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6e Episode : Deux contes d'automne
#1
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE

La 5e Réincarnation : 6e Episode
Mois du Sanglier


DEUX CONTES D'AUTOMNE

VOLUME I:

DEUX PHENIX DANS L'AUTOMNE COUCHANT


Kitabakate, la courtisane solitaire

Le froid hivernal annonçait déjà sa venue sur Rokugan. Les arbres achevaient de se dénuder, feuille à feuille. La caresse chaleureuse de Dame Soleil se faisait chaque jour de plus en plus distante. Les récoltes se termineraient bientôt et partout sur les routes impériales, des messagers de tous les clans se croisaient pour porter dans chaque province les nombreuses invitations et présents pour les cours d'hiver. Avec la venue du mois du Sanglier, l'automne jouait ses dernières notes avant de quitter la scène.

Le lendemain de son entretien avec Iuchi Kumanosuke, Isawa Ayame se leva de bonne heure pour effectuer des recherches dans la bibliothèque. Le grand château de la Grenouille Riche s'élevait au milieu d'une vaste plaine battue par un vent de plus en plus hostile. L'air s'infiltrait dans la bâtisse par de petites ouvertures, si bien que la plupart des lettrés du lieu travaillaient déjà avec des fourrures sur le dos. Les décorations exotiques, inattendues, les motifs les plus audacieux de décoration de la bibliothèque, surprenaient les visiteurs à chaque rencontre. Ayame-san chercha des informations sur le magistrat Ide Soshu : actes de naissance, prière aux Fortunes, bénédictions, cérémonies officielles et surtout son ascendance. Elle ne trouva que peu de renseignements : Soshu-san était âgé de 25 ans, et avait passé une grande partie de sa vie dans la région de la Grenouille Riche.
Dès qu'elle sortit du bâtiment des parchemins, Ayame-san croisa le shugenja Kumanosuke, sa pipe à la bouche, souriant aimablement, son air de vieux singe rusé sur le visage. Il s'enquit de l'objet des recherches de la shugenja Phénix. Elle répondit qu'elle s'intéressait à la région, aux légendes et à l'histoire des lieux. Ikky-san arriva sur ces entrefaits, tandis que le vieux shugenja essayait de percer la vérité dans les propos d'Ayame. Pour donner le change, Kumanosuke-san raconta l'histoire de la ville : un riche marchand persuadé que rien ne valait plus que l'or fut transformé en grenouille par un magicien. Impressionné, le marchand fut rendu à sa forme humaine. Il se fit moine et offrit toute sa fortune à la ville.

Les deux Phénix, ainsi que Hiruya, Kohei, Ryu et Riobe, avaient rendez-vous le lendemain à la Cité du Daim d'Argent, pour la cérémonie de chasse de Shinjo Egawa. L'heure d'Akodo se terminait. Accompagnée de sa yojimbo, Isawa Ayame prit une barque pour traverser le bras de fleuve qui séparait le château de Shinjo Bunjiro de la vallée d'Inchu. Un aimable et chantonnant passeur se fit une joie de conduire les deux samuraï-ko. Les deux femmes ne perdirent pas le temps de la traversée : elles s'informèrent de ce que le passeur savait de la vieille Kitabakate. Pour le brave heimin, la vieille femme était une originale, un peu magicienne, un peu voyante, qui lisait l'avenir aux paysans de la région. Elle habitait dans la région depuis environ trois étés. Elle se rendait trois ou quatre fois par an à la Cité de la Grenouille Riche et y achetait chaque fois de nombreux produits.
Les deux Phénix mirent pied à terre à Inchu, et remercièrent le passeur. Il lui fut demandé de revenir les chercher plus tard dans la journée. Gaiement, le heimin s'inclina, bien content de sentir ses poches se remplir d'espèces sonnantes et trébuchantes.

