02-12-2006, 12:14 PM
(This post was last modified: 02-12-2006, 09:54 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
Hiruya, Jotomon et Tsuyoshi avançaient dans la campagne des terres du Scorpion, quand ils aperçurent au loin une forte troupe du clan du Crabe. Des éclaireurs. Mais même des éclaireurs du clan du Grand Ours restaient des adversaires terriblement dangereux.
- Il y a deux choix, fit le senseï Jotomon. Soit nous prenons au plus court mais alors nous les rencontrerons. Soit nous faisons un détour.
- La Cité nous attend, déclara notre Magistrat, fermement résolu, nous prendrons au plus court !
Ses compagnons de voyage y étaient préparés.
Ils continuèrent, sans peur. Ils aperçurent alors, non loin d’eux, une troupe de grands guerriers à la peau verte, au corps de serpent. Des Nagas ! Ces êtres qui sortaient de leur sommeil et s’étaient joints au clan du Dragon.
Ils étaient cinq, des arcs autour du corps et de grands carquois bien garnis dans le dos. Ils avaient vu le groupe de Kakita Hiruya et notre héros sut qu’il était bon d’aller les rencontrer. Il les salua selon les coutumes rokuganis, pour montrer qu’ils étaient d’honorables guerriers. Les Nagas ne partageaient aucunement le code de politesse de l’Empire d’Emeraude, mais ils n’en étaient pas moins des combattants ayant leur propre sens de l’honneur.
- Salutations, samouraï, dit leur chef, qui parlait presque sans accent le langage humain, avec toutefois un léger cheveu sur la langue. Mon nom est Tauladet.
- Salutations, Tauladet. Nous sommes ennemis des samouraï qui piétinent cette campagne.
- Ce sont les serviteurs du Grand Ennemi. C’est leur trahison qui a provoqué notre réveil. Le temps est proche où les cieux vont trembler de leur menace. Nous sommes à vos côtés pour lutter contre eux.
- Nous acceptons votre aide avec reconnaissance.
Sur le champ de bataille, les Nagas avaient déjà largement fait leurs preuves. Même si les samouraï gardaient la conviction de leur être supérieurs, ils les reconnaissaient maintenant (pour ceux qui avaient affronté les Crabes du moins) comme des alliés de poids.
- Marchons vers l’étoile du Nord, dit Tauladet. Nous décocherons nos flèches dès que nous serons suffisamment prêts pour les atteindre.

Au campement des Dragons, Ryu se sentait désemparée. Elle avait réussi à prévenir Mirumoto Daini des intentions du Gouverneur Goshiu : négocier la paix avec l’envahisseur. Mais elle connaissait de plus la menace de l’Ombre et sur ce sujet, elle n’avait pas trouvé d’oreilles attentives. Elle tenta d’en trouver auprès des shugenja Agasha qui s’étaient joints à la campagne du général Daini, mais ceux-ci ne comprirent pas. Ou bien comprirent trop et ne dirent rien. Ou bien firent semblant de comprendre vite pour cacher qu’ils ne savaient pas. Ou bien, ou bien… Ryu demanda l’autorisation de consulter certains documents précieux, mais ne l’obtint pas.
Elle se sentait perdue. Un vieux dicton de sa vallée d’Heibetsu disait que celui qui veut trouver doit commencer par tout perdre et tout oublier.
Notre héroïne végéta pendant la journée, pensive, solitaire. Autour d’elle, on s’agitait, on se préparait mais elle demeurait dans le silence de ses pensées et des remparts du grand palais de la famille Shosuro. Au loin, la Cité des Mensonges se dressait, sinistre. Et pourtant, c’était cette ville qu’elle était chargée de défendre.
Le soir venu, elle refit un tour sur les remparts, dans la nuit lunaire. Le Seigneur Onnotangu, le maître de la nuit, éclairait le monde de ses lueurs blafardes. Ryu avisa un carré de gazon sur lequel la lumière de l’astre tombait plus intensément. Elle y vit un signe des Fortunes et alla dormir.
