22-12-2005, 01:57 AM
LE COEUR D'OCEANIE
Résumé : Corso et Lucinius, emmenés dans le sous-marin du nabot Kuei-Jin arrivent sur une île déserte tropicale, battue par les vents. Alors que la tempête se lève, Corso part seul sur la plage. Lucinius reste seul un moment, abandonné, puis décide de rattraper le Gangrel...
Orages (suite)
Le Toreador s’éloigna du bord de mer. Les arbres se balançaient de plus en plus, et il peinait à avancer. Il essaya de progresser à reculons, sans grand succès. Le vent le poussait vers l’intérieur des terres. Il courut se mettre à l’abri en bordure de plage, à l’orée de la jungle humide. Un des palmiers, plus frêle, avait cassé à la base, sous les assauts du vent. Le Toréador s’assit sur la souche, attendant que le vent retombe, à l’abri sous les grandes feuilles de ce pays sauvage, qui s’agitaient comme des déments. Est-ce que Corso avait continué à avancer sur la plage ? Les gros nuages, chargés d’éclairs comme la dynamite de poudre, avançaient vers l’île. Avant peu, ils amèneraient l’orage au-dessus de Lucinius.
Et on lui avait toujours dit, à Lucinius, de ne pas rester sous un peu arbre pendant l’orage… Mais il savait aussi qu’un homme sur une étendue plane était une cible de choix pour la foudre. Décidément ! sur la plage ou sous les arbres, il n’était nulle part à l’abri. Il pouvait commencer à paniquer s’il voulait, il en avait le droit !
Lucinius reprit sa marche. La pluie commença à tomber dru, en gouttes grosses comme des noix, qui éclataient sur le sable. Elles s’y écrasaient de tout leur poids, en crépitant, y laissant des petits cratères, comme des millions de petites météorites poussées par les rafales. Le mugissement du faîte des arbres devenait sinistre pour notre Toréador naufragé…
Il marcha pendant près d’une demi-heure, entre la plage et les arbres, tantôt sur le sable, tantôt au pied des arbres, pendant que la pluie tombait de plus en plus et que, symétriquement, les vagues se soulevaient de plus en plus, comme des gueules liquides de plus en plus voraces, avides de dévorer le rivage.
Au milieu du grondement qui s’amplifiait, Lucinius traçait sa route, et laissait derrière lui les zigzags de ses empreintes.
Le tonnerre éclatait de plus en plus près. Les décharges de foudre commençaient à tomber. Les éclats de lumière électrique rythmaient l’avancée du Toréador, qui sursautait à chaque éclair, avant que le roulement de l’orage ne déferle, comme les vagues, transmettant son tremblement à toute l’atmosphère. Les masses de nuages avançaient en roulant dans le ciel, se répandant en tous sens, à l’allure d’un cheval qui a pris le mors aux dent. Le ciel n’était plus très loin au-dessus de notre héros vagabond et il était saturé d’électricité.
Notre Toréador n’avait jamais eu à subir un orage de cette violence. Ses secousses, ses roulements fracassants, tonitruants, avaient la force d’une secousse tellurique : tremblement de ciel. En bon parisien habitué au crachin, ou à la limite aux averses de grêlons, Lucinius n’était pas préparé à l’avancée d’un mur liquide, qui n’était encore que peu de choses à ce qu’aurait été le passage de la mousson en une autre saison. Et l’orage menaçait d’amener avec lui un typhon, qui vrillait de toute sa puissance mécanique la mer un peu plus loin. Le monstrueux vortex pouvait engloutir tout l’océan et tout le ciel et sa puissance était titanesque. Il s’avançait, magistral, sombre, implacable, comme le requiem de Mozart, sans daigner s’apercevoir que sa puissance s’imposait à tous, avec une brutalité aveugle. La foudre même craignait de tomber sur ce typhon, de peur d’être prise dans sa danse hystérique. Il narguait Lucinius, c’était sûr ! Les violences conjuguées de l’eau et de la foudre se déchaînaient assez pour menacer sévèrement notre Parisien égaré.
Un éclair tomba non loin, sur la jungle. Un arbre prit feu : il s’enflamma comme une grande torche, tandis que les flammes se tordaient déjà, s’allongeaient, se déformaient et volaient brièvement sur le vent pour aller se nourrir d’autres arbres.
L’incendie était n’était pas prêt d’atteindre Lucinius. Mais il n’en fut pas moins terrifiée –atavisme de vampire ! Il redescendit en courant sur la plage, et continua sa course sur le sable qui se déplaçait par ondulations et tourbillons sous ses pieds. Tandis que le souffle tournoyant du vent s’intensifiait, une vague plus grande que ses sœurs, venue de très loin au large, avançait vers l’île. Elle allait s’abattre aux pieds de Lucinius, et sans doute le happer en refluant. Le Toréador remonta la pente, trébucha, tomba à genoux.
