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Dossier #3 : Hôtel Manigance - Dépôt Labyrinthe
#11
Cool je vais avoir trop la classeRay
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#12
hanredaface2, tout ca pour faire le malin dans son hamac à se balancer à 3h du ùat' ^^
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#13
Tout le monde ne peut pas se payer des hotels de luxe au frais des erreurs d'ADMINISTRATIONOuimaisnon
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#14
Erreur de la banque en votre faveur, vous gagnez 20.000F
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#15
DOSSIER #3<!--sizec--><!--/sizec-->


Maréchal ne s’était pas trompé. La rumeur, selon laquelle SÛRETE avait mis la main sur Herbert et son laboratoire, avait fait le tour du quartier.

- Ce salaud de Herbert, vous pensez si on le connaissait ! Derrière ces airs de petit horloger, on savait qu’il trafiquait des trucs pas clairs. Il avait besoin de monde pour son « siège ». Alors il proposait à ceux qui avaient des soucis d’argent de rembourser, en échange d’une petite séance dans son « arrière-boutique ». Il fallait qu’il ait accumulé un trésor de guerre, pour éponger les dettes de tant de gens !
- Que subissaient ses « patients » ?
- Ils devaient s’asseoir sur le siège, à ce que j’ai entendu. Alors il allumait ses instruments, et les gens recevaient des radiations, des ondes, quelque chose de ce genre…
- Et que leur faisait ces ondes ?
- On ne sait pas. Les séances duraient quelques heures. Au début, les gens avaient peur. Après, ils voyaient que ça craignait rien, et que ça payait pas mal. Alors plusieurs se sont proposés… N’empêche que Herbert avait une sale réputation, avec ces instruments.
- Vous connaissez les gens qui se sont portés volontaires ?
- Quelques-uns. Ils proposaient aussi aux gosses qui vivent dans la rue. Eux, ils leur payait un repas, et c’était déjà énorme pour eux. Pensez, une journée sans bouffer du rat ou du fond de poubelle !
Maréchal avait appris l’essentiel. Il comprit que retrouver les « invités » de Herbert serait plus long. Il rangea son carnet, et remercia l’épicier qui l’avait informé.
- Vous auriez quand même dû informer ADMINISTRATION plus tôt, vous ne croyez pas ?…

Rentré au commissariat, l’inspecteur s’attela à son rapport.
« La suite des interrogatoires m’apprit que le suspect sus-nommé avait vécu pendant six ans révolus dans l’impasse Vilnius. Voici cinq jours, il a reçu la visite, selon quatre témoins, d’un homme chauve lui aussi, grand de près de deux mètres, portant la barbe. Les témoins affirment qu’une forte altercation a eu lieu chez l’horloger, qui a dégénéré en lutte à mains nues, avec bris de verre et d’objets de l’appartement. Herbert serait alors sorti en courant de l’impasse, blessé à la tête. Les commerçants sont restés chez eux, tandis que Herbert prenait la fuite…»

C’était assez pour aujourd’hui. Car la description du visiteur de l’impasse correspondait bien avec celle de l’agresseur de l’hôtel. Maréchal allongea ses jambes sur son bureau, et décida de finir sa nuit.

*

Portzamparc sortait de table. Il avait annoncé à sa femme qu’il reprenait sa surveillance dans l’hôtel. Celle-ci était retournée dans leur petite chambre, en le conjurant de prendre un moment, avant la prochaine rencontre, pour se reposer. Le détective avait promis.
Il se rendit au troisième, où logeait le petit gros à casquette. Il fit le tour du couloir et s’assit sur le palier, face au grand escalier du Novö-Art, sur un siège dessiné par un styliste à la mode ; sur une table basse en marbre, des revues de mode pour hommes et pour femmes.
Portzamparc savait qu’il faudrait attendre.

Il feuilletait depuis une demi-heure, négligemment, les pages en beau papier sur les costumes de soirée, quand le petit gros se jeta hors de la chambre et tomba sur le tapis.
Portzamparc s’était levé et courut, l’arme à la main. L’autre referma la porte, le cœur battant.
- Il est à l’intérieur… Je l’ai vu !
- Qui ?
- Le tueur… il venait de la salle de bains ! Il devait s’être caché dans la baignoire !
Portzamparc colla son oreille à la porte : pas de bruit.
- Éloignez-vous.
Le policier rouvrit la porte et entra dans l’appartement, son arme braquée devant lui.

Le séjour était vide ; de même la chambre. En face du coin cuisine, restait la salle d’eau. Portzamparc s’approcha doucement, nerveux. Il allait retrouver le tueur qui lui avait tiré dessus, et l’avait raté de peu.