Les deux Phénix marchèrent pendant moins d'une heure dans la fraîche campagne et se présentèrent à la cabane de la vieille Kitabakate. Les deux yorikis s'inclinèrenet et la voix familière de la "magicienne" se fit entendre de l'intérieur de la maison. Elle les salua poliment, un peu à la manière d'une grand-mère aimante qui accueille ses petites-filles devenues adultes. Elle leur servit du thé avec ses manières délicates. Tandis que les feuilles infusaient, elle engagea poliment la conversation.
Ayame venait remercier la vieille femme de son aide dans la lutte contre les comploteurs d'Inchu. Elle savait se souvenir que lors de leur première rencontre, elle les avait informées des activités louches ( lol ) de la région. Kitabakate répondit que les deux Phénix ne lui devaient rien pour cette aide. Elle était heureuse d'avoir contribué à lutter contre ses mauvais sujets.
Ayame cachait sa méfiance : en venant voir la vieille femme, elle la soupçonnait d'avoir lié partie avec ces agents de l'ombre. La conversation se poursuivit : Ayame demanda à son hôte si elle assisterait aux festivités de la chasse chez Egawa-sama. Mais la vieille femme ne voyait pas de raison de se rendre à la Cité du Daim d'Argent : elle n'était pas invitée. Elle ajouta avec un sourire amusée qu'elle n'entendait rien à la chasse. Du reste, Ayame-san non plus n'était pas versée dans cette activité.

Ayame-san et Ikky-san réitérèrent leurs remerciements à leurs hôtes. Ses conseils avaient été précieux, et ses paroles étaient empreintes de noblesse de de sagesse. La vieille Kitabakate sourit. Nos héros allaient tous recevoir la reconnaissance officielle du clan de la Licorne pour leurs services à Inchu. En particulier, Ayame-san serait remerciée pour avoir aidé au réglement du conflit des deux villages. C'est pourquoi Kitabakate disait que les deux Phénix n'avaient pas de raison de tant la remercier. Elle donnait juste les conseils d'une vieille ermite qui avait de l'expérience. Mais s'il fallait parler d'honneur pour quelqu'un, c'était bien pour les deux Phénix. Celles-ci reçurent avec modestie ces paroles, quoiqu'Ayame conservât encore un rien de distance vis-à-vis de la vieille femme. Elle était trop rompue aux subtilités du discours pour ne pas peser tous ses mots.
Elle raconte que dans sa jeunesse, elle avait vécu dans des mondes de faste et d'apparât, qui étaient aussi des lieux de mensonge et de dissimulation. Maintenant, elle coulait des jours heureux à Inchu, à lire les astres pour les paysans ; elle s'en satisfaisait. D'autant plus que le shugenja Kumanosuke lui avait accordé la protection de deux yorikis.

La conversation se poursuivit sur un ton poli. Ikky-san essaya de savoir ce qu'elle pensait de la situation à Inchu. Les deux Phénix savaient pertinemment que leur hôtesse en savait beaucoup, et en disait très peu. Elle restait allusive quant à ses pensées. Pourtant, elle devinait bien que les deux samuraï-ko avaient une idée derrière la tête.
- Si je puis me permettre, honorables Phénix, je pense que vous n'êtes pas venues uniquement pour me remercier et papoter de choses et d'autres autour d'un thé. Je devine que vos lèvres brûlent d'autres questions. Pourquoi ne pas me les poser ?
Ayame hésita. Elle dit que ce n'était pas si important, qu'elle se réservait ces interrogations pour une autre fois.
- Vous allez repartir sur les terres de votre clan, et vous ne me reverrez pas avant longtemps. Vous êtes de brillantes et fines samuraï-ko. Moi je ne suis qu'une vieille femme, du même rang d'un heimin. Pourquoi vous gênez avec moi alors que vous ne vous gêneriez pas avec un paysan ?... Posez-moi donc une question, Ayame-san, dit-elle en penchant la tête vers la shugenja. Accordez-vous une question...
Assurément, elle s'y connaissait pour tenter le coeur des gens...
Gênée, mais très tentée il est vrai, Ayame prit la précaution de dire que la vieille femme ne serait pas obligée de répondre...
Ceci posée, elle lui demanda à mi-voix comment elle avait connu le shugenja Kumanosuke.