Il se retourna : la vague était presque sur lui, ouvrant tout grand sa gueule comme un hippopotame. Un éclair fendit alors les cieux, frappa la crête de la vague, puissant comme un marteau d’airain. Le bruit du tonnerre explosa et l’écume fut illuminée un court instant d’une fantastique brillance électrique. Percée comme une baudruche, la vague s’écrasa sur la plage, à l’agonie, éventrée. Lucinius s’enfuit en courant, trempé par la pluie. Avant le jaillissement éblouissant de l’éclair, il avait discerné, s’élevant en ligne brisée vers les nuages pris delirium tremens, l’éclair noir qui monte de l’océan, le sombre précurseur...

Lucinius piqua un sprint, ventre à terre, décidé à fuir les flammes, les vagues en acier, la foudre qui lui hérissait le poil. Les grains de sable crépitaient en tapant contre lui : dansant follement, ils transformaient la plage en surface de vent, mer vaporeuse, emportée par des courants en tous sens. C’était le bal des tourbillons.
Roulant toujours comme une colonne de blindés, les cumulo-nimbus finirent par dépasser la plage. Ils emportaient le vent et la pluie avec eux, et semblaient vouloir absorber en leur sein les arbres, comme un siphon qui emporte tout avec lui. Formidables machines de guerre.
Le vent retomba presque d’un coup, et avec lui, la fureur des vagues. Elles continuèrent à gronder, mais comme des chiens repus après la curée. Au bout de quelques minutes, il ne pleuvait plus qu’une une honnête pluie londonienne… Lucinius se laissa tomber par terre. Il s’allongea, content d’avoir échappé au pire. Il ignorait quelle distance il avait pu parcourir. Il n’avait pas épargné ses forces : elle devait être loin, maintenant, la paillote où les avait enfermés le nabot.
Lucinius regardait le ciel, qui se délivrait peu à peu des nuages chargés comme des bombes. Quelques étoiles reparurent. Allongé, le Toreador sourit d’apaisement. Il avait évité le pire.
Il vit alors dans son champ de vision la tête grimaçante de Corso, debout à hauteur de sa tête.
- Hé bien, vous aussi vous vous promenez ?
- Tiens, Corso… Je parie que c’est vous qui avez déclenché cet orage pour m’embêter. :baton:
- Et encore, dit le Gangrel en s’asseyant, ce n’était qu’une répétition, avant celui que je vais balancer sur la tête de ce nabot de Kuei-Jin !
A suivre...
Résumé : Corso et Lucinius, emmenés dans le sous-marin du nabot Kuei-Jin arrivent sur une île déserte tropicale, battue par les vents. Alors que la tempête se lève, Corso part seul sur la plage. Lucinius reste seul un moment, abandonné, puis décide de rattraper le Gangrel...
Orages (suite)
Le Toreador s’éloigna du bord de mer. Les arbres se balançaient de plus en plus, et il peinait à avancer. Il essaya de progresser à reculons, sans grand succès. Le vent le poussait vers l’intérieur des terres. Il courut se mettre à l’abri en bordure de plage, à l’orée de la jungle humide. Un des palmiers, plus frêle, avait cassé à la base, sous les assauts du vent. Le Toréador s’assit sur la souche, attendant que le vent retombe, à l’abri sous les grandes feuilles de ce pays sauvage, qui s’agitaient comme des déments. Est-ce que Corso avait continué à avancer sur la plage ? Les gros nuages, chargés d’éclairs comme la dynamite de poudre, avançaient vers l’île. Avant peu, ils amèneraient l’orage au-dessus de Lucinius.
Et on lui avait toujours dit, à Lucinius, de ne pas rester sous un peu arbre pendant l’orage… Mais il savait aussi qu’un homme sur une étendue plane était une cible de choix pour la foudre. Décidément ! sur la plage ou sous les arbres, il n’était nulle part à l’abri. Il pouvait commencer à paniquer s’il voulait, il en avait le droit !
Lucinius reprit sa marche. La pluie commença à tomber dru, en gouttes grosses comme des noix, qui éclataient sur le sable. Elles s’y écrasaient de tout leur poids, en crépitant, y laissant des petits cratères, comme des millions de petites météorites poussées par les rafales. Le mugissement du faîte des arbres devenait sinistre pour notre Toréador naufragé…
Il marcha pendant près d’une demi-heure, entre la plage et les arbres, tantôt sur le sable, tantôt au pied des arbres, pendant que la pluie tombait de plus en plus et que, symétriquement, les vagues se soulevaient de plus en plus, comme des gueules liquides de plus en plus voraces, avides de dévorer le rivage.
Au milieu du grondement qui s’amplifiait, Lucinius traçait sa route, et laissait derrière lui les zigzags de ses empreintes.
