04-12-2005, 02:06 PM
(This post was last modified: 04-12-2005, 02:07 PM by Darth Nico.)
Vampire 2006 - #7
La nuit suivante fut calme, chacun occupé à ses affaires dans son repaire.
Loren apprit que le Lapin de Garenne était encore l'invité exclusif de la police Brujah, qui devait lui réserver un traitement privilégié, tant il était rare de "serrer" un client qui a tant à en dire (et rechigne tant à le faire).
Graziella prépara sa soirée du lendemain : la poussière de la précédente était à peine enlevée qu'il fallait remettre en place le protocole de la suivante. Mais cette fois, réunion plus politique : pas de DJ Wildblood et ses platines infernales, pas de Duc ni de Kuei-Jin. Rien que d'honnêtes conspirateurs favorables à la Régence.
Loren apprit que les dirigeants de Paris avaient reçu une grande partie des témoins de l'attaque du Sabbat. En particulier, Clémentine Brujah avait été reçue et des rumeurs circulaient qu'elle était retenue elle aussi, au même sous-sol qu'Anatole... Intrigué, Loren se demanda ce qu'on pouvait reprocher à l'autre adjoint de Satomé à la sécurité.
Graziella l'apprit aussi, par Camille qui fréquentait les salons. Elle communiqua la nouvelle à Santi : une pointe d'inquiétude perçait les Lasombra. Anatole puis Clémentine : ils étaient les deux au 158, rue de Tolbiac, lors de l'opération Augustin...
Le lendemain soir, Loren terminait d'expédier quelques affaires de la veille, aux quatre coins des Tours : visite aux goules en planque, à George Leblond, à deux Gangrel du 20e. Rien de très réjouissant, mais c'était l'ordinaire d'un maire-adjoint. Au moins était-il sur le terrain, à se faire connaître et reconnaître pour son efficacité.
Pas comme Satomé, plus occupée à des opérations humanitaires auxquelles elle était seule à croire.
Ensuite, le Ventrue se rendit à la BNF, pour consulter des documents relatifs au Myanmar : quelques heures de recherches patientes lui permirent d'en apprendre sur la situation là-bas. Pour commencer, la Camarilla n'avait aucune relation diplomatique avec le Myanmar. La junte militaire humaine était constituée de goules de dirigeants occultes, sans doute Cathéens.
Les Cathéens étaient établis dans les villes et tenaient l'appareil d'Etat, tandis que dans les jungles, les factions du Sabbat contrôlaient la production d'opium. On ne signalait aucune présence Camariste où que ce soit dans le pays.
Un vrai spot touristique tout ce qu'il y avait de plus paradisiaque en somme...
Les invités, amenés par Mégane, arrivèrent quai de Bercy vers 22h30. Une dizaine de partisans de la Régence, en grande majorité du clan Toreador. Il y avait aussi un Malkavien et un Tremere, qui ne firent pas grande impression ce soir là. Graziella rencontra à cette occasion Caïnite d'Afrique, du clan Ishtarri (les cousins des Toreador). Il y avait aussi Gabriel et Angélique du Terdy, deux jeunes Vampires jumeaux (qu'on disait incestueux), qui venaient du Havre (14e et 15e arrondissements), Patrice le chroniqueur, Pierre-Yvon de Saint-Huant (cinéaste, vidéaste, jet-setteur, ami du Sénéchal) et quelques autres conspirateurs en herbe, qui frissonnaient en pénétrant dans le repaire d'une Lasombra.
Les discussions allaient bon train, vers 1h du matin, quand Loren fit son entrée. Ce fut comme un vent glacé qui passa : le Ventrue avait une réputation des plus ambigues. Eminence grise de la Régence, actuel Dauphin d'un Prince qui passait pour l'instrument des Légitimistes, ami aussi bien avec le Sénéchal adoré que fidèle à sa Famille, rivale des Toreador, on ne savait trop comment le prendre.