La vieille Kitabakate sourit, et ferma les yeux, se plongeant dans ses souvenirs. Elle prit le temps de formuler sa réponse, amusée qu'une jeune shugenja ait commencé à percer certains de ses secrets.
La vieille Kitabakate était arrivée dans la région trois ans auparavant, quand son clan avait été rayé de l'Ordre Céleste. Elle venait de loin, et ne connaissait pas du tout cette région. Elle s'était adressée à la Grenouille Riche, car elle savait que là vivait Iuchi Kumanosuke, un shugenja qu'elle avait connue par le passé, presque un quart de siècle plus tôt... A l'époque, elle lui avait fourni certains renseignements précieux dont le shugenja avait besoin pour le clan de la Licorne. A son tour, le shugenja Iuchi rendit service à Kitabakate, en lui permettant de s'installer dans cet endroit paisible et retiré de la vallée d'Inchu.
En apprenant cela, Ayame reprit de l'estime pour le vieux Kumanosuke. Ainsi, il n'était pas qu'un froid politicien. Il avait aidé cette vieille femme en détresse, et il veillait sur elle depuis. Il lui apparaissait maintenant bien plus noble.
La vieille femme avait vécu entièrement dévouée au clan "le plus loyal de Rokugan" comme elle l'appelait. Quand le clan fut détruit, elle voulut changer de vie. L'arrivée des comploteurs à Inchu n'avait pas été pour la réconforter. Elle avait perçu instinctivement ce qui se cachait derrière ces petits rônins errants, qui se prenaient pour des maîtres de la manipulation. Ils étaient le jouet d'une force qui les dépassaient.
C'est pourquoi Kitabakate avait informé Kumanosuke, puis nos héros, de ce qui se tramait à Inchu. Ces anciens petits seigneurs chassés du sud ne venaient pas seuls. Avec eux, ils apportaient une puissance obscure, sans nom. Et il ne s'agissait pas de l'ignoble souillure de Fu-Leng. Il s'agissait de fragments d'une chose sans nom, une chose que personne n'avait nommé depuis la création du monde, une parcelle de chose non-identifiée, un reflet de néant. Kitabakate avait commencé à percer à jour ce secret noir comme les ténèbres qui rongeait de l'intérieur son clan. Cette ombre furtive s'introduisait dans l'âme et la détruisait de l'intérieur, cherchant à absorber les êtres dans son néant. Et les comploteurs d'Inchu étaient des pantins de ce néant... Terrible adversaire, que celui qui n'a pas de nom et se dérobe à toute appréhension.
C'est pourquoi Kitabakate se réjouissait que les comploteurs aient été expédiés au Jigoku [monde des morts] ; en revanche, les espoirs d'Ayame de mettre la main sur le chef des comploteurs étaient vains. On ne pouvait pas attraper l'ombre vivante et rampante... Terreur

- Je suis bien vieille maintenant, honorables Phénix. Et je porte beaucoup de secrets avec moi. Si une parcelle de ce que je sais pouvait être transmise à de jeunes femmes intelligentes, j'en serais contente... Il y a plusieurs années, du temps du 38e Empereur, j'ai connu un jeune acteur talentueux du clan loyal. Il se nommait Emmon, et avait un frère du nom de Takashi. Ce frère eut le visage effacé par l'Ombre Vivante. Mais Emmon résista à l'appel lancinant de cette chose sans nom. Takashi mourut, et Emmon disparut peu avant le coup d'Etat. J'ignore à présent ce qu'il est devenu, mais s'il est encore en vivant, je suis sûr qu'il pourrait nous en apprendre beaucoup sur cette entité. Mais qui sait sous quel nom il se cache maintenant ?

