1910
Max reprend sa liberté (1912, de et avec Max Linder). Max Linder était l'un des plus grands acteurs burlesques du muet. Devenu une vedette en France, puis à Hollywood, il a inspiré le personnage de Charlot, et a été largement oublié par la suite. Le personnage de Max, dandy, séducteur, noceur, est le héros de très nombreux courts-métrages de Linder.
Dans
Max reprend sa liberté, notre jeune époux se dispute avec Madame. Celle-ci va pleurer chez sa mère. Pendant ce temps, Max va tenter de s'occuper des corvées ménagères...
Dans
Max, professeur de tango, notre héros a fait la nouba toute la nuit dans un cabaret de Berlin. Il s'y réveille le matin, pas très frais... Il se souvient qu'il a rendez-vous pour donner son cours de tango à une très bonne famille...
Beaux plans du héros traversant la ville au petit matin.
1920
Das Cabinet des Dr. Caligari (1920) : L'histoire d'un bateleur de foire, Caligari, qui montre dans son cabinet un somnanbule endormi depuis 23 ans, Césare. Quand Caligari le réveille, Césare est capable de voir l'avenir. Il prédit à un jeune homme qu'il mourra à l'aube... et la prédiction se réalise. Bientôt, un autre crime suit...
Sans doute le premier film fantastique de l'histoire du cinéma, et le premier avec un "twist ending". Des décors torturés magnifiques : le modèle même de l'expressionnisme allemand. Un chef-d'oeuvre.
The Unknown (1927, de Tod Browning, avec Lon Chaney). Le réalisateur, plus connu pour
Freaks, a tourné plusieurs fois avec le grand Lon Chaney, un des grands acteurs du muet, qui fabriquait lui-même ses déguisements et s'était spécialisé dans les rôles criminels, grotesques, inquiétants. Dans ce film (appelé "l'inconnu" car on n'a pas retrouvé le titre), Chaney interprète Alonzo, un gitan sans bras qui travaille dans un cirque. Il tombe amoureux de la fille du patron, Nanon, alors que celle-ci aime Malabar, l'homme fort. Le cruel Alonzo ne le supporte pas et, avec l'aide du nain Cojo, va tout faire pour détruire le couple.
Un bon film. Même sans les mains, Chaney sait camper un personnage sombre et maléfique.
The Circus (1928, de et avec Charles Chaplin). Déprime au cirque : les numéros sont éculés, les clowns sont tristes, monsieur Loyal tourne en bourrique, le public siffle... L'arrivée impromptue de Charlot, poursuivi par la police, va bouleverser le spectacle...
Un des derniers films muets. Démonstration permanente de virtuosité, de la poursuite sur place dans le labyrinthe de miroirs, au numéro final de funambule. Chaplin revisite le cirque et son propre art comique, dans un feu d'artifice de gags et de numéros époustouflants : il met à nu cet univers, ne laissant à la fin, du cirque, qu'un vagabond solitaire, au milieu d'un cercle dans le sable.
1930
Mr Smith Goes to Washington (1939, de Frank Capra, avec James Stewart, Jean Arthur, Claude Rains). Un jeune chef scout se retrouve promu sénateur. Idéaliste et naïf, il va vite découvrir l'ampleur de la corruption qui règne à Washington...
Un grand film sur les valeurs fondatrices des Etats-Unis : le propos est manichéen, mais derrière l'optimisme du message, apparaît une vision très noire de la politique. De grands acteurs : mention spéciale à Claude Rains (le gendarme dans Casablanca), en vieux sénateur corrompu, et à l'interprète du président du Sénat.
1940
Citizen Kane (1941, d’Orson Welles, avec Orson Welles, Joseph Cotten). Sur son lit de mort, le milliardaire Charles Foster Kane expire en prononçant un dernier mot : « Rosebud ». Afin de découvrir ce qui se cache derrière ce nom mystérieux, un journaliste interroge tour à tour ceux qui ont connu de près le magnat des affaires.
« Mes pareils à deux fois ne se font pas connaître / Et pour leurs coups d’essai veulent des coups de maître », pourrait dire Orson Welles avec le Cid. Le jeune génie de vingt-six ans s’impose d’un coup comme un réalisateur inégalable autant que comme un acteur d’exception. La composition de son personnage est époustouflante : Welles joue Kane de vingt-cinq à soixante-dix ans, en nous montrant tous ses visages aux différentes époques de la vie –notamment lors de la magnifique séquence du déjeuner avec sa femme, qui en quelques plans nous fait parcourir vingt ans de la vie du couple.
De fait, Kane est le double parfait du réalisateur : génie dans son domaine, animé d’ambitions pharaoniques, il cherche à bouleverser la vie de ses contemporains. Le palais de Xanadu est le décor somptueux et démesuré où s’entassent mille trésors de toutes les époques et de tous les mondes, à l’image du cinéma de Welles, capable d’intégrer en lui tous les genres (drame, comédie, tragédie…) et tous les arts (cinéma, roman, danse, magie, peinture…). Chaque scène est faite comme un court-métrage expérimental, où Welles tente quelque chose d’inédit.
Welles fait éclater les limites du cinéma en systématisant l’utilisation de la profondeur de champ : grâce à plusieurs truquages, il peut faire la mise au point simultanément sur tous les plans de l’image. Les personnages s’enfoncent dans la profondeur de la pièce, ou bien différentes scènes se déroulent simultanément sur un seul plan. Le cinéma tend alors vers la troisième dimension.
Avec ce film, Welles enchantait pour la première fois le spectateur avec une virtuosité qui ne lui ferait jamais défaut, grand illusionniste et maître d’œuvre d’un cinéma élevé au rang d’art total.
This Gun for Hire (1942) : Un tueur est embauché par le cadre d'une industrie chimique pour tuer un homme et récupérer une formule chimique. Il s'aperçoit qu'il a été payé en billets marqués et signalés à la police. Il se lance alors à la poursuite de celui qui l'a employé. Un très bon film noir. La nouveauté de ce film est de présenter un tueur qui n'a pas une bobine de fripouille, mais qui ressemble à un type ordinaire.
To Be or Not to Be (1942, de Ernst Lubitsch). Une troupe de comédiens de Varsovie se retrouve engagée dans la lutte contre l'occupant nazie : ils vont chercher à démasquer un agent double venu de Londres.
