27-10-2006, 06:12 PM
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CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
2ème partie : Les otages du Gouverneur<!--sizec--><!--/sizec-->

2ème partie : Les otages du Gouverneur<!--sizec--><!--/sizec-->

Ryu courut vers la chambre de Miya Katsu : elle ouvrit en grand le panneau. Le Magistrat d'Emeraude s'était levé, alerté par le cri déchirant qui avait été poussé depuis le palais Shosuro.
- Tout va bien, Magistrat-sama ?
- Oui.
Ryu réveilla la garde et se chargea personnellement de la sécurité de Katsu-sama. Elle ordonna qu'on mît un mannequin dans sa chambre et pria le Magistrat de changer de pièce. Elle fit veiller les deux pièces, celle du vrai et celle du vrai Katsu, par deux samuraï de confiance.
Au temple, Ikky inspectait le jardin du temple. Ayame ne quittait pas le cadavre des yeux, qui terminait de se consumer lentement. Le nom de Goju disparaissait peu à peu dans les ténèbres, puis bientôt toute la liste gravée sur le mur. <strike>Ayame hésita à looter le pyjama noir du ninja d'ombre.</strike>
Ikky se renseigna sur ce qui se passait. Des moines couraient, sans savoir ni vers où ni pourquoi, mais ils couraient. La cloche sonnait. Le trésorier, du sommeil plein le corps, ordonnait que les jeunes apprentis gardent un peu d'ordre !
- Ikky-san, demanda la shugenja, est-il bien prudent de rester ici ?...
Agacée par les sous-entendus (Ayame mourait d'envie de quitter le Temple), la yojimbo concéda qu'il ne serait pas mauvais d'aller rencontrer les moines.
C'était l'incompréhension. Que se passait-il dans les quartiers nobles ?
- Avez-vous l'intention de vous y rendre ? demanda le trésorier.
- Non, fit Ikky séchement, moins à l'intention du moine que d'Ayame, bien sûr.
- Nous retournons dormir, confirma la shugenja.
Dans la chambre, les deux femmes découvrirent que le cadavre n'était plus qu'une grosse flaque puante. Elles se bouchèrent le nez.
- Les Fortunes veulent sans doute que nous restions, dit la shugenja.
- Elles ont raison.
La yojimbo soupira et garda la porte pendant qu'Ayame rejoignait sa couche, en gardant son wakisashi près d'elle. Calmées, les deux femmes gardèrent le silence.
Pourquoi Ikky crut-elle bon d'ajouter :
- Peut-être que votre séducteur nocturne va venir ?...
- Je ne vois pas de quoi tu parles, Ikky.
Et la yojimbo maugréa qu'elle n'était pas dupe, que déjà avec le Moineau à la cour d'hiver... Allongée, Ayame souriait sur son oreiller. Elle ne tarda pas à s'endormir pendant qu'Ikky se promettait de veiller toute la nuit.
Au matin, la shugenja s'éveilla, mal à l'aise. Ce qu'elle vit l'amusa pourtant : assise les jambes croisaient, Ikky dormait, le bras appuyé sur le fourreau de son sabre. Elle sursauta, regarda autour d'elle et vit Ayame s'habiller.
- Par, par Shiba ! bailla t-elle, je viens juste de m'endormir !
- Juste au lever du soleil, Ikky-san ?...
Ikky grogna et alla s'asperger de l'eau sur le visage dans le jardin.
Le calme était revenu. Yogo Jinnai le confirma. Il ne savait pas ce qui s'était passé mais la nuit avait finalement été sans histoire.
Au palais d'Emeraude, Shigeru avait passé la nuit à veiller. Il baîlla très fort :
- Par Kaiu, allons nous coucher !
Ryu, qui était volontiers méfiante vis-à-vis de tout le monde, et la moitié du temps des mauvaises personnes, regarda Shigeru de coin regagner sa chambre.
Katsu avait pu retrouver le sommeil et il n'y avait eu aucune visite déplaisante dans les deux chambres. Le Magistrat, malgré la tentative d'assassinat du Condor, gardait sa fougue habituelle, celle d'inlassable serviteur de l'Ordre Céleste. Il dit à Ryu qu'elle avait bien mérité d'aller dormir mais celle-ci déclina poliment. Elle venait de recevoir un message d'Ayame, qui signalait la déplaisante visite nocturne. L'enquêtrice Dragon fila au temple et demanda la permission de fouiller la chambre. A peine si elle avait pris le temps de saluer les deux Phénix. Même Ikky commençait à s'habituer. Ryu furetait déjà dans les coins, fouinait, reniflait, examinait... Elle ne laisserait pas le moindre objet de côté, ne manquerait pas de scruter la moindre latte de plancher. Pendant qu'elle s'affairait dans la pièce, les deux femmes lui expliquaient brièvement la nature du visiteur de la nuit. La flaque avait disparu à présent.