Le tonnerre éclatait de plus en plus près. Les décharges de foudre commençaient à tomber. Les éclats de lumière électrique rythmaient l’avancée du Toréador, qui sursautait à chaque éclair, avant que le roulement de l’orage ne déferle, comme les vagues, transmettant son tremblement à toute l’atmosphère. Les masses de nuages avançaient en roulant dans le ciel, se répandant en tous sens, à l’allure d’un cheval qui a pris le mors aux dent. Le ciel n’était plus très loin au-dessus de notre héros vagabond et il était saturé d’électricité.
Notre Toréador n’avait jamais eu à subir un orage de cette violence. Ses secousses, ses roulements fracassants, tonitruants, avaient la force d’une secousse tellurique : tremblement de ciel. En bon parisien habitué au crachin, ou à la limite aux averses de grêlons, Lucinius n’était pas préparé à l’avancée d’un mur liquide, qui n’était encore que peu de choses à ce qu’aurait été le passage de la mousson en une autre saison. Et l’orage menaçait d’amener avec lui un typhon, qui vrillait de toute sa puissance mécanique la mer un peu plus loin. Le monstrueux vortex pouvait engloutir tout l’océan et tout le ciel et sa puissance était titanesque. Il s’avançait, magistral, sombre, implacable, comme le requiem de Mozart, sans daigner s’apercevoir que sa puissance s’imposait à tous, avec une brutalité aveugle. La foudre même craignait de tomber sur ce typhon, de peur d’être prise dans sa danse hystérique. Il narguait Lucinius, c’était sûr ! Les violences conjuguées de l’eau et de la foudre se déchaînaient assez pour menacer sévèrement notre Parisien égaré.
Un éclair tomba non loin, sur la jungle. Un arbre prit feu : il s’enflamma comme une grande torche, tandis que les flammes se tordaient déjà, s’allongeaient, se déformaient et volaient brièvement sur le vent pour aller se nourrir d’autres arbres.
L’incendie était n’était pas prêt d’atteindre Lucinius. Mais il n’en fut pas moins terrifiée –atavisme de vampire ! Il redescendit en courant sur la plage, et continua sa course sur le sable qui se déplaçait par ondulations et tourbillons sous ses pieds. Tandis que le souffle tournoyant du vent s’intensifiait, une vague plus grande que ses sœurs, venue de très loin au large, avançait vers l’île. Elle allait s’abattre aux pieds de Lucinius, et sans doute le happer en refluant. Le Toréador remonta la pente, trébucha, tomba à genoux.
Il se retourna : la vague était presque sur lui, ouvrant tout grand sa gueule comme un hippopotame. Un éclair fendit alors les cieux, frappa la crête de la vague, puissant comme un marteau d’airain. Le bruit du tonnerre explosa et l’écume fut illuminée un court instant d’une fantastique brillance électrique. Percée comme une baudruche, la vague s’écrasa sur la plage, à l’agonie, éventrée. Lucinius s’enfuit en courant, trempé par la pluie. Avant le jaillissement éblouissant de l’éclair, il avait discerné, s’élevant en ligne brisée vers les nuages pris delirium tremens, l’éclair noir qui monte de l’océan, le sombre précurseur...

Lucinius piqua un sprint, ventre à terre, décidé à fuir les flammes, les vagues en acier, la foudre qui lui hérissait le poil. Les grains de sable crépitaient en tapant contre lui : dansant follement, ils transformaient la plage en surface de vent, mer vaporeuse, emportée par des courants en tous sens. C’était le bal des tourbillons.
Roulant toujours comme une colonne de blindés, les cumulo-nimbus finirent par dépasser la plage. Ils emportaient le vent et la pluie avec eux, et semblaient vouloir absorber en leur sein les arbres, comme un siphon qui emporte tout avec lui. Formidables machines de guerre.
Le vent retomba presque d’un coup, et avec lui, la fureur des vagues. Elles continuèrent à gronder, mais comme des chiens repus après la curée. Au bout de quelques minutes, il ne pleuvait plus qu’une une honnête pluie londonienne… Lucinius se laissa tomber par terre. Il s’allongea, content d’avoir échappé au pire. Il ignorait quelle distance il avait pu parcourir. Il n’avait pas épargné ses forces : elle devait être loin, maintenant, la paillote où les avait enfermés le nabot.
Lucinius regardait le ciel, qui se délivrait peu à peu des nuages chargés comme des bombes. Quelques étoiles reparurent. Allongé, le Toreador sourit d’apaisement. Il avait évité le pire.
Il vit alors dans son champ de vision la tête grimaçante de Corso, debout à hauteur de sa tête.
- Hé bien, vous aussi vous vous promenez ?
- Tiens, Corso… Je parie que c’est vous qui avez déclenché cet orage pour m’embêter. :baton:
- Et encore, dit le Gangrel en s’asseyant, ce n’était qu’une répétition, avant celui que je vais balancer sur la tête de ce nabot de Kuei-Jin !

A suivre...