Le film commence comme une comédie satirique puis vire peu à peu à l'espionnage. Très intéressant mélange, où le suspens n'empêche pas le rire : le recours au monde du théâtre permet des jeux sur l'illusion et les doubles, avec des chassé-croisés et des quiproquos dignes de Shakespeare. Lubitsch tourne en dérision les nazis et, derrière l'ambiance de grosse farce, laisse deviner l'inhumanité monstrueuse des officiers, qui plaisantent sur leurs exactions comme s'ils parlaient du temps qu'il fait. L'ensemble constitue un tour de force, d'autant que ce film a été tourné au début de la guerre.
Double Indemnity (1944, de Billy Wilder, avec Fred MacMurray, Barbara Stanwyck, Edward G. Robinson). Un assureur sonne à la porte d'une belle villa californienne et tombe sur une femme fatale blonde. Elle le convainc bientôt de l'aider à tuer son mari en déguisant cela en accident, de façon à toucher le pactole de la part de l'assurance...
S'il ne devait rester qu'un film noir, ce serait celui-là : c'est la quintessence du genre, avec les amants maudits, pris dans leur passion criminelle. "Soudain, je n'entendis plus le bruit de mes propres pas. C'était la marche d'un homme mort..."
Phantom Lady (1944, de Robert Siodmak). New-York, 20 heures : un homme, seul dans un bar, a deux places pour un spectacle à Broadway. Il propose à sa voisine de l’inviter. Celle-ci finit par accepter, à condition qu’ils ne se revoient pas après. Quand l’homme rentre chez lui, la police l’attend : sa femme a été étranglée. Tout l’accuse. Et quand il tente de retrouver la femme inconnue, la seule à pouvoir le disculper, aucun témoin ne se souvient de l’avoir vue avec lui…
Intrigue prenante, photographie soignée, très bons acteurs, un film noir par un des maîtres du genre.
Scarlet Street (1945, de Fritz Lang, avec Edward G. Robinson) : Un petit employé de banque, peintre amateur, est victime d'une jeune femme dont il est tombé amoureux et de l'amant de celle-ci. Un très bon film, très noir comme toujours avec Fritz Lang.
The Killers (1946, de Robert Siodmak, avec Burt Lancaster (son 1er rôle) et Ava Gardner). Deux tueurs retrouvent et abattent un boxeur suédois, qui n'oppose aucune résistance. Le détective de l'assurance du Suédois mène l'enquête et découvre que le boxeur était avec une femme belle et dangereuse...
Un petit classique noir.
The Stranger (1946, d'Orson Welles, avec Orson Welles, Edward G. Robinson, Loretta Young). Un membre de la commission des crimes de guerre nazis part sur la trace d'un responsable de la solution finale. Celui-ci a refait sa vie sous l'identité d'un paisible professeur d'une petite ville du Connecticut.
Celui de ses films qu'Orson Welles aimait le moins. On sent qu'il n'en n'a pas eu la maîtrise totale, comme pour Citizen Kane ou son Falstaff. Mais un petit Welles suffit quand même à faire un très bon film : dans le carcan du scénario d'un autre, il parvient à recréer son univers, avec ses plongées et contre-plongées, ses jeux d'ombres et de lumières et ses personnages intenses.
Out of the Past (1947, de Jacques Tourneur). Vous prenez Robert Mitchum en ancien détective privé qui essaye de se ranger ; vous prenez un homme d'affaire élégant et véreux (Kirk Douglas) ; vous ajoutez sa maîtresse, femme fatale, partie avec 40.000$ ; vous ajoutez que le héros est rattrapé par un passé qu'il voulait oublier ; vous liez tout ça avec un chantage sur un meurtre, et vous aurez compris qu'on a ici affaire à un film noir, et à un modèle du genre.
Sorry, Wrong Number (1948, avec Barbara Stanwyck, Burt Lancaster). Une femme attend son mari depuis des heures, seule au lit dans sa grande maison. Elle veut l'appeler, l'opératrice fait une erreur. La femme surprend alors la conversation de deux hommes qui prévoient d'assassiner une femme dans la soirée. Choquée, elle cherche à prévenir la police, et à savoir ce que fait son mari.
Excellent suspens : récit construit sur des aller-retour dans le temps, avec jusqu'à 3 flash-backs les uns dans les autres.
Jour de fête (1949, de et avec Jacques Tati). C'est jour de fête au village. Le brave facteur François va aider à la préparation et provoquer aussitôt quelques incidents... Dans la tente d'un forain, il voit un film sur les méthodes des
postmen Américains, qui livrent le courrier en hélicoptère. L'idée va lui monter à la tête : lui aussi peut faire sa tournée à l'Américaine ! Pour cela, il va falloir pédaler plus vite et rationaliser chaque mouvement.
- Comment y font donc pour livrer le courrier dans les gratte-ciel ?
- Ben mon vieux, ils leur mettent une hélice dans le dos !
Comédie burlesque qui est aussi le portrait d'un petit village d'après-guerre, ainsi qu'une mise en scène de l'arrivée de la modernité dans la France traditionnelle. La mésaventure du facteur est pour Tati une manière de montrer comment la technologie, quand elle s'impose brutalement, peut monter à la tête des gens et faire d'eux des machines.
The Third Man (1949, de Carol Reed, avec Orson Welles). Dans le Vienne d’après-guerre, tout le monde vit du marché noir. Holly Martins, écrivain de romans populaires, arrive pour retrouver son ami Harry Lime. Mais il ne pourra qu’assister à son enterrement : Harry a été tué dans un accident de voiture. Rapidement, l’écrivain comprend que son ami était impliqué dans de sombres trafics et que sa mort n’est peut-être pas accidentelle…
Chaque plan est magnifique, chaque séquence est un vrai bonheur. Dans un Vienne tout en ombres et lumières expressionnistes, avec les architectures baroques, les rues, les ruines, les jeux de miroirs et de perspectives, les plongées et contre-plongées, qui expriment les tourments des personnages et leur noirceur, un chef d’œuvre de bout en bout.
Criss Cross (1949, de Robert Siodmak, avec Burt Lancaster). Steve Thompson fait une première erreur, celle de retrouver son ex-femme, qui s'est mise avec un gangster. Celui-ci propose à l'ex-mari de l'aider pour un braquage. Thompson commet alors une seconde erreur : il accepte... Film de suspens, film noir et drame romantique. Décidément, les femmes seront toujours fatales...
1950
Where the Sidewalk ends (1950, d’Otto Preminger). Mark Dixon est un inspecteur de police compétent, mais violent. Les plaintes se multiplient contre lui. Une enquête sur un meurtre le conduit à interroger un suspect avec la manière forte. Accidentellement, il le tue… Il décide de faire disparaître le corps et, pour éviter que lui ou un innocent soient accusés, il veut mettre cette mort sur le dos d’un truand qu’il poursuit depuis longtemps...