Les deux Phénix avaient écouté attentivement. La famille des acteurs en question se nommait Shosuro.
Shosuro Emmon. Cet homme avait approché de près l'Ombre, et il était peut-être encore en vie pour en parler...
Isawa Ayame sut qu'elle méditerait longuement les paroles de la vieille Kitabakate. Respectueusement, la shugenja lui souhaita que la Fortune de la Longévité la protège encore longtemps. La vieille femme recommanda à la shugenja d'aller chercher dans les bibliothèques de la famille Isawa. Là, elle pourrait trouver sans doute trouver des informations sur l'Ombre.
Les deux femmes espéraient se revoir bientôt. Peut-être cela prendrait-il plusieurs saisons... Les deux Phénix s'inclinèrent devant leur hôte puis quittèrent la cabane à l'orée du bois puis retournèrent au bord du fleuve. Elles se firent transporter par leur passeur jovial jusqu'à la cité d'Inchu. Le lendemain, elles assistaient à la cérémonie d'honneur pour la chasse au bois du Daim d'Argent.

"Ainsi vous n'avez pas pu vous empêcher de retourner voir cette vieille femme" dit avec amusement Iuchi Kumanosuke, quand Ayame-san retourna le voir pour s'excuser de certaines de ses paroles à son égard. Le shugenja Licorne n'en prit pas ombrage. Lui aussi souriait sous cape de l'audace d'Isawa Ayame, et il pensait à la vieille courtisane, seule dans sa cabane, entre le fleuve et le bois d'Inchu.


A suivre : Tonbo Toryu, la Libellule du changement
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#2
Pray ²

Avec cette double partie on va battre tous les records de résumé c'est sûr bravo

Merci Panda Chinese
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#3
Une partie de grande 8) , Merci les MJs biggrin

Et désolé pour les qq fois ou j'ai piqué du nez. Ce n'était pas par manque de respect pour vous, j'étais vraiment crevé :? J'ai dormi quasiment 12h ce matin, et là je larve, alternant entre PC et films. :roll:
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#4
6e épisode (I) : Les deux Phénix dans l'automne couchant

Tonbo Toryu, la Libellule du changement

Après le repas de chasse chez Shinjo Egawa, les deux Phénix partirent avec Kakita Hiruya, Mirumoto Ryu et Riobe. Shinjo Kohei restait sur les terres de son clan. Il souhaita bon voyage à ses compagnons d'aventure, triste de les quitter mais heureux de revoir les plaines de la Licorne.