Et comme Ryu vit le nom de Goju au mur, il fallut expliquer de quoi il s'agissait. Brièvement, Ayame résuma comme suit :
- Que ce nom soit là indique assurément qu'un drame s'est joué dans la Cité cette nuit. Une malédiction a été lancée... Si ce Goju, ou un de ses serviteurs, ou qui que se soit qui lui est lié a pu pénétrer dans la Cité, il faut le démasquer ans attendre !
Paroles qui n'étaient pas faites pour apaiser la méfiance naturelle de Ryu ! Celle-ci repartit comme elle était venue, sans avoir rien trouvé.
Au fond, même les deux Phénix auraient pu devenir méfiante, à force... Mais en regardant Ryu s'éloigner de son pas pressé dans les rues de la ville, Ayame eut cette pensée, pensée toute simple, simple comme un enseignement de Shinsei :
- Je la crois trop bête pour trahir.

Ryu, de retour au Temple, trouva Miya Katsu sur le pied de guerre.
- Nous allons au palais du Gouverneur !
Une escorte de trois hommes les suivit. Ce n'était pas une (nouvelle) déclaration de guerre de la Magistrature d'Emeraude, mais c'était une approche offensive. Shosuro Jocho les reçut à la poterne du palais, encore endormi.
- Je désire parler à Shosuro Hyobu.
- Et lui parler vite, ajouta Ryu.
Jocho refusa poliment, disant que ce n'était pas une heure pour rencontrer le Gouverneur, surtout sans rendez-vous. On le sentait mal à l'aise. Il cachait quelque chose. Plus encore que les autres jours, pourrait-on dire !
Katsu-sama, fâché, ordonna à Ryu de faire le tour du quartier et de découvrir ce qui s'était passé pendant la nuit. Notre enquêtrice s'exécuta. Il lui fallut plus que la mâtinée pour visiter les alentours du palais, interroger les voisins, recouper les témoignages, délier les langues...
Il en ressortait qu'on avait entendu un cri pendant la nuit. Certains disaient une voix de femme, et deux samuraï affirmèrent que c'était la voix de Shosuro Hyobu en personne.
Quelqu'un avait-il assassiné le Gouverneur ?
L'après-midi, Miya Katsu vit avec plaisir un samuraï se présenter au palais d'Emeraude : c'était Bayushi Bokkai, de retour de la guerre !
Le Scorpion avait combattu au pied des montagnes du toit du monde, contre l'armée des Crabes. Il était toujours fringant, bien que son armure accusât quelques mauvais coups. Il avait fier allure, avec son grade de chui. Malgré la fatigue, il respirait la santé, plus encore que le mensonge -c'était dire quelle forme il tenait !
Katsu rédigea dans l'après-midi une lettre pour les moines : il demandait qu'on laisse sortir les deux Phénix. Le supérieur du Temple l'avait assuré que la période de sevrage d'Ayame était passée. Katsu avait besoin de tous ses effectifs sur le pont !
Ayame reçut la lettre et se serait mise à frétiller comme un petit poisson, si elle n'avait appris à dissimuler ses émotions. Mais Ikky ne s'y trompait plus. Du reste, elle même sentait combien l'inaction lui pesait. Plus d'un mois enfermée ! Maintenant, ce Goju allait tâter du katana de Magistrature !
Heiji, le solide moine qui avait soigné Ayame était réjoui :
- Par Otaku, vous êtes gaillarde comme pas deux à présent, Ayame ! Regardez-vous maintenant et repensez à ce que vous étiez quand vous êtes entrée !
Le moine, ancien Licorne, se permettait de lui taper sur l'épaule, gestes rudes et sincères qu'Ayame acceptait timidement, en remerciant son bienfaiteur comme elle pouvait. Avant de partir, elle avait pris soin d'effacer les inscriptions au mur...
:baton:
Miya Katsu réunit tous ses assistants, y compris Bokkai qui se demandait déjà si les Fortunes l'avaient favorisé en le renvoyant à la Cité des Mensonges...
- Samurai, vraisemblablement, la situation est grave ! J'ai besoin d'informations sur ce qui s'est passé au palais du Gouverneur ! Allez !
Shigeru, étant le plus gradé en l'absence de Hiruya, était donc le premier responsable du respect des ordres donnés. Il organisa aussitôt une seconde réunion en l'absence de Katsu-sama.