Les discussions reprirent, mais un ton en-dessous. Impossible de faire abstraction de la présence du maire-adjoint. Le moulin à paroles social avait bien tourné jusque là : puisque tout le monde était d'accord qu'il fallait s'opposer à la politique Ventrue actuelle, on était entre gens de bonne compagnie.
Maintenant, il s'agissait de voir de quel bord était François Loren. L'inconscient collectif des invités chercha quelques minutes à désigner un volontaire ; ce fut Gabriel du Terdy. Il y eut un soulagement général. Loren, qui avait senti venir la confrontation, s'assit dans un siège, bien installé une coupe à la main et regarda son interlocuteur, avec un regard qui disait : "Allez viens, mon jeune Toto, je t'attends. Essaye un peu de forcer, que je te montre ce que c'est que d'être un Ventrue."
Un silence religieux se fit, quand du Terdy prononça la phrase fatidique :
- Et vous, monsieur Loren, que pensez-vous de l'actuelle politique menée par Sire Vircenko ?
L'assemblée ne manqua pas de noter l'audace : c'était suggérer que le Prince n'était qu'un exécutant de l'actuel Primogène Ventrue. Loren encaissa sans broncher.
- Ma foi, je crois qu'elle s'impose. Après tout, c'est bien la Régence qui a mis les Ventrue au pouvoir. Le Sénéchal a oeuvré dans ce sens : vous devriez en être content. Je fais ma part du travail : étant plus jeune, je dois m'occuper de tâches plus terre à terre, mais c'est dans l'ordre des choses, n'est-ce pas ?
Le message était passé : jamais un Ventrue ne désavouerait la famille.
- Oui mais ne trouvez-vous pas injuste précisément que les dirigeants Ventrue occupent presque tous les postes de pouvoir ? Nous ne ramassons que des miettes : ce n'est pas représentatif de la population parisienne.
- Ma foi, je crois que les Toreador étaient d'accord pour que les Ventrue assument la charge du pouvoir, de manière à ce que vous puissiez vous consacrer à vos activités artistiques... C'est bien ce que le Régent a voulu et le conseil Primogène à sa suite...
Loren admirait l'audace de ce Gabriel, mais il n'allait pas se laisser impressionner, même s'il jouait en terrain Toreador. Il savait que les victoires à l'extérieur comptent double.
Graziella venait de s'absenter pour répondre au téléphone.
- Monsieur le Sénéchal, murmura sa servante en lui tendant le combiné.
- Allô, monsieur Lucinius ? Quel plaisir de vous entendre au téléphone !
Elle avait parlé assez haut, de manière à être entendue de ses invités. Ceux-ci tendirent une oreille attentive, ce qui mit fin à la joute Loren / du Terdy.
- Graziella ?
La voix du Sénéchal n'avait pas son timbre détaché et plaisant habituel ; elle était inquiète, pressée.
- Ecoutez-moi, mademoiselle de Valori : je vous convoque sur l'heure dans mon bureau. Et je vous conseille de ne pas traîner !
- Euh, bien monsieur le Sénéchal.
La signora comprit qu'il y avait anguille sous roche. Ce n'était pas pour remplir artificiellement son carnet de rendez-vous que Lucinius lançait cette convocation.
- Mes chers invités, prononça Graziella, je vais devoir vous laisser.
Petit murmure de déception dans l'assistance, nuancé par un ton complice de gens qui savaient de quoi il retournait.
- Monsieur le Sénéchal me convoque sur l'heure...
Maintenant, on pouvait se permettre d'être doucement admiratif. Loren sourit, en se demandant ce que le Lucinius avait en tête.
- Bien sûr, je reviendrai ici dès que ce rendez-vous sera fini et je vous tiendrai au courant des propos du Sénéchal.
Des étoiles brillaient dans les yeux des invités : à se demander si le coup n'était pas préparé ! Graziella invitée chez l'idole des jeunes Toreador ! Il ne manquait plus que Théophile pour répéter l'éloge de "Loucinious, la coquélouche de Paris !"