- Sortez de là ! Ça vaut mieux pour vous !… Sortez immédiatement !…
Pas de réponse.
- Vous m’entendez ? Sortez…
Le petit gros n’en menait pas large. Il tremblait pour Portzamparc et il réalisait en même temps qu’il lui avait servi d’appât…
Le détective entra dans la salle de bains. Sa vue se troubla un instant, face au rideau de douche, qu’il écarta d’un coup sec.
Personne.
Une petite fenêtre était restée ouverte. Elle donnait sur l’arrière-cour.
- Venez, il n’y a personne…
- Vous êtes sûr ?
L’appartement était sur le même modèle que celui du deuxième, où l’agresseur du vigile avait logé.
- Il n’a pas pu passer par cette fenêtre, dit le petit gros.
- Non, non, maugréa le détective, qui comprenait de moins en moins. Vous dites qu’il est sorti de cette salle de bains ?
- J’en suis sûr. Je l’ai vu arriver par le miroir du salon. En voyant son reflet, je me suis précipité dehors.
- Vous avez bien vu le reflet ? Ce n’était pas une illusion ?
- Sûr que non ! J’ai bien vu cette silhouette, massive ; crâne chauve, barbe longue, taillée au carré… Une tête d’égorgeur !
C’était ridicule, évidemment, car il n’y a pas de tête prédestinée pour devenir égorgeur. Mais l’homme avait eu la peur de sa vie…
- Depuis combien de temps était-il là ?
- Je n’en sais rien !
- Vous êtes resté combien de temps d’affilée dans votre chambre ?
- Au moins deux heures.
- Il n’a pas attendu deux heures dans la baignoire ! Vous êtes allé dans la salle de bains ?
- Oui, je crois… J’en suis même presque sûr. Pour me laver les mains, tout simplement.
- Tout simplement, oui…
Portzamparc laissa un blanc, avant d’ajouter :
- Et vous n’êtes pas allé dans la baignoire ?
- Non je n’ai pas pris de bain.
- Donc, logiquement, il était déjà dans la baignoire au moment où vous vous laviez les mains au lavabo.
L’homme devint blanc.
- Or, il aurait aussi bien pu vous sauter dessus immédiatement. Pourquoi attendre ?
- Mais je ne sais pas !
- Vous êtes sûr d’avoir bien vu… Vous étiez à cran. Vous avez pu imaginer…
- Non, je vous jure !

Le détective aurait fini par ne plus y croire, s’il n’avait remarqué, sur le mur carrelé de la baignoire, des déformations, les mêmes que dans l’appartement au deuxième. Les mêmes incurvations, comme si on avait frappé à la massue sur le mur.
- Dites, vous n’avez pas touché à ces carreaux ?
- Mais enfin non !

Portzamparc appela la réception et ordonna qu’on envoie les vigiles et le Pandore de service.
- Vous allez me fouiller tout, j’ai bien dit : TOUT ! Il y avait vraisemblablement un tueur ici, il y a encore quelques minutes ! Il n’a pas pu aller loin !…
Les policiers, décontenancés, se mirent à pied d’œuvre.
- Et on va commencer par fouiller l’appartement voisin, dit le détective. Car il a pu y passer, par la fenêtre de la salle de bains. Il y a une corniche qui doit permettre d’accéder, depuis cet appartement à la terrasse voisine. Il suffit d’un peu d’acrobatie. Au travail !
Les policiers entrèrent avec fracas dans l’appartement. Son occupant n’était heureusement pas présent. Et il n’y avait personne d’autre.
Portzamparc enrageait. Il vit alors les mêmes incurvations, au mur du salon. Il réfléchit :
- Derrière, c’est le mur de la baignoire de votre appartement, n’est-ce pas ?
- Oui…

Le détective s’assit et s’épongea le front. Le tueur avait encore disparu.
- Ce n’est pas possible, ce type passe à travers les murs, ou quoi ?
- Venez voir, dit un vigile, qui examinait la salle de bains. La fenêtre est fermée, mais voyez un peu.
Portzamparc comprit :
- Le conduit de tuyauterie. Le même, car nous sommes juste au-dessus de l’appartement du 2e où… Allez, venez !

Portzamparc courut au sous-sol, épaulé par le vigile. Là, ils trouvèrent une femme de chambre assommée, juste devant la porte de la salle où aboutissait le conduit. Ce maudit sous-sol avait été construit pour servir aux fuites, ou quoi ?

Les deux policiers coururent vers l’impasse : la porte était ouverte. Ils se précipitèrent dans la rue et virent un vieil homme, plaqué dos au mur, la main sur le cœur. Il pointait du doigt une direction. C’était celle du quartier Croule-Pierre, celui des entrepôts de matières premières pour le bâtiment. Les deux policiers s’engagèrent dans les rues en pente, au cœur d’un petit dédale qui, de temps à autre, bifurquait et frôlait un vide de presque trente mètres.
En sortant, après deux bonnes minutes de course, on arrivait sur une petite place, avec une station de ballon-taxi, une grande statue de créature ailée, en face d’un des entrepôts.
Portzamparc repoussa violemment le Pandore dans la ruelle, et s’y jeta avec lui. Une détonation claqua. Une balle vint s’écraser sur le trottoir. Les deux hommes, à bout de souffle, avaient juste eu le temps de voir le tireur, au milieu d’un escalier.
Furieux, Portzamparc reprit sa course, révolver en main. Il arriva au pied de l’escalier au moment où le tueur partait dans la rue au-dessus. Le détective lui cria de s’arrêter, sans résultat. Il monta les marches quatre à quatre. Arrivé en haut, il vit le tueur, à trente mètres, qui escaladait un mur.
- Arrêtez !

L’homme continuait à grimper, comme un chat, malgré sa carrure de cavalier des steppes de Forge.
Portzamparc tremblait après cette course. Il se mit fermement sur ses jambes, visa et tira. L’homme plongeait à ce moment derrière le mur au bout de l’impasse. La balle fissura la brique rouge. Et on entendit les pas de course s’éloigner.