- Nous avons besoin d'informations sur ce qui se passe au palais du Gouverneur ! martela t-il. J'attends vos propositions.
Il fixa chaque assistant tour à tour.
Bokkai leva timidement le doigt :
- Nous pourrions en parler à Shosuro Jocho-sama. Je suis sûr qu'il trouverait -
- Déjà fait, coupa Shigeru. Autre chose ?
Non, décidément, Bokkai n'allait pas s'ennuyer ici ! Il avait à peine eu le temps de saluer les autres assistants que la guigne leur tombait dessus !
- J'ai des contacts auprès d'un important syndicat de la ville, affirma Ryu. Les Teinturiers.
- Bonne idée. Allez-y !
On se souvient que Ryu avait accepté de débourser 50 kokus pour se garantir l'aide de ces informateurs, somme qui avait fait hurler Hiruya-sama ! Il s'agissait maintenant d'utiliser cet investissement à bon escient.
Ryu partit sur le champ dans le quartier marchand.

- Vous n'avez qu'à devenir les Teinturiers officiels du Gouverneur !
Ryu n'avait pas froid aux yeux... pour les autres.
La solution était pourtant simple. Le chef des Teinturiers n'en était pas moins livide.
- Mais, mais, mais enfin honorable Magistrate...
Mais Ryu avait parlé. Elle avait mis ses indics au courant de ses exigences. Maintenant ils devaient obéir.
- J'attends très vite de vos nouvelles, marchands. Sachez que mon supérieur, Shigeru-sama, peut se montrer brutal...
Et elle partit, plantant là ses hôtes !
Elle retourna tourner et fouiller autour du palais Shosuro. . La situation se précisait : on parlait maintenant d'une véritable révolution entre les murs du palais. Un coup d'Etat !
Shosuro Jocho consentit à la recevoir, brièvement, dans l'une des dépendances de la sombre bâtisse.
- Oui les temps sont durs, Ryu-san, je le sais bien, nous le savons tous...
Il noyait le poissons dans un verbiage tièdasse.
- J'ai entendu dire que vous aviez un invité, Jocho-san. Pouvez-vous me parler de lui ?
- Un invité ?... En êtes-vous sûr, Ryu-san ?
- Vous savez, moi je recherche d'abord l'efficacité dans mon enquête.
Elle l'avait avoué, tout de go, naïvement.
- Et j'aimerais savoir pourquoi votre invité ne veut pas nous voir. C'est gênant.
- Ma foi, Efficacité-san, je ne sais pas quoi vous répondre... Nous aurons bientôt des invités, probablement et ils seront honorés de vous recevoir.
- J'aurais plutôt tendance à croire que vous nous cachez quelque chose...
Ryu partit sur ces mots, pendant que Jocho se répandait en excuses hypocrites, dans le plus pur style Scorpion.
Katsu ne cacha pas sa colère en apprennant l'attitude des Scorpions. On se moquait de la Magistrature !
- Continuez votre enquête, Ryu-san. Les Scorpions ne vont pas nous cacher leurs petits secrets bien longtemps. A force de gratter, on finit toujours par mettre au jour les vilaines petites cachotteries, croyez-moi.
Katsu laissa Ryu partir et convoqua ensuite Ayame. Il voulait faire le point sur son état.
- J'ai retrouvé paix et sérénité. Je suis honorée d'avoir été accueillie dans ce temple. C'est un nouveau départ pour moi, une nouvelle vie.
- Je le souhaite pour vous, Ayame-san. Nous allons plus que jamais avoir besoin de vous.
Katsu rapporta la discussion que Ryu venait d'avoir Jocho.
- Je crois que Ryu ne pourra jamais s'y prendre correctement pour mener un entretien, soupira le Magistrat.
- J'ai appris à ne pas trop lui en tenir rigueur, dans les limites de l'honneur bien sûr. C'est ainsi qu'est l'art des Kitsuki, l'art de l'enquête. Ils n'y vont généralement pas par quatre chemins.
- Je désire que vous alliez parler à Jocho à votre tour. Peut-être que vous aurez plus de résultats que Ryu.
Ayame s'inclina et partit, accompagnée d'Ikky.
Jocho consentit aussi à la recevoir. Mais il savait qu'en découdre avec la shugenja serait une autre paire de manche qu'avec Ryu.
Ayame ne dissimula pas trop son jeu. Par allusions et sinuosités de discours, elle évoqua l'histoire, les anciens gouverneurs de la Cité, sans citer de noms.
- Je pense qu'une menace pèse sur la Cité, dit Ayame, et ce n'est pas une menace anodine.
