05-11-2007, 01:50 PM
(This post was last modified: 25-12-2007, 12:45 AM by Darth Nico.)
Les paysans, postés dans l'entrebaîllement de la porte, muets de stupeur, observaient Ryu, qui n'avait pas remué un cil depuis presque une journée.
- Quelle sainte femme, murmuraient-ils, étonnés qu'une grande mystique comme elle ait choisi leur grange pour venir méditer !
Quand une troupe de soldats de la famille Mirumoto fit son entrée dans le village, Ryu ouvrit un oeil. Bayushi Kishidayu était avec eux. Ryu se leva et dit, mal réveillée :
- Allez, allons-y.
Et ils y allèrent.
En même temps qu'elle demandait des renforts à Heibetsu, Ryu avait ordonné aux villageois de trouver des pisteurs. Ceux-ci s'étaient empressées de répondre à la demande.
Ainsi, la troupe menée par Ryu rencontra-t-elle les pisteurs, qui revenaient vers le village.
- Alors, quelles nouvelles ?
- Noble Ryu-sama ! Nos recherches nous ont menés bien prêts de la frontière du Phénix, où il semble que votre oncle se soit rendue.
- Allons-y, ordonna Ryu.
Il fallut une bonne journée de marche pour traverser les montagnes jusqu'à la frontière la plus occidentale du clan du Phénix. C'était une région aride, presque inhabitée. A leur grande surprise, ils trouvèrent, au poste frontalier, non des bushi de la famille Shiba, mais des Licornes ! Et des plus rustres : des Moto !
Avec leur carrure trapue et leur air farouche, ils ressemblaient à de gros barbares en armure.
- Que faites-vous ici, demanda Ryu.
- Laissez-moi vous expliquez, honorable samuraï, dit l'un d'eux, de sa voix rude, déplaisante. Mon nom est Moto Josuke. Je suis le bras droit du seigneur Shinjo Morito, dont l'armée campe non loin d'ici. Notre armée est venue au secours du clan du Phénix, et depuis, nous avons obtenu l'autorisation de nous établir ici pour surveiller les frontières les plus reculées : ici à l'ouest, tandis que Morito-sama est au grand nord, près des frontières yobanjin. Naguère, c'était le clan du Blaireau qui protégeait ces régions. Mais depuis sa disparition, nous avons pris sa place.
- Je vois, fit Ryu. Je cherche Mirumoto Osamu. Il est en fuite.
- Voici trois jours, un samuraï de votre clan est passé par ici, seul. Mais nous n'avions pas de raison de le retenir. Nous avons ordre de surveiler les barbares, pas d'entraver la marche de nos frères Dragon ou Phénix.
- Je vois...
- Je suis désolé. Si nous avions su que ce bushi était recherché par la Magistrature d'Emeraude...
- Nous allons continuer, dit Ryu, laconique. En terres Phénix, ou plus loin peut-être, vu celui que nous recherchons...
Les Moto saluèrent la troupe et reprirent leur garde vigilante.

Ayame s'était réveillée avec la bouche pâteuse. Non seulement elle, Ikky et Kitabakate n'avaient pas parlé complots, mais en plus, elles avaient forcé sur le saké. Ce n'était pas dans les habitudes de l'ascète shugenja, qui avait bien des défauts, mais pas celui de la boisson !
La tête lourde, Ayame prit un bain brûlant. Ikky était déjà dans le tonneau, immergée jusqu'aux épaules. La tête penchée en arrière, elle somnolait.
- Nous allons parler au caporal.
Ikky grogna une vague approbation... Comme si elle avait le choix !
Ayame somnola aussi et la mâtinée était bien avancée quand les deux femmes finirent de se préparer. Après la prière et le repas, elles sortirent en ville, où l'agitation était retombée. Miya Katsu se trouvait souvent dans les bâtiments du Lion Noir, avec Kohei et Shigeru, pour étudier des plans de bataille.
Les deux Phénix se rendirent aux logements des sous-officiers, où elles n'eurent pas de mal à se faire conduire à la chambrée du caporal Hiroru. Qu'elles viennent directement lui parler, au lieu de le faire convoquer, produisait toujours de l'effet chez le commun des mortels, qui se trouvait soudain face à face avec des samuraï d'Emeraude !
- Tiens, qui voilà, sourit Hiroru, de vieilles amies.
- Nous avons à parler, dit Ayame.
Le caporal les suivit paresseusement, en plaisantant au passage avec des soldats.
On s'installa dans la salle à manger collective, encore déserte à cette heure-ci.
- Que puis-je faire pour vous ? soupira, amusé, le "Ninja".
La réponse d'Ayame claqua comme un coup de fouet :
- Tu peux nous parler de ce que tu as dit à Emmon.
- Oh oh ! comme vous y allez de si bon matin !
- Nous avons fouillé sa maison à Morikage Toshi. Emmon n'en serait pas parti sans de bonnes raisons. Il y avait des traces chez lui. Je connais peu de personnes capables de s'introduire chez quelqu'un comme lui... Depuis, il est introuvable.