Le voyage emmena nos héros à Kyuden Tonbo, le château de la Libellule, chez l'aimable Tonbo Toryu. Plusieurs fois déjà nos héros étaient passés chez ce daïmyo paisible et éclairé. La dernière fois, ils venaient d'échapper aux rugissants centauminotaures du col d'Heibetsu. Toryu-sama avait veillé à les soigner.
Cette fois-ci, il les accueillit plus préocuppé qu'à l'habitude. Chargé de garder la frontière du clan du Dragon, il devait affronter de plus en plus souvent des Matsu courroucés, à qui il expliquait poliment que le clan de Togashi Yokuni refusait de les recevoir pour le moment. De plus, en tant qu'interprête du Tao, sa célébrité dans ses interprêtations des paroles de Shinseï lui valait de plus en plus de détracteurs. Puisqu'il prônait la sagesse comme le changement intérieur et l'adaptation au monde, on lui reprochait, notamment du côté des terres du Lion, de répandre des paroles subversives, une compréhension erronée, hérétique, de Shinseï. Toryu-sama semblait tout à fait accablé de ces injures selon lui injustifiées.
Ayaem-san avait beaucoup de sympathie pour lui. Etrangement, elle s'entendait mieux avec ce Libellule ou avec Kitabakate, qu'avec les gens de son clan. Elle n'avait aucun empressement à rentrer sur les terres du Phénix. Toryu-sama lui assurait qu'il n'avait aucune envie de renverser l'Ordre Céleste, simplement de donner une interprêtation plus juste des paroles de Shinseï. Le sage n'était-il pas la preuve vivante que l'homme peut réfléchir par lui-même, sans l'intervention directe des kami ?
Poliment, le daïmyo Libellule souhaita bon voyage à tous ses visiteurs. Il regrettait de ne pouvoir les recevoir à une cérémonie du thé comme les autres fois. Les chemins de nos héros se séparèrent : Kakita Hiruya allait rejoindre son senseï Kakita Yobe à Heibetsu ; il suivait Mirumoto Ryu et Riobe, qui se rendaient eux aussi chez Akuma-sama.
Pendant qu'ils commençaient à gravir les hautes montagnes, les deux Phénix prirent le chemin des plateaux au pied des hautes montagnes. Toryu-sama leur souhaita que les vents les portent rapidement au but de leur voyage. Comme l'hiver approchait, que les chemins étaient escarpés, peu sûrs, parcours de bandits, de crevasses, le daïmyo leur adjoignit un de ses hommes comme guide.
Bravant le souffle froid et cinglant des Fortunes des Airs, les deux samuraï-ko partirent sur le sentier de la Libellule.
Ils cheminèrent lentement, à dos de poney, tandis que les jours du mois du Sanglier s'en allaient, comme les bourrasques de neige et les grands oiseaux des sommets.
Ils leur semblaient entendre parfois, tombant des hautes vallées d'Heibetsu, des cris de rage ressemblant à ceux d'Akuma-san. Le tremblement de sa voix provoquait d'impressionnantes avalanches des hauteurs enneigés aux vallées les plus basses. lol

A suivre : Kitsuki Hanbeï, l'inquisiteur inflexible
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#5
Amour
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#6
Yeah tout est dans l'ambiance...
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#7
6e épisode (I) : Les deux Phénix dans l'automne couchant

Kitsuki Hanbeï, l'inquisiteur inflexible

Amateratsu illuminait de ses beautés sublimes les montagnes inébranlables des terres du Dragon, et semblait secouer sa robe légère de neige et de vent sur le chemin des deux samuraI-ko. Précédées de leurs guides, elles gravirent des pentes escarpées, marchèrent le long de torrent tumultueux, passèrent des gorges sauvages et des vallées encaissées, toujours dominées par les sommets ineffables où vit le clan le plus isolé de Rokugan.

Deux jours avant d'atteindre la frontière du Phénix, en milieu de journée, elles aperçurent un incendie qui consumait un bâtiment à l'écart d'un petit village à flanc de montagne. La bâtisse finissait de brûler dans un dégagement de fumée âcre. Le feu n'avait pas épargné cette fragile construction. Les heimin, dirigés par le yoriki du village, organisaient la chaîne des seaux d'eau depuis un ruisseau voisin. Les paysans ne ménageaient pas leur peine pour réduire les flammes insatiables.
Des femmes en pleurs vinrent se jeter au pied d'Ayame, la suppliant de bénir le village ; des hommes accoururent, qui avaient vu des esprits maléfiques déclencher le feu ; d'autres tenaient des propos confus sur des bandits dans la région. Pressée de toute part, Ayame demanda à réquisitionner une auberge, où elle aurait le loisir d'interroger tout le monde. Il était de son devoir de tirer cette affaire au clair.
Alors que le jour baissait, la bâtisse était calcinée, noircie et trempée par l'eau. Les heimin fatigués affichaient leur soulagement : l'incendie n'avait pas gagné de proche en proche, ce qui aurait été facilement le cas si le vent avait soufflé.
Les paysans affichaient leur admiration mêlée de peur devant Ayame-san. La venue d'une shugenja était pour eux un évènement rare. Agenouillés devant elle, ils espéraient qu'elle conjurerait le malheur qui venait de les frapper.
Les témoignages de heimin à la tête plus froide permit d'écarter rapidement l'idée d'une colère des esprits. Le bâtiment qui brûlait était une maison de jeu. De vieilles querelles remontaient à la surface, les uns accusant les autres de fréquenter ces lieux, d'être hypocrite... Quoiqu'ils s'en défendissent, presque tous les hommes durent reconnaître que, pour la plupart, ils étaient déjà tous allés dans cet endroit, sans aller s'en vanter auprès du voisin... Mais Ayame ne faisait pas étape ici pour entendre ces ragots. Elle put comprendre que cette maison de jeu était tenue par des yakuzas, qui "protégeaient" le village en échange d'une dîme prise aux paysans. Les récoltes dans la région étant généralement bonnes, les yakuzas s'enrichissaient bien de ces heimin, sans compter qu'ils récupéraient les bénéfices du tripot. L'un des hommes affirma que les yakuzas, habitants d'un village voisin protégeaient effectivement le village des bandits des montagnes.
Ces derniers temps, les paysans n'avaient pas été assez prompts à verser leur dîme, et ils allaient moins jouer... L'un d'eux avait-il voulu attaquer cette source de revenus des yakuzas, ou était-ce une bande rivale qui s'en prenait aux protecteurs des lieux ?