Sans tarder, Graziella passa un manteau. Loren lui emboîta le pas :
- J'avais aussi rendez-vous avec le Sénéchal ce soir. Je vous emmène : James est garé à deux pas d'ici.
Alors que la voiture démarrait, Graziella reçut un nouvel appel de Lucinius :
- Mademoiselle de Valori, écoutez-moi. La police Brujah est en route pour le quai de Bercy. Ils viennent coffrer vos invités !
Au même moment, Loren recevait un appel de Sergio, qui le prévenait du coup de filet prévu.
- Barre-toi mon vieux et je ne t'ai rien dit. Tu fricotes avec ces graines de conspirateurs mais je te sauve la mise pour cette fois, parce que tu es Dauphin de Paris et parce que tu m'as déjà rendu service.
- Merci, Sergio.
Les deux passagers raccrochèrent en même temps. Graziella venait de conseiller fermement à Mégane de faire sortir les invités de chez elle. La cavalerie du Louvre sonnait la charge !
James conduisait dans le trafic de fin de soirée pour les humains. Les vitres fumées de la limousine cachaient Loren et Valori aux patrouilleuses de police qui affluaient vers les Tours. Cette fois, Loren était dans une position difficile : l'adjoint à la sécurité, participant à une réunion à laquelle le Louvre allait mettre fin brusquement. Mais le Ventrue n'était sans doute pas en difficulté comme Graziella.
James arrêta le véhicule et vint ouvrir la porte. Il n'était pas garé devant la cour du Louvre, mais rue de Rivoli, près d'une petite entrée de service.
- Le bureau du Sénéchal vient de m'appeler, me demandant de me ranger ici.
Les deux passagars descendirent et entrèrent dans l'aile du musée. Au troisième sous-sol, à l'entrée de l'Elysium, ils rencontrèrent l'inspecteur Novembre, qui les attendait. Il toucha son chapeau :
- Sire Loren. Pour vous signaler que le préfet Jérémie vous attend dans son bureau.
- Entendu, je m'y rends maintenant.
- Mademoiselle, si vous voulez bien me suivre. Le Fléau de Paris désire avoir un entretien avec vous sur le champ.
Graziella se figea : Sarmont Brujah, le Fléau, était la dernière personne avec qui elle souhaitait parler. Brutale, épais, il était là pour maintenir l'ordre, pas pour faire dans la finesse.
- Mais j'ai rendez-vous avec le Sénéchal. Il vient de me convoquer !
- Vous irez voir le Sénéchal ensuite. Si vous voulez bien me suivre.
Loren n'avait le droit de rien faire. Il salua Graziella et partit de son côté.
Au pas de course, Novembre mena Valori vers le bureau de son supérieur. Celle-ci devait se laisser emmener, la poigne du Brujah qui compressant fermement l'avant-bras.
Au détour d'un couloir, elle vit surgir Lucinius comme un diable hors de sa boîte. Novembre se figea, respectueux mais un rien hostile.
- Monsieur le Sénéchal...
Lucinius regarda le Brujah droit dans les yeux :
- Inspecteur Novembre, c'est bien cela ? Vous débarquez fraîchement de Lyon je crois ? Et vous m'amenez mademoiselle de Valori ? C'est bien aimable à vous, quoique je sois sûr qu'elle aurait trouvé le chemin toute seule.
Novembre, hébété, stupide, bredouilla quelques mots :
- Euh oui, bien monsieur le Sénéchal...

La poigne de Novembre se relâcha.
- Mademoiselle de Valori, si vous voulez bien me suivre...
- Avec plaisir, monsieur Lucinius.
Novembre resta sur place, oscillant sur ses pieds avant de partir, abruti, vers le bureau de Sarmont Brujah.
Après un passage rapide par quelques couloirs mal éclairés, Lucinius et Graziella retrouvèrent les grands tapis rouges officiels et passèrent la porte du bureau du Sénéchal.