Le lendemain, à la première heure, elle était à pied d’œuvre. Elle emmenait des ouvriers pour creuser à l’endroit désigné par la lune. Il ne fallut que peu de temps pour déterrer un bâton planté là, qui avait presque entièrement disparu sous terre. Il était gravé et décoré. Intrigué, Ryu le fit emmener dans une boîte et retourna voir les Agasha. Cette fois, ceux-ci répondirent. Le bâton, disaient-ils, était codé en langage Scorpion. On conseilla à notre héroïne d’aller voir les shugenja du clan des secrets. Sans attendre, elle s’y rendit et fut reçu au palais, dans l’officine étrange, inquiétante, pleine d’animaux empaillés et d’étranges instruments aux formes biscornues, du shugenja Yogo Veul, un vieil homme bossu aux traits tirés, aux petits gestes tordus. Il examina l’objet et rendit sa conclusion :
- Ce bâton fut enterré pour commémorer la mort de grands héros de notre clan lors d’une ancienne bataille. Il indique l’endroit où furent dispersées les cendres de l’officier qui remporta le combat. Il serait de mauvais augure de laisser plus longtemps cet objet hors de terre. Si je puis vous conseiller, je vous dirais d’aller le remettre.
Ryu remercia avec le minimum d’expression et quitta cet endroit malsain.

Hiruya et ses alliés avançaient d'un bon pas. Dans la journée, ils parcoururent un bon tiers du chemin entre la Forêt et la Cité. Le soir, ils installèrent un campement. Tard, Hiruya et Tsuyoshi restèrent autour du feu. Les flammes luisaient sur les éclats de jade du rônin.
- Que viens-tu faire à la Cité des Histoires ? demanda enfin Hiruya.
Tsuyoshi ne tressaillit pas : cette question, il l'attendait.
- Je viens accomplir les dernières volontés de mon maître. Puis, je retournerai à Shiro Akodo pour y pratiquer le suicide rituel. Car sans mon maître, je ne suis plus rien. Pour le moment, seule la mission que je dois accomplir justifie mon existence.
- Une mission d'honneur, murmura Hiruya.
En tant que samuraï, il ne pouvait qu'approuver. En tant que Magistrat de la Cité, il s'inquiétait des dangers causés par un fanatique prêt à se tuer pour accomplir son devoir. Tsuyoshi le savait bien. Il dit :
- Bien sûr, honorable Magistrat, je vous solliciterai si l'honneur est en jeu. Je vous préviendrai avant d'entreprendre quoi que ce soit et je ne serai pas une gêne pour vous.
Hiruya savait que ce ne pouvait être des paroles en l'air. Rassuré, il alla s'endormir.
Il fut réveillé juste après s'être endormi. Des guetteurs Nagas avaient repéré l'approche de rôdeurs dans la nuit. On entendait le cliquetis caractéristiques d'armures. Tsuyoshi s'équipait déjà tandis que Hiruya sautait hors de son couchage. Kagetoki scrutait les ténèbres.
On resserra le cercle autour du feu. On y voyait pas à vingt pas dans la nuit et les silhouettes approchaient rapidement.
- Tsuyoshi, ordonna le Magistrat, organise l'attaque !
- Haï !
Le rônin lança quelques ordres brefs en direction des Nagas, qui se postèrent comme il le souhaitait. Un beuglement déchirant retentit et des cadavres décharnés sautèrent des buissons. Hiruya dégaina son sabre et en coupa un. De même Kagetoki-san et Tsuyoshi. Un des Nagas fut attrapé par ce mort-vivant, qui lui déchira la gorge de ses dents taillées en pointe. Un autre abattit sa grande faux sur ce monstre. D'autres surgissaient qui se heurtèrent aux puissants Nagas et à l'art impitoyable du sabre des samuraï. Kitsuki Jotomon en abattit une dizaine en quelques passes magistrales, dans un tourbillon d'acier stupéfiant. Ces créatures avaient été des samouraï mais l'Outremonde avait mangé leur vie et leur chair et n'en avait laissé que des pantins décharnés, assoiffés de sang. Alors qu'on croyait l'attaque repoussé, un cavalier terrifiant surgit sous la lune : sa monture était verte de peau et ses côtes ressortaient nettement, tandis toute sa tête était celle d'un cheval dément, maigre, aux yeux remplacés par des escarboucles furieuses et à la mâchoire carnassière. Le cavalier, lui, portait une lourde armure difforme, décorée de colifichets d'adeptes du sang. Sa monture se cabra et cet ennemi sans nom lança une énorme boule de feu sur nos héros. Un des Nagas s'interposa pour sauver Tauladet et fut rôti d'un coup. Le cavalier s'éloigna au galop et disparut dans un hennissement qui ressemblait à l'ouverture d'une porte vers le monde des démons !