Sur ce thème classique de la proximité entre flics et voyous, une perle de film noir, avec un héros tantôt séduisant, tantôt inquiétant. Les scènes sont presque toute dans des intérieurs resserrés, avec des vues par la fenêtre sur une métropole écrasante, tout en ombre et en fumée.
The Asphalt Jungle (1950, de John Huston, avec Sterling Hayden). Un braquage mis au point par un génie du cambriolage finit par tourner mal pour tous les complices.
Du très bon film noir : une photographie parfaite, de très bons acteurs. Presque pas de musique de tout le film, un rythme apparemment jamais haletant, ce qui contribue, contre toute attente, à une ambiance prenante, qui colle aux personnages. A noter un second rôle pour la jeune Marilyn Monroe.
Topaze (1950, de Marcel Pagnol, avec Fernandel). Un professeur de primaire, incarnation de la vertu et de l'honnêteté du fonctionnaire de la IIIe République, est victime d'un malentendu et renvoyé de la pension où il enseigne. Il est repéré par un politicien et homme d'affaires véreux, qui compte se servir de lui comme prête-nom pour ses magouilles. Le petit professeur, qui enseignait que "bien mal acquis ne profite jamais" s'aperçoit qu'il commence à tremper dans des affaires crapuleuses.
Une comédie cynique et immorale jusqu'au bout, très drôle, sur la vertu impuissante face à la corruption.
Sunset Boulevard (1950, de Billy Wilder, avec Eric von Stroheim, Glorian Swanson). Pour échapper aux inspecteurs de la police d'assurance de sa voiture, un scénariste minable de Hollywood trouve refuge dans une vieille demeure. Elle est habitée en fait par une vieille actrice du muet, tombée dans l'oubli mais persuadée qu'un come-back triomphant avec Cecil B. de Mille l'attend pour bientôt. Le scénariste se voit proposer d'écrire l'histoire de ce grand film dont elle rêve. A moitié folle, elle finit par en faire son gigolo et ne tolère plus qu'il quitte sa maison.
Un chef d'œuvre du film noir, avec en trame de fond les drames causés par le passage du cinéma muet au parlant.
The Enforcer (1951, de Bretaigne Windust, avec Humphrey Bogart). Un procureur tenait enfin le témoin qui allait faire tomber un gros bonnet. Mais l'homme se suicide la nuit avant d'aller au tribunal. Le procureur a le reste de la nuit pour reprendre de fond en comble le dossier et trouver un autre témoin capital...
Inspiré du procès d'une agence de tueurs surnommée Murder Inc. par la presse, un très bon film policier. Le chef a un peu la tête de Lee Van Cleef, avec le même air sadique ; quand au second parmi les tueurs, il a sans aucun doute inspiré de Niro pour ses rôles chez Scorcese : même allure, même démarche, mimiques et accent rital.
Ace in the Hole (1951, de Billy Wilder, avec Kirk Douglas). Au Nouveau Mexique, un journaliste qui a raté sa carrière sur la côte est attend de prendre sa revanche. Le jour où un homme se retrouve coincé dans une grotte, il décide de monter l'affaire en épingle et de couvrir l'évènement en exclusivité. Le plan délirant du héros réussit au-delà de ses espérances et vire au grand-guignol.
Kirk Douglas est magnifique en journaliste ambitieux, aigri et cynique. Satire des médias et des engouements collectifs, un très bon drame de Billy Wilder.
Singin' in the Rain (1952, de Gene Kelly, avec Gene Kelly, Donald O'Connor, Debbie Reynolds, Jean Hagen, Cyd Charisse). Nous sommes à l'âge d'or du muet. A l'écran, ils sont le couple vedette d'Hollywood, mais à la ville, ils se détestent. Quand le parlant arrive, lui peut s'adapter grâce à des cours de diction, mais elle, avec son horrible petite voix, devient la risée du public. Le producteur décide de prendre une autre actrice pour la doubler.
Quand Hollywood filme Hollywood, nous partons dans les coulisses, qui sont encore des décors. Des numéros spectaculaires de danses et de chants. Une magnifique comédie, virtuose de bout en bout, sur le monde magique et impitoyable du cinéma.
Pour l'anecdote : j'ai lu que l'actrice qui, dans le film, joue celle qui double l'héroïne, était en réalité elle-même doublée... par l'actrice qui joue l'héroïne, qui avait en fait une très belle voix
High Noon (1952, de Fred Zinnemann, avec Gary Cooper, Grace Kelly, Lon Chaney Jr., Lee Van Cleef). Le shérif Kane vient de se marier et s'apprête à rendre son étoile. Il apprend alors qu'un tueur, qu'il avait envoyé à la potence, a été libéré et revient se venger. Kane n'a qu'une heure pour trouver quelques assistants prêts à faire face au tueur et ses complices. Il comprend peu à peu que personne ne va le suivre...
Un western qui ressemble plus à un drame et un film de suspens. Le film se déroule presque en temps réel, durant la fin de matinée, entre le mariage et le moment où le train sifflera trois fois...
Un premier rôle, muet, pour Lee Van Cleef, qui a déjà une belle tête de tueur. Lon Chaney Jr. est très bon en vieil homme blasé. On voit plusieurs éléments qui ont pu inspirer Sergio Leone : trois hommes attendent un train, des trognes de méchants en gros plan... Une grande oeuvre, qu'on pourrait presque qualifier d'anti-western.
John Wayne trouva le film "un-American" : un shérif ne peut pas mettre en danger des civils, et les membres d'un petit village frontalier n'auraient pu, de toute façon, se comporter en lâches. Il y voyait de plus une mise en scène déguisée de la lutte contre le mccarthysme. Il répliqua avec
Rio Bravo.
Madame de... (1953, de Max Ophüls, avec Danielle Darrieux, Charles Boyer, Vittorio Da Sica). Madame de... est une comtesse frivole, qui n'a d'yeux que pour ses bijoux. Endettée, elle se décide à vendre une paire de boucles d'oreilles en diamant, sans le dire à son mari. A l'opéra, elle fait semblant de les avoir perdues. Comme la presse parle d'un vol, le bijoutier révèle la vérité au mari, un aristocratique général. Celui-ci rachète les boucles et les offre à sa maîtresse, qui part à Constantinople et les vend dans un casino. Par un concours de circonstances, un bel ambassadeur italien, Donatti, rachète ces boucles et peu après, tombe amoureux de Madame de...