- Vous êtes perspicace, Ayame...
- A toi de me raconter ce qui s'est passé.
- J'avais un vieux compte à régler avec lui.
- Il savait beaucoup de choses.
- Oui, dit Hiroru, et je voulais qu'il m'aide à retrouver mon passé.
- C'est à dire ?
- C'est à dire ceux qui ont fait de moi ce que je suis.
- Tu es soldat maintenant. Tu en as fini avec ce personnage de "Ninja Blanc".
- Peut-être pas.
- Qui a fait de toi un "Ninja" ? Kitabakate ?
- Non.
- Emmon faisait partie de ces gens ?
- Je l'ignore.
- Il devait bien en faire partie, puisque c'est à lui que tu t'adressais !
- C'est à Kitabakate que je dois parler maintenant.
- Cela peut se faire sans difficulté, dit Ayame, intéressée. Mais méfie-toi : tu ne pourras pas la menacer comme Emmon.
- Ce n'est pas mon intention.
- Tu as menacé Emmon de le tuer s'il ne parlait pas ?
- Oui, en gros.
- Il fallait que tu dois vraiment en position de force pour oser le menacer ainsi.
- J'ai été entraîné à cela.
- Emmon peut tuer un homme en un clin d'oeil.
- C'est trop lent. C'est leur laisser le temps de crier.
- Ce qu'il faudrait, c'est retrouver Emmon. Vous mettre tous face à face.
- Emmon doit être loin maintenant, Magistrate.
- Je vais parler à Kitabakate.
- Vous m'obligez grandement.
Les deux Phénix laissèrent le caporal repartir.
- Nous allons tout mettre à plat, annonça Ayame à sa yojimbo, qui, elle, n'était pas pressée d'assister à cette réunion !

Hiruya avait pris la route qui le ramenait vers le Village Stratégique du Nord. Il laissait derrière lui les régions côtières, traversant des provinces de son clan, dévastées. La plupart des villages étaient calcinés : on les brûlait lorsqu'on découvrait un cas de peste. Ces destructions s'ajoutaient à celles perpetrées par le clan du Crabe.
C'était la désolation. Le pays natal de Hiruya était défiguré. On ne pouvait croire qu'on était sur les terres du clan le plus raffiné de l'Empire. On se serait cru aux abords de la grande Muraille. Les Crabes, protecteurs de l'Empire, avait transformé, là où ils étaient passés, Rokugan en un avant-poste de l'Outremonde. Même avec leur retrait progressif, il faudrait des années et des années pour faire disparaître ces blessures ouvertes sur le sol des Grues.
A l'aube, Hruya et son hôte s'étaient quittés, en se saluant sur le quai, alors que passaient des patrouilles de soldats Asahina.
- J'accepte votre défi, Magistrat, et m'honore d'être votre adversaire. Je vous propose de revenir d'ici trois jours.
- Je serai au rendez-vous, avait dit Hiruya, et je remercie l'école Kenshinzen de prêter attention à l'indigne samuraï que je suis.
Et la discussion avec Daidoji Yajinden avait duré toute la nuit.
- Le Gozoku est une période bien troublée de notre Empire, avait dit Hiruya. Chaque fois que j'en ai entendu parler, ce n'était que guerres, assassinats, sombres secrets...
- Oui, cette époque fut témoin de profonds changements dans l'organisation de l'Empire. Le pouvoir du Trône était menacé. Tout aurait alors pu basculer.
- Quelle était cette légende racontée par Dajan ?
- C'était une légende rapportée par un femme importante, appelée la Novice. Elle en avait fait une pièce de théâtre, intitulée le Vol de la grue noire, qui racontait les exploits et la fin tragique d'un héros du peuple. La Grue Noire avait participé aux soulèvements contre le pouvoir impérial. Il était devenu une figure charismatique parmi les premiers samuraï qui perdirent leur clan : les rônins, regroupés dans le clan du Loup. On prêtait à la Grue Noire des pouvoirs surnaturels, dignes de ceux d'un shugenja, et un talent au sabre digne des bretteurs de légende. Cet homme était admiré autant des rônins que du peuple, qui y voyaient là un moyen de lutter contre la dynastie héréditaire des Hanteï et des autres familles impériales. Les sans-noms, les sans-clan trouvaient à lutter à armes égales avec les nobles samuraï de sang divin.
"La Grue Noire accomplit plusieurs exploits, dont l'assassinat de dignitaires impériaux en pleine cité de Bakufu, alors capitale de l'Empire. A l'époque, le trio dirigeant du Gozoku faisait mine de traquer la Grue Noire. En réalité, celle-ci éliminait surtout des dignitaires gênants aussi pour le pouvoir en place, qui avait considérablement affaibli les prérogatives de l'Empereur. De plus, le Gozoku prétendant gouverner au nom du peuple, le charisme de la Grue Noire pouvait lui servir.
