28-02-2007, 08:08 PM
(This post was last modified: 28-02-2007, 08:43 PM by Darth Nico.)
Antonin Maréchal s'accorda huit royales heures de sommeil et émergea péniblement. La première qu'il vit fut la demi-nuit perpétuelle d'Exil à travers la vitre de son appartement et le verre de la bouteille vide de whisky forgien.
Il se sentait lourd et crasseux. Il avait froid de saleté. Il s'accorda une voluptueuse douche brûlante. Il entendait le bruit des canalisations, bruit qui semblait provenir d'un univers lointain, métallique, inconnu.
Il retourna au commissariat en pleine journée. Il n'étais pas frais, il n'avait pas envie d'aller travailler mais enfin, il tiendrait le coup.
Pour changer, une bonne nouvelle l'attendait : la secrétaire lui tendit un gros dossier administratif qui venait d'arriver.
A l'intérieur, son attestation de reclassement et son nouveau badge. Il pouvait maintenant se nommer : inspecteur 2e classe Maréchal !
Il vit alors ses collègues sortir dans l'entrée et l'applaudir.
- Ah, finit-il, faussement naïf, vous étiez au courant ?
Novembre arriva avec une bouteille de bon cru 199.
- Allez, on va boire le coup quand même. Autant profiter des bonnes occasions.
Ce fut luxueux : des verres de rouge dans les vieux verres du comissariat qu'on ne sortait en général que pour le nouvel an, sur la table de la tisanerie.
- Viens, ton bureau est prêt. Oui, on t'a préparé ton petit chez toi !
- Oh fallait pas !
Le nouvel inspecteur traversa le couloir, suivi des autres : il avait son nom sur la porte au verre dépoli.
"Antonin Maréchal".
Oui, ça en jetait !
Il poussa la porte de son domaine. C'était l'annexe de chez lui désormais !
Un bureau bien rangé avec un bon siège en cuir. Et sur le bois de la planche, la trace des talons de son prédécesseur.
- Allez, je te laisse, dit Novembre. Tiens, à propos, on a reçu un autre dossier : on va avoir un nouveau. ADMINISTRATION a bien fait les choses. Ils nous envoient un détective qui sort juste du Quai des Oiseleurs.
- Très bien.
- Tu pourrais peut-être t'occuper de-
- Quoi, moi, veiller sur lui ?
- Tu serais une vraie mère pour lui...
- Vous êtes dur, inspecteur.
- Hé, cause correct à ton égal, fit Novembre avec un clin d'oeil. Allez, je te laisse prendre possession des lieux.
Maréchal transporta son bazar et bientôt la pièce était devenue un beau capharnaüm. Mais il se sentait bien dans son territoire. Il en profita pour piquer un petit somme agréable.
Jean-François de Portzamparc, devant sa glace, s'habillait pour son premier jour de travail. Sa femme veillait de près à sa correction.
- Remets ton col, il n'est pas droit. Et ce noeud de cravate...
- Tu regardes pour un nouvel appartement ?
- J'ai déjà commencé à me renseigner sur le quartier. Je vais contacter des agences immobilières et puis j'irai faire un tour là-bas. J'en profiterai pour acheter quelques babioles. Si tu veux, on peut se retrouver quand tu sortiras du commissariat.
- Pourquoi pas, mais je ne peux rien te promettre. Tu sais, à SÛRETÉ, on n'est pas des bureaucrates, on est avant tout des hommes de terrain. On ne peut pas compter nos heures.
- J'espère qu'ils ne te garderont pas trop longtemps le premier jour. Allez va, tu es magnifique !
De Portzamparc embrassa sa femme et descendit prendre le tramway. Il en eut pour une demi-heure de trajet, dans une rame presque vide.
Il descendit à l'arrêt Mägott Platz, traversa le grand espace, passa devant la banque Pham'Velker et le syndicat des tisseurs.
Il trouva le petit commissariat, dans une rue discrête. Il se présenta à la secrétaire qui prit son nom et commença à le taper, avec deux doigts, à la machine. Mais elle tapait si lentement qu'à ce rythme, il y en avait pour la soirée.
- Que se passe t-il, Priscilla ? dit un grand policier fatigué, la cinquantaine, en s'approchant.
- Ce monsieur est le nouveau détective, fit la secrétaire de sa voix perchée.
- Ah très bien. Inspecteur 1ère classe Jules Novembre. Enchanté, monsieur ?
- Jean-François de Portzamparc. Enchanté, inspecteur.
- Venez, vieux. Pendant que mademoiselle Blandie remplit votre dossier, on va vous faire faire le tour du propriétaire.
Le détective découvrit les lieux, à l'exception de celui du commissaire qui, selon Novembre, était "occupé pour le moment". La visite se termina par le bureau de l'inspecteur Maréchal, qu'on réveillait manifestement. Il serra la main de Portzamparc, impatient de retourner à ses "occupations".
- J'espère que nous ferons du bon travail ensemble.
- Je n'en doute pas !
Maréchal referma la porte et reprit place dans son siège. Il rechercha le fil perdu de ses rêves et se rendormit bien vite.
De Portzamparc déposa ses affaires au vestiaire et alla s'asseoir au bureau des détectives. L'atmosphère était calme. Rampoix jouait aux cartes avec Gandin. On ne misait que des allumettes et on fumait beaucoup. Le jeune arrivant se joignit à la partie.
La journée commençait en douceur...