27-10-2006, 04:20 PM
(This post was last modified: 27-10-2006, 04:21 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
Les terres où se rendaient nos deux héros se situaient bien loin après le palais du Baron, dans un pays inconnu où il n'y avait presque plus d'étoiles dans le ciel, comme si l'on était bien proche d'atteindre ses limites et de tomber dan le grand néant.
Trois lunes vertes flottaient dans le ciel en permanence et le soleil était bien lointain, seuls ses plus vigoureux rayons, mais rouges, mourants, arrivant jusque dans cette contrée reculée.
Les deux Grues se posèrent sur un promontoire rocheux. En chemin, Kagetoki avait raconté en deux mots pourquoi le Baron, selon toute attente, s'était effondré en larmes à l'évocation de sa femme (un gros et grand garçon comme lui !

- Le malheureux Ko-Te-Chu a fait une fille à sa femme, la Démonne des Lunes Vertes mais celle-ci l'a peu après quitté pour élever cette fille loin des incessantes débauches du palais !
- Comment, cette femme a osé le quitter ?
Pour un Rokugani, une telle chose était inconcevable, à moins que la femme en question n'entrât dans un monastère.
- Les moeurs de ce monde ne sont pas les nôtres, dit Kagetoki, relativiste. De plus, le Baron et la Démonne ne sont pas des mortels à proprement parler... Enfin, ces choses-là ne nous regardent pas, elles passent l'entendement.
Les deux samuraï descendirent le long d'une pente douce et arrivèrent devant une misérable cabane de rudes pierres, au toit en torchis, avec une petite basse-cour et un verger. Une petite habitation comme celle-ci semblait franchement insolite dans ce paysage fantastique, où l'on aurait attendu peut-être des trolls, des géants, des cyclopes, des titans !
Kagetoki frappa à la porte et attendit. Des poules noires caquetaient en picorant du grain et un gros chat roux baîllait sur le rebord de la fenêtre.

- Puissante démonne, ouvre ! Nous venons en ami !
Un judas s'ouvrit dans la porte :
- Des Kenkus, grinça une vieille voix de l'autre côté, que me voulez-vous !
- Nous sommes les seigneurs Hiruya et Kagetoki, nous venons vous voir de la part du Baron Ko-T-
- Ce gros plein de soupe bon à rien !...
La porte s'entrouvrit et une désagréable tête à quatre yeux passa dans l'entrebaîllement.
- Entrez, mais essuyez vos pieds !
La démonne vivait dans ce réduit, mal chauffé par un vieux poele, exposé aux vents des grands déserts environnants. Vieille, courbée, elle avait une peau vert clair, deux paires d'yeux, huit bras maigrichons, une peau lisse de serpent et une grande collerette luisante.
Les deux samuraï s'inclinèrent humblement.
- Nous venons vous voir, puissante démonne, car nous recherchons un artefact précieux qui-
- Oui je vois, vous avez besoin de mes flèches d'or en somme !
- En effet, avoua Kagetoki.
- Mais mes pauvres petits piafs, je ne les ai plus, ces flèches ! C'est ma fille qui me les a chipées !... Cette donzelle, figurez-vous, est maintenant aussi rusée que sa maman et aussi vilaine que son papa, ce qui nous promet du joli pour l'avenir vous pouvez me croire !
- Sans doute que la puissante démonne des Lunes Vertes voudrait récupérer ses flèches, affirma Kagetoki et caressant sa barbe.
- Et comment ! D'ailleurs, ne tournons pas autour du pot : ramenez-les moi et je vous permettrai d'en utiliser une !
- Cela me semble... honorable, sourit Kagetoki avec un regard entendu vers Hiruya.
Les deux pseudo-Kenkus saluèrent et ressortirent de la cabane.
- Où habite donc sa fille ?
- Je crois comprendre, sourit Kagetoki. Suis-moi.
D'un coup d'aile, les deux samuraï passèrent la petite colline et, de l'autre côté, découvrirent un magnifique temple de jade dédiée à des divinités reptiles. Il scintillait dans la nuit comme les yeux d'un cobra, sauvage, dangereux, envoûtant.