Lucinius appela deux goules, qui servirent des coupes. Il alla s'asseoir à son bureau et indiqua un siège en cuir à Graziella.
- Ouf ! il était moins une, pas vrai ! Je pense que j'ai bien fait de vous éviter une entrevue avec Sarmont. Entre nous, il manque quelque peu de finesse dans ses manières.
- Mais enfin, Lucinius, que se passe t-il ?
Graziella avait parlé comme une femme qu'on a contrarié, qui n'aime pas cela, qui pressent, comme un félin à l'affût, une menace et qui n'est pas décidée à se laisser faire.
- Ce qui se passe ? Un décret de sureté vient de tomber, rédigé par le Préfet. Il interdit toute réunion politique, en vertu de la situation instable après l'attaque du Sabbat etc. En gros, un texte préparé spécialement pour votre réunion de ce soir. Il y avait du monde ?
- Ma foi, outre Sire Loren, surtout des membres de votre clan.
- Vous m'en écrirez la liste, ce n'est pas le plus urgent. Non, il se trouve qu'en début de soirée, Sire Santi a été convoqué à nouveau au Louvre. Et il a été arrêté par le Préfet.
- Quoi !
Graziella avait bondi sur son siège.
- Camille aussi. A l'heure actuelle, ils doivent être au frais, au 6e. Ajoutez à cela Anatole Nosferatu et Clémentine Brujah. Et un mandat d'arrêt vient de tomber pour vous.
Abattu, Valori avala une coupe de sang. Elle ne savait pas quoi dire.
- La situation est simple, dit Lucinius. Tant que vous restez dans mon bureau, ils ne peuvent rien contre vous. Ni le Préfet ni le Fléau n'ont le droit d'entrer. Je peux à loisir prolonger ma convocation, mais je ne vais pas vous garder ad vitam eternam si je puis dire. Dès que vous mettrez le pied dehors, ils viendront vous arrêter. J'ai voulu les devancer car les Ventrue se croient tout permis depuis quelques temps. Et je voudrais comprendre ce qui se passe...
A suivre...
La nuit suivante fut calme, chacun occupé à ses affaires dans son repaire.
Loren apprit que le Lapin de Garenne était encore l'invité exclusif de la police Brujah, qui devait lui réserver un traitement privilégié, tant il était rare de "serrer" un client qui a tant à en dire (et rechigne tant à le faire).

Graziella prépara sa soirée du lendemain : la poussière de la précédente était à peine enlevée qu'il fallait remettre en place le protocole de la suivante. Mais cette fois, réunion plus politique : pas de DJ Wildblood et ses platines infernales, pas de Duc ni de Kuei-Jin. Rien que d'honnêtes conspirateurs favorables à la Régence.
Loren apprit que les dirigeants de Paris avaient reçu une grande partie des témoins de l'attaque du Sabbat. En particulier, Clémentine Brujah avait été reçue et des rumeurs circulaient qu'elle était retenue elle aussi, au même sous-sol qu'Anatole... Intrigué, Loren se demanda ce qu'on pouvait reprocher à l'autre adjoint de Satomé à la sécurité.
Graziella l'apprit aussi, par Camille qui fréquentait les salons. Elle communiqua la nouvelle à Santi : une pointe d'inquiétude perçait les Lasombra. Anatole puis Clémentine : ils étaient les deux au 158, rue de Tolbiac, lors de l'opération Augustin...
Le lendemain soir, Loren terminait d'expédier quelques affaires de la veille, aux quatre coins des Tours : visite aux goules en planque, à George Leblond, à deux Gangrel du 20e. Rien de très réjouissant, mais c'était l'ordinaire d'un maire-adjoint. Au moins était-il sur le terrain, à se faire connaître et reconnaître pour son efficacité.