Décors somptueux, escaliers tortueux, tourbillons des bals : dans le décor trop beau de l'aristocratie des officiers et diplomates, Ophüls montre la cruauté des rapports entre individus. La politesse raffinée apparaît comme une forme codifiée d'affrontement, un duel de mots et d'attitude. Le ton glisse insensiblement de la comédie au drame, à mesure que Madame de... , par ses mensonges, révèle la vacuité de son existence. L'héroïne ne conçoit l'amour que comme une passion folle, tandis que son mari se serait contenté d'une camaraderie franche et polie. Tous deux, au fond, passent à côté de l'amour et en affrontent les conséquences tragiques.
Une réalisation touchée par la grâce et d'excellents acteurs.
Les vacances de M. Hulot (1953, de et avec Jacques Tati). Monsieur Hulot, sympathique mais étourdi personnage, passe quelques jours de vacances dans un hôtel de bord de mer. Sa maladresse va provoquer divers petits incidents...
Le film suit ces vacanciers pendant une semaine, proposant une suite de saynètes amusantes, avec une fraîcheur et une légèreté intacts. M. Hulot est le plus vivant parmi ces gens qui ont du mal à se décrisper pendant leurs congés. Lunaire hurluberlu, sorte de père spirituel de Tintin et Gaston Lagaffe, il est plus une silhouette qu'un personnage, un souffle de fantaisie qui fait dérailler les mécaniques trop bien huilées de la vie sociale. Remarqué de quelques vacanciers, M.Hulot est bien vite oublié lorsque vient le temps de faire les valises. Derrière le rire affleure la mélancolie face au conformisme de la vie sociale. Un film d'une poésie unique en son genre.
On The Waterfront (1954, d'Elia Kazan, avec Marlon Brando, Karl Malden, Lee J. Cobb). Ancien boxeur, Terry Malloy travaille maintenant comme docker, sur les quais du New-Jersey tenus par la puissante mafia de Johnny Friendly. Témoins de plusieurs meurtres, Terry se retrouve pris entre sa fidélité aux dockers et l'obligation de dénoncer ces crimes...
Histoire inspirée d'une série de reportages de l'époque. Beaux plans des quais brumeux, avec l'Empire State Building de l'autre côté du fleuve ; l'ambiance épaisse des cafés du port, des cales de navires, des ruelles sordides ; les toits où l'on peut enfin respirer. Lee J. Cobb est toujours très bon ; le personnage simple et paisible de Marlon Brando prend à la fin des allures de Christ des dockers.
Rear Window (1954, d'Alfred Hitchcock, avec James Stewart, Grace Kelly). Un photographe victime d'un accident, se retrouve une jambe dans le plâtre. Pour passer le temps, il observe les voisins depuis sa fenêtre, qui donne sur la cour intérieure de l'immeuble. Un soir, il surprend un étrange va-et-vient de son voisin : il le soupçonne vite d'avoir tué sa femme. Il va mener l'enquête depuis chez lui...
Hitchcock nous entraîne dans son voyeurisme obsédant, filmant les appartements comme autant de petites scènes de théâtre. A la chaleur accablante de l'été new-yorkais, le réalisateur ajoute les couleurs saturées et une épaisse atmosphère sonore, entre les bruits de la circulation et la musique du voisinage. Excellent James Stewart, merveilleuse Grace Kelly. Un classique dont on ne se lasse pas.
The Big Combo (1955) : Film noir.
- I will arrest you.
- On what charge ?
- Murder. Mine, if necessary.
- Don't push me too hard...
- It is my sworn duty to push you too hard.
Avec, en homme de main, le jeune Lee Van Cleef, sans moustache, à qui les éclairages donnent une tête diabolique.
The Seven Year Itch (1955, de Billy Wilder, avec Tom Sewell, Marilyn Monroe). Sherman envoie sa femme et ses enfants en camp d'été. Il se retrouve seul chez lui et découvre qu'il a une pulpeuse et naïve voisine, qui aime les courants d'air provoqués par le métro à travers les grilles d'aération...
Le héros voit peu à peu la réalité et ses fantasmes s'entremêler, dans un flirt qui à l'époque était un défi à la censure. Malheureusement, la réalisation de B. Wilder a été plus inspirée. L'acteur principal n'a guère de charisme et l'histoire est finalement assez maigre (un New-Yorkais en proie au démon de midi). Malgré des moments amusants, une petite déception.
Du rififi chez les hommes (1955, de Jules Dassin, avec Jean Servais, Carl Möhner, Jules Dassin). Tony le Stéphanois sort de cinq ans de « cabane ». Il retrouve Mado, qui s’est remise avec un autre, et accepte de faire un gros coup dans une bijouterie, avec Joe, Mario et César le Milanais, un expert du perçage de coffres.
L’histoire et le style ressemblent de près à
The Asphalt Jungle de John Huston : suivre de près une bande complices montant le coup apparemment parfait. Dassin reprend l’idée du casse filmé sans musique et sans parole, mais l’améliore et en fait une séquence d’une demi-heure où tout est minutieusement décrit. Les acteurs sont très bien, l’ambiance sonore et les images soignées au poil. C’est un style à l’Américaine avec des personnages de truands parisiens, dont l’épaisseur humaine n’est pas oubliée. Du caviar de film noir !
The Killing (1956, de Stanley Kubrick). Un des premiers Kubrick. Une bande organise minutieusement le braquage de la caisse des paris d'un hippodrome, le jour d'une importante course. La femme d'un des bandits, avide d'argent, aigrie de sa petite ville banale, met son amant au courant, pour qu'il s'empare de l'argent après le braquage.
Une partie de la narration est non-linéaire, avec plusieurs fois la même scène vue de divers points de vue et des retour en arrière, ce qui en fait un ancêtre de Pulp Fiction.
Witness for the Prosecution (1957, de Billy Wilder, avec Tyrone Power, Marlene Dietrich, Charles Laughton, Elsa Lanchester). A Londres, un homme est accusé d'avoir tué une vieille dame, dont on peut penser qu'il espérait de l'argent. Le ténor du barreau qui assure la défense pourra t-il compter sur le témoignage de la mystérieuse femme de l'accusé ?...
Très bon film de procès : l'humour cynique d'Agatha Christie trouve parfaitement à s'exprimer grâce au réalisateur. De bons retournements de situation et de très bons acteurs.
Party Girl (1958, de Nicholas Ray, Robert Taylor, Cyd Charisse, Lee J. Cobb). Thomas Farrell est un brillant et cynique avocat, au service de la mafia. Le jour où il décide d’arrêter de travailler pour eux, et de partir avec la danseuse qu’il aime, il comprend qu’il ne va pas pouvoir quitter si facilement ses clients…
Bon film, avec plusieurs très bons d’acteurs, qui jouent des personnages tiraillés entre la grandeur et la vulgarité.