Le détective essuya les gouttes de sueur qui lui tombait sur les cils, puis redescendit les marches. Mais dans ces rues en tous sens, avoir passé ce mur donnait une avance considérable au fuyard. Le vigile arrivait, suivi de deux Pandores. Portzamparc organisa la fouille dans le quartier, mais c’était trop tard.
- Et voilà en plus le brouillard qui se lève…
Il entra dans le premier bistrot venu, alla au parlophone alerter le commissariat du coin. Puis il appela Magött Platz, pour faire venir l’équipe de la police scientifique, la seule à plusieurs blocs à la ronde.


A suivre...
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#16
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Portzamparc resta au bistrot, où il se fit servir un demi de bière.
Il comprenait de moins en moins. Que cet homme ait des capacités physiques exceptionnelles, pourquoi pas. Avec un régime intensif, on peut obtenir beaucoup de son corps. Mais de là à entrer et sortir à sa guise d’un hôtel surveillé comme le Novö-Art !…
Bien sûr, on pouvait penser à des complicités à l’intérieur de l’équipe de l’hôtel. MAis qui couvrirait les agissements d’un tel personnage, en sachant que cela va déclencher une enquête approfondie de SÛRETE. Ou peut-être le complice était-il victime d’un chantage…
Portzamparc retournait ces idées dans sa tête, quand il vit entrer trois de ses collègues. Mais ils ne venaient pas de Croule-Pierre : avec leurs beaux imperméable, leurs feutres et leurs gros godillots, ils sortaient d’un des bureaux du quai des Oiseleurs !
- La police judiciaire, murmura Portzamparc.
- Hé oui, détective. Cette affaire concerne la sécurité de toute la Lune. Horo n’est pas un petit rigolo.
Sous-entendu : il n’était plus possible de laisser cette affaire aux commissariats de quartier. Portzamparc leur aurait volontiers répondu d’aller se faire voir chez les Lektres, mais il préféra commander un autre demi. Il raconta ce qui s’était passé aux hommes du divisionnaire Ménard, puis téléphona à son commissariat, où il eut Maréchal.
- Ce type traverse les murs !
Déjà, cette phrase avait faire sourire les inspecteurs de la PJ.
- Vous devez être un peu fatigué, dit Maréchal, qui savait de quoi il parlait.
- Écoutez ! Les murs étaient incurvés au second. Ils le sont au troisième, chez le type qui a failli se faire tuer, et dans l’appartement voisin ! Autrement dit, ils sont déformés partout où Horo est passé -s’il s’agit bien de Horo !
- Oui, enfin l’agresseur de l’hôtel, disons.
- Voilà. Et ce n’est pas un vice de conception ! Personne n’aurait idée d’incurver les murs comme ça !
- Bon, bon… Qui est le dernier type a qui Horo s’en est pris ?
- Je ne sais pas, un petit gros. Je n’ai pas eu le temps de lui parler. De toute façon, la PJ occupe le terrain.
- Pas trop tôt, d’ailleurs.
- Ce type est dingue ! Il s’en prend au chauve, à un chien, à un autre client…
- Je mettrais le chauve à part, dit l’inspecteur. J’en ai appris sur lui, je vous raconterai. Donc ce dingue a peut-être plus de logique qu’on ne croirait…

Portzamparc était à bout de nerfs. Maréchal, lui, était trop fatigué pour avoir encore des nerfs. Il rentra chez lui, respirer quelques heures un air différent de celui du commissariat, et revint tard le soir, à une heure où Portzamparc était parti retrouver sa femme. L’inspecteur avait pris le rythme de nuit.
Maréchal avait senti que le détective en avait gros sur le cœur. Un dangereux comme Horo, pour commencer sa carrière, c’était peut-être beaucoup. Pourtant, il ne manquait pas de cran, ce détective, à lui cavaler après, deux fois de suite, arme à la main !
L’inspecteur se remit à son rapport, tapant à deux doigts sur son vieux chromatographe de l’année 190, aux touches usées par des centaines d’heures de frappe. Pour rien au monde, Maréchal n’en aurait changé !
Vers minuit, l’un des deux hommes de la police scientifique était de retour au commissariat. Il n’en revenait pas, de ce qu’ils avaient vu !
- Inspecteur, on peut dire qu’on s’en est donné à cœur joie ! C’est incroyable le matériel logé dans une si petite pièce !
- J’ai vu les chromatos, le siège…
- Vous n’avez presque rien vu ! Vous lirez notre rapport, c’est incroyable !
Ils étaient émerveillés d’être allé là-bas. Pour eux, c’était la caverne au trésor. Ils n’auraient pas souvent l’occasion de retrouver pareille occasion.
- Et en deux mots, dit Maréchal, ils servent à quoi ces appareils ?
- Ils balancent des ondes.
- Des ondes ?
- Je ne sais pas encore quels effets elles produisent, mais il y a de quoi en envoyer une sacrée quantité, croyez-moi… Il y a des amplificateurs d’un calibre incroyable, et aussi des modulateurs de fréquence. Mais ce n’est pas une station de radiophonie là-bas, vous pouvez me croire. Quand ce Herbert asseyait les gens sur son siège, ce n’était pas pour leur faire écouter de l’opéra !
- Bizarre, quand même, cette installation, vous ne trouvez pas ? fit Maréchal avec une moue suspicieuse. On dirait des trucs de Scientistes…
L’autre, excité de ses découvertes, finit son café et dit qu’il avait son rapport à taper. Il était émoustillée comme une jeune fille au bal des débutantes.
Maréchal bâilla. Son rapport était bien avancé. Il alla s’accorder une petite pause hamac.
Vilnius, alias Herbert, avait réintégré sa cellule, et il avait tourné d’un cran vers la zone « suspect ».
- Toujours rien à me dire ?
- Je veux dormir…
Maréchal, las, s’étira :
- Vous êtes vraiment le plus mauvais coupable que j’ai connu depuis longtemps…
- Comment ça, coupable ?
- Inutile de nier, Herbert. Vous avez envoyé vos ondes de cinglé sur des tas de gens, sur des gosses de rue, et pour finir, sur ce type appelé Horo. C’est dégueulasse. C’est votre faute, j’en suis sûr, s’il est devenu tueur à gages ! Vous l’avez rendu dingue, avec vos expériences…
- Vous n’avez aucune preuve !
- Profitez bien de cette cellule. C’est la dernière nuit que vous y passez. Et c’est un palace par rapport à où vous logerez ensuite…

