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Dossier #1 : Le cuisinier de l'Hippocampe
#7

Maréchal attendait à une table, dans un coin tranquille de la pièce. Un orchestre à cordes accordait ses instruments sur scène. En sourdine, les rires, les verres qui trinquent, l'agitation de la salle d'à coté, celle des jeux. Une soirée ordinaire au Novö-Art.
Elle descendit, une petite demi-heure après avoir été prévenue par Dimitri que l'inspecteur l'attendait. Elle savait bien qu'il venait pour lui parler de Tourville mais elle n'en oubliait pour autant pas son rôle de femme fatale.
- Bonsoir, inspecteur.
- Je peux vous offrir un verre ?

Elle commanda un cocktail à Dimitri et Maréchal eut l'intuition qu'elle y était habituée.
- Je viens vous voir car j'aurais besoin d'en apprendre davantage sur Tourville. D'abord, était-il passionné par les courses de chevaux ?
Elle fut sincérement étonnée de la question.
- Non, je ne crois pas... Il ne m'en avait jamais parlé si c'était le cas...
- Il vous a parlé de ses assurances ?
- Pas tellement.
- Il était à son compte ?
- Comment cela ?
- Il vendait des assurances. Il a fait la tournée des hôtels bas de gamme du quartier. J'ai cru comprendre qu'il était à son compte.
Elle était maintenant stupéfaite. Elle se demandait si on lui parlait bien du Tourville qu'elle connaissait.
- Où vous êtes-vous rencontrés ?
- C'était dans le quartier de la rue Verte.
Un quartier chic. Le quartier des courses hippiques. C'était il y a deux mois.
- Il ne s'intéressait pas aux chevaux à ce moment ?
- Non...
- Et ensuite ?
- Ensuite, il m'a dit qu'il avait besoin de venir ici, à Mägott Platz. Qu'il avait besoin de s'y installer. Il m'a dit qu'il me prendrait une chambre dans cet hôtel mais qu'il ne pourrait pas toujours être avec moi.
- Vous avez accepté ?
- Oui.
Elle avait dit oui comme une petite fille qui avoue qu'elle a choisi de faire une bêtise.
- Vous lui connaissiez des ennemis ?
- Non. Mais je m'aperçois, à vous écouter, que je le connaissais bien peu. Il y avait quelque chose de dur en lui, d'intransigeant... ce qui a pu lui attirer des ennuis.
- Entendu.
- Vous avez appris d'autres choses ?
- Ce que je vous ai dit. Les courses hippiques et les assurances.
- Merci, inspecteur. Je sais que vous venez en dehors de vos heures de service. Rien ne vous oblige à...
- Je vous en prie. SÛRETÉ mettra tout en oeuvre pour retrouver votre fiancé.
Etant entendu que Maréchal ne se serait pas déjà donné cette peine s'il s'était agi de la disparition de la femme d'un clerc de notaire !

Il remit son chapeau, salua la belle Ute et rentra dans son appartement, seul, où l'attendait une bouteille de vieil alcool.

Le lendemain, il était en avance au commissariat et demandait à la secrétaire de lancer des recherches sur Tourville, grâce au réseau de CONTRÔLE. Il passa la journée dans des paperasses, à ranger son nouveau bureau et à remplir des formulaires pour la section SÛRETÉ de la rue Verte : il en aurait besoin pour enquêter à l'hippodrome. De Portzamparc lui aussi découvrait les joies des dossiers administratifs.
Ce fut une journée plate comme un verre d'eau.

Le lendemain, journée de congé. Maréchal quitta brièvement son logis pour faire des courses. Le couple de Portzamparc visita des appartements.
Le jour d'après, les deux policiers se retrouvaient à l'aurore devant le commissariat et assistèrent à la brève réunion du matin dirigée par Novembre.
- Bon, les enfants, on ne va pas vous retenir. Vous avez du trajet à faire et il ne faut pas que vous soyez en retard pour le départ des canassons !
Les deux policiers saluèrent.
Ils partaient se frotter au beau monde !

Il leur fallut une partie de la mâtinée pour monter les étages de la Cité, par Ballon-Taxi et par deux lignes de tramway pour atteindre la rue Verte.
Ils quittaient les brumes des alentours de la cité industrielle et montaient dans l'air de plus en plus pur d'Exil. Le jour à cet endroit était un peu plus clair et on ressentait une certaine euphorie à renouer avec une atmosphère plus libre, un ciel plus dégagé, des bâtiments plus harmonieux, plus espacés, avec une vie meilleure que celle de la brume et de l'acier.
Ici, presque pas de petites ruelles mais de grands espaces : jardins, promenades, terrasses, passerelles occupées par des boutiques de luxes... La rue Verte, jolie avec ses boutiques de fleuristes, ses balcons fleuries, ses femmes aux robes à motifs végétaux et ses grands arbres dignes et majestueux.
L'hippodrome se situait au bout de cette grande rue.