Mon oncle (1958, de et avec Jacques Tati). M. Hulot quitte son petit village pour rendre visite à sa soeur, qui vit avec son mari dans une grande maison ultra-moderne. Il va provoquer divers incidents, qui ne sont rien comparé aux gaffes qu'il commet le jour où le mari lui trouve un poste dans son entreprise...
Satiriste drôle, léger et profond de la modernité, Tati décrit la déshumanisation et la tristesse d'un monde trop fonctionnel. Le film fourmille de trouvailles du premier au dernier plan. Encore un film dans ces sommets que Tati n'a jamais quittés.
Touch of Evil (1958, d'Orson Welles, avec Orson Welles, Janet Leigh, Charlton Heston, Marlène Dietrich) : A la frontière mexicaine, un riche citoyen américain est tué dans l'explosion de sa voiture. Vargas, le chef mexicain du bureau des narcotiques (Heston) est confronté à un énorme policier américain (Welles) qui est prêt à tout pour trouver le coupable, y compris fabriquer les preuves. Pendant ce temps, la femme de Vargas est menacée par la bande d'un baron de la drogue mexicain.
Le sommet du film-noir : Orson Welles est énorme, à tous les sens du terme.
The Lineup (1958, de Don Siegel, avec Eli Wallach). Un réseau de trafiquants dissimulent héroïne et cocaïne dans des souvenirs achetés par les touristes en Asie. Ils volent ensuite les objets à la descente du bateau à San Francisco. La police se lance sur la piste des gangsters alors que ceux-ci doivent récupérer d'urgence la marchandise qui vient d'arriver...
Le jeune Eli Wallach en tueur psychopathe. Poursuites dans les rues en pente de la ville au pont d'or. Un bon film de gangsters, sorte d'ancêtre de
Bullitt et l'
Inspecteur Harry.
Anatomy of a Murder (1959, d’Otto Preminger, avec James Stewart, Ben Gazzara, Lee Remick, George C. Scott ; musique de Duke Ellington). Un officier de l’armée est accusé d’avoir tué l’homme qui a violé sa femme. Il fait appel à un avocat sur le retour. Celui-ci se rend rapidement compte que la version de son client n’est pas du tout certaine, pas plus que le témoignage de sa femme. Il va pourtant accepter cette affaire…
Grand film de procès, drôle, cinglant, cru, sans messages grandiloquents ni tirades édifiantes sur la justice. L’histoire se concentre d’abord sur l’enquête préalable, puis sur la confrontation des deux avocats, et la manière dont chacun va essayer d’influencer les différents témoins. En arrière-plan, la vie et la justice ordinaires d’une petite ville des Etats-Unis, et l’incertitude lancinante quant aux motivations des hommes.
Some Like It Hot (1959, de Billy Wilder, avec Tony Curtis, Jack Lemmon, Marilyn Monroe). Chicago pendant la prohibition : deux musicians de jazz sont témoins d’un règlement de comptes entre « amateurs d’opéra italien ». Ils s’enfuient en Floride et se travestissent pour intégrer un orchestre de femmes. Parmi celles-ci, la pauvre et adorable Sugar Kane, qui chante « I want to be kissed by you, just you… »
Selon certains, la meilleure comédie de l’histoire du cinéma. Deux heures de bonheur, sans un seul temps mort, avec les acteurs principaux au sommet de leur art. Aussi drôle qu’Assurance sur la mort est noir : Billy Wilder rit de tout et de tout le monde et enchaîne les scènes et répliques hilarantes.
1960
The Apartment (1960, de Billy Wilder, avec Jack Lemmon, Shirley McLaine, Fred MacMurray). Un employé d'une grosse compagnie d'assurance new-yorkaise prête son appartement à ses supérieurs pour leurs rendez-vous galants. Mais le jour où il tombe amoureux de la lifitère, qui est déjà la maîtresse d'un des directeurs de la boîte, les ennuis commencent.
Billy Wilder nous fait passer insensiblement de la comédie au drame, frôle la tragédie et le film de société. Grand jeu d'acteur de Lemmon, MacMurray très bon en manipulateur élégant. Grand film sur toute la ligne.
Tintin et le mystère de la Toison d'Or (1961, de Jean-Jacques Vierne, avec Jean-Pierre Talbot, George Wilson). Le capitaine Haddock hérite d'un navire ayant appartenu à un ami Turc. Hélas, le bateau en question n'est qu'un vieux rafiot. Mais des gens semblent prêts à payer très cher pour le racheter...
Les acteurs principaux, choisis pour leur ressemblance avec les personnages, sont dans l'ensemble mauvais, surtout l'acteur qui joue Haddock (il en fait des tonnes). Tintin n'est pas si mal. Le côté lisse et irréaliste du film n'est pas sans coller au style de la BD. L'ensemble a tout de même mal vieilli.
Paris Blues (1961, de Martin Ritt, avec Sidney Poitier, Paul Newman, Louis Armstrong). Un casting de rêve pour un très bon film. A Paris, deux musiciens de jazz américains rencontrent un couple d'Américaines en vacances. Chacun tombe amoureux de l'une d'elle. Elles veulent les convaincre de revenir au pays. Mais préféreront-ils leurs USA d'origine à leur carrière à Paris ?
Paul Newman et Sidney Poitier rivalisent de charisme et de virilité ; de très beaux décors et des vues de Paris, une histoire romantique, le jazz d'après-guerre, tout cela confère un charme fou à ce film. Et deux guest-stars appearances, Louis Armstrong en vedette américaine et un premier rôle pour Serge Reggiani, en guitariste manouche drogué.
To Kill a Mockingbird (1962, de Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Une petite ville du sud des Etats-Unis dans les années 30. L'avocat Atticus Finch accepte de défendre un Noir accusé de viol sur la fille d'un paysan. L'histoire est vue par les yeux de ses deux enfants. Ceux-ci vont découvrir la méchanceté et la saleté de certaines personnes.
Film de procès, roman d'apprentissage, chronique de la vie rurale : très beau film, un rôle exceptionnel pour Peck. Le premier rôle de Robert Duvall.
The Trial (1962, d'Orson Welles, avec Anthony Perkins, Jeanne Moreau, Orson Welles, Romy Schneider, Michael Lonsdale). Joseph K., anonyme employé de bureau, voit la police entrer chez lui le matin et lui signifier son arrestation, sans lui dire ni qui l'accuse ni de quoi. Il se trouve entraîné dans une confrontation absurde avec la justice.
L'histoire apparaît vite erratique, dénuée de sens. Mais il faut s'y laisser prendre comme dans un cauchemar qui suit sa propre logique : le héros découvre peu à peu toute l'ignoble machine judiciaire, indifférente aux gens qu'elle accuse.