*

Maréchal s’endormit peu après. Il grogna quand une sonnerie insista suffisamment pour le réveiller. C’était le signal de son chromatographe, relayé dans le dortoir.
L’inspecteur marcha comme un zombie jusqu’à son bureau. Il décrocha le combiné de son appareil, en s’allumant une cigarette, vautré dans son fauteuil.
- Inspecteur Maréchal ?
- Lui-même.
Il avait bien envie d’envoyer bouler son interlocuteur. Mais il remarqua que son chromatographe n’affichait pas le numéro de l’autre ligne.
« Un système de brouillage... »
Or, ce genre d’équipement ne se trouvait pas chez la première concierge venue. Plutôt chez les militaires, dans les corpoles ou dans les échelons élevés d’ADMINISTRATION.
- Inspecteur, je désirais vous parler d’une affaire qui vous occupe en ce moment.
- Laquelle ?
- Celle de M. Vilnius.
- Que pouvez-vous me dire ?
- Je peux vous proposer un marché à ce sujet.
L’inspecteur s’attendait davantage à une dénonciation anonyme.
- Un marché ? Pour le moment, ce monsieur Vilnius a gagné un aller simple pour le Château.
- Justement…
- Comment ça, « justement » ?
- Etes-vous certain de la culpabilité de cet homme ?
- La police scientifique a fouillé son atelier d’horloger. Bientôt, elle va rendre ses conclusions : elle va dire qu’elle a trouvé ses empreintes là-bas, dans chaque pièce. J’ai bien dit chaque pièce.
- Croyez-vous que la police va rendre ces conclusions ?
Au même moment, Maréchal recevait sur son chromato le rapport de la police scientifique qui, à la demande de Portzamparc, avait examiné les chambres du Novö-Art. Ils affirmaient y avoir enregistré la même fréquence d’onde que celles produites par les machines de Herbert.
- Oui j’ai bien l’impression que la police va rendre ces conclusions, affirma Maréchal.
- Donc Vilnius sera accusé. A moins qu’on découvre, finalement, que rien ne permet d’affirmer que cet homme a vécu dans l’atelier d’horlogerie…
- Peut-être bien, oui, mais il y a aussi les témoignages des voisins ainsi que…
L’interlocuteur de Maréchal avait raccroché.

*

L’inspecteur sortit de son bureau au petit matin, après un mauvais sommeil. Les deux hommes de la « scientifique » avaient fini leur rapport dans la nuit. Maréchal le feuilleta, impatient d’en finir avec le cas Vilnius. Il faillit s’étrangler quand il lut, noir sur blanc : « Les empreintes trouvées dans l’atelier, appartenant à l’amnésique, ne permettent pas d’établir avec certitude qu’il a vécu dans ce lieu, car lesdites empreintes ont pu être déposées lors de la visite de l’amnésique en compagnie de SÛRETE et se confondent avec celles des autres visiteurs du lieu… »
Tout juste si Maréchal n’était pas accusé d’avoir laissé traîner ses gros doigts partout ! Pour le coup, il serait bien allé descendre les deux policiers de leurs hamacs. Il avait droit à quelques explications !

Il les vit entrer, dans la cuisine, défraîchis, honteux. Ils sortaient du bureau de Novembre. Ils n’osèrent pas croiser le regard de Maréchal.
- Et voilà, disaient-ils à la cantonade. Encore une enquête qui se termine. Ah, elle nous a demandé du boulot. Mais pour si peu de résultats, quel dommage…
Leurs yeux fuyants, leurs mines ternes, leur attitude lâche… Maréchal en fut révulsé, lui qui pourtant appartenait à la catégorie des gens blasés. Les deux hommes de la scientifique n’en menaient pas large en buvant leur café.

- J’ai lu votre rapport.
- Hé bien, vous voyez, ce n’était sûrement pas les empreintes de ce Vilnius.
Maréchal sortit en trombe et alla frappa au bureau de Novembre, avec la ferme intention d’entrer. - Tu as pu te tromper, fit Novembre. Tu as de l’intuition, Maréchal, je te l’ai toujours dit.
- Intuition qui me trompe rarement.
- Rarement, tu l’as dit. Mais l’intuition n’est pas infaillible, hein, sinon ce serait de la divination…
Même Novembre avait un air contrit, résigné, que Maréchal ne lui connaissait guère. Sauf les jours où il devait s’adresser à un supérieur hiérarchique haut placé. Et sur ce point, Maréchal savait que son intuition ne le trompait pas : « on » était intervenu durant la nuit. Son interlocuteur au chromato n’avait pas dû fermer l’œil pour obtenir un tel rapport de la « scientifique » !
Si même Novembre devait plier…
- Tiens, et si on utilisait quelques condamnés à la peine capitale sur le siège de Herbert ? Juste pour voir les effets…
- Oh, c’est pas de notre ressort, répondit Novembre, qui aurait bien aimé tourner la conversation à la plaisanterie.