"Mais il arriva un moment où ce personnage devint gênant pour le trio régnant. Doji Raigu, daimyo des Grues et champion d'Emeraude, ordonna alors sa capture, voire sa mise à mort immédiate. On raconte que pendant des mois et des mois, la Grue Noire nargua ses ennemis, renvoyant leur tête, les unes après les autres, à la Cité Interdite. A la fin, on raconte que c'est Doji Raigu en personne qui serait venu affronter son insaisissable ennemi. Il aurait gagné par traîtrise, grâce aux conseils de son compère, Bayushi Atsuki, le Maître des Secrets.
"Avec la mort de la Grue Noire, c'en était fini du prestigieux des rônins. Le Gozoku ne sut jamais qui avait entraîné un si formidable adversaire, ni qui il était. Ce mystère contribua évidemment à sa légende. C'est donc la Novice qui en fit une pièce de théâtre, qui était censée montrer quel destin funeste attend ceux qui se rebellent contre l'Ordre Céleste. Mais certains comprenaient la pièce autrement, et y voyait une défense de la Grue Noire, seule et héroïque face à l'injustice et la lâcheté du pouvoir impérial.
"A cette époque, la Novice était la protégée du Gozoku. Elle était bien vue à la cour. On disait même que le troisième membre du trio, Shiba Gaijushiko, lui aurait soufflé quelques vers de sa pièce. Mais c'est le conseiller personnel de Bayushi Atsuki, c'est à dire Bayushi Tangen deuxième du nom, ex-gouverneur de la Cité des Mensonges, qui conseilla bientôt à son maître de prendre de la distance par rapport à cette Novice. De fait, non seulement sa pièce tenait des propos ambigus, mais on prouva bien vite que la Novice avait lentement glissé vers l'hérésie : on retrouva des poèmes crachants à la face de l'Empereur, maudissant l'Ordre Céleste... Les preuves réunies par Bayushi Tangen étaient accablantes. La Novice dut s'enfuir. Elle s'installa au sud des actuelles terres Licornes et y fonda une communauté. Mais vivante, elle restait une menace. Le Gozoku envoya alors une troupe de Lions l'abattre pour de bon, elle et ses fidèles.
"Ayant entendu cette légende, je dis à mon maître :
- Senseï, pourquoi devrais-je, à mon tour, revêtir le costume d'un personnage maudit ?
- C'est l'esprit de la Novice qui était corrompu, répondit Dajan, pas celui de la Grue Noire, dont l'idéal était noble. C'est la Novice qui a voué son esprit aux ombres. La Grue Noire se battait pour la justice. C'est sa suite que tu dois prendre...
"Mon Maître veilla à mon entraînement, en m'envoyant sur les lointaines îles du clan de la Mante. Cela n'était pas difficile, étant donné que j'assistais les Magistrats en charge de la surveillance des côtes, avant d'en devenir contrôleur général. Pendant de longues périodes, je m'isolais et sur ces îles sous le vent, je fréquentais des gaijins qui me firent découvrir des techniques de combat redoutables, inconnues sur nos terres.
"Dajan, lui, partait de plus en plus longtemps en voyage. Il se rendait dans la lointaine vallée des Faucons, où il menait des études secrêtes, en compagnie d'un ancien Inquisiteur de la famile Asako, au sourire large et figé : Asako Nakiro. Je prenais de plus en plus mes distances avec Dajan. C'est alors que mourut une femme qui, dans mes premières années m'avait élevé. J'avais compris que, longtemps, elle avait été geisha. Et Dajan n'était pas le père. Il m'avait juste adopté, en s'assurant que ma mère aurait de quoi vivre.
"Sur les îles, il n'y avait pas que des gaijins ou des gens du clan de la Mante. Je fus aussi approché par des gens, fort aimables, qui me dirent qu'ils connaissaient bien Daidoji Dajan. Ils me firent comprendre qu'il avait été depuis longtemps leur ami, mais que, récemment, il avait mal tourné. Qu'il avait été fidèle à leur cause, sous le nom de Condor. Mais qu'il avait trahi certains principes, en allant dans la vallée des Faucons. Ils finirent par me dire qu'il avait touché à la maho-tsukaï, qu'Asako Nakiro était touché par la Souillure...
"Troublé, je revins dans mon domaine, et y attendit le retour de Dajan. Il revint enfin, en compagnie de Nakiro. Je lui demandai de m'expliquer ce qu'il allait faire. Il hurla que j'étais un insolent, que je devais payer de ma vie cet affront.
- Allons, Dajan-senseï, ne joue pas sur la corde de l'honneur... Cela ne te va pas.