Architecture écrasante, entre les antiques palais surchargés de décorations et les immeubles de bureaux ultramodernes : la mise en scène magnifie cette quête désespérée de vérité et de dignité. Un film éblouissant.
La jetée (1962, de Chris Marker). A l'aéroport d'Orly, un enfant voit un homme se précipiter vers une femme et se faire tuer dans sa course. Plus tard, l'enfant ayant grandi, la 3e guerre mondiale éclate. Des scientifiques capturent le héros et l'envoient dans le passé, puis dans l'avenir, pour trouver de l'aide auprès des hommes d'autres époques...
Court-métrage (28mn) qui est présenté comme un "photo-roman" : pas de mouvement, juste une succession de photos en noir et blanc. Le coup de force du réalisateur est à plusieurs niveaux : rendre l'illusion du mouvement non avec le passage d'une pellicule mais avec une suite de photos. Puis nous plonger dans la profondeur du temps alors que tout semble immobile et enfin, nous faire ressentir les tourments d'un homme en quête d'amour et de liberté. En moins d'une demi-heure, une réussite magistrale.
Le film qui a servi de base à Terry Gilliam pour
L'armée des douze singes.
Zatôichi monogatari (1962, de Kenji Misumi, avec Shintarô Katsu). Zatoichi (Ichi le masseur) est un rônin itinérant. Aveugle, il est pourtant maître du sabre. Il va se retrouver pris dans une guerre entre deux clans. Il accepte d’en aider un mais le chef ennemi a embauché un autre rônin tout aussi dangereux que lui.
Un bon film de shambara. On n’est pas au niveau d’un Kurosawa ni d’un Takeshi Kitano, mais l’histoire est bien menée. La tension monte lentement entre les deux clans, pour finir dans une explosion de violence aveugle et l’affrontement tant attendu entre les deux rônins.
Premier opus d’une série qui comptera finalement, de 1962 à 1989, pas moins de 26 films, toujours avec le même acteur dans le rôle principal !
Advise and Consent (1962, d'Otto Preminger, avec Franchot Tone, Charles Laughton, Henry Fonda). Le Président de la République veut nommer un nouveau secrétaire d'État (ministre des affaires étrangères). Il doit en passer le vote du Sénat. Beaucoup se méfie de l'homme choisi, soupçonné de sympathies pour les communistes. L'enquête et les manigances de l'opposition révèlent peu à peu plusieurs secrets inavouables sur d'influents personnages...
Un grand film politique, qui pourrait presque être classé dans les films de procès. Il n'y a pas réellement un seul, mais cinq ou six personnages principaux, qui s'opposent aussi bien sur la scène politique qu'en coulisses. Ce qui est en jeu, par delà les querelles de personnes, ce sont les valeurs fondamentales des Etats-Unis au moment de la guerre froide.
On n'est plus dans le manichéisme d'un film comme
Mr. Smith Goes to Washington (1939), qui voyait un jeune sénateur idéaliste confronté à la corruption du système. Ici, un peu comme dans
Anatomy of a Murder (1959), les personnages ne sont ni tout blancs ni tout noirs : tantôt courageux, tantôt mesquins et lâches, ils s'affrontent dans une lutte d'où ne ressortent pas de leçons définitives sur la vérité et la justice.
Sanjuro (1962, de Akira Kurosawa, avec Toshiro Mifune). Un rônin se retrouve pris entre l'affrontement de deux clans de samuraï, et il s'allie successivement avec l'un et l'autre. Il trouve face à lui son égal et son ennemi, qu'il affrontera à la fin en un duel iaijutsu fulgurant.
Un très bon film de samuraï, le second avec ce personnage de Sanjuro ("le trentenaire") qui a servi d'inspiration à
Pour quelques dollars de plus de Sergio Leone.
Mélodie en sous-sol (1963, de Henri Verneuil, avec Jean Gabin, Alain Delon). Dès sa sortie de prison, Charles a déjà un plan pour un coup d'un milliard : braquer un casino à Cannes. Il engage un jeune truand. Les deux hommes ont préparé minutieusement leur attaque, mais un rien suffit à enrayer la machine la mieux huilée...
Du film de braquage à la Française. Solide, sans surprises mais sans défauts. Les deux acteurs sont dans leurs rôles de prédilection : le vieux de la vieille et le beau ténébreux. On passe un bon moment.
The Nutty Professor (Docteur Jerry et Mister Love) (1963, de Jerry Lewis, avec Jerry Lewis, Stella Stevens). Un professeur d'université de chimie, gringalet, binoclard, maladroit et timide, invente une potion qui le transforme en son opposé, un séducteur macho et narcissique...
Détournement du thème de Docteur Jekyll et Mister Hyde. Une comédie pleine d'inventions, et une mise en scène du désir masculin de séduire et dominer les autres.
Topkapi (1964, de Jules Dassin, avec Melina Mercouri, Maximilian Schell, Peter Ustinov, Joe Dassin). Une nymphomane croqueuse de bijoux propose à un vieux complice de voler un trésor inestimable d'Istanbul : la dague d'un sultan, sertie de quatre magnifiques émeraudes. Les deux complices décident d'engager une bande d'amateurs, sans casier judiciaire, pour réaliser un cambriolage virtuose dans le musée de Topkapi.
Un film haut en couleur, dans une Istanbul de carte postale, avec ses policiers moustachus, son souk bordélique, ses lutteurs enduits d'huiles. L'organisation et la réalisation du casse ont pu inspirer autant l'intrusion dans le QG de la CIA dans le premier film
Mission : Impossible que la série des
Ocean's Eleven. Divertissement très agréable.
Alphaville (1965, de Jean-Luc Godard, avec Eddie Constantine, Anna Karina, Howard Vernon). Un journaliste du Figaro-Pravda est envoyé dans une autre galaxie, dans la cité totalitaire d'Alphaville. Celle-ci est dirigée par un ordinateur omniprésent, Alpha 60. Le héros est en réalité un agent secret, chargé de détruire l'ordinateur et de capturer son inventeur, le professeur Von Braun.
Godard mêle film noir, espionnage et science-fiction pour une visite d'un univers absurde et robotisé. Si la réalisation est excellente, la photographie et la mise en scène très bonnes, en revanche les dialogues et le jeu des acteurs ont mal vieilli. Entendre le héros citer des aphorismes célèbres de Pascal ou Nietzsche fait très daté, très "godardien"... De plus, le message final est un peu léger : l'amour et la poésie permettent de vaincre la dictature d'un monde inhumain. Le film est donc assez daté.