Maréchal sortit prendre l’air.

*

Face au plateau, Portzamparc fit craquer ses doigts et respira à fond. C’était la demi-finale.
- Détective, quelques mots pour la Passerelle ?
Ficelin était déjà sur le pied de guerre.
- Rien de nouveau. Je suis en forme et confiant, comme les autres jours.
- Savez-vous que la première demi-finale vient de se terminer ? Et c’est Janas Prso qui a gagné.
- Ma foi, je serai heureux de le retrouver en finale.
L’arbitre arriva, précédé de peu du second joueur. Le détective s’était renseigné sur lui : Octave Grinberg, professeur de mathématiques. Un vétéran des tournois de Manigance, récompensé de nombreuses fois. Un érudit de ce jeu, connu pour étudier à fond les parties célèbres ; connu aussi pour sa capacité à calculer des dizaines de coups possibles en quelques secondes.
Or, c’était aujourd’hui que Portzamparc devait récupérer le pion pour son réseau. Son adversaire était-il au courant ? Comment le pion s’était-il retrouvé dans son jeu ? Portzamparc l’ignorait, mais il lui faudrait coûte que coûte s’en emparer.
Grinbert écarta d’un geste impatient Ficelin et observa le jeu attentivement. Comme s’il cherchait déjà comment Portzamparc ouvrirait le jeu. C’est en effet le détective qui eut à choisir, et il prit les blancs.
Cette fois, il décida de jouer avec rigueur dès le début. Il surprit sa femme, qui se demanda si ce n’était pas un bluff au deuxième degré !
Grinbert devait être au courant des ouvertures déroutantes de Portzamparc. Donc le détective le surprenait en jouant comme un bon élève de l’École militaire. Le professeur de maths, sa bosse des calculs en surchauffe, tenta une tactique inhabituelle, mais cela ne lui réussit guère.
Portzamparc continua sur sa lancée, avec des coups éprouvés, et il fit flancher son adversaire. Le temps que celui-ci se reprenne, et c’était la pause.

Le chromato de Maréchal se mit à sonner. L’inspecteur rentrait juste, apportant avec lui le froid de la rue.
- Allô ?
- Alors, inspecteur, avez-vous réfléchi ?
- J’ai l’impression que notre ami redevient un simple témoin, qui profite du confort de notre commissariat.
- Très bien. Dans ce cas, sachez que je serai heureux de parler à monsieur Vilnius.
- Un instant. Nous devons encore prendre sa déposition. Et attendre que son amnésie soit guérie. Autrement dit, nous risquons de le garder encore quelques temps.
L’interlocuteur au bout du fil toussota, gêné.
- C’est-à-dire que je souhaite rencontrer monsieur Vilnius, rapidement. Je pense qu’il voudra bien me suivre.
- Si vous nous le ramenez rapidement, je n’ai aucune raison de-
- C’est-à-dire, inspecteur, que monsieur Vilnius n’aura ensuite plus le loisir de revenir vous parler. Sachez que monsieur Novembre est en partie au courant de ce que je vous dis.
Maréchal baissa la tête, vaincu. L’homme dut le sentir car il dit :
- Je pense que notre marché est conclu.
- Oui. Mais que me donnez-vous en échange ?
- Une indication : gare de Magött Platz, consigne n°43. Code : 45-87.
La communication coupa. L’inspecteur restait avec son combiné en main, et le sentiment d’être la marionnette de l’inconnu.


A suivre...
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#17
Chinese

Heureusement qu'il y en a qui bosse pendant que Mossieur de Portzamparc fait joujou avec ses pionsOuimaisnon
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#18
DOSSIER #3<!--sizec--><!--/sizec-->


Maréchal se leva et enfila son chapeau :
- Herbert, debout ! On va faire un tour !
- Il paraît que les suspicions contre moi ne tiennent plus ?
Il le disait avec l’air ravi d’un gamin qui échappa à ses lignes d’écriture.
- Dépêche-toi !