Maréchal et de Portzamparc retrouvèrent leur collègue à l'entrée, l'inspecteur Tircelan, qui se chargea de les faire rentrer rapidement.
- Qu'est-ce qui vous amène dans notre quartier, chers collègues ?
Il parlait avec un léger accent snob : on sentait qu'il avait affaire aux crimes des beaux quartiers. La mort restait la mort, mais dans des univers feutrés et entre gens du beau monde.
- Nous cherchons deux personnes ici. Juste pour les interroger.
Il fallait presque que les deux policiers de Mägott Platz viennent s'excuser de venir crotter la rue Verte avec leurs godillots usés sur les pavés des prolos !
Du reste, ils souhaitaient mener leur enquête seuls. Et l'inspecteur Tircelan avait sa place dans une tribune d'honneur aujourd'hui.

L'après-midi commençait, par un discours du bourgmestre puis par une démonstration de sauts d'obstacles. Mais nos deux policiers n'assistaient pas au spectacle, ils étaient dans les coulisses. Ils regardaient les parieurs se précipiter au coude à coude vers les guichets et sortir frénétiquement leurs liasses de billets. L'effervescence grimpait à chaque demi-heure.
Les premières courses partirent et nos deux policiers ne les suivaient que par les clameurs du public, ses desespoirs, ses hourrah et ses attentes. Eux venaient voir les deux contacts que l'ouvrier Ballack avait fournis à Tourville : un gardien et un soigneur.
De Portzamparc s'était posté près de l'entrée. Il observait le gardien qui filtrait les arrivants. Maréchal, près des paddocks observait le soigneur : il parlait avec les belles dames, les messieurs importants, il faisait son petit numéro, s'affairait près des chevaux, enguirlandait les curieux qui s'approchaient trop près, caressait les bêtes, criait ses ordres à la cantonade...
Si Ballack avait dit vrai, un de nos deux policiers pouvait s'attendre à voir Tourville arriver près d'un des deux contacts.
L'après-midi passa, au rythme des courses et de la voix tonitruante du commentateur, dont la voix résonnait dans les haut-parleurs. Des fortunes furent échangées. Les hommes de la brigade financière veillaient et mirent le grappin sur quelques escrocs pas assez discrêts.
En fin de journée, alors que Tourville n'était pas apparu, de Portzamparc alla voir le gardien et demande à lui parler à part.
- Est-ce que le nom de Tourville vous dit quelque chose ?
- Non, jamais entendu.
- Et Darchambault ?
- Ah oui, lui j'ai entendu. Il aurait dû venir aujourd'hui, mais je ne l'ai pas vu. Il m'avait été recommandé par un copain, et je devais lui filer quelques tuyaux.
- Vous êtes sûr de ne pas l'avoir vu ?
- Certain.
- Bien, merci.

De son côté, Maréchal ne fut pas plus en veine. Il put approcher le soigneur, entre deux soins au célèbre Jean-Xavier Mercure Otonoriso 4e du nom (étalon dont les saillies atteignaient parfois 3500 velles) mais il était évident qu'il était importun. Il sentait l'huile, l'acier et le pavé des travailleurs.
- Non, je n'ai pas vu ce monsieur Tourville dont on m'avait il est vrai assuré qu'il viendrait s'enquérir d'informations sur les courses, mais il n'est pas apparu ici.
- D'accord, merci.

Grognon, Maréchal partit rejoindre son collègue à la buvette. Tircelan vint les prévenir qu'une certaine Lamborghini avait appelé.
Elle informait la police que Tourville ne viendrait pas.
Maréchal vida son verre d'eau pétillante (l'eau des jockeys champions) et remercia son collègue.
- Nous pouvons rentrer.
- Au revoir, messieurs.

Le voyage de retour fut monotone et même déplaisant. Il est agréable de retrouver son quartier habituel, et même sa saleté, son brouillard peuvent sembler de vieux amis mais Maréchal s'en voulait d'envier sa place à Tircelan. Et pour cette raison, il avait envie de le mépriser.
Le soir, il mangeait une soupe à l'oignon en compagnie de Novembre, pendant que le couple de Portzamparc signait pour son nouvel appartement.

Le soir, dans sa chambre du Novö-Art, Ute Lamborghini recevait un appel de Maréchal :
- Inspecteur...
- Nous sommes allés rue Verte.
- Je vous ai appelé déjà que j'ai su.
- Vous avez appris que Tourville ne viendrait pas ?
- Oui, il m'a appelé.
L'inspecteur avait une voix fatiguée mais cette nouvelle le sortit de sa lassitude.
- Il m'a dit qu'il était suivi par la police. Il était furieux. Il m'a menacé de ne plus revenir.
Elle retenait ses larmes.
- Il a eu des mots terribles quand je lui ai dit que c'est moi qui le faisait chercher.
- Cette affaire semble donc plus grave que prévu, mademoiselle Lamborghini. Nous ne pouvons plus abandonner. Que vous a dit d'autre Tourville ?
- Rien de particulier.
- Vous ne saviez pas d'où il appelait ?
- Je crois qu'il m'appelait du bord de l'océan. J'ai entendu la sirène d'un navire derrière lui.
- Le bord de l'océan ? Bien, je vais voir ce que je peux en tirer. Merci mademoiselle.

Elle était bien plus maline qu'elle ne voulait le montrer. Maréchal sortit de la loge de la concierge, qu'il avait gentiment priée de sortir et il alla se coucher pour de bon.
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