Chimes at Midnight (1965, d’Orson Welles, avec Orson Welles, Jeanne Moreau, John Gielgud, Margaret Rutherford). Alors que son père, le vieux roi Henry IV d'Angleterre, est menacé, le jeune prince Hal ne pense qu'à faire la fête : il fréquente la bande de mendiants, voleurs et débauchés menés par John Falstaff (Jake pour ses amis). Ce dernier, ventripotent et grotesque personnage, buveur et rieur, vantard et lâche, sera obligé d'accompagné son ami à la guerre, contre les troupes de Percy, l'ennemi du roi...
Orson Welles incarne un personnage plus shakespearien et wellesien que jamais, dans ce pot-pourri de pièces du grand William. Images expressionnistes, en contre-plongées, avec de grandes ombres et des éclairages tranchants ; son vieux roi hiératique et triste, seul sur son trône dans son immense palais, sa cour de nobles ; les gueux, les vieillards et les éclopés qui font la fête dans les tavernes. Une scène de bataille épique, avec les lourds chevaliers qui chargent et finissent dans la boue et la brume. Et alors que retentit le carillon de minuit, le vieux bouffon sent la mort approcher...
Dans une ambiance de fin du monde, un chef-d'oeuvre sombre et enchanteur.
What's Up, Tiger Lily ? (1966, de Woody Allen). Woody Allen prend un vieux film d'espionnage japonais et refait tous les dialogues : l'inspecteur de police part maintenant sur la trace d'une recette de salades...
Bonne idée de départ. Quelques répliques amusantes mais l'ensemble est loin d'être inoubliable.
Batman: The Movie (1966, avec Adam West). Batman et Robin font face à la plus grande organisation criminelle que le monde ait connue : le Joker (qui s’est mal rasé la moustache avant de se maquiller), le Pingouin, Catwoman (une Russe fatale) et Monsieur Énigme. Quel plan machiavélique ce quarteron de criminels ont-ils ourdi depuis leur QG peinturluré ?
Le long métrage tiré de la célèbre série, où les bagarres sont ponctuées d’inserts d’onomatopées. Célèbre attaque de requin en mousse, alors que Batman est agrippé à la bat-échelle du bat-copter. Heureusement que Robin avait prévu le bat-spray anti-requin (rangé à côté du spray anti-pieuvre). Un film comme on en fait plus, au kitsch et à la fantaisie assumés. Toute une époque… On comprend que l’acteur principal n’ait pas aimé le Batman de Nolan.
The Chase (1966, d'Arthur Penn, Marlon Brando, Jane Fonda, Robert Redford). Dans le sud des Etats-Unis, un prisonnier s'échappe, ce qui va mettre le feu aux poudres dans une petite ville proche, où beaucoup de gens ont intérêt à lyncher l'évadé. Le shériff va se retrouver seul face aux gens aveuglés par leur haine...
Deux très bons rôles pour Brando et Redford, opposés mais tous deux seuls, chacun de son côté, face à la foule en proie à la peur et la colère.
Les grandes vacances (1967, de Jean Girault, avec Louis de Funès, Maurice Risch, Claude Gensac). Le respectable directeur d'un pensionnat de garçons veut envoyer son fils en Angleterre pour l'été. Mais ce dernier avait prévu de partir à la voile avec ses amis. Il envoie à sa place le gros Michonnet...
De Funès dans son registre bien rôdé de colérique intenable. Des quiproquos, de bonnes scènes de poursuite, pas de temps mort. Toujours divertissant.
Play Time (1967, de et avec Jacques Tati). M. Hulot arrive dans un Paris futuriste, immense, fonctionnel et impersonnel.
Impossible en fait de raconter l'histoire, il n'y en a pas. Presque pas de dialogue non plus. Les conversations, souvent dans un franglais presque incompréhensibles, sont vite recouvertes par des bruits de fond environnants. L'architecture de ce Paris déshumanisé est ultra-moderne : verre, béton et plastique. La foule des passants se compose de cohortes de touristes interchangeables et de salariés aux démarches stéréotypées, qui se pressent dans les halls blancs tout propres et les rues grises. Parmi ces gens, plusieurs ont de faux airs de Hulot. Dès le premier plan, le grand hall tout propre pourrait être aussi bien un aéroport qu'un hôpital ou un musée. Au sein de cette ville gigantesque, M. Hulot n'est plus qu'un discret fil conducteur entre les dizaines de personnages dont on découvrira quelques moments de vie.
L'absence de dialogues, d'histoire et de héros enlève de l'image tout point central, ce qui fait que la totalité de ce qui passe à l'écran est à voir, décuplant la richesse de chaque plan. D'où l'illusion parfaite d'un monde foisonnant, vivant sa propre vie et que nous parcourons nous aussi, comme ces touristes pressés. Mime et magicien, Tati nous entraîne ainsi dans le dédale d'un univers à la fois déshumanisé et fascinant. Le parcours de monsieur Hulot l’amènera jusqu'à une utopie, un monde où les gens ordinaires ne seraient pas oubliés dans un monde trop moderne. Une oeuvre visionnaire, vertigineuse, expression d'un cinéma total, qui en remontrerait par moments à Kubrick.
The Dirty Dozen (1967, avec Lee Marvin, Ernest Borgnine, John Cassavetes, Donald Sutherland, Telly Savalas...). Un sergent est chargé d'enrôler douze condamnés à mort dans un commando qui préparera une attaque-suicide contre les Nazis.
Très bon film, réaliste, dur, sur le ton "la guerre, c'est sale et injuste".
In the Heat of the Night (1967, avec Sidney Poitier). Un policier noir de Philadelphie, spécialiste des homicides, en visite dans une petite ville du Sud pour voir sa mère, est pris pour le meurtrier d'un industriel local. Le malentendu levé, le shériff lui demande de collaborer avec lui. Mais le policier se heurte au racisme des habitants.
Musique de Quincy Jones, avec la chanson du générique chantée par Ray Charles. Un très bon polar, dans la chaleur moite du Sud. Sidney Poitier, avant Denzel Washington, était habitué aux rôles de Noir en butte au racisme des Blancs.
C'era una volta il West (1968, de Sergio Leone, avec Henry Fonda, Charles Bronson, Claudia Cardinale, Jason Robards). Un mystérieux joueur d'harmonica débarque dans une petite ville de l'Ouest. Il est attendu par trois tueurs, qu'il abat d'un coup. Ceux-ci étaient au service d'un certain Frank, tueur impitoyable au service d'un magnat du chemin de fer...