Ensuite, le Ventrue se rendit à la BNF, pour consulter des documents relatifs au Myanmar : quelques heures de recherches patientes lui permirent d'en apprendre sur la situation là-bas. Pour commencer, la Camarilla n'avait aucune relation diplomatique avec le Myanmar. La junte militaire humaine était constituée de goules de dirigeants occultes, sans doute Cathéens.
Les Cathéens étaient établis dans les villes et tenaient l'appareil d'Etat, tandis que dans les jungles, les factions du Sabbat contrôlaient la production d'opium. On ne signalait aucune présence Camariste où que ce soit dans le pays.
Un vrai spot touristique tout ce qu'il y avait de plus paradisiaque en somme...
Les invités, amenés par Mégane, arrivèrent quai de Bercy vers 22h30. Une dizaine de partisans de la Régence, en grande majorité du clan Toreador. Il y avait aussi un Malkavien et un Tremere, qui ne firent pas grande impression ce soir là. Graziella rencontra à cette occasion Caïnite d'Afrique, du clan Ishtarri (les cousins des Toreador). Il y avait aussi Gabriel et Angélique du Terdy, deux jeunes Vampires jumeaux (qu'on disait incestueux), qui venaient du Havre (14e et 15e arrondissements), Patrice le chroniqueur, Pierre-Yvon de Saint-Huant (cinéaste, vidéaste, jet-setteur, ami du Sénéchal) et quelques autres conspirateurs en herbe, qui frissonnaient en pénétrant dans le repaire d'une Lasombra.
Les discussions allaient bon train, vers 1h du matin, quand Loren fit son entrée. Ce fut comme un vent glacé qui passa : le Ventrue avait une réputation des plus ambigues. Eminence grise de la Régence, actuel Dauphin d'un Prince qui passait pour l'instrument des Légitimistes, ami aussi bien avec le Sénéchal adoré que fidèle à sa Famille, rivale des Toreador, on ne savait trop comment le prendre.
Les discussions reprirent, mais un ton en-dessous. Impossible de faire abstraction de la présence du maire-adjoint. Le moulin à paroles social avait bien tourné jusque là : puisque tout le monde était d'accord qu'il fallait s'opposer à la politique Ventrue actuelle, on était entre gens de bonne compagnie.
Maintenant, il s'agissait de voir de quel bord était François Loren. L'inconscient collectif des invités chercha quelques minutes à désigner un volontaire ; ce fut Gabriel du Terdy. Il y eut un soulagement général. Loren, qui avait senti venir la confrontation, s'assit dans un siège, bien installé une coupe à la main et regarda son interlocuteur, avec un regard qui disait : "Allez viens, mon jeune Toto, je t'attends. Essaye un peu de forcer, que je te montre ce que c'est que d'être un Ventrue."
Un silence religieux se fit, quand du Terdy prononça la phrase fatidique :
- Et vous, monsieur Loren, que pensez-vous de l'actuelle politique menée par Sire Vircenko ?
L'assemblée ne manqua pas de noter l'audace : c'était suggérer que le Prince n'était qu'un exécutant de l'actuel Primogène Ventrue. Loren encaissa sans broncher.
- Ma foi, je crois qu'elle s'impose. Après tout, c'est bien la Régence qui a mis les Ventrue au pouvoir. Le Sénéchal a oeuvré dans ce sens : vous devriez en être content. Je fais ma part du travail : étant plus jeune, je dois m'occuper de tâches plus terre à terre, mais c'est dans l'ordre des choses, n'est-ce pas ?
Le message était passé : jamais un Ventrue ne désavouerait la famille.
- Oui mais ne trouvez-vous pas injuste précisément que les dirigeants Ventrue occupent presque tous les postes de pouvoir ? Nous ne ramassons que des miettes : ce n'est pas représentatif de la population parisienne.
- Ma foi, je crois que les Toreador étaient d'accord pour que les Ventrue assument la charge du pouvoir, de manière à ce que vous puissiez vous consacrer à vos activités artistiques... C'est bien ce que le Régent a voulu et le conseil Primogène à sa suite...
