamparc démonta le fusil et le rangea dans son étui.
- Nous avons trouvé un poste de tir, dit le petit gros. Je vais vous montrer. Nous, nous attendons là.
C'était le poste à outils, dans les hauteurs du chantier d'un hangar. De là, il y avait une vue plongeante sur le port, à deux cents mètres de là.
Portzamparc n'eut pas de mal à entrer en découpant le grillage, à ramper quelques mètres, puis à courir et à monter jusqu'au poste indiqué.
La foule s'assemblait sur le port. L'estrade était déjà montée, cernée d'uniformes.

*

Maréchal arriva chez Herbert, qui l'attendait sur son seuil.
- C'est ce soir ou jamais...
- Bon, il est où votre copain ?
- Suivez-moi.
La suite fut proprement fantastique. Maréchal se crut dans un de ses cauchemars. Herbert le fit monter à l'ascenseur le long des parois de jais incrustées de motifs étranges, là où les Scientistes étaient montés la dernière fois. Le petit chauve avait un passe qui ouvrait une épaisse porte en acier ouvragé. Il tira de toutes ses forces et la lourde s'ouvrit.
C'est là que ce fut vraiment indistinct pour Maréchal. On pénétrait dans des ténèbres rougeoyantes. Des laboratoires, des machines, des conduits... Un escalier en colimaçon, encore des machines. Un couloir plus frais, avec des cellules.
Herbert mettait nerveusement la clef dans la serrure. Il tremblait.
- Vite, vite...
La cellule s'ouvrit, un grand gaillard en sortit. Maréchal le vit à peine. Ils coururent au-dehors. Herbert referma la porte et ils montèrent dans la cage d'ascenseur.
- C'est de la folie, répétait Herbert, de la folie.
Le prisonnier ne disait rien. Il était vêtu comme un bagnard. Il avait le visage dur. Les cheveux rasés ; un corps athlétique.
La machine célibataire du bassin continuait à tourner.
- A vous maintenant, inspecteur.
- Suivez-moi...
A l'autre bout du quartier, on entendait une voiture à cheval arriver.
Les trois intrus fuirent vers les égoûts ; après une longue course dans le circuit des eaux usées, ils atteignirent le refuge des gamins des rues.
- On y est.
Les gosses étaient autour du feu,à faire cuire leurs prises de la soirée : des rats et autres habitants des lieux.
- Où sommes-nous ? demanda l'homme.
- Sous Mägott-Platz. Désolé, là-haut, nous avons un hôtel, mais il n'y avait plus de place pour vous. Je vous laisse, vous m'excuserez, je voudrai dormir un peu cette nuit. On se revoit demain et vous aurez des choses à me raconter, n'est-ce pas ?
Maréchal toucha son chapeau :
- Je vous fais confiance, les gamins...
Il laissa là les deux échappés de Rainure et songea pour lui-même, aussi ému qu'amusé :
- Après tout, on peut leur faire confiance à ces gamins, non ?... Je le sais quand même... Moi aussi, avant eux... j'en suis passé par là...


*


Portzamparc finissait de monter son arme. Il se souvenait des conseils donnés par Vaneighem, le jour de la chasse au félynx. Toujours huiler les pièces avant, et vérifier le canon, qu'il ne soit pas encrassé.
Quand ce fut prêt, Portzamparc s'allongea, l'œil dans sa lunette. Sur le port, une voiture à cheval déposait l'amiral de Villers-Leclos, acclamé par une partie de la foule, hué par une autre. Une fanfare officielle l'accueillait. Il était dans son manteau à col de fourrure et fumait complaisamment son cigare. A ses côtés, le lieutenant de Loclas, qui bombait le torse, et des officiels du quartier, de la noblesse.
Il y avait de quoi faire un carton plein contre l'élite d'Exil !

De sa voix de vieil officier roublard, l'amiral prit la parole, alors que Pandores et militaires avaient du mal à contenir la foule :
- Voilà ce qu'il en coûte !...
Nouveau mouvement de foule. Portzamparc tremblait légèrement. Il perdit sa visée.
- Voilà ce qu'il en coûte de s'attaquer, par moi, à la marine lunaire ! au symbole de la grandeur d'Exil !... Voilà ce qu'il en coûte de prendre lâchement pour cible un homme qui n'a jamais eu peur de regarder la mort en face !... Moi qui n'ai jamais reculé face à l'ennemi, moi qui l'ai toujours affronté de face !
Clameur d'admiration et de haine mêlées.
- Assassin !

Le lendemain, les journaux ne parleraient pas de cela, des cris de haine. Ils diraient que l'amiral avait été acclamé, et le bon peuple d'Exil serait heureux.
Portzamparc imaginait distinctement les raids menés par les militaires, à l'époque. Il savait. Les villages pillés, brûlés. Les ravages des brigades kommandos exiléennes, envoyées par Villers-Leclos pour faire place nette avant l'installation d'un camp. Portzamparc rajusta son tir. L'amiral triomphait, levait les bras, acclamé et hué. Il voulait dire encore quelques mots, mais la foule couvrait sa voix. Il allait repartir, alors que la fanfare entonnait l'hymne de la Cité.

Le tir partit.
La balle atteignit l'amiral à l'oeil droit et fit éclater sa tête. De Loclas fut aspergé de sang.
Un immense cri s'éleva de la foule. Ç'allait être l'émeute. Portzamparc descendait déjà en courant de l'échafaudage, le fusil encore fumant à la main.
Quand il passa la palissade, il vit le petit gros qui accourait vers lui et lui prit son fusil. Sur la falaise, l'homme gris faisait décoller le ballon. Portzamparc avait le cœur qui battait pour deux !

L'engin s'éleva dans les airs. Le petit gros démontait le fusil. Comme on passait au-dessus d'un estuaire de l'océan, il jeta l'arme par-dessus bord.
En une petite heure, on était de retour à Karel-Kapek. Portzamparc ne prit pas le temps de dire "au revoir".
Les deux autres redécollèrent aussitôt et une heure après, arrimait le ballon à une passerelle métallique. Le petit gros descendit, pendant que l'homme gris versait de l'essence dans la nacelle, puis sortait, larguait les amarres et lançait une allumette. Le ballon dans les airs, s'enflamma comme une torche, partit en vrille dans le brouillard et alla s'abîmer dans une rivière souterraine.

Portzamparc arrivait chez lui, à bout de forces. Sa femme dormait profondément. Elle l'entendit se mettre au lit et le prit dans ses bras.
- Tout va bien ?
L'ancien chasseur polaire s'allongea, bien à son aise.
- Oui, tout va bien. Rendors-toi.
Portzamparc croisa les bras derrière sa tête. Il se sentait vraiment très bien. Oui, il y avait longtemps qu'il n'avait pas été aussi fier de lui !





FIN

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#12


La ville s’endormait, j’en oublie le nom…
Sur le fleuve en amont, un coin de ciel brulait.

La ville s’endormait, j’en oublie le nom…
Et la nuit peu à peu, et le temps arrêté, et mon cheval boueux, et mon corps fatigué…

Il est vrai que parfois, près du soir les oiseaux ressemblent à des vagues et les vagues aux oiseaux et les hommes aux rires, et les rires aux sanglots...

Il est vrai que souvent, la mer se désenchante. Je veux dire en cela qu’elle chante d’autres chants que ceux que la mer chante, dans les livres d’enfants…

La ville s’endormait, j’en oublie le nom…
Sur le fleuve en amont, un coin de ciel brulait…

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