La gare n’était qu’à quelques pas. A l’heure du repas, les rues étaient encombrées par les employés et les ouvriers qui se précipitaient chez eux ou dans un restaurant.
- Ne t’éloigne pas, disait Maréchal. Avec le monde qu’il y a…
- Où allons-nous ?
L’inspecteur s’arrêta net : à dix mètres devant, il venait de voir, tournant à un coin de rue, un homme chauve, barbu, répondant exactement au portrait-robot du suspect de l’hôtel.
- Viens, et ne me lâche pas d’une semelle !
- Que se passe t-il ?
- Ton agresseur est devant nous. Si tu me perds, tu seras seul face à lui.
Maréchal pressa le pas.
Le colosse entra dans la gare et descendit par un escalier en$ fer sur plusieurs étages. Il se dirigeait vers les consignes. L’inspecteur descendit en vitesse. Il lui suffit d’un moment d’inattention, après avoir bousculé une vieille dame, pour avoir perdu le suspect. Il lâcha un juron et vérifia que Vilnius était encore avec lui : oui, le chauve, sur le qui-vive, regardait à droite, à gauche…
L’inspecteur s’approcha des consignes, et vit la 43. Elle était occupée. Il allait régler le code sur le cadenas, quand Vilnius lui fit signe :
- Là-bas, au tramway !
C’était le terminus de la ligne C. La rame, déjà bondée, allait partir et l’homme venait d’y monter.
- C’est bien lui mon agresseur !
- Viens !
Maréchal n’avait pas eu le temps d’ouvrir la consigne. Le présumé tueur était monté à l’avant. Ses deux suiveurs montèrent à l’arrière, au moment où le signal de départ retentissait.
Le policier gardait un œil sur les deux autres. Après trois stations, le tram ayant roulé de la gare aux cités dortoirs ouvrières, le grand barbu descendit avec la foule. Maréchal lui laissa de l’avance et se cala sur ses pas. Vilnius avait envie de suivre le mouvement comme d’aller se pendre…

L’homme entra dans un immeuble de chambres meublées. Maréchal suivit. Le concierge, la trentaine sportive, venait d’être bousculé.
- SÛRETE ! Où est-il parti ?
- Par là, dans l’escalier !

L’inspecteur y monta en courant. Il entendait colosse, qui avait moins de deux étages d’avance sur lui. L’immeuble comptait six étages. Au dernier palier, Maréchal, essoufflé mais encore vaillant, avait sorti son arme. L’homme était au bout du palier, dos au mur.
- Horo ! C’est fini maintenant ! Mains en l’air !
Le colosse obéit. L’arme pointée sur lui, le policier avança doucement. Dix mètres le séparait encore de cet homme ; Maréchal sortait doucement ses menottes.
- C’est inutile, policier. On arrête pas les hommes comme moi. Je n’irai pas au Château.
- Ne bougez plus, Horo. Votre cavale est finie. Vous êtes suspecté d’une dizaine de meurtres ces dernières années, vous…
- Arrêtez, inspecteur. Vous ne comprenez pas ! Je le dis pour vous ! Ça vous dépasse, arrêtez !
- Qu’est-ce qui me dépasse ?
- Avec ce qu’il y a dans la consigne, vous auriez un moyen de pression sur « eux » !
- Qui « eux » ?
- Vous devriez aller vider cette consigne avant qu’« ils » n’y aillent !
Maréchal était à quatre mètres.
- Reculez, inspecteur, c’est inutile.
- C’est fini, Horo, je vous arrête…
L’inspecteur vit alors le colosse se coller au mur, et passer d’un coup au travers ! Il s’y était littéralement fondu ! Aussi facilement que de l’eau transperce du papier !
Maréchal recula, pris de vertige. Il crut qu’il allait vomir sur place. Le mur avait avalé Horo !

L’inspecteur était seul, bien seul dans le couloir. Il s’appuya au mur et se reprit, bien que la tête lui tourna encore. Portzamparc avait vu juste !… Il n’avait pas cru si bien dire !… Saloperies d’ondes de Herbert !
Maréchal connaissait Exil comme sa poche. Et ce qu’il n’en connaissait pas, il le découvrait d’un coup d’œil. Il avait vu la disposition des bâtiments en arrivant.
Il cogna à l’appartement le plus proche de lui, puis enfonça la porta en criant « SÛRETE » ! Il bouscula une petite vieille qui faillit faire un arrêt cardiaque, son chat dans les bras ; il traversa son séjour étroit, ouvrit la fenêtre et alla sur la petite terrasse, grande d’un mètre sur un demi. Il avait moins de deux mètres à sauter, pour arriver sur la grande terrasse du bâtiment voisin, un entrepôt. C’est là-dedans que devait se trouver Horo, s’il avait vraiment réussi à passer le mur.

Vilnius arrivait dans l’appartement, l’air de demander si tout allait bien. Il avait aidé la dame à s’asseoir, en lui expliquant que c’était la police, qu’elle n’était pas accusée…
- Venez ici.
Maréchal, la tête en feu, menotta Vilnius à la rambarde.
- Je reviens bientôt vous rechercher.
L’inspecteur fit quelques mouvements de gymnastique en soufflant dans ses mains, puis il monta sur la rambarde de la terrasse et trouva à peu près son équilibre. Il essaya de se concentrer sur les deux mètres à franchir -en oubliant les vingt mètres qui le séparaient du sol…
- Arrêtez, lança le chauve.
Trop tard : en poussant un cri de guerre improvisé, Maréchal avait sauté. Et il n’avait pas attrapé la rambarde d’en face. Vilnius le vit se rater et, mort de peur, s’approcha autant qu’il put, gêné par les menottes.
L’inspecteur s’était rattrapé un mètre plus bas et ne tenait qu’à un bras. Vilnius tendit le bras, mais il ne pouvait rien : si seulement l’inspecteur ne l’avait pas attaché !
En puisant dans des ressources qu’il ne se connaissait pas, Maréchal parvint à se remonter, les muscles tendus des pieds au front ! Il sentit alors une grosse main l’attraper : l’inspecteur trembla. Non, il n’était ni chauve ni barbu ; c’était un des employés du dépôt.