Loren admirait l'audace de ce Gabriel, mais il n'allait pas se laisser impressionner, même s'il jouait en terrain Toreador. Il savait que les victoires à l'extérieur comptent double.

Graziella venait de s'absenter pour répondre au téléphone.
- Monsieur le Sénéchal, murmura sa servante en lui tendant le combiné.
- Allô, monsieur Lucinius ? Quel plaisir de vous entendre au téléphone !
Elle avait parlé assez haut, de manière à être entendue de ses invités. Ceux-ci tendirent une oreille attentive, ce qui mit fin à la joute Loren / du Terdy.
- Graziella ?
La voix du Sénéchal n'avait pas son timbre détaché et plaisant habituel ; elle était inquiète, pressée.
- Ecoutez-moi, mademoiselle de Valori : je vous convoque sur l'heure dans mon bureau. Et je vous conseille de ne pas traîner !
- Euh, bien monsieur le Sénéchal.
La signora comprit qu'il y avait anguille sous roche. Ce n'était pas pour remplir artificiellement son carnet de rendez-vous que Lucinius lançait cette convocation.
- Mes chers invités, prononça Graziella, je vais devoir vous laisser.
Petit murmure de déception dans l'assistance, nuancé par un ton complice de gens qui savaient de quoi il retournait.
- Monsieur le Sénéchal me convoque sur l'heure...
Maintenant, on pouvait se permettre d'être doucement admiratif. Loren sourit, en se demandant ce que le Lucinius avait en tête.
- Bien sûr, je reviendrai ici dès que ce rendez-vous sera fini et je vous tiendrai au courant des propos du Sénéchal.
Des étoiles brillaient dans les yeux des invités : à se demander si le coup n'était pas préparé ! Graziella invitée chez l'idole des jeunes Toreador ! Il ne manquait plus que Théophile pour répéter l'éloge de "Loucinious, la coquélouche de Paris !"
Sans tarder, Graziella passa un manteau. Loren lui emboîta le pas :
- J'avais aussi rendez-vous avec le Sénéchal ce soir. Je vous emmène : James est garé à deux pas d'ici.
Alors que la voiture démarrait, Graziella reçut un nouvel appel de Lucinius :
- Mademoiselle de Valori, écoutez-moi. La police Brujah est en route pour le quai de Bercy. Ils viennent coffrer vos invités !
Au même moment, Loren recevait un appel de Sergio, qui le prévenait du coup de filet prévu.
- Barre-toi mon vieux et je ne t'ai rien dit. Tu fricotes avec ces graines de conspirateurs mais je te sauve la mise pour cette fois, parce que tu es Dauphin de Paris et parce que tu m'as déjà rendu service.
- Merci, Sergio.
Les deux passagers raccrochèrent en même temps. Graziella venait de conseiller fermement à Mégane de faire sortir les invités de chez elle. La cavalerie du Louvre sonnait la charge !
James conduisait dans le trafic de fin de soirée pour les humains. Les vitres fumées de la limousine cachaient Loren et Valori aux patrouilleuses de police qui affluaient vers les Tours. Cette fois, Loren était dans une position difficile : l'adjoint à la sécurité, participant à une réunion à laquelle le Louvre allait mettre fin brusquement. Mais le Ventrue n'était sans doute pas en difficulté comme Graziella.
James arrêta le véhicule et vint ouvrir la porte. Il n'était pas garé devant la cour du Louvre, mais rue de Rivoli, près d'une petite entrée de service.
- Le bureau du Sénéchal vient de m'appeler, me demandant de me ranger ici.
Les deux passagars descendirent et entrèrent dans l'aile du musée. Au troisième sous-sol, à l'entrée de l'Elysium, ils rencontrèrent l'inspecteur Novembre, qui les attendait. Il toucha son chapeau :
- Sire Loren. Pour vous signaler que le préfet Jérémie vous attend dans son bureau.
- Entendu, je m'y rends maintenant.