- Il semblerait que la fille ait gardé le meilleur pour elle. Méfiance, murmura le senseï, elle doit être vraiment dangereuse, car j'ai souvenir que la Démonne-mère n'était pas tendre avec sa progéniture.
Les deux samuraï approchèrent du temple, la main sur la garde du sabre. Ils entendirent un sifflement au-dessus de leur tête, et n'eurent que le temps de s'écarter : une dizaine de poignars s'écrasèrent à terre juste à côté d'eux !
Sur le toit, la démonne-fille sifflait, furieuse.
- Cccccc'est ma mère qui vous envoie !
- Nous voudrions juste, tenta Kagetoki-
- Sssssssssssilencccccccee ! Vous allez regretter d'être venu iccccccccciiiiiiiiii !
Elle sauta à terre, ses six bras brandissants de respectables hachoirs à viande et autres épées à double-tranchant. Souple et vive, mortellement dangereuse, elle fixait les deux Kenkus de son regard sanguinaire ! On devinait dans le temple les restes de nombreuses victimes qu'elle avait sacrifiées à son culte personnel.
Mais ce soir-là, elle avait face à elle deux duellistes de génies : le coup de Kagetoki partit le premier, puis Hiruya frappa une fois, puis une seconde, dans les côtes. La démonne s'écroula par terre, passant en un éclair de l'orgueil démesurée à l'accablement parfait. A peine réalisait-elle l'ampleur de la défaite qu'elle avait subie. Mais dans son corps coulait un sang pour ainsi dire immortel : avant peu elle aurait recouvré ses forces. Nos deux samuraï rengainèrent posément leurs katanas, sans ajouter un mot.
Ils trouvèrent dans le temple l'arc et le carquois qu'ils étaient venus chercher.
La Démonne-Mère serra contre son coeur ses précieuses flèches. Kagetoki craignit un moment une trahison du pacte de la Démonne mais celle-ci respecta sa parole :
- Je vous permets d'utiliser une de mes flèches.
Dehors, Kagetoki tendit l'arc à Hiruya :
- Concentre-toi sur l'objet que tu recherches, bande l'arc et la flèche te donnera la direction.
Hiruya ferma les yeux, encocha la flèche et tira vers le ciel. La flèche partit dans une trainée d'or, disparut dans les hauteurs du ciel, puis retomba sur terre : un arc-en-ciel d'or la suivait.
- Nous n'avons plus qu'à suivre cette direction, dit Kagetoki. Pressons, car la trace va disparaître rapidement !
La Démonne souhaita bonne route aux deux guerriers et alla retrouver sa fille, qui faisait peine à voir, à terre. C'est ainsi que la mère retrouva son temple et que la fille fut autorisée à partir se soigner dans la cabane.

Le vol de la flèche conduisit nos deux héros vers l'entrée d'un désert de pierre, dans une région occupée par des barbares mangeurs de champignons. Un avant-poste en robustes pierres noires, où claquait l'étendard de l'armée de Hanuman. Nos héros s'étaient vu remettre, à leur départ du château, des flèches-signals, qui, tirées en l'air, arriveraient automatiquement chez le roi Haeguleus. Ils écrivirent un message sur l'une d'elle et l'expédièrent : dans une traînée coruscante (

- Nous n'avons plus qu'à nous reposer, en attendant les renforts.
Les deux samuraï étaient restés à bonne distance du poste gardé. Des Hommes-Bêtes patrouillaient en permanence et l'on entendait des bruits barbares, des grognements, venus de l'intérieur de derrière les murs.
Le lendemain matin, une dizaine de Kenkus arrivaient en renforts. A leur tête, le gros Hetryus et d'autres ayant appartenu au groupe des volontaires.
- Nous avons trouvé ce poste des Hanumaniens, expliqua Kagetoki et nous avons de bonnes raisons de croire qu'un des meilleurs lieutenants du Démon-Singe se cache dedans !
- Incroyable découverte, estima Hetryus. Nous devons prendre cette place d'assaut !