- Au nom de SÛRETE, merci de votre aide !
Courbé en deux, les poumons à bout, Maréchal aurait tout donné pour un cocktail dans un des salons bourgeois du Novö-Art, autour d’une table de jeu. Il se redressa et entra dans le bâtiment : c’était un grand dépôt-vente, sur deux étages. Et Horo venait d’arriver au rez-de-chaussée.

*

Lors de la deuxième manche, Octave Grinbert avait repris l’avantage. Si bien que la partie était loin d’être finie et qu’il fallut marquer une seconde pause. Portzamparc alla au bar et se commanda un demi, qu’il avala en quelques gorgées. Ce prof de maths avait des ressources. Le détective avait repéré le pion. Il ne serait pas facile de le prendre.
La partie n’était pas gagnée.
Le public était en effervescence. Janas Prso avait gagné au bout de la deuxième manche, sans difficulté. La troisième manche de la rencontre Portzamparc / Grinbert fut serrée. Aucun des deux adversaires ne parvint à prendre le dessus pendant une dizaine de coups.
Alors que le policier allait prendre l’avantage, il vit brusquement l’occasion de s’emparer du pion. Il le captura sans hésiter. Il faillit sourire, au moment où un murmure de surprise s’élevait dans le public.
- Silence, fit sèchement l’arbitre.
Objectivement, Portzamparc venait de commettre une grave erreur. Si grave qu’elle étonna même Grinbert, qui se voyait déjà en déroute. C’était comme si Portzamparc était tombé dans un piège grossier -inimaginable, à ce niveau !
Madame de Portzamparc se mordit la lèvre, et rougit de honte face au public. Elle se sentait humiliée de cette erreur. Ficelin griffonnait sur son calepin. Quant au policier, il respirait.
Grinbert reprit un net avantage à l’issue de cette troisième manche. Mais Portzamparc n’avait pas dit son dernier mot : il avait son pion, et rien ne disait qu’il devait perdre !
L’arbitre annonça alors une troisième pause. Il y avait longtemps qu’on avait pas vu une partie de Manigance durer jusqu’à la quatrième manche !

Maréchal avait dégringolé l’escalier, et s’était caché derrière une armoire. En voyant arriver Horo, un couteau de chasseur à la main, les quelques clients du dépôt-vente étaient partis en courant. Au moins, d’éventuelles balles perdues ne feraient pas de victime.
Il régnait un désordre inextricable, dans ce bâtiment. Outre les nombreux meubles, tels qu’armoires, buffets, commodes ou lits, l’entrepôt était encombré de vases, d’étagères de bibelots, de vieilles machines à écrire, de collections de poupées, de caisses de tissus et d’articles ménagers. Le paradis des représentants de commerce.

- Horo, rends-toi !
- Vous avez compris, cette fois inspecteur ! Je suis un monstre ! C’est Herbert qui a fait de moi ce que je suis !
- Tu as tué des gens ! Tu tues de sang froid !
- Qui est le pire monstre ? criait Horo, de derrière une armoire. Herbert a testé ses machines sur des gamins des rues ! Il fait des expériences sur les êtres humains !
- Lui aussi sera jugé !
- Non, il n’ira jamais devant un juge ! « Ils » y veilleront !
- Qui « ils » ?
- Qui peut s’intéresser aux recherches de Herbert sur les ondes ? Qui peut faire pression sur la police pour qu’elle change ses conclusions !

Tout en parlant, Maréchal jaugeait la situation. Il n’était qu’à une dizaine de mètres de Horo. Il courut en quelques enjambées derrière un buffet ancien. Horo n’avait pas bougé. Maréchal l’entendit courir hors de sa cachette ; il le suivit à distance ; il se jeta sur le côté, et s’étala par terre de tout son long, juste avant de recevoir une lourde armoire et son contenu sur la tête !
Le policier roula sur le côté, et vit Horo se jeter derrière une étagère ; il ajuta son tir, encore allongé, et tira. Sa balle alla fracasser un pot en verre. Il se releva, tandis que Horo se sortait de là. Maréchal visa et tira : il vit nettement la balle érafler le bras du tueur, au moment où celui-ci disparaissait derrière un cagibi. Du sang érafla le mur.
Maréchal courut ventre à terre et s’approcha, accroupi, protégé par un poêle en fonte. Il y avait un miroir devant lui, en oblique : il aperçut le reflet de Horo, caché derrière une armoire à trois mètres de lui, à deux heures. Le colosse jouait son va-tout. Dans le miroir, Maréchal le vit se fondre à travers le meuble. L’inspecteur tira, et se jeta sur le côté. Horo était passé à travers le bois et tira, mais rata.
Les deux hommes, chacun derrière un poêle, échangèrent trois coups de feu, et Horo décampa. Un des tirs avait décapité une poupée. Maréchal se lança, heurta un pied de table, et trébucha. Horo atteignait la sortie.


A suivre...
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#19
Tout va bien, la situation est sous controle
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[Image: bladerunner.jpg]
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#20
DOSSIER #3<!--sizec--><!--/sizec-->


La quatrième manche fut chaudement disputée, et des paris étaient pris. Ils montèrent très haut, car, six coups avant la fin de la rencontre, nul ne pouvait en prévoir l’issue.
Grinbert clignait des yeux, Porzamparc avait les mains moites. Il y eut plusieurs coups échangés rapidement. Personne ne vit venir le mouvement fatidique : le policier opéra une feinte. Son adversaire « mordit » dedans : deux coups après, Portzamparc jouait le coup de la victoire.
De vifs applaudissements retentirent et Grinbert, épuisé, serra la main de son adversaire.
- Je n’avais jamais joué une partie comme celle-ci.
- Et moi donc !