- Mademoiselle, si vous voulez bien me suivre. Le Fléau de Paris désire avoir un entretien avec vous sur le champ.
Graziella se figea : Sarmont Brujah, le Fléau, était la dernière personne avec qui elle souhaitait parler. Brutale, épais, il était là pour maintenir l'ordre, pas pour faire dans la finesse.
- Mais j'ai rendez-vous avec le Sénéchal. Il vient de me convoquer !
- Vous irez voir le Sénéchal ensuite. Si vous voulez bien me suivre.
Loren n'avait le droit de rien faire. Il salua Graziella et partit de son côté.
Au pas de course, Novembre mena Valori vers le bureau de son supérieur. Celle-ci devait se laisser emmener, la poigne du Brujah qui compressant fermement l'avant-bras.
Au détour d'un couloir, elle vit surgir Lucinius comme un diable hors de sa boîte. Novembre se figea, respectueux mais un rien hostile.
- Monsieur le Sénéchal...
Lucinius regarda le Brujah droit dans les yeux :
- Inspecteur Novembre, c'est bien cela ? Vous débarquez fraîchement de Lyon je crois ? Et vous m'amenez mademoiselle de Valori ? C'est bien aimable à vous, quoique je sois sûr qu'elle aurait trouvé le chemin toute seule.
Novembre, hébété, stupide, bredouilla quelques mots :
- Euh oui, bien monsieur le Sénéchal...

La poigne de Novembre se relâcha.
- Mademoiselle de Valori, si vous voulez bien me suivre...

- Avec plaisir, monsieur Lucinius.
Novembre resta sur place, oscillant sur ses pieds avant de partir, abruti, vers le bureau de Sarmont Brujah.
Après un passage rapide par quelques couloirs mal éclairés, Lucinius et Graziella retrouvèrent les grands tapis rouges officiels et passèrent la porte du bureau du Sénéchal.
Lucinius appela deux goules, qui servirent des coupes. Il alla s'asseoir à son bureau et indiqua un siège en cuir à Graziella.
- Ouf ! il était moins une, pas vrai ! Je pense que j'ai bien fait de vous éviter une entrevue avec Sarmont. Entre nous, il manque quelque peu de finesse dans ses manières.
- Mais enfin, Lucinius, que se passe t-il ?
Graziella avait parlé comme une femme qu'on a contrarié, qui n'aime pas cela, qui pressent, comme un félin à l'affût, une menace et qui n'est pas décidée à se laisser faire.
- Ce qui se passe ? Un décret de sureté vient de tomber, rédigé par le Préfet. Il interdit toute réunion politique, en vertu de la situation instable après l'attaque du Sabbat etc. En gros, un texte préparé spécialement pour votre réunion de ce soir. Il y avait du monde ?
- Ma foi, outre Sire Loren, surtout des membres de votre clan.
- Vous m'en écrirez la liste, ce n'est pas le plus urgent. Non, il se trouve qu'en début de soirée, Sire Santi a été convoqué à nouveau au Louvre. Et il a été arrêté par le Préfet.
- Quoi !
Graziella avait bondi sur son siège.
- Camille aussi. A l'heure actuelle, ils doivent être au frais, au 6e. Ajoutez à cela Anatole Nosferatu et Clémentine Brujah. Et un mandat d'arrêt vient de tomber pour vous.
Abattu, Valori avala une coupe de sang. Elle ne savait pas quoi dire.
- La situation est simple, dit Lucinius. Tant que vous restez dans mon bureau, ils ne peuvent rien contre vous. Ni le Préfet ni le Fléau n'ont le droit d'entrer. Je peux à loisir prolonger ma convocation, mais je ne vais pas vous garder ad vitam eternam si je puis dire. Dès que vous mettrez le pied dehors, ils viendront vous arrêter. J'ai voulu les devancer car les Ventrue se croient tout permis depuis quelques temps. Et je voudrais comprendre ce qui se passe...
A suivre...