"Furieux, Nakiro menaça de me rôtir sur place si je ne m'excusais pas. Je courbai l'échine et ne dit plus rien. On épargna ma vie. Mais la lueur démoniaque que j'avais vue dans leurs yeux, à eux deux, ne me laissait pas de doute. Ils s'étaient livrés à des rituels de magie interdite. Peu après, Dajan et Nakiro repartaient, très impatients de reprendre leurs recherches. C'était la première fois que Dajan commettait une imprudence : avouer et me laisser en vie. Je mis cela sur le compte de la magie noire. Je retournai sur les îles, et dit aux anciens amis de Dajan que j'avais la preuve de sa corruption. Ravis, ils me dirent que le moment était venu de quitter mon maître, avant qu'il ne m'oblige à verser mon sang pour invoquer les dieux impies. Comme disent les marins de la Mante : "Il faut savoir quand le vent va tourner." Je pris cet adage à la lettre et ne revint pas à la date fixée retrouver Dajan. On me fit comprendre que ce dernier avait voué son âme à la corruption, qu'il était ivre de pouvoir. Que lui et la maison qu'il dirigeait, le Condor, devait dorénavant être détruite.
"Je fus donc intégré à une autre maison, sous la protection de son Maître, un seigneur vêtu de noir et masqué, nommé Cristal, qui me dit qu'il achéverait ma formation... Je n'eus plus de nouvelles de Dajan pendant des années. On m'envoya retrouver plusieurs de ses complices, et les tuer. On fit refleurir la légende de la Grue Noire, vivace dans la mémoire du peuple plus que des samuraï.
"Je n'avais que peu de contacts avec Cristal. D'ailleurs, j'étais peu sollicité. D'autres que moi se faisaient passer pour la Grue Noire, tandis que j'étais envoyé pour les missions les plus périlleuses. La plupart du temps, j'agissais comme un samuraï ordinaire. J'étais contrôleur général du commerce. Je me bâtissais un petit royaume sur les côtes, m'enrichissant du trafic commercial qui allait des terres Yobanjin aux îles et jusqu'aux raffineries de saké de Yasuki Taka ! Je me créais des relations étroites avec le clan de la Tortue, avec les organisations yakuzas... Je devins un des samuraï les plus riches de ma famille.
"Il y a trois ans, Cristal vint me voir à nouveau. Il me sembla qu'il avait changé. Comme je ne connaissais pas son visage, je me dis que l'homme derrière le masque n'était plus le même... Il venait pour une mission de la plus haute importance. Je devais me rendre à Heibetsu, sur les terres du Dragon, pour en ramener une shugenja nommée Agasha Nahoko. Je réussis dans cette mission, en organisant une diversion : je m'étais adjoint les services d'une bande de Crabes, attirés par une potion de perles miraculeuses contre la Souillure de l'Outremonde. Isawa Ayame aurait pu faire échouer nos plans. Elle fut discréditée le temps qu'il fallait.
"Mais quelqu'un d'autre, sans le savoir, se dressait sur mon chemin : toi, Kakita Hiruya. Un vieil oracle m'avait prévenu qu'un samuraï dans cet Empire, était pour moi un ennemi fatal, qu'il me faudrait affronter un jour ou l'autre. Qu'il serait lié à moi par un sort implacable, décidé par les dieux avant notre naissance... Tu as choisi de m'épargner ce jour-là. Ou tu as été trop lent à m'exécuter... Quoi qu'il en soit, Nahoko m'a permis de m'en tirer. Ensuite, nous sommes repartis vers l'est. Sur le chemin, je semai des morceaux de poèmes de la Novice, connue dans cette région grâce à l'Ize Zumi matérialiste qui s'était passionné pour elle, juste avant sa mort. Nous avions déjà aux trousses l'Inquisiteur Kitsuki Hanbeï. Nous lui échappâmes, puis nous partîmes sur l'océan, grâce au passeur Gempachi.
"Tu connais la suite. Dans la Vallée des Cloches de la Mort, je retrouvai Dajan au moment où tu étais face à lui. C'était moi qui te sauvai la vie cette fois. Puis on m'envoya à la Cité des Mensonges, avec Nahoko, exécuter les derniers complices de Dajan. Mais tu fus plus rapide, et tu fis le travail à ma place. Entre temps, j'avais organisé pour Daidoji Uji le convoi de poudre gaijin pour la Cité des Apparences. Il était entendu que cette ville ne reviendrait pas aux Lions. Il m'était facile de me procurer cet explosif, grâce aux gaijins des sept mers qui accostent sur les îles de la Mante...
Yajinden se frotta les yeux.
Il parlait sans discontinuer depuis des heures. Il but et croqua un fruit. Il avait vidé tout son passé. Il soupira, libéré. Il avait attendu tant d'années pour trouver quelqu'un à qui tout raconter. Quand bien même cette personne fût-elle son ennemi juré. Les deux samuraï durent s'assoupir un moment, sans même craindre que l'autre en profite. Il était entendu que le moment n'était pas venu.
L'aube pointait quand ils ressortirent de la cabine.
On nettoyait le pont, les voiles. On ramenait du poisson. Le Magistrat et le Contrôleur se saluaient.