A la nuit tombée, alors que les deux Phénix allaient s'accorder une nuit de repos avant de poursuivre leurs investigations, le yoriki vint annoncer l'arrivée de deux samuraï, descendus de la montagne. Ayame ordonna qu'on les fît venir. Mais c'est elle qui dut s'agenouiller : l'arrivant n'était autre qu'un magistrat du Dragon, d'une place dans l'Ordre Céleste sensiblement plus élevée que celle de la shugenja et de sa yojimbo.
Accompagné lui aussi d'un garde du corps, le magistrat se nommait Kitsuki Hanbeï. L'air sévère, soucieux, attentif, il salua selon les règles, et s'enquit aussitôt de la situation. Son instinct de maître du Nazodo le faisait déjà flairer les pistes et réunir les indices. Ayame exposa l'histoire de la rivalité des bandes yakuzas.
Hanbeï-sama prit le temps de réfléchir. Depuis plusieurs jours, il traquait dans la montagne une criminelle importante, et comme on venait de le prévenir que des esprits malfaisants rôdaient dans la région, et comme il avait vu cet incendie, il avait détourner sa route. Il pensait trouver des traces de la personne qu'il poursuivait : il s'apercevait en réalité qu'il avait perdu pour de bon l'espoir de retrouver sa proie... Il en vint rapidement à soupçonner des complices d'avoir déclenché cet incendie pour le tromper. Il serra le poing de rage et jura qu'on ne se moquerait pas longtemps de la famille Kitsuki.
Ayame voulut s'informer de cette criminelle que poursuivait Hanbeï-sama. Ce dernier dit qu'il venait de la ville d'Heibetsu, où il avait enquêté sur les comploteurs qui avaient sévi au moment des fêtes des vendanges. Il avait inspecté les temples des Oiseaux après l'incendie, avait passé la ville au peigne fin : il avait fini par en conclure que la shugenja déchue, Nahoko, était encore vivante, et s'apprêtait à passer la frontière des Phénix.
De fil en aiguille, il ne fallut pas longtemps pour que Hanbeï se souvienne du rôle pour le moins majeur joué par Ayame dans cette affaire.
Il fut le premier surpris de la coïncidence. Ainsi donc il avait devant lui l'honorable shugenja dont l'honneur avait été mis en jeu...