Le policier, beau joueur, offrit à boire à Grinbert et à l’arbitre. Sa femme, émue, ne put résister à l’envie de le prendre dans ses bras et de nouveaux applaudissements partirent. Portzamparc avait glissé le pion dans sa poche. Il ne voulait même pas savoir à combien étaient monté les paris sur lui !

Maréchal se releva, la cheville endolorie, alors que Horo atteignait la sortie. L’inspecteur entendit claquer un coup de feu. Horo chancela. Deux autres coups partirent et le tueur s’écroula. Maréchal arriva à côté de lui : il était bien mort.
Quatre hommes de la PJ sortirent de leur abri.
- On l’a eu !

Maréchal ne dit rien, éberlué comme Vilnius, et rangea son arme.
- C’est terminé. Appelez le médecin légiste.
C’est à peine si on faisait attention à l’inspecteur de Magött-Platz.
- Allons, finit-on par lui dire avec une tape sur l’épaule, vous nous avez bien aidé. C’est le genre de choses qu’on oublie pas.
Les hommes du Quai avaient déjà tourné les talons quand Maréchal tenta de protester.

Sur le chemin du retour, il subit de plein fouet le contrecoup de ces derniers jours : trop peu de sommeil, et trop de café, trop de violence... La pression constante, l‘obligation de retrouver un tueur. Puis cette poursuite, la vision du passe-muraille, et ce dernier face à face à mort.

Maréchal monta chez la petite vieille : les menottes pendaient à la rambardes.
- Des gens sont venus… pour le petit monsieur chauve…
L’inspecteur, au bout du rouleau, n’écoutait plus. Il fut saisi d’une dernière idée : la consigne !
Il repartit par le tram C, avec l’énergie du désespoir. Il descendit à la gare et courut aux consignes. Malheur : la 43 était ouverte ! Maréchal, haletant, tâta l’intérieur. Rien… « Ils » l’avaient vidée !

Si ! Collée au plafond, invisible, une enveloppe !
Maréchal la décrocha et plongea la main dedans : une montre à gousset, avec une chaîne en or. Trois cadrans, avec les mêmes inscriptions qu’à ceux de l’atelier : SHC - RUS - IEI. Maréchal glissa l’enveloppe sous son manteau, et partit comme un voleur.

Après quelques verres, Portzamparc sentit la fatigue lui tomber dessus.
- Allons, rentrons dans notre chambre, dit-il à sa femme.
On le félicita encore. On l’attendait avec impatience pour le lendemain, face à Prso.
En sortant, le policier aperçut le petit gros, que la police judiciaire venait d’interroger :
- Détective de Portzamparc ! Comment vous remercier ! Sans vous, je ne sais pas ce qui me serait arrivé !
- Allons, ce n’est rien, dit le policier avec un large sourire, dont sa femme crut qu’il était celui du vainqueur à la Manigance.
Les deux hommes échangèrent une franche poignée de main et le couple Portzamparc s’en alla, heureux.
Jean-François se sentait léger : mission accomplie !

*

Maréchal chez lui, accablé de fatigue. Il passa la fin d’après-midi à dormir. Puis se réveilla en début de soirée, ensuqué. Il passa sous la douche, et cela ne lui fit aucun bien.
A cette heure, Portzamparc avait certainement appris la mort de Horo, trop dangereux pour que la PJ l’arrête. La soirée continua pour Maréchal. Il se rendormit, fit un cauchemar où il revit le tueur passer à travers le mur. Il se réveilla, trempé. Il repassa sous la douche, se recoucha et se rendormit. Il fit plusieurs rêves délirants, remplis de rengaines obsessives. « Le plus beau métier du monde, c’était le sien… »

Plusieurs choses restaient confuses dans cette affaire.
Dans le tram E, quand Maréchal l’avait vu pour la première fois, Herbert, amnésique, avait répété la dernière phrase prononcée devant Horo venu se venger de lui : « Tu ne vas quand même pas m’assassiner ici !« Mais comment Herbert avait-il échappé à Horo ? Où avait-il eu ces faux papiers mal fichus ?
Ensuite, pourquoi Horo avait-il tué la femme Lisander ? Pourquoi s’en était-il pris à l’autre type, sauvé par de Portzamparc ?
Maréchal sentit qu’il n’aurait peut-être jamais la réponse à ces questions. Il serrait la montre dans sa main, son dernier lien avec cette affaire. Il avait retenu la combinaison qui ouvrait le passage de l’atelier. Il la refit sur la montre, mais cela n’eut pas d’effet. L’inspecteur préféra se rendormir.

En début de journée, il s’éveilla, la tête lourde, la bouche sèche. Il réussit à manger un morceau. Il eut une pensée pour Jean-François, qui jouait sa finale. Ce n’est que plus tard, dans la journée, qu’il apprit que le détective avait perdu avec les honneurs face à Prso.

La concierge vint lui crier par la porte qu’il y avait le parlophone, que c’était ses collègues. « Que veulent-ils ? » Il était invité chez les Portzamparc à dîner, avec Novembre et les autres.

Antonin Maréchal déclina l’invitation ; la tête lourde, il partit s’allonger et continua, seul dans sa chambre, son long voyage immobile.





FIN DU DOCUMENT


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