Le soir tombait. Hiruya, fourbu, était de retour au Village Stratégique du Nord.
A suivre...
- Quelle sainte femme, murmuraient-ils, étonnés qu'une grande mystique comme elle ait choisi leur grange pour venir méditer !
Quand une troupe de soldats de la famille Mirumoto fit son entrée dans le village, Ryu ouvrit un oeil. Bayushi Kishidayu était avec eux. Ryu se leva et dit, mal réveillée :
- Allez, allons-y.
Et ils y allèrent.
En même temps qu'elle demandait des renforts à Heibetsu, Ryu avait ordonné aux villageois de trouver des pisteurs. Ceux-ci s'étaient empressées de répondre à la demande.
Ainsi, la troupe menée par Ryu rencontra-t-elle les pisteurs, qui revenaient vers le village.
- Alors, quelles nouvelles ?
- Noble Ryu-sama ! Nos recherches nous ont menés bien prêts de la frontière du Phénix, où il semble que votre oncle se soit rendue.
- Allons-y, ordonna Ryu.
Il fallut une bonne journée de marche pour traverser les montagnes jusqu'à la frontière la plus occidentale du clan du Phénix. C'était une région aride, presque inhabitée. A leur grande surprise, ils trouvèrent, au poste frontalier, non des bushi de la famille Shiba, mais des Licornes ! Et des plus rustres : des Moto !
Avec leur carrure trapue et leur air farouche, ils ressemblaient à de gros barbares en armure.
- Que faites-vous ici, demanda Ryu.
- Laissez-moi vous expliquez, honorable samuraï, dit l'un d'eux, de sa voix rude, déplaisante. Mon nom est Moto Josuke. Je suis le bras droit du seigneur Shinjo Morito, dont l'armée campe non loin d'ici. Notre armée est venue au secours du clan du Phénix, et depuis, nous avons obtenu l'autorisation de nous établir ici pour surveiller les frontières les plus reculées : ici à l'ouest, tandis que Morito-sama est au grand nord, près des frontières yobanjin. Naguère, c'était le clan du Blaireau qui protégeait ces régions. Mais depuis sa disparition, nous avons pris sa place.
- Je vois, fit Ryu. Je cherche Mirumoto Osamu. Il est en fuite.
- Voici trois jours, un samuraï de votre clan est passé par ici, seul. Mais nous n'avions pas de raison de le retenir. Nous avons ordre de surveiler les barbares, pas d'entraver la marche de nos frères Dragon ou Phénix.
- Je vois...
- Je suis désolé. Si nous avions su que ce bushi était recherché par la Magistrature d'Emeraude...
- Nous allons continuer, dit Ryu, laconique. En terres Phénix, ou plus loin peut-être, vu celui que nous recherchons...
Les Moto saluèrent la troupe et reprirent leur garde vigilante.

Ayame s'était réveillée avec la bouche pâteuse. Non seulement elle, Ikky et Kitabakate n'avaient pas parlé complots, mais en plus, elles avaient forcé sur le saké. Ce n'était pas dans les habitudes de l'ascète shugenja, qui avait bien des défauts, mais pas celui de la boisson !
La tête lourde, Ayame prit un bain brûlant. Ikky était déjà dans le tonneau, immergée jusqu'aux épaules. La tête penchée en arrière, elle somnolait.
- Nous allons parler au caporal.
Ikky grogna une vague approbation... Comme si elle avait le choix !
Ayame somnola aussi et la mâtinée était bien avancée quand les deux femmes finirent de se préparer. Après la prière et le repas, elles sortirent en ville, où l'agitation était retombée. Miya Katsu se trouvait souvent dans les bâtiments du Lion Noir, avec Kohei et Shigeru, pour étudier des plans de bataille.
Les deux Phénix se rendirent aux logements des sous-officiers, où elles n'eurent pas de mal à se faire conduire à la chambrée du caporal Hiroru. Qu'elles viennent directement lui parler, au lieu de le faire convoquer, produisait toujours de l'effet chez le commun des mortels, qui se trouvait soudain face à face avec des samuraï d'Emeraude !
- Tiens, qui voilà, sourit Hiroru, de vieilles amies.
- Nous avons à parler, dit Ayame.
Le caporal les suivit paresseusement, en plaisantant au passage avec des soldats.
On s'installa dans la salle à manger collective, encore déserte à cette heure-ci.
- Que puis-je faire pour vous ? soupira, amusé, le "Ninja".
La réponse d'Ayame claqua comme un coup de fouet :
- Tu peux nous parler de ce que tu as dit à Emmon.
- Oh oh ! comme vous y allez de si bon matin !
- Nous avons fouillé sa maison à Morikage Toshi. Emmon n'en serait pas parti sans de bonnes raisons. Il y avait des traces chez lui. Je connais peu de personnes capables de s'introduire chez quelqu'un comme lui... Depuis, il est introuvable.