Le magistrat avait la conviction qu'un jeu de dupes s'était joué à Heibetsu. Et les ninjas n'étaient pas pour rien dans cette affaire. Ayame fut surpris : elle demanda, d'un air naïf, si les ninjas n'étaient pas qu'une invention de paysans effrayés. Le magistrat était naturellement prêt à recevoir cette objection : sans perdre son aplomb, il affirma aux deux samuraï-ko que la famille Kitsuki était depuis peu en mesure de prouver rationellement, par des preuves concrêtes, l'existence des ninjas, ainsi que certains de leurs moyens d'action. Révélation étonnante, pour le moins. Les inquisiteurs du Dragon étaient encore pour le moment les seuls dans Rokugan à être si affirmatifs, et ils savaient qu'il faudrait du temps pour que les mentalités changent à ce sujet.
Toutefois, il fallait convenir qu'entre un "vrai" ninja et un malin qui se déguise en habit noir pour terrifier un village, la différence était ténue. Mais Hanbeï-sama ne desespérait pas de faire concrêtement la différence, en s'appuyant sur des preuves irréfutables.
Ce qui étonnait le magistrat et enquêteur, c'est qu'en enquêtant sur la shugenja Nahoko, il n'avait pas trouvé de preuves concrêtes de sa corruption par la souillure de l'Outremonde. Hanbeï-sama était donc prêt à affirmer que Nahoko, loin d'être souillée par Fu-Leng, avait réussi à le faire croire à tous, y compris à la shugenja Ayame.
Pourquoi un tel tour de force ? Pourquoi une telle tromperie ? On l'ignorait encore. Toutefois, le très respecté médecin de Mirumoto Akuma partageait cet avis : il avait connu depuis longtemps Nahoko, et jamais il n'avait découvert le moindre indice de sa fréquentation de la maho-tsukaï.
Ayame elle-même pouvait-elle positivement affirmer que le parchemin compromettant était réellement maudit ? L'avait-elle assez lu pour le dire avec certitude ? Non, bien sûr, et c'était tout à son honneur. Cependant, cela allait dans le sens d'une mystification de la part de Nahoko. Mais pourquoi déchoir, pourquoi accuser Ayame ? Le mystère n'en redevenait que plus grand.
La shugenja Phénix dut convenir que sur ce point, les doutes du magistrat étaient fondées. Elle avait parfaitement put se persuader que ces parchemins étaient souillées par le pouvoir corrupteur de Fu-Leng. Elle les avait perçus ainsi, mais l'étaient-ils vraiment ?
Or, tacitement, tant la shugenja que l'inquisiteur savaient que les pouvoirs de l'Ombre Vivante brouillaient la perception des choses. Et à Heibetsu, des maîtres de la tromperie avaient dérouté tout le monde...
Ayame dit au magistrat qu'il était la seconde personne à lui parler de l'Ombre... Intrigué celui-ci voulut connaître l'identité de l'autre personne. La shugenja sentit que sa langue avait fourché. Maintenant, elle ne pouvait plus retenir ce qu'elle savait. A contrecoeur, et devant l'insistance pressante du magistrat, elle mentionna le nom de la vieille Kitabakate. Hanbeï-sama promit qu'il l'interrogerait uniquement pour en apprendre plus sur ce qu'il voulait, et sans la brusquer. Ayame-san conjura les Fortunes de venir en aide à la vieille femme...

Le lendemain matin, la shugenja fit devant les heimin une prière aux Fortunes pour les apaiser et faire revenir la paix sur le village. La communauté se sendit rassurée par cette intervention bienfaisante. Les gens du peuple s'agenouillèrent en pleurant de remerciement.
Les deux Phénix ne s'attardèrent pas dans le village, puisque l'ordre y était rétabli. Le magistrat Kitsuki avait bien l'intention de retrouver Nahoko et de faire la lumière sur les crimes d'Heibetsu. Il repartit dans la montagne, comme il était venu : soucieux et fermement décidé à mener jusqu'au bout ses recherches.


A suivre : Isawa Akitoki, daïmyo ambitieux
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#8
Quote:Ayame ordonna qu'on les fît venir. Mais c'est elle qui dut s'agenouiller

Swann pour une fois... c'est que ce ne sont pas tous des rônin les samurais qui se promènent dans les montagnes Wink
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#9
D'autant que c'était un magistrat de rang 4 en Gloire. Pray
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#10
En tous cas elle ne va pas me renconter avant quelques jours : il va me falloir 5 jours de repos sommeil pour redescendre à +3 Tilleul
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