Un western fait comme un opéra, et un opéra fait comme un requiem. Le far-west est mourant face à l'avancée de la civilisation. Incarnations de ce monde, le héros et le tueur appartiennent à une race en voie d'extinction : sauvages, individualistes et sans scrupules. Tout est poussiéreux, desséché et fantomatique (l'homme à l'harmonica n'a pas de nom et ressemble à un revenant vengeur). J'ai surtout été marqué par l'importance de la soif : les personnages sont tous assoiffés, d'eau, de café mais aussi d'espoirs. La propriété de
Sweetwater, dont hérite le personnage de C. Cardinale, symbolise tout cela. C'est la terre promise biblique et l'eau représente celle nouvelle vie.
Leone compile tous les moments "mythologiques" des grands westernes et met en scène le chant du cygne du genre, comme si cela devait être le dernier conte sur le far-west.
Bullitt (1968, de Don Siegel, avec Steve McQueen). Un flic est chargé de protéger, sur demande d'un politicien sans scrupule, un truand qui s'apprête à témoigner contre la mafia. Pas beaucoup d'humour ni de dialogue, des personnages durs les uns avec les autres, pas d'effets inutiles. Le film invente un genre promis à un certain succès : la poursuite en voiture ! Celle-ci est dans les rues en pente de San Francisco. Lalo Schifrin (
Mission Impossible...) compose la BO, mais cette séquence est montée exprès sans musique.
Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages ! (1968, de Michel Audiard, avec Bernard Blier, Marlène Jobert, André Pousse). Un chargement d'une tonne d'or est dérobé à des convoyeurs. Les voleurs sont attaqués peu après par une autre bande, qui se fait à son tour avoir. Tout ceci va provoquer le retour de la terrible tante Léontine, pire que la peste et le choléra réunis !
L'intrigue est à peu près cohérente au début mais vire rapidement au n'importe quoi. Les acteurs cabotinent à qui mieux-mieux, Marlène Jobert est amusante, André Pousse et Blier font ce qu'on leur demande, mais Audiard a vraiment bâclé le travail, comme s'il avait inventé les scènes au fur et à mesure.
Where Eagles Dare (1968, de Brian Hutton, avec Richard Burton, Clint Eastwood). Un commando américain est parachuté en Allemagne pour attaquer une forteresse nazie, perchée dans la montagne.
Film de guerre au suspens bien entretenu. Peut-être un peu trop de retournements de situations, mais c'est du travail solide et bien mené.
Le grand silence (1968, de Sergio Corbucci ; musique d'Ennio Morricone) : Un chasseur de primes (Klaus Kinsky) et sa bande sèment la terreur dans l'Utah. Arrive un cavalier solitaire et muet (Jean-Louis Trintignant), connu sous le nom de "Silence". Une femme, dont le mari a été assassiné, l'engage pour aller tuer le chasseur de primes. Imaginez un Sergio Leone sous la neige, avec une réalisation un peu moins bonne, et vous aurez une bonne image de ce très bon western.
NB : C'est sur ce film qu'ont été complètement recopiés les décors et les personnages du premier Durango.
The Party (1968, de Blake Edwards, avec Peter Sellers, Claudine Longet). Un sympathique mais calamiteux figurant de cinéma, originaire d'Inde, provoque une catastrophe sur un tournage. Il est ensuite par erreur invité à une fête chez le producteur. Il va déclencher plusieurs incidents et contribuer à faire virer l'ambiance au délire complet.
Entre les vieux bourgeois qui fument le cigare, les serviteurs très raides et la jeunesse hippie, le héros circule comme un trublion, vraiment à sa place dans aucun groupe. Le film est nettement inspiré de l'univers de Tati : tout personnage peut devenir l'occasion d'un gag ; de plus, on retrouve l'ambiance de la fête de la fin de
Playtime. Une magnifique comédie burlesque.
The Italian Job (1969, de Peter Collinson avec Michael Caine, Benny Hill). Un gangster sort de prison. Il reçoit en héritage d’un vieil ami le plan pour le braquage du siècle : voler un convoi d’or des usines Fiat de Turin en provoquant un gigantesque embouteillage dans la ville. Notre bandit assemble une équipe de spécialistes. Mais une fois passées les Alpes, ils se heurtent à la Mafia…
Une vision « hippie » des bandits, élégants et hauts en couleur. Michael Caine est très bon, comme d’habitude. L’excellente poursuite finale est une sorte d’énorme pub pour la Ford Mini. Le ton est léger et humoristique. Un petit classique.
Le remake américain de 2003 n'est pas mal mais pas aussi talentueux : plus d'action, moins de légèreté et d'humour.
Elle boit pas, elle fume, elle drague pas mais... elle cause ! (1969, de Michel Audiard, avec Annie Girardot, Bernard Blier, Mireille Darc, Sim, Jean Carmet...). Germaine est femme de ménage pour trois personnes : un banquier, une présentatrice télé et un instituteur. Quand elle apprend que chacun a des choses à se reprocher, elle s'arrange pour qu'ils se fassent chanter entre eux.
Amusante comédie satirique, qui se déroule entre le front de Seine bétonné et la banlieue de Courbevoie. L'histoire est surtout un prétexte au jeu d'acteur et aux répliques d'Audiard. On retrouve toute l'ambiance d'anarchisme bon enfant du dialoguiste. Blier est excellent en banquier visqueux et lâche, il y a des actrices nues à foison, des réparties pleines de gouaille, que demande le peuple ? Un film d'autant plus agréable que cet esprit moqueur et décontracté a presque disparu du cinéma d'aujourd'hui. Scène d'anthologie avec Sim déguisé en libellule.
Le cerveau (1969, de Gérard Oury, avec David Niven, Jean-Paul Belmondo, Bourvil, Eli Wallach, Jacques Balutin). Le Cerveau, un génie du braquage, s'apprête à voler des milliards de dollars dans un train de l'OTAN, lors d'un trajet entre Paris et Bruxelles. Il ignore que deux voleurs parisiens sont aussi sur le coup, ainsi que la mafia sicilienne...
Bel ensemble d'acteurs. Entre comédie burlesque, braquages et aventures, un film qui se laisse bien revoir.
Coogan’s Bluff (1969, de Don Siegel, avec Clint Eastwood). Un shérif du fin fond de l’Arizona, habitué à traquer les criminels Indiens comme au temps du Far-West, est chargé de convoyer un prisonnier à New-York. Celui-ci s’échappe et notre shérif va aller le chercher…
Le film joue sur le contraste entre le cowboy en santiag et la métropole des années 70, période hippie et lutte des minorités. Une sorte de précurseur de l’inspecteur Harry. Plaisant si on aime ce style.