- Vous êtes perspicace, Ayame...
- A toi de me raconter ce qui s'est passé.
- J'avais un vieux compte à régler avec lui.
- Il savait beaucoup de choses.
- Oui, dit Hiroru, et je voulais qu'il m'aide à retrouver mon passé.
- C'est à dire ?
- C'est à dire ceux qui ont fait de moi ce que je suis.
- Tu es soldat maintenant. Tu en as fini avec ce personnage de "Ninja Blanc".
- Peut-être pas.
- Qui a fait de toi un "Ninja" ? Kitabakate ?
- Non.
- Emmon faisait partie de ces gens ?
- Je l'ignore.
- Il devait bien en faire partie, puisque c'est à lui que tu t'adressais !
- C'est à Kitabakate que je dois parler maintenant.
- Cela peut se faire sans difficulté, dit Ayame, intéressée. Mais méfie-toi : tu ne pourras pas la menacer comme Emmon.
- Ce n'est pas mon intention.
- Tu as menacé Emmon de le tuer s'il ne parlait pas ?
- Oui, en gros.
- Il fallait que tu dois vraiment en position de force pour oser le menacer ainsi.
- J'ai été entraîné à cela.
- Emmon peut tuer un homme en un clin d'oeil.
- C'est trop lent. C'est leur laisser le temps de crier.
- Ce qu'il faudrait, c'est retrouver Emmon. Vous mettre tous face à face.
- Emmon doit être loin maintenant, Magistrate.
- Je vais parler à Kitabakate.
- Vous m'obligez grandement.
Les deux Phénix laissèrent le caporal repartir.
- Nous allons tout mettre à plat, annonça Ayame à sa yojimbo, qui, elle, n'était pas pressée d'assister à cette réunion !

Hiruya avait pris la route qui le ramenait vers le Village Stratégique du Nord. Il laissait derrière lui les régions côtières, traversant des provinces de son clan, dévastées. La plupart des villages étaient calcinés : on les brûlait lorsqu'on découvrait un cas de peste. Ces destructions s'ajoutaient à celles perpetrées par le clan du Crabe.
C'était la désolation. Le pays natal de Hiruya était défiguré. On ne pouvait croire qu'on était sur les terres du clan le plus raffiné de l'Empire. On se serait cru aux abords de la grande Muraille. Les Crabes, protecteurs de l'Empire, avait transformé, là où ils étaient passés, Rokugan en un avant-poste de l'Outremonde. Même avec leur retrait progressif, il faudrait des années et des années pour faire disparaître ces blessures ouvertes sur le sol des Grues.
A l'aube, Hruya et son hôte s'étaient quittés, en se saluant sur le quai, alors que passaient des patrouilles de soldats Asahina.
- J'accepte votre défi, Magistrat, et m'honore d'être votre adversaire. Je vous propose de revenir d'ici trois jours.
- Je serai au rendez-vous, avait dit Hiruya, et je remercie l'école Kenshinzen de prêter attention à l'indigne samuraï que je suis.
Et la discussion avec Daidoji Yajinden avait duré toute la nuit.
- Le Gozoku est une période bien troublée de notre Empire, avait dit Hiruya. Chaque fois que j'en ai entendu parler, ce n'était que guerres, assassinats, sombres secrets...
- Oui, cette époque fut témoin de profonds changements dans l'organisation de l'Empire. Le pouvoir du Trône était menacé. Tout aurait alors pu basculer.
- Quelle était cette légende racontée par Dajan ?
- C'était une légende rapportée par un femme importante, appelée la Novice. Elle en avait fait une pièce de théâtre, intitulée le Vol de la grue noire, qui racontait les exploits et la fin tragique d'un héros du peuple. La Grue Noire avait participé aux soulèvements contre le pouvoir impérial. Il était devenu une figure charismatique parmi les premiers samuraï qui perdirent leur clan : les rônins, regroupés dans le clan du Loup. On prêtait à la Grue Noire des pouvoirs surnaturels, dignes de ceux d'un shugenja, et un talent au sabre digne des bretteurs de légende. Cet homme était admiré autant des rônins que du peuple, qui y voyaient là un moyen de lutter contre la dynastie héréditaire des Hanteï et des autres familles impériales. Les sans-noms, les sans-clan trouvaient à lutter à armes égales avec les nobles samuraï de sang divin.
"La Grue Noire accomplit plusieurs exploits, dont l'assassinat de dignitaires impériaux en pleine cité de Bakufu, alors capitale de l'Empire. A l'époque, le trio dirigeant du Gozoku faisait mine de traquer la Grue Noire. En réalité, celle-ci éliminait surtout des dignitaires gênants aussi pour le pouvoir en place, qui avait considérablement affaibli les prérogatives de l'Empereur. De plus, le Gozoku prétendant gouverner au nom du peuple, le charisme de la Grue Noire pouvait lui servir.