Les Kenkus tinrent conciliabule, Hetryus traçant dans le sable un plan des lieux pour l'attaque.
- Vous deux, vous atterrirez ici et tiendrez cette position. Hiruya et Kagetoki passeront par-là. Moi et les autres iront par-là...
Tout le monde fit signe qu'il était prêt. Dans un bel ensemble, les Kenkus décollèrent et volèrent sur le poste renforcé, sabres en main. Les gardes ennemis hurlèrent et une volée de flèches partit contre les assaillants ! Deux Kenkus furent tués. Une flèche frôla l'aile de Hiruya, qui s'affola et tomba. Il ne parvenait pas à décoller et des guerriers de Hanuman passaient la porte par où il aurait dû entrer ! Kagetoki était plus loin.
Le katana de Hiruya partit à la vitesse de l'éclair et coupa un des Hommes-Bêtes qui s'effondra en beuglant. Hiruya para l'attaque de l'énorme hache de l'autre attaquant et le transperça de son arme. Puis il cassa la porte et entra dans la cour.
Cinq Kenkus avaient réussi à passer les remparts pendant que deux se battaient sur les chemins de garde. Les brutaux serviteurs du Démon-Singe étaient pris au dépourvu par cet assaut, au point du jour. Hiruya fit face à un gros sergent qui brandissait carrément deux haches et les maniait avec une précision meurtrière. Un de ses compagnons tomba, décapité. Hiruya évita les coups mais ne parvint pas avant longtemps à toucher son ennemi, qui n'était qu'une pure fureur de combattre, comme certains Matsu au coeur des plus terribles batailles. Kagetoki vint à son aide et les deux samuraï mirent fin à la vie de ce guerrier redoutable. Ils entrèrent dans les bâtiments. Kagetoki aida Hetryus à se relever, car il avait été vilainement blessé.
- Il faut tenir l'entrée du bâtiment, ordonna le vieux condor.
Kagetoki fit signe qu'il tiendrait ici mais que Hiruya avait une mission à remplir. Sans attendre, notre héros courut à la recherche de l'endroit où était cachée l'épée de cristal. Il se souvint alors que Kagetoki avait dit ceci : l'épée lui avait été dérobée par un lieutenant de Hanuman, qui était un Kenku traître.
Et quand Hiruya entra dans une grande pièce qui servait de salle d'armes, il vit, à quelques pas de lui, main sur la garde, un vieux Kenku bleu, borgne, qui le regardait avec une haine profonde. Et Hiruya sentit que ce Kenku, d'un coup d'oeil, avait parfaitement deviné qui il était. Hiruya rengaina son sabre doucement et approcha du Kenku, puis se mit en garde, prêt à frapper. Les deux adversaires tournèrent en rond lentement, cherchant une ouverture dans la garde adverse. Hiruya porta ce jour-là le coup le plus rapide de sa carrière : lui-même n'avait pas senti son coup partir, comme si son katana et son sabre vivaient une existence autonome ! Mais le Kenku avait dévié la frappe ! [82 en intuition quand même, dont 50 avec 1D...

Il y eut plusieurs échanges de coups, des heurts de lame, les katanas qui traversent l'air, avant que Hiruya ne place un coup dans l'épaule de son ennemi : il lui infligea une profonde déchirure qui le mit à genoux. L'oeil hagard, le Kenku le regarda, et s'écroula. Il n'était pas mort mais vaincu par la douleur.
Dans un petit coffre en fer, dans un coin de la pièce, Hiruya trouva une épée gaijin, à lame droite et courte. Malgré la couche de poussière, on devinait une lame brillante, bien affûtée. C'était bien cette épée qu'il était venu chercher et il la trouvait, cachée dans ce poste à l'entrée de ce désert oublié. Elle avait l'air bien banal mais il sentait qu'avec elle, il réaliserait des prodiges !