- Mon rôle est de protéger la Cité contre les dangers qui la menacent.
- Nous nous entendons, Jocho-san.
- A ce propos, puis-je vous demander de me rendre un service ?
C'était inattendu.
- Je serais honorée d'obligé l'honorable fils du Gouverneur...
Elle avait appuyé sur la fin de la phrase.
- J'aimerais que ma soeur, Kimi, profite de l'hospitalité du palais d'Emeraude, quelques jours. Elle a besoin de changer d'air. Les médecins l'ont conseillé.
Ayame toussota. C'était quand même trop à avaler ! La shugenja eut au moins la certitude qu'il y avait bien une menace sur le palais Shosuro !
- Quand est-ce que Kimi-san désire nous rejoindre ?
Jocho ne dit rien, pour s'assurer qu'on écoutait pas aux portes.
Ayame avait une relation ambiguë avec Kimi : celle-ci avait plus ou moins joué le rôle d'informatrice de la Magistrature. Mais en retour, elle se tenait informé sur les enquêtes en cours, si bien que son rôle tenait autant de celui d'indic que d'espion. Et c'était Kimi qui avait fourni à notre shugenja son opium...
- Je vous serais infiniment reconnaissant si vous pouviez accueillir Kimi à partir de l'heure de Hida.
Ayame toussota encore plus fort. En hiver, cela signifiait : en pleine nuit !
- Bien, si c'est cela qui est le plus commode pour vous, Jocho-san...
Et elle insinuait qu'il allait devoir payer cher pour ce service !

Le soir venu, l'heure de Shinjo se terminant, la magistrature était encore debout. Miya Katsu avait accepté d'accueillir Kimi au palais. Mais pas question de se mêler de l'escorter en ville, encore moins de la faire sortir avant !... Du moins officiellement, bien entendu.
Il n'était pas interdit à la Magistrature de patrouiller la nuit. Ayame était volontaire avec Ikky pour organiser la sortie. Tout le monde était trop impatient d'apprendre ce qui s'était passé dans le palais.
Miya Katsu se posta donc au carrefour devant le palais d'Emeraude. La Garde du Tonnerre était inhabituellement présente dans les rues de la ville. Pour ainsi dire, samuraï d'Emeraude et Scorpions étaient face à face, chacun d'un côté de la rue. On avait déposé en fin de journée au palais une adresse. Pendant que le Miya Katsu faisait de la présence avec Ryu, Shigeru et Bokkai, Ayame et Ikky contournèrent le palais de la Magistrature et passèrent par les petites rues de la ville, pour atteindre le palais du Gouverneur. Elles s'engagèrent dans des passages sinueux, qui ne valaient guère mieux que des coupe-gorge. Ils furent arrêtés deux fois par les Gardes du Tonnerre, qui vérifièrent leurs papiers. Manifestement, ils ne craignaient pas l'incident diplomatique ! Mais les deux Phénix se prêtèrent aux contrôles.
- Comprenez notre démarche, Ayame-sama. L'Outremonde est aux portes de la ville. Nous avons reçu ordre de renforcer la sécurité et-
- Je vous comprends parfaitement, sourit Ayame.
Puis les deux femmes hatèrent leur pas. Elles arrivèrent au pied du palais, sous les fenêtres de la chambre de Kimi. Préparait-elle une évasion romanesque, avec des draps roulés en corde ?
Ils virent arriver soudain, de derrière une poterne, une forme encapuchonnée, frêle et tremblante. Elle montra brièvement son visage : c'était Kimi. Elle continua son chemin. Mais maintenant, elle comptait sur l'aide des deux Phénix.
Celles-ci revinrent sur leurs pas. Elles hélèrent une patrouille du Tonnerre, en leur demandant un compte-rendu de leur garde. Ceux-ci rechignaient à rendre compte à quelqu'un d'autre que Jocho, Ayame insistait, les pressait... Et c'était du temps de gagné pour Kimi. La soeur de Jocho avait eu le temps d'avancer dans les ruelles, sans être suivie. Les deux Phénix continuèrent leur route. Bientôt, on croisa une patrouille de samuraï d'Emeraude, qui emmenèrent avec eux "l'invitée".
- Du nouveau ? dit Shigeru quand il vit revenir Ayame et Ikky.
- Rien de spécial, Shigeru-san. Nous pouvons rentrer.
Au palais, Kimi, éprouvée, tombait de sommeil. On la mit dans une chambre surveillée. Au palais Shosuro, rien ne bougeait. Miya Katsu revint dans ses appartements. La ville était calme. L'heure de Togashi s'achevait sans incident.
A suivre...