"Mais il arriva un moment où ce personnage devint gênant pour le trio régnant. Doji Raigu, daimyo des Grues et champion d'Emeraude, ordonna alors sa capture, voire sa mise à mort immédiate. On raconte que pendant des mois et des mois, la Grue Noire nargua ses ennemis, renvoyant leur tête, les unes après les autres, à la Cité Interdite. A la fin, on raconte que c'est Doji Raigu en personne qui serait venu affronter son insaisissable ennemi. Il aurait gagné par traîtrise, grâce aux conseils de son compère, Bayushi Atsuki, le Maître des Secrets.
"Avec la mort de la Grue Noire, c'en était fini du prestigieux des rônins. Le Gozoku ne sut jamais qui avait entraîné un si formidable adversaire, ni qui il était. Ce mystère contribua évidemment à sa légende. C'est donc la Novice qui en fit une pièce de théâtre, qui était censée montrer quel destin funeste attend ceux qui se rebellent contre l'Ordre Céleste. Mais certains comprenaient la pièce autrement, et y voyait une défense de la Grue Noire, seule et héroïque face à l'injustice et la lâcheté du pouvoir impérial.
"A cette époque, la Novice était la protégée du Gozoku. Elle était bien vue à la cour. On disait même que le troisième membre du trio, Shiba Gaijushiko, lui aurait soufflé quelques vers de sa pièce. Mais c'est le conseiller personnel de Bayushi Atsuki, c'est à dire Bayushi Tangen deuxième du nom, ex-gouverneur de la Cité des Mensonges, qui conseilla bientôt à son maître de prendre de la distance par rapport à cette Novice. De fait, non seulement sa pièce tenait des propos ambigus, mais on prouva bien vite que la Novice avait lentement glissé vers l'hérésie : on retrouva des poèmes crachants à la face de l'Empereur, maudissant l'Ordre Céleste... Les preuves réunies par Bayushi Tangen étaient accablantes. La Novice dut s'enfuir. Elle s'installa au sud des actuelles terres Licornes et y fonda une communauté. Mais vivante, elle restait une menace. Le Gozoku envoya alors une troupe de Lions l'abattre pour de bon, elle et ses fidèles.
"Ayant entendu cette légende, je dis à mon maître :
- Senseï, pourquoi devrais-je, à mon tour, revêtir le costume d'un personnage maudit ?
- C'est l'esprit de la Novice qui était corrompu, répondit Dajan, pas celui de la Grue Noire, dont l'idéal était noble. C'est la Novice qui a voué son esprit aux ombres. La Grue Noire se battait pour la justice. C'est sa suite que tu dois prendre...
"Mon Maître veilla à mon entraînement, en m'envoyant sur les lointaines îles du clan de la Mante. Cela n'était pas difficile, étant donné que j'assistais les Magistrats en charge de la surveillance des côtes, avant d'en devenir contrôleur général. Pendant de longues périodes, je m'isolais et sur ces îles sous le vent, je fréquentais des gaijins qui me firent découvrir des techniques de combat redoutables, inconnues sur nos terres.
"Dajan, lui, partait de plus en plus longtemps en voyage. Il se rendait dans la lointaine vallée des Faucons, où il menait des études secrêtes, en compagnie d'un ancien Inquisiteur de la famile Asako, au sourire large et figé : Asako Nakiro. Je prenais de plus en plus mes distances avec Dajan. C'est alors que mourut une femme qui, dans mes premières années m'avait élevé. J'avais compris que, longtemps, elle avait été geisha. Et Dajan n'était pas le père. Il m'avait juste adopté, en s'assurant que ma mère aurait de quoi vivre.
"Sur les îles, il n'y avait pas que des gaijins ou des gens du clan de la Mante. Je fus aussi approché par des gens, fort aimables, qui me dirent qu'ils connaissaient bien Daidoji Dajan. Ils me firent comprendre qu'il avait été depuis longtemps leur ami, mais que, récemment, il avait mal tourné. Qu'il avait été fidèle à leur cause, sous le nom de Condor. Mais qu'il avait trahi certains principes, en allant dans la vallée des Faucons. Ils finirent par me dire qu'il avait touché à la maho-tsukaï, qu'Asako Nakiro était touché par la Souillure...
"Troublé, je revins dans mon domaine, et y attendit le retour de Dajan. Il revint enfin, en compagnie de Nakiro. Je lui demandai de m'expliquer ce qu'il allait faire. Il hurla que j'étais un insolent, que je devais payer de ma vie cet affront.
- Allons, Dajan-senseï, ne joue pas sur la corde de l'honneur... Cela ne te va pas.