Ryu se rendit dans un petit temple des environs du palais Shosuro et y demeura en prière une grande partie de la journée. Elle cherchait un signe des Ancêtres, une aide dans cette situation incertaine où elle se trouvait. Le général Daini ne savait pas ce qui s'était passé à la Cité réellement.
Ryu fermait les yeux, et alors que le soleil descendait, elle ne les avait pas ouverts. Elle demandait un signe des Fortunes. Elle entendit alors d'autres samuraï approcher d'elle. Etait-ce le signe attendu ?
Elle vit alors Kakita Hiruya, Kakita Kagetoki, Kitsuki Jotomon et Tsuyoshi, debout face à elle !
- Nous ne vous dérangeons pas, Ryu-san ?
Elle n'en revenait pas de voir les quatre samuraï déjà ici. Et elle tremblait, parce qu'elle savait que l'heure d'affronter Hiruya était arrivé.
- Je désirerais vous parler, fit-elle humblement, typiquement dans la posture de la mauvaise élève qui doit avouer une grosse bêtise au maître.
- Entendu, Ryu-san, fit Hiruya (qui pressentait le pire -mais savait aussi qu'avec Ryu non seulement le pire n'est jamais sûr mais encore est bien pire que le pire qu'on peut imaginer !

Ryu courba l'échine. Hiruya, accompagné par Kagetoki et Jotomon entra dans la tente du général, qui se dit honoré de recevoir le Magistrat.
Hiruya fut mis au courant de l'arrivée du Gouverneur Goshiu et de ses intentions. Il serra les poings de rage. Daini lui avait transmis ce sentiment de trahison qu'il avait éprouvé en apprenant que les Crabes se verraient offrir une chance de négocier.
Pendant ce temps, on montait une tente pour le Magistrat. Il ressortit de chez Daini, en l'ayant assuré de son soutien face à ce revirement de situation.
- Ryu-san, vous aviez à me parler...
Une boule remonta dans la gorge de la Dragon. Cette fois, Jotomon et Kagetoki attendirent dehors : on sentait qu'il y avait de l'orage dans l'air. Assis près du feu de camp avec d'autres rônins, Tsuyoshi avala un bol de riz.
- Tiens, camarade...
On lui passait une bouteille de saké. Du mauvais saké, mais enfin, par cette froidure, il réchauffait. Tsuyoshi croqua ensuite dans une pomme. On entendit alors de la tente un cri de colère stupéfaite de Hiruya-sama.
Bientôt, il ressortait, furieux, agité comme une grue qui vient d'échapper à un prédateur.
- Exceptionnel !
Kagetoki et Jotomon se regardèrent, surpris, effrayés eux aussi. Qu'avait donc pu apprendre le Magistrat ? Même le stoïque Tsuyoshi (encore plus stoïque depuis qu'il ne pensait plus qu'aux dernières volontés de Kage-senseï) montra des signes d'inquiétude.
- Exceptionnel... répéta Hiruya.
Il se calma car ce n'était pas une attitude digne d'un samuraï mais il aurait préféré que la foudre d'Osano-Wo lui tombe dessus plutôt que d'entendre le récit des exploits de Ryu. Il ne parvenait pas encore à y croire !... Accuser le Gouverneur de complicité avec les Crabes !... L'insulter en public !... ainsi ! sans hésitation !...
- Nous partons sur l'heure à la Cité !
Les compagnons de voyage de notre héros le suivirent sans rien oser dire. Ryu ressortit de la tente, penaude. Les autres samuraï la regardèrent avec la plus grande sévérité. A elle seule, elle valait bien les autres catastrophes s'abattant sur l'Empire !

Flottant dans un bien-etre qui donnait un sentiment d'irréalité agréable à toutes choses, Ayame sortait de la maison de bains, dans une cité plongée dans un silence qui aurait pu être délicieux, mais qui était plutôt un silence de mort. L'air était pourtant léger, le ciel clair mais Ayame avait le sentiment d'être seule dans la Cité. Ikky la suivait mais participait du silence ambiant.
Au palais, la shugenja retrouva Shigeru qui maugréait en tournant dans les couloirs du palais pour s'occuper.
- Des troupes Licornes sont arrivées à la porte nord-ouest de la ville, fit le Crabe en reniflant. Elles ont installé leurs tentes. Elles sont commandées par le général Otaku Tetsuko, la tante du daimyo des Vierges de Bataille, Otaku Kamoko.