Hiruya glissa l'arme dans son kimono et courut aider ses amis. Mais, sous le commandement de Kagetoki, les Kenkus avaient fini de prendre possession des lieux. Le vieil Hetryus, blessé, félicita ses hommes pour leur vaillance. On fabriqua une civière pour le vieux condor et deux Kenkus l'agrippèrent avec leurs pattes avant de s'envoler. Peu après, c'était le retour au château d'Haeguleus. On fêta nos héros, on célébra leur victoire. Un poète de la cour composa un poème à cette occasion :
- Hé bonjours messieurs des Kenkus ! Que vous êtes jolis, que vous me semblez beaux !... Sans mentir, si votre ramage se rapporte à votre plumage, vous êtes les phénix des hôtes de ce pays...
Dans la soirée, Kagetoki annonça discrêtement au chambellan du Roi qu'il devait repartir dans son pays. Et comme il avait glorieusement combattu, cela lui fut autorisé. La guerre contre l'armée de Hanuman n'était pas terminée pour autant et bientôt, il faudrait l'union de toutes les nations Kenkus pour vaincre.
Hiruya et le senseï quittèrent le château après la fin des libations, tard dans la nuit. Ils retrouvèrent le bois aux feuillages bleus, où bruissaient les animaux nocturnes, puis l'arbre au pied duquel Hiruya s'était réveillé. Le tronc était creux : à l'intérieur, une échelle de corde que nos deux samuraï, débarrassés de leurs déguisement, remontèrent, avant d'arriver dans la salle des mannequins.
Ils virent alors, agenouillé, le premier Kenku que Hiruya avait combattu, celui qui l'avait attiré au bord de la falaise :
- Mon nom est Azureus. Tu m'as vaincu en duel et au lieu de me tuer, tu m'as seulement désarmé. Cela prouve que tu es guerrier généreux. Je te dois un service.
Hiruya resta interdit de cette demande. Il réfléchit puis dit posément :
- Kenku, je sais que ce sont tes Ancêtres qui ont enseigné à Kakita l'art du sabre. Mon maître, Kakita Yobe-senseï est mort. Il serait honoré de savoir que son élève a obtenu la reconnaissance d'un Kenku. J'ai observé que toi et tes semblables vous battez avec des techniques inconnues dans Rokugan. Si je suis digne d'en apprendre les rudiments, je te considérerai déchargé de ta dette envers si tu me l'enseignes.
Le Kenku releva la tête :
- Nos lois l'autorisent, Hiruya, car tu m'as vaincu loyalement.
- Bien, alors c'est dit.
Le Kenku se releva et s'inclina encore devant Hiruya.
- Par Benten, tu es béni des Fortunes d'avoir obtenu un tel priviliège, Hiruya-san, dit Kagetoki, mais cette gloire ne doit pas faire oublier que l'Empire est en danger ! Tu m'as dit quels dangers pèsent sur lui. Maintenant que nous avons l'Epée, nosu devons retourner parmi les nôtres. Moi surtout qui ai trop tardé, qui ai abandonné mon Empereur et mon clan quand ils avaient besoin de moi.
Les trois guerriers sortirent de la grotte où Kagetoki avait vécu. Ils étaient au pied des falaises de granit rose.
- Partez tout droit sur ce chemin, dit le Kenku. Vous retrouverez votre chemin. Hiruya, nous nous verrons bientôt pour commencer l'entraînement !

Les deux samuraï partirent sur le chemin indiqué, qui les mena au coeur d'une épaisse forêt. Ils pressèrent le pas puis se mirent à courir. Ils montèrent une forte pente. Hiruya reconnut clairière où il avait laissé Kitsuki Jotomon. Le senseï était là, parfaitement immobile, méditant dans la position du lotus. Elle ouvrit les yeux et s'inclina devant Kagetoki-senseï. Celui-ci rendit le salut et les trois samuraï prirent le chemin du retour.
Après la porte d'os, ils trouvèrent Tsuyoshi, qui avait lui aussi patiemment attendu, surveillé et protégé par les Nagas. A la sortie de la forêt Shinomen, les quatre samuraï allèrent au village prendre quatre montures au seigneur Bayushi des lieux et ils piquèrent le flanc de leurs montures pour revenir au plus vite à la Cité des Histoires.
<span style="color:#009900">