"Furieux, Nakiro menaça de me rôtir sur place si je ne m'excusais pas. Je courbai l'échine et ne dit plus rien. On épargna ma vie. Mais la lueur démoniaque que j'avais vue dans leurs yeux, à eux deux, ne me laissait pas de doute. Ils s'étaient livrés à des rituels de magie interdite. Peu après, Dajan et Nakiro repartaient, très impatients de reprendre leurs recherches. C'était la première fois que Dajan commettait une imprudence : avouer et me laisser en vie. Je mis cela sur le compte de la magie noire. Je retournai sur les îles, et dit aux anciens amis de Dajan que j'avais la preuve de sa corruption. Ravis, ils me dirent que le moment était venu de quitter mon maître, avant qu'il ne m'oblige à verser mon sang pour invoquer les dieux impies. Comme disent les marins de la Mante : "Il faut savoir quand le vent va tourner." Je pris cet adage à la lettre et ne revint pas à la date fixée retrouver Dajan. On me fit comprendre que ce dernier avait voué son âme à la corruption, qu'il était ivre de pouvoir. Que lui et la maison qu'il dirigeait, le Condor, devait dorénavant être détruite.
"Je fus donc intégré à une autre maison, sous la protection de son Maître, un seigneur vêtu de noir et masqué, nommé Cristal, qui me dit qu'il achéverait ma formation... Je n'eus plus de nouvelles de Dajan pendant des années. On m'envoya retrouver plusieurs de ses complices, et les tuer. On fit refleurir la légende de la Grue Noire, vivace dans la mémoire du peuple plus que des samuraï.
"Je n'avais que peu de contacts avec Cristal. D'ailleurs, j'étais peu sollicité. D'autres que moi se faisaient passer pour la Grue Noire, tandis que j'étais envoyé pour les missions les plus périlleuses. La plupart du temps, j'agissais comme un samuraï ordinaire. J'étais contrôleur général du commerce. Je me bâtissais un petit royaume sur les côtes, m'enrichissant du trafic commercial qui allait des terres Yobanjin aux îles et jusqu'aux raffineries de saké de Yasuki Taka ! Je me créais des relations étroites avec le clan de la Tortue, avec les organisations yakuzas... Je devins un des samuraï les plus riches de ma famille.
"Il y a trois ans, Cristal vint me voir à nouveau. Il me sembla qu'il avait changé. Comme je ne connaissais pas son visage, je me dis que l'homme derrière le masque n'était plus le même... Il venait pour une mission de la plus haute importance. Je devais me rendre à Heibetsu, sur les terres du Dragon, pour en ramener une shugenja nommée Agasha Nahoko. Je réussis dans cette mission, en organisant une diversion : je m'étais adjoint les services d'une bande de Crabes, attirés par une potion de perles miraculeuses contre la Souillure de l'Outremonde. Isawa Ayame aurait pu faire échouer nos plans. Elle fut discréditée le temps qu'il fallait.
"Mais quelqu'un d'autre, sans le savoir, se dressait sur mon chemin : toi, Kakita Hiruya. Un vieil oracle m'avait prévenu qu'un samuraï dans cet Empire, était pour moi un ennemi fatal, qu'il me faudrait affronter un jour ou l'autre. Qu'il serait lié à moi par un sort implacable, décidé par les dieux avant notre naissance... Tu as choisi de m'épargner ce jour-là. Ou tu as été trop lent à m'exécuter... Quoi qu'il en soit, Nahoko m'a permis de m'en tirer. Ensuite, nous sommes repartis vers l'est. Sur le chemin, je semai des morceaux de poèmes de la Novice, connue dans cette région grâce à l'Ize Zumi matérialiste qui s'était passionné pour elle, juste avant sa mort. Nous avions déjà aux trousses l'Inquisiteur Kitsuki Hanbeï. Nous lui échappâmes, puis nous partîmes sur l'océan, grâce au passeur Gempachi.
"Tu connais la suite. Dans la Vallée des Cloches de la Mort, je retrouvai Dajan au moment où tu étais face à lui. C'était moi qui te sauvai la vie cette fois. Puis on m'envoya à la Cité des Mensonges, avec Nahoko, exécuter les derniers complices de Dajan. Mais tu fus plus rapide, et tu fis le travail à ma place. Entre temps, j'avais organisé pour Daidoji Uji le convoi de poudre gaijin pour la Cité des Apparences. Il était entendu que cette ville ne reviendrait pas aux Lions. Il m'était facile de me procurer cet explosif, grâce aux gaijins des sept mers qui accostent sur les îles de la Mante...
Yajinden se frotta les yeux.
Il parlait sans discontinuer depuis des heures. Il but et croqua un fruit. Il avait vidé tout son passé. Il soupira, libéré. Il avait attendu tant d'années pour trouver quelqu'un à qui tout raconter. Quand bien même cette personne fût-elle son ennemi juré. Les deux samuraï durent s'assoupir un moment, sans même craindre que l'autre en profite. Il était entendu que le moment n'était pas venu.
L'aube pointait quand ils ressortirent de la cabine.
On nettoyait le pont, les voiles. On ramenait du poisson. Le Magistrat et le Contrôleur se saluaient.
Le soir tombait. Hiruya, fourbu, était de retour au Village Stratégique du Nord.
A suivre...