C'était dit parce qu'il fallait que ce soit dit mais Ayame ne voyait rien à en tirer.
En fin de journée, l'atmosphère changea brusquement.
Hiruya était de retour, et il n'était pas content !

Branle-bas de combat !
Il ne prit pas le temps de dire un mot sur son voyage, se contentant de présenter Kakita Kagetoki (Tsuyoshi n'étant pas venu au palais). Il demanda ensuite à s'entretenir en privé avec Ayame. La shugenja regrettait déjà le calme pesant de la journée. Maintenant, c'était l'agitation, l'empressement, pour complaire aux désirs de Hiruya-sama et se conformer à ses humeurs.
La shugenja essayait d'accepter cette situation. Elle se souvint que Hiruya avait dû apprendre peu avant les nouvelles, par Ryu. Notre shugenja croisa d'ailleurs la Dragon et lui sourit poliment mais dans ce sourire entrait clairement le message suivant : "il est l'heure de payer les pots cassés, Ryu-san."
Ayame soupira encore puis tapa au panneau de la salle de réception du Magistrat.
- Entrez, Ayame.
Hiruya avait le visage fermé. Il cachait à peine à quel point il était consterné, abattu. On sentait en lui une fragilité qu'il ne laissait jamais paraître. Mais cette fois, il chancelait. Il ne pourrait pas redresser seul la situation. Il avait un poids titanesque sur les épaules. Les deux samuraï se répétèrent où ils en étaient avec Goshiu. Hiruya pour arriver à s'en persuader, Ayame pour ne pas oublier que cette situation indébourbable était bien réel !
Hiruya tapa du poing sur la table basse :
- Nous devons refuser ce chantage de Goshiu !
Il savait bien que ce n'était pas possible. Ayame le lui rappela avec des mots choisis.
- En revanche, Hiruya-sama, nous devons solliciter nos alliés potentiels. Pour contrebalancer la toute-puissance du gouverneur.
- Le général Daini n'est pas prêt à négocier. Nous n'allons pas nous battre entre nous alors que les Crabes sont à nos portes ! Nous avons eu beau les repoussé, il en vient encore !... En chemin, nous en avons aperçu une troupe, qui doit encore se cacher dans la région !
Il était excédé.
- Les Licornes dans ce cas.
- Oui, pourquoi pas... Mais le clan de Shinjo était allié aux Scorpions à Beiden... Mais les Licornes soutiennent aussi les Dragons !
Il en résultait que les Licornes étaient en position de force : engagés dans la guerre sans y être plongés totalement, ils pouvaient combattre comme bon leur semblait, sans avoir d'envahisseurs sur leurs terres.
- Attendons de savoir ce que le général Otaku Tetsuko a l'intention de faire, suggéra la shugenja. Peut-être que son arrivée n'est pas étrangère à celle de Goshiu...
- Les Licornes voudraient prendre le pouvoir ici ?
- Qui sait ?...
Les deux samouraï restèrent silencieux un moment. Puis, Hiruya reprit, un ton plus bas :
- Ryu affirme que Goshiu a pactisé avec l'Ombre...
- Oui je le pense. Du moins, l'Ombre a placé la personne qu'elle souhaitait à la tête de la ville. Il n'est pas certain que Goshiu sache de quelle manipulation il est le jouet. Cela se produit, chez ceux qui sont trop sûrs d'eux et qui se croient à l'abri, quand ils croient tenir tout le monde entre leurs mains.
- Oui mais là il s'agit quand même de l'Ombre elle-même...
- Le danger est plus que jamais présent. La Cité va inévitablement devenir le théâtre d'affrontements dévastateurs.
Hiruya se leva, soupira très fort et se rassit.
- Et toi ?...
- Ma foi, toussota la shugenja, le besoin m'est passé. Je n'ai plus touché à ces herbes depuis mon arrivée au temple. Katsu-sama m'a permis de sortir, au moment où Goshiu est arrivé. Les Moines pensent que je suis capable d'oublier cette page de mon passé.
- Tant mieux. Au moins une bonne nouvelle... Denrée précieuse par les temps qui courent...
Hiruya fit appeler le reste de l'équipe. Elle se réunit au grand complet. Le Magistrat résuma la situation, objectivement, sans plus chercher les responsables mais des solutions !
- J'attends vos propositions, samouraï !
A suivre...
